• Aucun résultat trouvé

Le critère de la qualification de personne physique

SECTION I LA DÉFINITION DU CONSOMMATEUR, SUJET ACTIF DU DROIT A L'INTEROPERABILITE

B. Le critère de la qualification de personne physique

129. La limitation légale aux seules personnes physiques350. L'article préliminaire du Code de la

consommation et la directive no 2011/83/UE du 25 octobre 2011 s'inscrivent dans la lignée des directives

précédentes quant à l’application de la qualité de consommateur aux seules personnes physiques351. Par une

interprétation littérale de la définition juridique du consommateur, nous devrions donc conclure, à l'instar de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), à une exclusion des personnes morales du champ d'application du régime spécifique du consommateur352.

Cependant, cette interprétation ne semble pas faire l'unanimité. En effet, la personne morale peut se trouver dans la « même position de faiblesse»353 qu’une personne physique vis-à-vis du cocontractant professionnel,

ce qui peut laisser à penser que la définition juridique n'est pas en adéquation avec la réalité de la relation contractuelle. Ainsi, « la définition adoptée reste cependant assez loin de la conception beaucoup plus extensive que souhaitaient pouvoir adopter ou conserver certains États, en y incluant, par exemple, les elle [la Cour de cassation] se démarque immédiatement du juge communautaire en relevant que l’article L. 132-1 du Code de la consommation dans la version issue de la loi no 95-96 du 1er février 1995 (transposant justement la Dir. du 5 avril 1993) vise deux

catégories de victimes de clauses abusives : le non-professionnel et le consommateur. Pour la Cour de cassation, il existe donc en droit interne une distinction entre le consommateur et le non-professionnel, celui-ci incluant la personne morale […] ». 349 J.-P. Pizzio, « Le consommateur est une personne physique », D. 2002, p. 2929.

350 N. Sauphanor-Brouillaud, E. Poillot, C. Aubert et G. Brunaux, Les contrats de consommation – Règles communes, LGDJ, coll. Traité de droit civil (dir. J. Ghestin), 2012, p. 103 : « (…) la distinction entre le professionnel et le consommateur s'opère suivant un critère personnel : le consommateur est toujours une personne physique, mais le professionnel peut être indifféremment une personne physique ou morale ».

351 Directive 97/7/CE du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, JOCE n° L 144 du 4 juin 1997, p. 0019-0027 ; Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, JOCE n° L 149, p. 0022 - 0039.

352 Aujourd’hui, Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). CJCE, affaires jointes C-541/99 Cape Snc / Idealservice Srl et C- 542/99 Idealservice MN RE Sas / OMAI Srl, 22 nov. 2001, CCC. 2002, n° 18, obs. G. Raymond ; JCP G. 2002 II.10047, note G. Paisant : « une personne autre qu’une personne physique, qui conclut un contrat avec un professionnel, ne saurait être regardée comme un consommateur au sens de ladite disposition [art. 2.b directive 93/13/CEE] ».

353 Avis n° 792 (2012-2013) de Mme Nicole Bonnefoy, op. cit., p.53 : « la définition retenue soulève deux questions : d’une part, celle des professionnels personnes physiques, qui n’exercent pas leur activité sous forme de société et peuvent se trouver, à l’égard d’autres professionnels, de fait dans la même position de faiblesse qu’un consommateur – c’est le cas par exemple pour un artisan ou un exploitant agricole à l’égard d’un opérateur de téléphonie mobile –, et, d’autre part, celle des personnes morales qui n’ont pas d’activité commerciale, à l’instar de certaines associations ou syndicats de copropriétaires, qui peuvent également se trouver dans la même position qu’un consommateur personne physique à l’égard de professionnels ».

personnes morales »354.

L’opposition n’est pourtant pas aussi tranchée qu’elle y paraît. En effet, aux termes de la directive 2011/83/UE355, les législations nationales peuvent faire bénéficier aux personnes morales du régime de

protection du consommateur de cette directive, dès lors que lesdites personnes morales ne sont pas qualifiées de « consommateurs ». Les personnes morales « non-professionnelles » et les personnes physiques « consommateurs » pourraient donc bénéficier du même régime juridique356.

Plus précisément, deux arrêts de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation ont fixé le champ d'application

de la notion de « non-professionnel ». Par un arrêt du 15 mars 2005, elle a explicitement exclu de la catégorie des « consommateurs » les personnes morales et a considéré qu'un syndicat professionnel n'était pas éligible à la protection contre les clauses abusives357. De plus, d'après la Cour, les personnes morales n'exerçant pas

d'activité professionnelle, tel qu'un syndicat de copropriétaires, les syndicats ou les associations, sont assimilés à des « non-professionnels » et ne relèvent pas de la catégorie des « consommateurs »358.

130. Le choix de la définition légale du consommateur. Malgré les critiques qui peuvent être formulées à son égard, la définition, posée par l'article 2.1 de la directive 2011/83/UE et par l'article préliminaire du Code de la consommation, demeure la référence. Aussi, il convient de retenir, pour les développements à venir et sous les réserves exprimées quant aux personnes morales agissant hors de leur activité professionnelle, que le

354 A. Debet, « La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 : de nouvelles règles européennes encadrant les contrats à distance », Comm. Com. Electr., avril 2012, étude 8.

355 Cons. 13 de la directive 2011/83/UE

356 A. Debet, « La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 : de nouvelles règles européennes encadrant les contrats à distance », Comm. Com. Electr., avril 2012, étude 8 : « les États membres peuvent étendre le bénéfice de la directive à des contrats qui ne relèvent pas du champ d’application de celle-ci, notamment à des personnes morales ou physiques qui ne sont pas des consommateurs, pourvu, sans doute, que le droit interne ne les qualifie pas comme tels ». Sur la notion de non-professionnel, cf. N. Sauphanor-Brouillaud, E. Poillot, C. Aubert et G. Brunaux, Les contrats de consommation – Règles communes, LGDJ, coll. Traité de droit civil (dir. J. Ghestin), 2012, p. 145 : « il ressort de la jurisprudence interne que sont créanciers des obligations communes aux contrats de consommation, d'une part le consommateur, catégorie réservée aux personnes physiques agissant pour leurs besoins personnels et d'autre part, les personnes morales qui n'exerçant pas une activité professionnelle, sont assimilés à des non-professionnels. Sont exclus du bénéfice de la protection, les personnes morales exerçant une activité professionnelle, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le point de savoir si le contrat qu'elles ont conclu présente ou non un rapport direct avec leur activité ».

357 Civ. 1ère, 15 mars 2005, n° 02-13285, Bull. Civ. I, n° 135 ; D. 2005, AJ, p. 887, obs C.R. et J., p. 1948, note A. Boujeka ; CCC 2005,

comm. 100, obs. G. Raymond ; JCP G 2005, II, 10114, note G. Paisant ; JCP E 2005, 679, note D. Bakouche ; RDC 2005, p. 740 note Fenouillet ; RTD civ. 2005, p. 393, obs. J. Mestre et B. Fages ; LPA 12 mai 2005, n° 95, p. 12, note D. Bert.

358 Civ. 1ère, 23 juin 2011, n° 10-30645, Bull. Civ. I n° 122 ; LEDC 2011, comm. 123 et RDC 2011, p. 1246, notes N. Sauphanor-

Brouillard ; CCC 2011, comm. 224, obs. G. Raymond ; JCP G. 2011, 1080, note G. Paisant ; JCP E 2011, 1660, note P. Lemay ; D. 2011, p. 2245, note S. Tisseyre ; Rev. loyers, 2011/919, n° 1328, p. 325, note D. Bert ; D. 2012, pan. Droit de la consommation, p. 844, obs. E. Poillot C. Rouquette-Térouanne, « Le syndicat des copropriétaies est un non-professsionnel au sens de l'article L. 136-1 du Code de la consommation », Loyers et copr. 2011, Etude 11, p. 13.

consommateur est défini, de manière générale, comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

Que dire alors de l'application de cette définition au droit à l'interopérabilité ? Plus précisément, devons- nous, sur ce sujet, faire application de la définition générale du consommateur ou nous référer à une définition spécifique du consommateur en matière de technologies de l'information et de la communication ?

II. L'absence de définition spéciale du consommateur, sujet actif du droit à l'interopérabilité

131. La question d'une définition spéciale du consommateur. L'interopérabilité est intégrée aux technologies de l'information et de la communication. Or, se pose la question de la pertinence d'une définition spéciale du consommateur en cette matière.

En effet, il existe par exemple un régime spécifique de protection du consommateur en matière de contrats conclus à distance359, comprenant, comme disposition phare, un droit de rétractation360. Dès lors, il est

légitime de se poser la question de savoir s'il est nécessaire de disposer d'une définition spécifique du consommateur en matière de commerce électronique361 et plus largement, pour le cas des technologies de

l'information et de la communication, et pour le droit à l'interopérabilité.

132. Plan. Nous verrons pourtant qu'aucune spécificité ne justifie une définition spéciale du consommateur s'agissant du droit à l'interopérabilité (A). L'analyse de la jurisprudence relative à la qualification du consommateur en matière de technologies de l'information et de la communication montre d'ailleurs bien qu'elle exclut toute catégorisation de cet acteur en fonction de ses connaissances et de ses compétences, et il sera fait application de la conception du consommateur moyen (B).

359 J. Passa, « Commerce électronique et protection du consommateur », D. 2002, p. 555. 360 Art. L. 121-16 et suivants, Code de la consommation.

361 Art. 14, Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, op. cit. : « le commerce électronique est l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. Entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent (…) ».

Outline

Documents relatifs