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La distinction de l'interopérabilité et des notions voisines

SECTION II LA DIVERSITE DE L'INTEROPÉRABILITÉ

B. L'interopérabilité logicielle

II. La distinction de l'interopérabilité et des notions voisines

47. Plan. L'usage de termes divers entretient la confusion sur la notion d'interopérabilité. La méconnaissance technique explique les difficultés à différencier l'interopérabilité de notions voisines. Cependant, de par les critères d'échange et d'utilisation mutuelle des données, la distinction d'autres termes semblant assez proches doit nécessairement être opérée. Parmi ces notions, celles de compatibilité (A) et de complémentarité (B) sont les plus couramment utilisées à mauvais escient. Doivent également être distinguées de l'interopérabilité les notions de connexion (C) et d'accessibilité (D), afin d'achever la présentation de l'objet du droit à l’interopérabilité.

A. La compatibilité

48. La définition de la compatibilité. La compatibilité est définie comme la « faculté, pour un programme, de pouvoir fonctionner dans des conditions différentes de celles pour lesquelles il a été initialement prévu »173. Plus précisément, la compatibilité est dite descendante lorsque qu'un système ou une technologie

fonctionne avec des versions qui lui sont antérieures. Elle est dite ascendante lorsque, a contrario, un système ou une technologie pourra fonctionner avec des versions postérieures, à venir.

La compatibilité induit donc que l'un des éléments mis en relation s'adapte forcément à l'autre. En d'autres termes, qu'elle soit ascendante ou descendante, la compatibilité se construit sur le fait que l'un des éléments doit incorporer, dès son élaboration, les instructions techniques nécessaires à son fonctionnement avec l'autre. De ce fait, l'un des éléments mis en relation ne dispose donc pas des instructions indispensables à la récupération des données de l'autre. Il est alors évident que le seul transfert de données est permis par la compatibilité, à l'exclusion de la capacité mutuelle à la réutilisation des données, comme c'est le cas pour l'interopérabilité.

49. La distinction de la compatibilité et de l'interopérabilité. La compatibilité est une expression souvent employée en lieu et place de celle d'interopérabilité. Pourtant, interopérabilité et compatibilité constituent bien des concepts techniques différents. Ainsi, il est désormais acquis que l'interopérabilité se compose de deux éléments au fondement même de la notion, à savoir l'échange de données, d'une part, et la capacité à utiliser mutuellement les données échangées, d'autre part. Cette construction bipartite fait défaut à la notion de compatibilité. En effet, la seule circulation de données suffit à caractériser la compatibilité.

En outre, à la différence de l'interopérabilité, qui s'établit par l'insertion d'un standard ouvert de communication sur un marché donné, la compatibilité nécessite, quant à elle, la démarche préalable d'incorporation des instructions pour chaque système ou technologie existant ou à venir. Madame David- Warcholak résume parfaitement cette caractéristique de la compatibilité, qui la différencie de l'interopérabilité, de la manière suivante : « l'interopérabilité se construit par référence à une norme ou un standard adopté par plusieurs constructeurs ou éditeurs, quand la compatibilité implique seulement l'adaptation d'une technologie aux caractéristiques d'une autre »174.

En conséquence, la seule compatibilité est insuffisante au consommateur de technologies de l'information et de la communication car il doit, pour chaque nouvel outil ou technologie, s'interroger sur son possible fonctionnement avec les autres éléments déjà en sa possession, ce qui n'est pas le cas de l'interopérabilité, où le recours à un standard ouvert de communication suffit à s'assurer du bon fonctionnement des éléments ensemble. La compatibilité ne peut donc pas se substituer à l'interopérabilité. Qu'en est-il de la complémentarité ?

B. La complémentarité

50. La définition de la complémentarité. La complémentarité désigne l'état d'éléments qui ajoutent des fonctionnalités aux autres. La complémentarité est une notion souvent utilisée simultanément avec celle d'interopérabilité.

51. La distinction de la complémentarité et de l'interopérabilité. Or, « la notion d’interopérabilité est très insuffisamment définie si l’on se contente de la tautologie que les systèmes doivent pouvoir fonctionner entre eux ; l’interopérabilité entre les systèmes fait nécessairement appel à l’idée de complémentarité : sur un plan matériel, il s’agit de faire fonctionner un périphérique (écran, mémoire de masse, dispositif de sauvegarde,

174 N. David - Warcholak, op. cit., p. 14 : « la compatibilité renvoie généralement à une relation asymétrique entre les technologies. Cela signifie que seule l'une des deux entités ou technologies fait l'effort de s'adapter aux caractéristiques de l'autre. La compatibilité a aussi, en général, une dimension rétroactive puisqu'elle implique qu'une technologie s'adapte à une autre technologie déjà existante. Inversement, l'interopérabilité se caractérise plutôt par sa symétrie. Aucune des entités ou technologies parties à la relation ne fait l'effort de s'adapter particulièrement aux autres. Par contre, toutes les entités ou technologies s'adaptent à une technologie qui va servir de référence technique, c'est-à-dire une norme ou un standard technique. En d'autres termes, il n'y a pas une multiplicité de relations binaires, mais l'adoption par toutes les entités d'un certain nombre de caractéristiques techniques communes qui vont leur permettre de travailler ensemble. L'interopérabilité implique généralement que les constructeurs s'accordent sur la norme à suivre, en amont de la mise de leur produit sur le marché ; une anticipation qui n'est ordinairement pas présente dans le cas de la compatibilité ».

modem, etc.) avec une unité centrale ; sur un plan logiciel, il s’agit soit de permettre à un deuxième logiciel la greffe sur un logiciel existant de certains raccourcis, facilités, menus supplémentaires, soit de permettre le passage de données du premier au second, pour des actions différentes, etc. Un logiciel de gestion de fichiers qui viendrait ajouter des fonctionnalités au logiciel standard livré avec un certain environnement ajoute et ne remplace pas »175.

Ainsi, la complémentarité n'exclut pas l'interopérabilité ou la compatibilité. La complémentarité désigne en effet le fait d'ajouter une fonctionnalité supplémentaire à un autre élément, cet ajout se réalisant soit par la mise en œuvre de l'interopérabilité, soit par celle de la compatibilité. De même, la notion de connexion s'associe à celle d'interopérabilité.

C. La connexion

52. La définition de la connexion. Le terme « connexion » a pour racine étymologique l'expression latine connexio, du verbe connectere qui signifie « lier ». Littéralement, la « connexion » désigne donc le lien entre deux éléments. En informatique, la connexion est la liaison établie entre des éléments physiques. Le terme interconnexion est quant à lui utilisé pour désigner la mise en relation de plusieurs éléments distincts.

53. La distinction de la connexion et de l'interopérabilité. La connexion est donc à différencier de l'interopérabilité dans le sens où la connexion désigne le lien entre deux outils alors que l'interopérabilité renvoie, quant à elle, non pas à la relation physique de deux éléments mais plutôt à la capacité de ces éléments à partager et à réutiliser les données échangées. Connexion et interopérabilité sont indissociables car il ne peut y avoir interopérabilité sans l'établissement d'une connexion. Cependant, le raisonnement inverse n'est pas valable car une connexion peut exister sans interopérabilité, en présence d'une compatibilité par exemple. La distinction de la connexion et de l'interopérabilité étant accomplie, il convient à présent d'aborder la dernière notion parfois confondue avec l'interopérabilité, celle d'accessibilité.

175 X. Linant de Bellefonds, « Le droit de décompilation des logiciels : une aubaine pour les cloneurs ? », JCP G., no 12, I, 18 mars

D. L'accessibilité

54. La définition de l'accessibilité. Dans le domaine informatique, l'accessibilité est la démarche de rendre utilisable, par des personnes souffrant d'un handicap, un outil ou un logiciel.

55. La distinction de l'accessibilité et de l'interopérabilité. L'accessibilité trouve donc à s'appliquer à la seule recherche de solutions techniques pour permettre l'utilisation par tous des technologies de l'information et de la communication. L'accessibilité n'est donc pas à assimiler à l’interopérabilité. Cette comparaison de l'interopérabilité et de l'accessibilité conclut la démarche de distinction de l'interopérabilité des notions voisines.

56. Conclusion de la Section. Il existe différents types d'interopérabilité : l'interopérabilité logicielle et l'interopérabilité matérielle. Pour autant, l'interopérabilité matérielle ne peut se concevoir sans interopérabilité logicielle, le recours à différents logiciels pour la mise en relation de matériels étant inévitable.

Ces différents types d'interopérabilité doivent être distingués des notions voisines, principalement la compatibilité, la complémentarité, la connexion et l'accessibilité. On constate cependant que la difficulté d’appréhension de la notion d'interopérabilité rend problématique sa différenciation d'avec les notions précédemment exposées, en particulier celle de compatibilité176. L'effort de distinction de l'interopérabilité

des notions voisines est néanmoins nécessaire car la mise en œuvre du droit à l'interopérabilité ne pourra s'effectuer que par l'adoption de dispositions législatives et réglementaires relatives à la fois à l'échange de données ainsi qu'à la capacité à utiliser mutuellement les données échangées, et non limitées à la seule circulation des données.

57. Conclusion du Chapitre. Ainsi, un premier pas a été franchi sur le chemin de l'examen du droit à l'interopérabilité, celui de la circonscription de son objet, par la définition de la notion d'interopérabilité et la différenciation de cet élément des notions voisines. Il est rappelé que la définition retenue de l'interopérabilité sera la suivante : capacité d'éléments matériels ou immatériels à échanger des données et à utiliser mutuellement les données échangées, par le recours à des standards ouverts de

communication.

Compte tenu des développements précédents quant à l'établissement de cette définition, il est démontré que l'interopérabilité va bien au-delà du fait de faciliter le fonctionnement des outils, systèmes et technologies de l'information et de la communication. Elle s'avère être une nécessité dans ce domaine. « Plus encore, cette nécessité est généralisée jusqu'à devenir, parfois, absolue : l’interopérabilité devient un but en soi, existant par lui-même et pour lui-même de manière autonome »177.

L'interopérabilité constitue ainsi une condition sine qua non du libre choix du consommateur de ses outils et technologies de l'information et de la communication. Plus encore, l'interopérabilité s'impose comme un élément nécessaire à la pérennité et à l'utilisation, par le consommateur, de ses données numériques. De ce fait, l'interopérabilité apparaît d'une importance capitale pour le consommateur. Ce constat pose dès lors de nombreuses interrogations et pousse à la reconnaissance du droit à l'interopérabilité.

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