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La saisie des échéances postérieures à l’ouverture d’une procédure collective 

Dans le document Les dates de naissance des créances (Page 99-110)

§2 : La thèse périodique dualiste 

Section 1 : Des thèses lacunaires

A.  La validité de la saisie des échéances postérieures 

2/  La saisie des échéances postérieures à l’ouverture d’une procédure collective 

155. Pour que l’issue d’un conflit entre l’ouverture d’une procédure collective et une saisie-

attribution antérieure confirme la naissance antérieure de la créance d’échéances postérieures (a), encore faut-il rejeter l’explication par la technique de la fiction juridique (b).

a) Une créance sortie du patrimoine du débiteur avant l’ouverture de la procédure

156. Une divergence de chambres était apparue au sein de la Cour de cassation entre la 2ème

chambre civile et la chambre commerciale quant à l’impact de l’ouverture d’une procédure collective après la saisie d’une créance à exécution successive sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture. Tant les solutions adoptées que la lettre des arrêts plaçaient le débat sur le terrain de la date de naissance des créances issues d’un contrat à exécution successive. Alors que la chambre civile confirmait apparemment une naissance unique au jour du contrat de la créance correspondant à toutes les échéances postérieures, la chambre commerciale optait quant à elle pour une naissance successive.

Pour la 2ème chambre civile, « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire de celui-ci poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance après ledit jugement »1. La lettre de l’attendu fait bien mention d’une seule créance à laquelle correspond une pluralité d’échéances. Les échéances postérieures correspondent à une créance antérieure que l’effet attributif dont dispose l’art. 43 de la loi de 1991 a définitivement fait sortir du patrimoine du débiteur saisi dès avant l’ouverture de la procédure collective qui ne pouvait

1

Civ. 2, 10 juillet 1996, n°94-19551, P, JCP G 1996 II 22723 E. PUTMAN, D. 1996, 625, P. ANCEL, JCP E 1997 I n°623, P. PÉTEL, RTD civ. 1996, 716, R. PERROT, LPA 1er nov. 1996, note B. Soinne qui conteste la solution en droit et en opportunité ; pour l’auteur, la solution est désastreuse pour la procédure collective, aussi bien que fausse puisque pour lui les créances de loyers naissent successivement au fur et à mesure de l’exécution du contrat. Également en ce sens, civ. 2, 8 mars 2001, n°97-21844 et CA Amiens 5 janv. 2001 JurisData n°137469. Était déjà dans ce sens, mais avec une terminologie moins rigoureuse puisque l’arrêt fait mention d’une pluralité de créances à exécution successive, cass. avis, 16 déc. 1994, n°09-40021, P : « une saisie-attribution des créances à exécution successive pratiquée… antérieurement à la mise en liquidation judiciaire … sur les loyers d’un immeuble …poursuit ses effets sur les loyers échus après le jugement de liquidation judiciaire ».

dès lors influer sur les paiements d’une créance qui ne figurait plus à l’actif du patrimoine du débiteur en procédure collective.

La chambre commerciale fait quant à elle obstacle à la poursuite d’un avis à tiers détenteur (ATD) sur les loyers postérieurs au jugement d’ouverture car, cette « créance, ni à terme ni conditionnelle, de la somme due au titre des loyers échus depuis le prononcé du redressement judiciaire n’ayant pris naissance qu’en raison de la continuation, pour la période postérieure à cette décision et en vertu de la faculté ouverte par les art. 37 … de la loi du 25 janvier 1985… , les avis à tiers détenteur, peu important qu’ils aient acquis un caractère définitif avant l’ouverture de la procédure collective, n’avaient pu entrainer le transfert de cette créance dans le patrimoine du Trésor » 1. La lettre rejoint le motif de la solution, c’est parce que les échéances postérieures ne constituent que des créances nées après le jugement d’ouverture qu’elles n’avaient pu être transférées avant celui-ci et qu’elles étaient par conséquent atteintes par l’ouverture de la procédure collective ».

Bien qu’il s’agissait d’une saisie-attribution pour la chambre civile et d’un ATD pour la chambre commerciale, les termes employés montrent clairement que la problématique était résolue dans les deux cas en raisonnant sur des dates de naissance antagonistes des créances quant aux échéances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

157. Un important arrêt de chambre mixte du 22 novembre 20022 est venu trancher cette controverse dans le sens de la 2ème chambre civile, « la saisie attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance après ledit jugement » car « la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant ledit jugement ».

La chambre commerciale opéra par la suite un revirement3 pour s’aligner sur cet arrêt de chambre mixte par des arrêts du 8 juillet 2003 pour un ATD et du 5 novembre 2003 pour une saisie- attribution.

1

Com. 26 juin 1990, n°88-18935, P, le Trésor entendait appréhender par son avis à tiers détenteur les loyers postérieurs dus par le locataire gérant au propriétaire du fonds de commerce pour le paiement d’impôts dont ce dernier était redevable. Dans le même sens, com. 24 oct. 1995, n°93-10351, P, JCP G 1996 II 22578 E. PUTMAN, D. 1996, 155, F. DERRIDA, JCP E 1997 I, n°11, p. 623, P. PÉTEL, Def. 1996, p. 256, A. SÉNÉCHAL, RTD civ. 1996, 483, R. PERROT, RTD com. 1996, 526, A. MARTIN-SERF. Bien que cet arrêt soit généralement cité, il ne se réfère pas aussi explicitement à la date de naissance de la créance, bien que ce fondement soit implicite : « La créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire était soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu’en raison de l’indisponibilité dont elle se trouvait frappée dans le patrimoine du débiteur par l’effet de l’interdiction des paiements édictée par l’article 33…, cette créance échappait au transport-cession opéré par l’avis au profit du Trésor pour les seules sommes échues avant le jugement d’ouverture ».

2

Mixte 22 nov. 2002 n°99-13935, BICC n°569 du 15 janv. 2003, p. 11, conc. R. VIRICELLES ayant émis un avis contraire, rapp. E. FOULON, RTD civ. 2003, p. 331, P. CROCQ, p. 146, R. PERROT, p.331, D. HOUTCIEFF, RTD com. 2003, p. 367, A. MARTIN-SERF, p. 148, D. LEGEAIS, D. 2002, 3270, A. LIENHARD, D. 2003, p. 445, C. LARROUMET, p. 1472, G. TAORMINA, JCP G 2003 II 10033, D. Houtcieff, JCP E n°11, 13 mars 2003, 397, D. LEGEAIS, Def. 2003, 37850, p. 1621, P. THÉRY, GP 2003, p. 366, C. BRENNER, LPA 15 juin 2003, p. 15, J.-L. COURTIER et M. KÉITA, LPA 27 févr. 2004, p. 11, M. SÉNÉCHAL, Procédures 2003, n°1 p. 12 et n°8 p. 8, R. PERROT, RD bancaire et fin. 2003, p. 22 A. CERLES, p. 32, J.-M. DELLECI.

3

Com. 8 juill. 2003, n°00-13309, P, D. 2003, 2094, A. LIENHARD, Dr et procéd. 2004, p. 31, E. PUTMAN, JCP G 2004 I 115 p. 397, M. CABRILLAC, RTD civ. 2003, P. 708, J. MESTRE et B. FAGES : « Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 263 du Livre des procédures fiscales, que l’avis à tiers détenteur, portant sur une créance à exécution successive pratiqué à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire de celui- ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ». Com. 5 nov. 2003, n°99-20223, FS-P+B, Dr. et procéd. 2004 p. 108, E. PUTMAN, GP 2004, 1, p. 31, obs. C. BRENNER, RD bancaire et fin. 2004, p. 33, J.-M. DELLECI. Voir également com. 3 déc. 2003 n°01-03803, inédit, D. 2004, 1489, G. TAORMINA, pour une saisie attribution. Également présenté comme l’arrêt de revirement : com. 7 déc. 2004, n°02-20732, P, D. 2005, p. 77, A. LIENHARD, p. 230, C.

On pourrait penser que l’affaire est entendue et qu’il résulte bel et bien des arrêts précités que les échéances postérieures au jugement d’ouverture correspondent à une créance née antérieurement et définitivement sortie du patrimoine par l’effet attributif immédiat de la saisie dès avant l’ouverture de la procédure1. C’est sans compter la force imaginative de la doctrine. Les partisans d’une naissance successive de la créance soutiennent en effet soutiennent qu’il s’agit là d’une fiction juridique favorable à l’efficacité des voies d’exécution, le tout au détriment de la procédure collective. Pour ces auteurs, on fait comme si la créance était née avant l’ouverture de la procédure, mais tel n’est pas réellement le cas, c’est une fiction. Il importe donc de répliquer à une telle argumentation afin de maintenir les conclusions que nous avons énoncées quant à la date de naissance des créances.

b) Le rejet d’une explication par la fiction juridique

158. Tant l’arrêt de chambre mixte précitée que ses prédécesseurs de la seconde chambre civile ou

l’avis de 1996 se fondent expressément sur des textes qui consacrent explicitement la solution2, l’article 13 de la loi du 9 juillet 19913 prévoyant la possibilité de saisir une créance à exécution successive, l’art. 69 du décret de 19924 qui prévoit qu’en la circonstance le tiers saisi paie le créancier saisissant au fur et à mesure des échéances et l’article 43 de la loi du 9 juillet 19915 qui dispose expressément en son 2ème alinéa que l’ouverture d’une procédure collective ne fait pas obstacle aux effets de la saisie. L’argumentation des partisans des thèses matérialiste et périodique est donc à dire que ces textes ne sont pas l’expression du droit commun mais celle d’un droit dérogatoire propre aux voies d’exécution qui consiste à faire comme si les échéances postérieures étaient nées dès avant la signification de la saisie, et par conséquent de l’éventuel jugement d’ouverture du débiteur saisi, alors que tel n’est en réalité pas le cas.

Ces auteurs ont ainsi pu soutenir que la solution ne correspond pas au droit commun de la date de naissance successive des créances et qu’il y avait lieu de la remettre en cause lorsqu’elle tombe en balance avec l’ouverture d’une procédure collective. Pour eux, l’issue du conflit relève davantage d’un conflit de politique juridique entre deux branches du droit, les voies d’exécution et les

LARROUMET, JCP G 2005 I 147 n°4 P. PÉTEL, JCP E 2005 n°236, S. RABY, Dr. et proc. 2005, p. 91, P. CROCQ, RTD civ. 2005, 132, J. MESTRE et B. FAGES, RTD com. 2005, 415, A. MARTIN-SERF, Def. 2005, 38177, p. 997, D. GIBIRILA, Banque et droit 2005, n°100, p. 50, T. BONNEAU, RD bancaire et fin. 2005, n°2, p. 23, F.-X. LUCAS. Mais il s’agissait d’une cession Dailly et non d’une voie d’exécution. Surtout, la créance cédée était issue d’un contrat instantané, vente d’une chose fabriquée postérieurement au jugement d’ouverture, ce qui nuance très fortement l’apport de cet arrêt au regard des contrats à exécution successive. Voir sur la question J. MESTRE et B. FAGES, RTD civ. 2005, 132, sous com. 7 déc. 2004, préc., qui estiment eux aussi que l’arrêt constitue le revirement, malgré le fait qu’il ne s’agissait pas d’un contrat à exécution successive, eu égard au concept. Il n’en reste pas moins que les arrêts précités sont antérieurs et collent davantage à la problématique tranchée, à savoir les échéances d’un contrat à exécution successive postérieures au jugement d’ouverture.

1

En ce sens que la décision infère nécessairement la résolution de la problématique quant à la date de naissance de la créance correspondant aux échéances postérieures : D. HOUTCIEFF, JCP G 2003 II 10033 et D. LEGEAIS, JCP E n°11, 13 mars 2003, 397, notes sous mixte 22 nov. 2002 préc.

2

Font notamment la remarque : P. CROCQ, RTD civ. 2003, 331 et A. MARTIN-SERF, RTD com. 2003, 367, notes sous mixte 22 nov. 2002 préc.

3

Nouvel article L. 112-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

4

Nouvel article R. 211-15 du Code des procédures civiles d’exécution.

5

procédures collectives. Dès lors, soutenant que la solution serait désastreuse pour le droit des entreprises en difficulté, ces auteurs militent pour une solution contraire1.

Il est vrai que la lettre de la jurisprudence n’est pas heureuse, d’après laquelle la saisie « poursuit ses effets »2 après l’ouverture de la procédure, semblant ainsi faire exception au principe de suspension des poursuites en cas d’ouverture d’une procédure collective.

La chambre commerciale semble également aller dans le sens d’une fiction. La divergence que nous avons présentée quant à la date de naissance des créances, perçue comme telle par une grande majorité des auteurs, pourrait s’interpréter différemment. Dans cette interprétation alternative, seule la saisie-attribution poursuivrait ses effets par dérogation explicite au droit commun d’une prétendue naissance successive et postérieure des créances d’échéances, tandis que les autres modes de transfert ne comportant pas de dispositions expresses se verraient appliquer ce prétendu droit commun3, le jugement d’ouverture faisant alors obstacle au paiement des échéances postérieures. Dans ce sens, il faut reconnaître que les décisions de la chambre commerciale étaient rendues en matière d’ATD. Or, il n’existe pas en cette matière les textes spécifiques cités pour fonder les décisions contraires de la chambre civile en matière de saisie-attribution. L’article L. 263 du Livre de procédures fiscales (LPF) dispose que l’ATD s’opère « quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme… deviennent effectivement exigibles ». Mais il n’est pas fait mention des créances à exécution successive. Certes, depuis la loi du 9 juillet 1991, l’alinéa 2 de l’article précise que l’ATD emporte l’effet attributif immédiat de l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution (anc. art. 43 L. 1991), mais ce dernier, s’il précise que le jugement d’ouverture ne remet pas en cause la saisie antérieure, ne reprend pas explicitement le cas des contrats à exécution successive4. Un arrêt du 19 mars 1991 de la chambre commerciale pourrait être cité dans le sens d’une telle interprétation car la chambre commerciale avait alors pris la position de la 2ème chambre civile pour la saisie-attribution de salaires5 alors même qu’elle avait rendu antérieurement un arrêt en sens contraire en matière d’ATD6.

S’ajoute à tout cela que, si la 2ème chambre civile et la chambre mixte ont pris soin d’utiliser une terminologie relevant de l’unicité de la créance, « une créance de loyer… cette créance… pour les sommes échues », tel n’était malheureusement pas le cas de l’avis rendu en 1994 qui sous-entend, tout en adoptant la même solution, une multiplicité de créances, dès lors à naissances successives, en mentionnant la « saisie-attribution des créances à exécution successive ».

159. Une telle interprétation ne peut d’après nous être acceptée. Deux points peuvent d’emblée être

relevés.

1

B. SOINNE, LPA 1er nov. 1996, n°132 p. 4, note sous cass. avis 16 déc. 1996 et civ. 2, 10 juill. 1996.

2

Alors qu’en réalité c’est parce qu’elle a épuisé ses effets avant l’ouverture de la procédure collective en opérant transfert de propriété de la créance dans son intégralité, y compris pour les échéances futures, que le jugement d’ouverture d’une procédure ne constitue pas un obstacle.

3

C. LARROUMET (D. 2003, 445, note sous mixte 22 nov. 2002 préc.) expose la problématique en termes de droit commun ou dérogatoire mais opte définitivement pour mettre la décision de chambre mixte sous la bannière du droit commun, donc d’une naissance antérieure de la créance correspondant aux échéances postérieures.

4

P. ANCEL le remarque pertinemment (D. 1996, 625, note sous civ. 2, 10 juill. 1996 n°94-19551, P, op. cit. n°156). Et l’avocat général R. VIRICELLES observait dans ses conclusions sous mixte 22 nov. 2002 (préc.) qu’il n’était pas logique de réserver un sort particulier en saisie-attribution au motif de l’existence d’un texte.

5

Com. 19 mars 1991 n°89-10783, P.

6

Premièrement, dans l’arrêt précité du 19 mars 1991, la chambre commerciale qualifiait faussement la créance de salaires saisie-attribuée de « créance conditionnelle » et non pas de créance à exécution successive, si bien qu’il n’est pas certain que la Cour aurait adopté la même solution pour une telle créance.

Deuxièmement, si la fiabilité terminologique en matière d’unicité ou de pluralité de créance(s) peut être remise en cause, tel n’est pas le cas du mécanisme expliquant la solution que les arrêts viennent préciser, le transfert de patrimoine antérieur à l’ouverture de la procédure collective. Or, ce transfert implique que les échéances postérieures correspondaient à une créance née avant l’ouverture de la procédure pour avoir pu s’opérer. Si la solution avait reposé sur la fiction des textes, les arrêts se seraient passés de cette explication du mécanisme fondamental reposant derrière la solution et qui nie la fiction, à tout le moins les arrêts auraient-ils précisé, non pas que le transfert s’était opéré avant, mais que tout se passait comme si le transfert s’était opéré avant l’ouverture de la procédure. Tel n’est pas le cas. L’arrêt de chambre mixte lui-même ainsi que l’arrêt de revirement de chambre commerciale viennent préciser in fine la raison profonde de la poursuite des effets de la saisie- attribution après le jugement d’ouverture, « la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant ledit jugement… ». Or, cet effet attributif immédiat n’étant pas autre chose que le transfert de propriété, cela signifie bien que la solution ne repose pas sur une fiction légale, mais sur le transfert antérieur de la créance d’ores et déjà née pour le tout.

C’est surtout sous trois points de vue que l’argumentation de la fiction peut être rejeté, d’abord sur le terrain de la spécificité des textes qui lui est normalement inhérente, ensuite du fait que ce serait davantage la solution contraire anciennement adoptée par la chambre commerciale en matière d’ATD qui relèverait de la fiction, enfin parce que l’adoption relèverait d’un choix politique qui ne peut être opéré entre les impératifs du droit des entreprises en difficulté et ceux du droit des voies d’exécution.

160. En premier lieu, une argumentation reposant sur la spécialité des textes pousse à rejeter la

fiction pour confirmer que la solution repose bien sur la naissance effective et antérieure d’une seule créance correspondant à toutes les échéances postérieures.

La généralisation de la solution montre que celle-ci n’est pas fondée sur une exception légale. Elle n’est pas cantonnée à la seule saisie-attribution. Dépassant la controverse quant à l’appréciation de la solution et quant à la date de naissance des créances issues d’un contrat à exécution successive, les auteurs1 ayant commenté les solutions rendues en matière de conflit d’un mode de transmission volontaire ou non de la créance à exécution successive avec l’ouverture d’une procédure collective, s’accordent tous sur le point que, si la poursuite des effets du transfert après le jugement d’ouverture correspond à la date de naissance de droit commun des créances issues d’un contrat à exécution successive, une naissance pour le tout au jour du contrat, alors la solution doit être étendue à tous les autres modes de transfert, toute voie d’exécution emportant effet attributif immédiat, mais également toute cession ou subrogation. Si au contraire la solution ne correspond pas au droit commun des obligations en matière de date de naissance des créances, si la naissance est en réalité successive et donc pour partie postérieure au jugement d’ouverture, alors la poursuite des effets de la saisie doit

1

être cantonnée à cette dernière et ne peut être étendue aux autres modes de transmission, puisque, s’agissant d’une fiction, elle est d’interprétation stricte et puisque la propriété de la créance n’a pu être transférée, celle-ci n’étant dans cette hypothèse pas née pour les échéances postérieures au jour du jugement d’ouverture. Or, il est possible de constater que la solution adoptée pour la chambre mixte le 22 novembre 2002 s’applique aujourd’hui à tous les modes de transfert, à toutes les voies d’exécution pouvant porter sur une créance à exécution successive tels l’ATD ou l’opposition à tiers détenteur, ainsi qu’à la cession de cette même créance, qu’il s’agisse de la cession de droit commun ou d’une cession par bordereau.

Il pourrait toutefois être répliqué que l’existence de dispositions spéciales dans certains de ces autres modes de transmission confirme la thèse d’une fiction légale1. En effet, des dispositions spécifiques ont également été érigées, tant pour l’opposition à tiers détenteur que pour la cession Dailly.

L’opposition à tiers détenteur constitue une forme de saisie-attribution octroyée aux organismes sociaux des non-salariés pour le recouvrement des cotisations dues par les assujettis et dont disposent les articles L. 652-3 du Code de la sécurité sociale et L. 725-12 du Code rural et de la pêche maritime. Conformément aux seconds alinéas de ces articles, elle emporte l’effet attributif immédiat prévu pour la saisie-attribution par l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution, à savoir le transfert de propriété de la créance touchée par l’opposition. Or, dans chacun des deux Codes, il existe des dispositions spécifiques dans la partie réglementaire concernant la saisie des créances à exécution successive, aux articles R. 652-8 al. 2 du Code de la sécurité sociale et R. 725-

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