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TROISIEME CHAPITRE

I. S OCIOLINGUISTIQUE : OBJET ET TERRAIN D ' ETUDE

2. Mise en place et réalisation des enquêtes

2.4.1. La scientificité de la méthode d'échantillonnage

Il convient ici d'examiner, dans les très grandes lignes les méthodes qu'utilise l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques (I.N.S.E.E.). Le premier travail de l'I.N.S.E.E. étant un travail de recensement, les chercheurs commencent par constituer un inventaire général de la population française dans tous les départements de France métropolitaine ainsi que dans les départements d'outre-mer, ce qui permet de déterminer également les populations totales par communes et par départements. La population ainsi recensée est constituée par "l'ensemble des personnes résidant en France, quelle que soit leur nationalité" (Recensement général de la population de 1990, département Réunion, I.N.S.E.E. : 152). Les "Français vivant à l'étranger et les étrangers en visite ou de passage" ne sont pas compris dans ce recensement (ibid.).

Ces recensements généraux, et les questionnaires remplis par les individus recensés, servent de base à des "exploitations exhaustives légères", pour lesquelles une petite partie des informations recueillies par questionnaires est prise en compte, "celles correspondant aux questions simples à rubriques fermées" (ibid. : 155), et à partir desquelles l'I.N.S.E.E. rend compte des grands traits caractéristiques des populations. Des exploitations "lourdes", plus détaillées, sont ensuite établies à partir d'échantillonnages au 1 / 20 puis au 1 / 4 des recensements généraux. Ces échantillonnages sont établis en fonction de la méthode "probabiliste", dans laquelle les individus désignés comme constitutifs de l'échantillon sont désignés au hasard, à partir des bases de recensements. Ce tirage au sort prévient ainsi tout élément aléatoire et / ou arbitraire, dont la présence pourrait perturber la neutralité absolue avec laquelle les statisticiens élaborent les échantillons humains.

Cette méthode probabiliste est ainsi à l'heure actuelle considérée comme la méthode d'échantillonnage la plus fiable et la plus rigoureuse. Elle reste cependant, au niveau individuel du chercheur isolé voulant rendre compte d'une population, pratiquement infaisable.

Elle s'oppose à la méthode des quotas, utilisée par la plupart des instituts de sondage d'opinions. Selon cette méthode, on commence au contraire par poser un certain nombre de variables sociales jugées pertinentes par rapport à l'objectif de l'étude à laquelle on veut procéder (sexe, âge, situation familiale, lieu de résidence, catégorie socio-économique etc.). Les échantillons sont alors élaborés en fonction de ces variables (ont prévoit par exemple de mener les enquêtes auprès de tant d'hommes, tant de femmes, de telles et telles catégories

situation de contacts de langues : la Réunion.

d'âges, etc.). Il s'agit de recréer un échantillon qui constitue une reproduction, à une échelle donnée, de la population, c'est-à-dire un échantillon représentatif.

Si cette méthode apparaît comme plus économique et moins difficile à mettre en place que la méthode probabiliste, il faut tout de même prendre conscience de ses limites. Le travail d'enquête à partir de la méthode des quotas introduit en effet forcément, même en dose infime, des données qui peuvent influencer les résultats, comme par exemple un certain nombre de contraintes auxquelles peut être confronté le chercheur et qui peuvent l'amener introduire un certain arbitraire dans les choix qu'il fera pour désigner les témoins. Sur le plan scientifique, cette méthode est ainsi considérée sans grande valeur. Elle reste toutefois la plus facile à mettre en place, et même la seule possible à un niveau individuel, et constitue celle sur laquelle s'est opéré notre choix.

2.4.2. La représentativité de l'échantillon

Pour procéder à notre échantillonnage, nous avons commencé par établir au sein de la population réunionnaise un certain nombre de groupes sociaux, dont la délimitation correspondait à des hypothèses de travail faites sur la réalité sociale, hypothèses qui nous amenaient à faire un découpage social. Nous avons ensuite mené nos enquêtes auprès de membres de ces groupes, en tentant de respecter des proportions approximatives, et en tenant compte du fait que ces groupes n'étaient pas forcément tous de même importance numérique. Notre estimation globale de la population et des proportions au sein de chaque groupe a été naturellement étayée de données chiffrées provenant de l'I.N.S.E.E. Toutefois nous reconnaissons dès lors la moindre scientificité de notre méthode d'échantillonnage, et le caractère approximatif et relatif de la représentativité de l'échantillon.

Nous avons en partie expliqué et peut-être justifié les lacunes, sur le plan scientifique, de la démarche qui a été la nôtre. En ce qui concerne la question de la représentativité, la plupart des chercheurs en sciences sociales s'accordent à dire qu'il est difficile de rendre compte de la représentativité d'un échantillon humain, dans la mesure où la division en catégories (en fonction des variables sociales), suppose une homogénéité suffisante au sein des groupes pour qu'un nombre déterminé de personnes puissent effectivement être représentatives de ces groupes. Ce n'est pas comme en sciences dures : quand un chimiste prélève un échantillon d'un produit quelconque, il est certain de la représentativité de son échantillon dans la mesure où il le prélève à partir d'un ensemble homogène. Or la difficulté réside dans le fait que ce sont souvent les enquêtes elles-mêmes qui révèlent l'hétérogénéité de groupes dont on avait de (d'une) l' (certaine) unité.

Si l'on passe outre ce premier problème, il s'avère que l'enquête sociale, et peut-être d'autant plus lorsqu'il s'agit, comme dans notre cas, de faire passer des entretiens aux témoins, souvent longs, par définition délicats, mais aussi les moyens qu'il a à sa disposition pour procéder à ces enquêtes, ne permet pas toujours au chercheur d'atteindre toutes les catégories de personnes qu'il avait envisagé d'interroger, soit parce que ce sont des populations réticentes au type d'enquête proposé, soit encore parce que ce sont des populations invisibles sur le plan social. Dans notre cas par exemple, on le verra, et pour diverses raisons dont certaines sont forcément hypothétiques, nous n'avons pas réussi à procéder à des entretiens auprès de chômeurs. Ainsi, notre population active n'est représentée que par des individus ayant un emploi, ce qui constitue à l'évidence un problème quant à la représentativité d'un échantillon

101 élaboré à partir d'une population dans laquelle près de 15 % de la population active n'a pas d'emploi78.

Nous prenons ainsi le parti d'annoncer que notre échantillonnage ne peut être représentatif de la population réunionnaise dans son ensemble, et d'affirmer par conséquent le caractère relatif de sa représentativité. Il est malgré tout forcément représentatif d'une partie de cette population, et de ses représentations sociales, et ce dans la mesure où nos enquêtes sont parvenues à faire apparaître une certaine saturation sur le plan des informations et des discours recueillis qui n'ont plus apporté, à partir d'un certain nombre d'entretiens, d'éléments vraiment nouveaux. Ainsi, la représentativité de notre échantillonnage est relatif aux variables sociales choisies, variables qui seront présentées, expliquées et discutées dans la quatrième partie de cette thèse.

Pour l'heure, et pour compléter cet exposé sur la mise en place et la réalisation des enquêtes, il reste encore à aborder un problème délicat qui se pose tout particulièrement à l'analyste travaillant sur des enregistrements d'entretien : la question de la transcription.

2.5. La transcription du corpus