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PRESENTATION DU TERRAIN : LA SITUATION SOCIOLINGUISTIQUE DE LA REUNION

3. Le créole réunionnais : un statut incertain

Cet exposé sur le statut du créole en synchronie est malaisé à organiser. Se repose ici la question de savoir si c'est la situation officielle, institutionnellement établie, qui influence les représentations sociales, ou si au contraire ce sont les "imaginaires linguistiques"152,

repérables à partir des discours épilinguistiques, qui, dans la mesure où ils ont une action sur les usages et sur les systèmes, influencent les décisions institutionnelles quant au statut des langues.

Comme il faut bien se résoudre à commencer par un des deux aspects, nous prenons ici le parti d'amorcer ce paragraphe, pour plus de clarté, par ce qui est le moins discutable, par les faits sociaux officiels, le statut institutionnel du créole. Cela ne signifie pas, notons-le, que notre point de vue consiste à penser que les représentations sociales ne sont qu'une émanation des données officielles.

3.1. Le créole : une langue ?

Une des questions de fond que pose la nature du statut du créole est celle de savoir si l'on doit désigner le créole comme une langue ou comme une variété. Il semble qu'une solution possible consiste à désigner comme "variétés" celles dont les jugements évaluatifs ont tendance à se référer à la norme linguistique d'une autre langue, normalisée et standardisée. Nous voyons bien que nous sommes en plein cœur de la problématique de la diglossie et de la hiérarchisation sociale des langues dans une communauté linguistique donnée ; cette langue standard, par rapport à laquelle les variétés sont jugées et évaluées, fonctionne comme modèle normatif de référence, aussi sur le plan linguistique (comme étalon de correction) que sur le plan social (comme modèle sociolinguistique à atteindre). Ce critère de distinction entre langue et variété est également retenu par Pierre Knecht (in Moreau (éd.), 1997), qui, s'attachant à formuler une définition de la notion de "langue standard" écrit :

152 La théorie de l'imaginaire linguistique a été proposée par Anne-Marie Houdebine (1993, 1996), qui définit cette notion comme "le rapport du sujet à lalangue (Lacan) et à La Langue (Saussure) […] repérable et repéré dans les commentaires évaluatifs sur les usages ou les langues […]" (1996 : 17). Elle a ensuite été reprise et étayée dans le travail de thèse de Cécile Canut, 1996 : Dynamique et imaginaire linguistique dans les sociétés à

177 "Une langue standard se démarque donc en premier lieu par rapport à des variétés qui n'ont pas été artificiellement normalisées, comme les dialectes, dont les normes de correction, tout aussi réelles, ne sont pas explicitées." (1997 : 194)

De nature largement sociolinguistique, la distinction opérée entre une langue et un dialecteest liée aux représentations sociales dans la mesure où les jugements épilinguistiques dépendent des attitudes linguistiques qu'adoptent les sujets locuteurs vis-à-vis des langues, attitudes qui elles-mêmes sont des expressions des représentations sociales et / ou des "imaginaires linguistiques" (Houdebine, 1993, 1996).

On remarquera que le sens implicite que donne Pierre Knecht (ibid.) à la normalisation153 correspond davantage à ce que nous avons désigné, avec Didier de Robillard

(in Moreau (éd.), 1997), et Daniel Baggioni (in Moreau (éd.), 1997) comme la standardisation. Sa remarque indique toutefois que les variétés, sociolinguistiquement définies comme telles parce qu'elles ne sont pas standardisées, n'en possèdent pas moins des normes linguistiques internes, implicites, qui en font des systèmes linguistiques autonomes.

On peut se poser la question de l'autonomie en ce qui concerne le créole réunionnais. Comme nous l'avons expliqué, ce créole, comme les autres, s'est constitué au travers de différentes restructurations opérées à partir d'approximations successives des français populaires et dialectaux dont les premiers colons français au 17e siècle étaient locuteurs. Or comme le montre Robert Chaudenson (1992a, 1995, 1997) le processus de créolisationaboutit à une autonomisation du système linguistique du créole par rapport au français. Prenant l'exemple des créoles français, Chaudenson note ainsi que :

"[…] quoique l'essentiel des matériaux linguistiques mis en œuvre dans les créoles ait été d'origine française, ces systèmes se sont rapidement autonomisés par rapport au français." (Chaudenson, in Moreau (éd.), 1997 : 109)

En ce sens, le créole réunionnais serait bien, au même titre que les autres créoles, un système linguistique autonome, et ce même si, comme l'indique Annegret Bollée (1985) 87 à 90 % du lexique créole provient du français.

Pour clarifier les choses et éviter d'entrer dans l'interminable débat qui oppose les conceptions du créole réunionnais comme langue ou comme non langue, nous nous résolvons ici à parler de "système linguistique", défini comme système d'oppositions, inventaire de formes et de règles, etc. De ce point de vue, le créole réunionnais est sinon totalement autonome, du moins suffisamment spécifique dans ses formes basilectales pour que l'on parle de système linguistique. Le créole réunionnais est donc un système encore jeune, que Chaudenson (1981) estime fixé entre les années 1715 et 1720, qui a été décrit aussi bien sur le plan lexical (Chaudenson, 1974a ; Armand, 1987 ; Baggioni, 1987), phonologique (Staudacher), que syntaxique (Cellier, 1985 Ramassamy, 1986). Il est également pris en compte sur le plan national puisqu'il a été officiellement reconnu comme "langue régionale".

3.2. Le créole "langue régionale"

153 Cette définition que donne Pierre Knecht de la normalisation coïncide avec la conception de W. Stewart (1968) pour qui la normalisation est la codification et l'acceptation par une communauté de locuteurs d'un système formel de normes qui définissent l'usage correct.

situation de contacts de langues : la Réunion.

Le créole a été déclaré "langue régionale" par un arrêté ministériel du 15 juin 1982. Cette loi a été publiée dans le journal officiel du 17 juin 1982. Dès lors, il s’est ajouté à la liste des "langues et dialectes à extension régionale délimitée" sur laquelle figurent aussi, entre autres langues, le breton, le basque, l’alsacien, l'occitan, etc. Ainsi, depuis 1982, et en accord avec le décret précité, le créole peut, en théorie, être enseigné à l'école, sous forme optionnelle. Dans la pratique cependant, rares sont les initiatives de ce type, qui nécessitent des démarches longues et la plupart du temps mal considérées socialement. Au niveau universitaire, on se doit toutefois de mentionner au moins deux initiatives. La première concerne un programme d'enseignement de langue et de culture régionale, mis en place sous la responsabilité de Pierre Cellier en 1983, qui n'a duré que le temps de trois années universitaires. Un esprit similaire à celui de cette initiative se retrouve à l'heure actuelle à l'Institut de Linguistique et d'Anthropologie (I.L.A.), dirigé par Christian Barat à l'Université de la Réunion, au sein duquel sont enseignées la langue et la culture réunionnaises, mais aussi les langues et cultures dites ancestrales, comme le malgache, le hindi, l'ourdou, l'arabe, le chinois, etc. La seconde initiative revient à l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM) de la Réunion, qui prévoit chaque année une option d'enseignement du créole, mais qui n'est que peu suivie par les étudiants.

On peut toutefois se demander s'il n'y aura pas du changement avec la ratification de la France, au mois de juin 1996, de la Charte Européenne des Langues Régionales ou Minoritaires, qui vise à :

"[…] la protection des langues régionales ou minoritaires historiques de l'Europe, dont certaines risquent, au fil du temps de disparaître, [et entend contribuer] à maintenir et à développer les traditions et la richesse culturelle de l'Europe." (préambule, p. 1)

Les termes de cette Charte européenne, visant ainsi au maintien et la protection des langues minorées et / ou régionales, sont forts et très explicites. La communauté économique européenne se veut une communauté plurielle, plurilingue, et le respect et la promotion des langues régionales, dans la limite, naturellement, de la préservation de l'intégrité territoriale et nationale, relève, selon ses termes, d'une des valeurs fondamentales de la démocratie :

"Conscients du fait que la protection et la promotion des langues régionales et minoritaires représentent une contribution importante à la construction d'une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la diversité culturelle, dans le cadre de la souveraineté nationale […]." (Préambule, p. 1)

Sans commenter tous les paragraphes de la Charte, mentionnons tout de même qu'elle traite très explicitement des problèmes d'assimilation linguistique qu'entraînent les situations de minoration sociolinguistique, et s'élève clairement contre ce type d'évolution :

"Soulignant la valeur de l'interculturel et du plurilinguisme, et considérant que la protection et l'encouragement des langues régionales ou minoritaires ne devraient pas se faire au détriment des langues officielles et de la nécessité de les apprendre […]." (préambule, p. 1) Elle évoque de fait le thème de l'enseignement de ces langues, et ce, à tous les niveaux d'instruction (préscolaire, scolaire, secondaire, technique, et universitaire). Les pays ratifiant ont le droit de ne pas donner leur accord à tous les paragraphes du texte, mais doivent

179 souscrire à un nombre minimum de points prévus par la Charte. Chaque paragraphe représente en fait un domaine d'application dans lequel l'usage de la langue minorée prévoit d'être requis. La ratification de la Charte entraîne par conséquent l'admission des langues régionales et / ou minoritaires dans des domaines tels que l'enseignement, les activités et équipements culturels et les médias, mais aussi dans la vie économique et sociale. Les pays s'engagent ainsi par exemple à :

"[…] exclure de leur législation toute disposition interdisant ou limitant sans raisons justifiables le recours à des langues régionales ou minoritaires dans les actes de la vie économique et sociale, et notamment dans les contrats de travail […]." (Art. 13, p. 3), mais aussi dans le domaine judiciaire (Art. 9), et administratif (Art. 10).

On sait que la France a longtemps hésité avant de ratifier cette Charte. Cette hésitation n'est pas très surprenante. Sur le plan linguistique, il semble que la France, et ce notamment par rapport aux autres pays européens, est relativement "frileuse". On peut penser que l'unification linguistique de la période révolutionnaire, qui prônait la langue française comme unique langue de la République et garante de la cohésion nationale, ait crée en France, et de façon, sinon irréversible, au moins difficile, voire douloureuse à dépasser, une sorte de spectre, du plurilinguisme, de peur de la diversité linguistique.

Lors d'une conférence faite à la mairie de Saint Denis de la Réunion (septembre 1995), Nicole Gueunier évoquait les difficultés flagrantes des Français à apprendre des langues étrangères, et mettait ces difficultés, traditionnellement mises sur le compte de mauvaises méthodes pédagogiques, en rapport avec cette forte tradition puriste et unilingue. Son hypothèse est que les familles françaises, ayant été contraintes, pendant et après la période révolutionnaire, à abandonner leurs langues régionales d'origine, auraient en quelque sorte repris à leur compte la dévalorisation sociale de ces langues, et auraient développé une certaine réticence quant à l'apprentissage de langues autres que le français. Parallèlement, le purisme traditionnellement attaché au français (qui n'existe pas sous cette forme dans les autres langues), la peur fréquente de voir s'abâtardir cette langue, le constat du déclin des valeurs socioculturelles qu'elle véhiculait jadis, ou celui de la régression de sa pratique et de sa diffusion dans le monde, pourraient constituer autant d'éléments permettant de renforcer cette hypothèse.

En outre, et comme le soulignait du reste Nicole Gueunier, les études sur les thèmes de malaise linguistique, de culpabilité linguistique, ou encore d'insécurité linguistique, sont essentiellement le fait des travaux sociolinguistiques sur la francophonie, hexagonale ou périphérique. Ces thèmes ne semblent en effet pas préoccuper de façon fondamentale les chercheurs qui s'intéressent aux situations non francophones154. Une simple recherche

bibliographique montre facilement à quel point les travaux francophones sont à ce sujet largement plus nombreux que les travaux non francophones. Il ne s'agit encore naturellement que de spéculations, qu'il conviendra d'étayer et d'essayer de valider au moyen de données plus tangibles.

3.3. Le créole : statut et représentations sociales

154 Si ce n'est, naturellement, William Labov aux états Unis. Mais il faut rappeler que le propos de Labov n'est pas directement le thème de l'insécurité linguistique mais celui de savoir comment ces phénomènes jouent un rôle dans les processus de changement linguistique.

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Toutefois il faut noter que le créole réunionnais, comme les autres créoles français, présente une différence fondamentale par rapport aux langues régionales de la France hexagonale dans la mesure où il possède un indéniable caractère de vitalité, étant utilisé au quotidien et encore transmis comme langue première, bien que cette situation évolue actuellement, dans la mesure où, d'une part, de plus en plus de parents ont les "moyens linguistiques" de transmettre le français à leur enfants, et d'autre part, le français reste, tout au moins dans les représentations sociales, la langue de la réussite et de la promotion sociale, ce qui encourage naturellement sa transmission en tant que langue première. Quoi qu'il en soit, le créole est parlé quotidiennement. Ainsi, si officiellement le créole n’est pas réellement pris en compte, il est de façon officieuse constamment utilisé, et ce même au sein des institutions (écoles, administrations, etc.).

La dévalorisation sociale du créole est ainsi à la fois véhiculée de façon institutionnelle, et s'inscrit dans ce que Jacques Maurais (in Moreau (éd.), 1997) désigne comme les "idéologies diglossiques", qui s'expriment à travers :

"[…] un ensemble de représentations et de croyances comportant le plus souvent des éléments d'auto-dénigrement, tendant à conforter les relations inégalitaires et faisant, en définitive, la promotion de la langue dominante." (1997 : 52)

La dévalorisation du créole réunionnais, associé à un patois, à un parler sans règles ni structures, est ainsi presque toujours reprise par les créolophones eux-mêmes. À l'inverse, le français est associé à l'image d'une langue de prestige et de pouvoir, pouvoir linguistique mais également pouvoir social, politique, économique. Repérés dans les discours épilinguistiques, ces attitudes vis-à-vis des langues reflètent l'organisation sociale dans son ensemble, ce qui confirme de nouveau l'importance de procéder à une analyse selon une approche double, interactionnelle et variationniste. Cette idée se retrouve chez Pierre Bourdieu (1982) qui, décrivant le prestige et le pouvoir symbolique qui sont attachés aux langues et aux pratiques langagières et qui sont véhiculés par elles, écrit :

"[…] le rapport de force linguistique n'est pas complètement déterminé par les seules forces linguistiques en présence, et […] à travers les langues parlées, les locuteurs qui les parlent, les locuteurs définis par la possession de la compétence correspondante, toute la structure sociale est présente dans chaque interaction […]. […] ce qui se passe entre deux personnes doit sa forme particulière à la relation objective entre les langues ou les usages correspondants, c'est-à-dire entre les groupes qui parlent ces langues." (1982 : 61)

La diglossie ne consiste ainsi pas simplement en un rapport de minoration / domination institutionnelle des langues, mais elle a encore des répercussions très importantes dans les comportements sociaux, et dans les représentations. L'institutionnel et le représentationnel se confortent et par conséquent se renforcent souvent l'un l'autre. Ainsi, comme on l'a dit, cette situation incite les parents qui le peuvent, à transmettre d'abord (et quelquefois seulement) le français à leurs enfants. Il semble ainsi que ceux qui transmettent d'abord le créole le font "par défaut", autrement dit parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Cet état de fait témoigne d'un processus d'assimilation linguistique intergénérationnelle en cours. Cette notion

181 d'"assimilation linguistique"155 est proposée par Weinreich (1953) et définie comme "le

changement de l'emploi habituel d'une langue à l'emploi habituel d'une autre langue"156.

Pourtant, comme nous le verrons, il est restrictif de considérer le "rapport de force" dont Parle Pierre Bourdieu comme un rapport univoque, opposant une langue et un groupe dominants, à une langue et un groupe dominés. Car le travail sur les représentations des locuteurs, nous le verrons fait également apparaître un ensemble de contradictions et d'ambivalences : s'il est dévalorisé, le créole est également ressenti comme porteur d'une certaine identité, et perçu comme l'un des fondements de ce qui constitue le sujet réunionnais. Cette remarque nous amène au dernier point de cet exposé sur le créole : celui des tentatives, que l'on observe globalement depuis le début des années soixante-dix, de le promouvoir et de le faire reconnaître socialement.

3.4. Tentatives de promotion du créole réunionnais

La plupart des situations de diglossie ont en commun que leur dynamique oppose deux mouvements souvent simultanés, l'un ayant comme conséquence d'entraîner l'autre, et qui entrent largement en conflit l'un avec l'autre : la substitution la langue dominée au profit de la langue dominante ; et la normalisation -standardisation de la langue dominée.

La politique linguistique menée à partir de la départementalisation, dans la mesure où l'un des objectifs sociopolitiques était de promouvoir et de diffuser le français, a enclenché un processus de substitution linguistique du créole au profit du français157. De façon parallèle

pourtant, et vraisemblablement liée, s'est élaboré un mouvement militant créoliste, dont l'objectif était la promotion sociale du créole, sa reconnaissance, sa (re)valorisation, et par conséquent son admission dans les domaines énonciatifs desquels il était Jusque-là exclu. Le travail de ces militants a rencontré (et parfois coïncidé avec) ceux d'un certain nombre d'enseignants et / ou d'universitaires, d'écrivains, de linguistes, qui ont entrepris d'instrumentaliser158 le créole en le dotant de descriptions lexicales, phonétiques et

phonologiques, syntaxiques159, mais aussi d'un système graphique et d'écrits en créole.

On a vu plus haut que la transcription et l'écriture du créole étaient apparues à la Réunion bien avant les années soixante-dix. En témoignent par exemple les fables de Louis

155 Angl. Language shift.

156 La définition est ici traduite et citée par Jacques Maurais (1997, in Moreau (éd.) : 51).

157 Il n'est pas question de dire que ici que le processus décréolisation trouve ses sources dans la départementalisation de la Réunion. Toutefois, d'une part, la politique linguistique menée à partir de cette période s'est voulue explicitement unificatrice, et d'autre part, dans la mesure où cette période à a entraîné de profonds bouleversements sociaux, politiques, linguistiques, etc., elle a certainement décloisonné la situation sociale, et renforcé, en le précipitant, le processus de décréolisation.

158 Comme le propose Didier de Robillard (in Moreau (éd.), 1997 : 177), l'instrumentalisation peut se définir comme "la constitution ou la transformation du répertoire et des règles d'une langue, de son corpus, afin qu'elle puisse remplir certaines fonctions pour laquelle elle était, avant instrumentalisation, peu adaptée". L'instrumentalisation se distingue ainsi de la standardisation, qui vise à fixer la langue en élaborant et validant une variété standard. L'instrumentalisation désigne ainsi seulement les opérations qui concernent le corpus, et constitue ainsi une étape du travail de standardisation.

159 Certaines de ces descriptions se sont du reste donné un objectif explicite de standardisation. En témoigne le titre de la thèse d'État de Pierre Cellier (1985a : Description syntaxique du créole réunionnais, essai de standardisation), au terme duquel il parvient à la conclusion selon laquelle :

"[…] l'analyse syntaxique des productions aussi diversifiées que possibles ([…] 22 points d'enquêtes) montre qu'il est tout à fait possible de parler d'un système linguistique créole réunionnais" (1985c : 86).

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Héry, publiées en 1828, ou encore, un siècle plus tard, la publication des "Zhistoires la caze" (1928) rédigées par le poète et dramaturge réunionnais George Fourcade. Ces initiatives, toutefois, loin de s'inscrire dans un mouvement de promotion du créole, donnaient dans un genre avant tout burlesque. Les écrits utilisent une graphie étymologisante, qui, dans ce cas, comme l'écrit Carpanin Marimoutou (1988), est significative de la conception du créole comme système simplifié et déformé du français, et par conséquent renforce son absence de reconnaissance sociale :

"[…] le créole sert à faire rire le lecteur en exhibant pour l'extérieur tous les traits qui, aux yeux du locuteur francophone, sont autant de preuves de puérilité et d'infériorité mentale et sociale. La graphie étymologisante renforcée par la tendance à choisir toutes les variantes morphosyntaxiques et lexicales les plus proches du français d'une part facilite la lecture pour le public non-créolophone, d'autre part justifie l'opinion commune suivant laquelle ce "parler