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L'éditeur de contenus numériques, garant de l'interopérabilité des données copiées à titre privé par le consommateur

SECTION II L'EDITEUR DE CONTENUS NUMERIQUES

B. L'éditeur de contenus numériques, garant de l'interopérabilité des données copiées à titre privé par le consommateur

203. La définition de la copie à titre privé456. Quand un consommateur veut accéder à des données

numériques sur un autre support que celui qui les a créées ou téléchargées, il doit nécessairement en faire une copie. Si cette copie est réalisée pour un usage personnel, elle est dite à titre privé. La copie à titre privé peut ainsi être définie comme la reproduction, pour un usage personnel et non public, d'une œuvre objet d'un droit d'auteur ou de droits voisins.

204. Le régime juridique de la copie à titre privé. Par principe, l'auteur d'une œuvre est seul à autoriser les reproductions de son œuvre. Si l'on s'en tient strictement à ce principe, la copie à titre privé serait illégale. Or, une telle rigueur n'apparaît pas dans l'intérêt du consommateur. En effet, ce dernier se trouverait contraint à l'utilisation d'un seul et unique support pour l'accès à l’œuvre.

C'est pourquoi l'auteur d'une œuvre ne peut, par application des dispositions de l'article L. 122-5, 2° du Code de la propriété intellectuelle, interdire « les copies ou reproductions réalisées à partir d'une source licite et strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des œuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée (...) »457. Il s'agit donc d'une exception au droit de l'auteur d'autoriser les reproductions

456 Sur la notion de copie à titre privée, cf. A. Lucas, H.-J. Lucas et A. Lucas-Schloetter, Traité de la propriété littéraire et artistique, 4e

éd., Lexisnexis, 2012, p. 354 et s. ; J.-M. Bruguière et M. Vivant, Droit d'auteur et droits voisins, 2e

éd., Précis Dalloz, 2013, p. 486 et s. ; A. R. Bertrand, Droit d'auteur, 3e ed., Dalloz action, 2010, p. 331 et s. ; P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, 8e éd.

PUF, coll. Droit fondamental, 2012, p. 342 et s.

de son œuvre458.

205. La nécessité de l'interopérabilité pour la garantie de la copie à titre privé. Le consommateur est donc légalement autorisé à réaliser des copies, pour son usage strictement personnel, des œuvres numériques dont il dispose légalement459. Or, cette faculté ne sera effective que si le consommateur ne se

trouve pas confronté à l'obstacle technique d'un défaut d'interopérabilité. L'exception de copie privée est donc dépendante de la garantie de l'interopérabilité et, par voie de conséquence, des moyens techniques utilisés par l'éditeur pour la mise à disposition des contenus numériques460.

Code de la propriété intellectuelle, interdire « les reproductions réalisées à partir d'une source licite, strictement réservées à l'usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective ».

458 F. Pollaud-Dulian, « Exception de copie privée en France », in Les exceptions au droit d'auteur, État des lieux et perspectives dans l'Union européenne, Dalloz, août 2012. Pour certains, il s'agit plutôt d'un droit. Au terme de la célèbre affaire Mulholland Drive, la Cour de cassation a elle maintenu la qualification d'exception au droit d'auteur. Civ. 1ère, 28 févr. 2006, n° 05 -15.824., JCP 2006.

10084, note Lucas ; 2006.I.162, § 12, obs. Caron ; JCP E 2006. 2178, § 8, obs. Pignatari, et § 11, obs. H.J. Lucas ; D. 2006. AJ. 784, obs. Daleau ; D. 2006. Pan. 2996, obs. Sirinelli ; Propr. intell. 2006, n° 19, p. 179, ibs. Lucas ; n° 24, p. 364, obs. Vivant ; RLDI 2006, mars, n° 405, p. 35, obs. Costes ; RIDA 2006, 209, p. 323, obs. Kéréver ; CCE 2006, comm. 56, obs. Caron ; RTD com. 2006. 370, obs. Pollaud-Dulian ; 400, obs.Gaudrat ; JurisData n° 2006-032368. Et sur renvoi Paris, 4e ch., 4 avr. 2007, Propr. intell. 2007,

n° 24, p. 320, obs. Lucas ; CCE 2007, comm. 68, note Caron. ; V.-L. Benabou, « Les routes vertigineuses de la copie privée au pays des protections techniques... A propos de l'arrêt Mulholland Drive », visible sur le site : juriscom.net, mai 2005.

A. R. Bertrand, Droit d'auteur, Dalloz action 2010, Chapitre 111, section 1, § 3 : « En réalité le statut légal de la copie privée est aujourd'hui très complexe, et dans plusieurs situations, on est effectivement en présence non pas d'une exception mais bien d'un droit. En effet, en matière d'ouvrages et de revues sur supports papier, indépendamment du fait qu'il est matériellement impossible d'interdire leur reproduction par photocopie notamment à titre de l'exception pour copie privée, la loi du 3 janvier 1995 a créé un droit de reprographie (CPI, art. L. 122-10), qui est géré par une société de perception et de répartition des droits agréée à cet effet, et qui est une sorte de licence légale, à laquelle l'auteur, qui reçoit en principe une rémunération à ce titre, ne peut s'opposer. Dans la pratique, comme dans les faits, nous sommes bien ici en présence d'un droit à la copie privée, alors que l'auteur est quant à lui effectivement dépossédé de l'exercice de son droit de reprographie ! Enfin la loi du 3 juillet 1985 a instauré le principe d'une rémunération pour copie privée, dont le principe figure actuellement sous l'article L. 311-1 du CPI ».

P.-Y. Gautier, « La copie privée et le droit d'auteur en général depuis la loi du 1er août 2006 », D. 2006, p. 2155 : « (…) étant donné que la loi réaffirme à plusieurs reprises la faculté pour l'usager de copier les œuvres à titre privé et que l'ARMT est en charge d'une police qui sera sans doute stricte des mesures techniques de protection, on n'est tout de même pas loin d'un véritable droit subjectif du public (notion stimulante). On atteint ici les limites du vocabulaire juridique ».

459 Sur la question de la licéité de la source, cf. J.-M. Bruguière et M. Vivant , Droit d'auteur et droits voisins, 2e

éd., Précis Dalloz, 2013, p. 787.

460 CSPLA, J. Martin, « Rémunération pour copie privée et mesures de gestion électronique des droits », oct. 2006 : « Les MTP constituent, dans certains cas, des obstacles mis – délibérément ou non – à l'interopérabilité technologique entre les fabricants de lecteurs et les producteurs et titulaires des droits des contenus. Ainsi, un nombre non négligeable de lecteur au format MP3, aujourd'hui commercialisés en France, ne permettent pas de lire des fichiers musicaux téléchargés, y compris licitement contre rémunération, sur des sites musicaux Internet détenus par des producteurs ou des diffuseurs n'utilisant pas la même norme de protection. Le rapporteur à l'Assemblée nationale du projet de loi soulignait ainsi que Universal Music, en France, s'est jusqu'à présent refusé à protéger ses CD, notamment au motif que, dans l'état de l'art, la protection peut gêner voire empêcher l'usage normal de l'oeuvre licitement acquise. Cette question constitue l'une des principales sources de préoccupation des consommateurs, (…) les entraves mises aux pratiques de copie privée sont susceptibles de nourrir, à terme, la désaffection du public pour les matériels et les supports d'enregistrement. On observera que la nouvelle loi répond en partie à ces craintes, avec notamment l'obligation d'information des consommateurs sur les restrictions à l'utilisation ou à la copie (L. 331-12 CPI) et la garantie de la mise en œuvre effective de l'interopérabilité (L. 331-5 à L. 331-6 CPI) » ; M. Dieng, Exceptions au droit d'auteur et mesures techniques de protection, Thèse Université Panthéon- Assas, 2012 ; V.-L. Benabou, « De l'efficacité de l'exception en elle- même à sa confrontation aux mesures techniques », Propr. intell. 2007, n° 25, p. 423.

II. Les moyens techniques de mise en œuvre de l'interopérabilité par l'éditeur de contenus numériques : la mise à disposition dans un format ouvert et non protégé

206. La mise à disposition de contenus numériques dans un format ouvert et non protégé. Comme pour le cas de l'éditeur de logiciels, l'éditeur de contenus numériques dispose d'un moyen technique efficace pour la mise en œuvre de l'interopérabilité des données qu'il met à la disposition du consommateur : la diffusion des contenus dans un format ouvert. En effet, comme il a été rappelé précédemment, seul le recours à un format ouvert garantit au consommateur le libre choix de ses outils numériques ainsi que la pérennité de ses données. Pour le cas des contenus numériques qu'il télécharge, l'utilisation d'un format ouvert fournit au consommateur l'assurance de leur interopérabilité et donc celle de pouvoir en faire usage sur le support de son choix.

207. Plan. Toutefois, la garantie de l'interopérabilité par l'éditeur de contenus numériques ne peut se concevoir avec le recours à des mesures techniques de protection (B), définies sommairement comme un système technique qui permet aux détenteurs de droits, sur un objet soumis à un droit de propriété intellectuelle de spécifier, voire de contrôler ce qu'un utilisateur peut en faire (A)461.

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