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La naissance de la créance de réparation au jour du dommage initial 

Dans le document Les dates de naissance des créances (Page 191-196)

1/ Un choix en cohérence avec le système de droit privé 

A.  Une naissance au jour du dommage incorporant les préjudices futurs 

1/  La naissance de la créance de réparation au jour du dommage initial 

301. La naissance immédiate de la créance de réparation des préjudices futurs se manifeste par un

double mouvement. D’un côté les préjudices futurs peuvent faire l’objet d’une condamnation judiciaire immédiate à réparation (a). D’un autre côté, la réduction a posteriori de cette condamnation judiciaire ne semble pas possible (b).

a) La possible condamnation immédiate à réparer les préjudices futurs

302. Tous les cas de responsabilité n’impliquent pas l’existence de préjudice futur. Cela nécessite un

minimum de complexité qui se trouve cependant fréquemment atteint. Un dommage corporel engendrera presque systématiquement des préjudices futurs. Il est même des chefs de préjudice qui impliquent un caractère au moins partiellement futur dans leur manifestation comme par exemple le préjudice d’agrément : l’impossibilité de pratiquer un sport génère un préjudice d’agrément passé, présent et futur pour la pratique qui ne pourra plus s’effectuer dans l’avenir. Même le cas plus simple de l’atteinte à un bien peut générer un préjudice futur lorsque ce bien est frugifère et que le dommage empêche ou diminue la production de fruits pour l’avenir.

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303. La condamnation immédiate à la réparation des préjudices futurs fut posée par un arrêt de

principe du 1er juin 19321 : « s’il n’est pas possible d’allouer des dommages intérêts en réparation d’un préjudice purement éventuel, il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît aux juges comme la prolongation certaine et directe d’un état de choses actuel et comme étant susceptible d’estimation immédiate ». Il s’agissait de l’indemnisation du propriétaire d’un terrain suite à l’installation sur son terrain de lignes électriques haute tension. La condamnation couvrait non seulement le dommage actuel de dépréciation de la valeur, mais également les dommages futurs qui seront occasionnés par la surveillance et l’entretien du réseau. La solution fut ensuite confirmée dans de nombreux d’arrêts2, « la jurisprudence est unanime » comme le soulève Messieurs Mazeaud et Chabas3. L’avant-projet Catala reprend cette jurisprudence en son art. 1345 al. 1er et les principes Unidroit prévoient expressément la réparation du préjudice futur à leur art. 7-4-3.

Le préjudice n’a donc pas besoin d’être actuel pour répondre à la condition de certitude nécessaire à son indemnisation. Or, comme le font remarquer Geneviève Viney et Patrice Jourdain4, la condition de certitude du dommage ne correspond pas à un caractère particulier, mais à sa simple existence, et s’oppose en cela au dommage hypothétique. C’est dire que le préjudice futur, bien que

matériellement futur, est d’ores et déjà juridiquement incorporé au dommage actuel que doit effacer la créance de réparation.

304. Une supposée naissance successive de la créance de réparation au fur et à mesure de la

survenance des préjudices impliquerait que le jugement puisse être constitutif, car, en condamnant le responsable au paiement d’une créance qui n’existerait pas encore, il serait constitutif d’une créance judiciaire qui anticiperait la naissance future de la créance de responsabilité. En effet, la condamnation à un paiement implique l’existence d’une créance objet de ce paiement. Si la créance de responsabilité n’existe pas encore, c’est que la créance à laquelle le responsable est condamné naît du jugement.

Or, le jugement de condamnation n’est pas constitutif, mais déclaratif d’un droit préexistant. Même la thèse hybride ne constitue en réalité qu’une présentation plus élaborée de la nature déclarative du jugement. Il s’ensuit que, puisque le jugement de condamnation est déclaratif d’un droit préexistant d’une part, et peut condamner immédiatement à la réparation ou à l’indemnisation des préjudices futurs, c’est que la créance de réparation comprend la réparation de tous les préjudices futurs, sans quoi le jugement de condamnation ne pourrait les englober et il faudrait attendre leur survenance pour qu’ils puissent faire l’objet de jugements successifs, au fur et à mesure de la manifestation des préjudices.

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Req. 1er juin 1932, D. 1932, I, 102, rapp. PILON, LGP 1932 p. 363, D.H. 1932, 377.

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Notamment : civ. 2, 9 nov. 1972, JCP G IV p. 294 pour une condamnation du responsable de l’accident à verser à la caisse les frais futurs qu’elle devra assumer ; civ. 2, 15 déc. 1972, JCP G 1972, IV p. 30 ; crim. 24 février 1970, JCP G 1970 II 16453 pour l’indemnisation de la veuve de la perte d’une chance de voir son mari, interne des hôpitaux de Paris, réussir une carrière brillante ; civ. 2, 13 mars 1967, D. 1967, 591, pour le préjudice futur du raccourcissement de l’existence inhérent à l’ablation de la rate.

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MAZEAUD et CHABAS, Obligations, théorie générale, traité, Montchrestien, 1998, 20ème leçon, n°411.

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305. Si le législateur ne peut supprimer une créance d’ores et déjà née, le délai de prescription ne

peut menacer une créance qu’à la condition qu’elle existe. C’est également pour cette raison qu’est déjà née la créance d’indemnisation d’un préjudice futur dont le dommage initial s’est déjà produit. Dans un arrêt de 20091, la Cour de cassation avait approuvé les juges du fond d’avoir fait courir le délai de prescription à compter du jour du dommage, pour l’indemnisation d’un préjudice qui n’était intervenu que postérieurement. Un couple avait contracté emprunt. Suite à la perte d’emploi du mari, des difficultés financières étaient apparues et les époux avaient in fine vendu un immeuble à perte pour rembourser l’emprunt. Ils poursuivaient ensuite la banque en responsabilité pour ne pas avoir conseillé de souscrire une assurance perte d’emploi. La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, les déclare irrecevables pour cause de prescription de l’action. Le délai de prescription applicable était de 10 ans, le prêt datait de 1990, les premières difficultés de 1993, la vente à perte de 1996 et l’action avaient été intentée en 2004. Le préjudice allégué et dont l’indemnisation était demandée résidait dans la vente à perte et datait de 1996, soit moins de 10 ans avant l’action des époux. Mais les juges déclarèrent l’action irrecevable car ils estiment que le caractère dommageable à compter duquel devait courir le délai de prescription résidait et était apparu avec les premières difficultés financières, soit en 1993. Et l’arrêt est rendu au chapeau interne suivant : « attendu que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ».

Le délai de prescription courait donc à compter du dommage, même pour l’indemnisation du préjudice postérieur de 3 ans de la vente à perte de l’immeuble. Or, le délai de prescription ne peut courir avant la naissance du droit qu’il entend prescrire, ce en vertu de l’adage actioni non natae2. Il s’ensuit mécaniquement que la créance de réparation pour vente à perte de l’immeuble était née avant ladite vente dès le jour de survenance du dommage initial, les difficultés financières, dont le préjudice de vente à perte n’était que l’une des conséquences prévisibles, ce pourquoi la méconnaissance ne pouvait non plus paralyser en l’espèce la prescription.

Si la menace d’extinction par le délai de prescription implique que la créance de réparation des préjudices futurs soit d’ores et déjà née, cette naissance immédiate se manifeste aussi par la protection du droit communautaire qui s’oppose à toute atteinte arbitraire et disproportionnée à la propriété d’un bien, y compris à la propriété du bien que constitue la créance.

b) L’impossible réduction de la créance de réparation des préjudices futurs

306. Les vagues actuelles en jurisprudence causées par le choc de la loi « anti-Perruche » avec la jurisprudence Perruche prouvent la naissance au jour du dommage de la créance de réparation et

l’incorporation dans cette dernière de tous les préjudices futurs. La créance naît immédiatement et incorpore virtuellement la réparation de tous les préjudices qui surviendront dans l’avenir.

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Civ. 1, 9 juill. 2009, n°08-10820, P, JCP G 2009 n°31-35 p. 12, L. DUMOULIN, D. 2009, 1960, X. DELPECH, RTD civ. 2009, 729, P. JOURDAIN.

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Au demeurant, il est de bon sens de considérer qu’il est impossible de menacer un droit d’extinction ou plutôt d’inefficacité avant même que ce droit n’existe car, s’il n’existe pas, on ne peut pas encore le menacer de mort.

307. Une faute du médecin dans le diagnostic prénatal avait empêché la mère de pratiquer un

avortement thérapeutique. Il en avait résulté la naissance d’un enfant handicapé. Par l’arrêt

Perruche du 17 nov. 20001, l’assemblée plénière de la Cour de cassation consacrait la possibilité pour l’enfant d’obtenir l’indemnisation de d’intégralité de son préjudice par la mise en œuvre de la responsabilité pour faute du médecin.

L’affaire avait mis en émoi les médias et l’opinion publique qui trouvaient amoral de permettre ainsi la réparation de la naissance d’un enfant, mais également les compagnies d’assurances qui criaient à l’envol des tarifs dus par les médecins devant l’accroissement de leur responsabilité. Mais c’était oublier que ce n’était pas la naissance qui était indemnisée, mais le handicap de l’enfant. Celui-ci n’était pas remboursé de son alimentation, de son logement, des frais inhérents à son existence même, mais des installations et soins spécifiques que nécessite son handicap, de sorte que ce n’était pas l’existence qui était indemnisée, mais le seul handicap. D’ailleurs, la jurisprudence a toujours refusé d’indemniser la naissance d’un enfant sain des suites d’un échec d’avortement ou de stérilisation2. C’était encore oublier qu’il s’agissait d’un cas de responsabilité pour faute du médecin, faute qui résultait d’une incurie particulièrement lourde dans l’affaire Perruche puisqu’il s’agissait d’une erreur dans le dépistage de la rubéole de la mère en cours de grossesse.

Quoi qu’il en soit, les passions l’emportèrent sur la raison et la Loi du 4 mars 20023 sur la protection du droit des malades mis à bas la jurisprudence Perruche dans son art. 1er où elle consacre l’irresponsabilité des professionnels de la santé eu égard à la naissance handicapée d’un enfant des suites d’une faute dans le diagnostic prénatal et renvoie à la solidarité nationale pour l’indemnisation forfaitaire de l’enfant handicapé4.

308. La loi s’appliquait immédiatement à toutes les instances en cours, ce qui constituait un problème

au regard du premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège la propriété des biens, et par conséquent la propreté des créances car ces dernières sont

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AP 17 nov. 2000 n°99-13701, P, JCP G 2000 II 10438, comm. J. SAINTE-ROSE, F. CHABAS, P. SARGOS, D. 2000, 5, D. MAZEAUD, D. 2000, 336, P. JOURDAIN, D. 2001, 332, D. MAZEAUD et P. JOURDAIN, conc. SAINTE-ROSE, Def. 2001, 281, L. AYNÈS, Dr. et pat. 2001, n°89, p. 107, F. CHABAS, Dr. famille 2001, comm. 11, P. MURAT, GP 2001, p. 26, J. GUIGUE, JCP G 2001 I 286, G. VINEY, JCP G 2001 I 287, P.-Y. GAUTIER, JCP G 2001 I 293, P. MURAT, Méd. et droit 2001, n°46, p. 2, F. DREIFUSS-NETTER, LPA, 8 déc. 2000 n°245, p. 9, M. GOBERT, RTD civ. 2001, 226, R. LIBCHABER, arrêt de cassation : « Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec Mme X avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».

2

G. VINEY et P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, traité LGDJ 4ème éd. 2013, n°249-2.

3

Art. 1er loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cour, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation ».

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L’enfant ne peut plus obtenir du médecin l’indemnisation de son propre préjudice. Les parents quant à eux ne peuvent plus obtenir la réparation de leur préjudice matériel résultant de la prise en charge de leur enfant handicapé. Seul leur préjudice moral peut éventuellement être réparé, à la condition de prouver, non pas une faute simple, mais une faute caractérisée du médecin.

constitutives d’un bien. C’est ainsi que la France fut condamnée en 2005 par la CEDH dans l’affaire Draon1 où l’application de la loi précitée du 4 mars 2002 à un enfant née avant ladite loi conduisait à supprimer sa créance de réparation sans prévoir de compensation pécuniaire satisfaisante. Le recours à la solidarité nationale ne permet en effet qu’une indemnisation forfaitaire loin d’égaler l’indemnisation intégrale que couvrait la créance de réparation détruite par la loi.

Par la suite, la Cour de cassation rendit toute une série d’arrêts2 pour consacrer l’inapplicabilité de la loi du 4 mars 2002 aux enfants handicapés nés avant l’entrée en vigueur de la loi, ce malgré la lettre de son art. 1er qui prévoyait son application aux instances en cours, a fortiori aux enfants nés avant l’entrée en vigueur et qui n’avaient pas introduit d’action en justice. En effet, cet article de la loi devait restait lettre morte car, en portant atteinte à la créance de réparation de la victime, il violait l’art. 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’attendu de l’un des arrêts de la cour de cassation ayant suivi la condamnation par la CEDH mérite ici d’être reproduit pour en extraire l’apport complet de cette jurisprudence au regard de la date de naissance de la créance de réparation :

« Attendu, cependant, que dès lors que la faute … avait empêché celle-ci (la mère) d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse … afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap et … que … les parents pouvaient, avant l’entrée en vigueur de la loi susvisée, demander la réparation des charges particulières découlant du handicap de l’enfant tout au long de la vie, causées par la faute retenue ».

309. Quant à la date de naissance de la créance, l’application de la loi est écartée car elle

conduirait à supprimer le bien que constitue la créance de réparation. Ceci suppose que la créance est déjà née pour qu’elle puisse constituer un bien. La créance est née au jour du dommage que

constitue la naissance handicapée de l’enfant. C’est pourquoi Mireille Bacache explique que « la

césure devrait désormais se faire entre les enfants nés avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, qui continuent de relever des règles dégagées par la jurisprudence Perruche et ceux qui sont nés après le 7 mars 2002 soumis désormais aux dispositions de son article 1er. La jurisprudence Perruche a encore de l’avenir. Elle s’applique à tous les enfants nés avant le 7 mars 2002 et qui peuvent intenter l’action dans les dix ans de leur naissance, sachant que le délai est suspendu par la minorité »3.

Quant au contenu de la créance protégée, il résulte de la lettre de la jurisprudence que la créance de réparation concerne la réparation de tous les préjudices, y compris ceux postérieurs à

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CEDH 6 oct. 2005 req. n°1513/03, affaires Draon c. France et Maurice c. France, RTD civ. 2005, 743 obs. J.-P. MARGUENAUD, JCP G 2006 I 109, F. SUDRE.

2

Civ. 1, 21 janv. 2006 n°03-11917, P, civ. 1, 24 janv. 2006 n°01-13684, 02-13775 et 02-12260, P, D. 2006, 325, I. GALLMEISTER, Dr. famille 2006, comm. 105, B. BEIGNIER, conc. J. SAINTE-ROSE, Resp. civ. et assur. 2006, comm. 24 et 94, C. RADÉ, JCP G 2006, II 10062, A. GOUTTENOIRE et S. PORCHY-SIMON, civ. 1, 30 oct. 2007 n°06-17325, P, la motivation d’une « révélation du dommage … nécessairement antérieure à l’entrée en vigueur de la loi » est cependant critiquable car le caractère connu du dommage ne change rien à son existence et par suite à l’existence de la créance de réparation qu’il fait naître. Voir également civ. 1, 8 juill. 2008, n°07-12159, FP-P+B+R+I, RLDC janv. 2009 p. 96, J.-S. BORGHETTI, D. 2008, 2765, S. PORCHY-SIMON, JCP G 2008 I 186, P. STOFFEL-MUNCK, JCP G 2008 II 10166, P. SARGOS et rapp. C. MELLOTTÉ, Resp. civ. et assur. 2008, comm. 329, C. RADÉ.

3

l’entrée en vigueur de la loi car il est question dans l’arrêt précité de toutes les charges particulières

découlant du handicap de l’enfant tout au long de la vie, or, de toute évidence, sa vie s’est poursuivie au-delà de l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, la réparation incorpore donc les charges postérieures à l’entrée en vigueur de la Loi.

Dans ces affaires, la créance de réparation naît au jour du dommage que constitue la naissance handicapée et porte sur la réparation de tous les préjudices futurs. À défaut, si la créance naissait au fur et à mesure de la survenance des préjudices, alors la loi ne serait inapplicable que pour les préjudices qui se seraient manifestés avant l’entrée en vigueur de la loi, les seuls biens existant à cette date et auquel il serait porté atteinte par la loi. Mais la loi serait bien applicable pour les préjudices qui ne se seraient pas encore manifestés, notamment les charges futures dues au handicap, car étant postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, ils ne constitueraient pas des biens susceptibles de protection avant sa survenance et la loi ne les supprimerait pas dans ces conditions, mais les empêcherait de naître pour l’avenir. Tel n’est pas le cas. Il n’est pas opéré de scission entre les préjudices antérieurs à la loi et les préjudices postérieurs. C’est donc bien que le dommage initial, la naissance handicapée de l’enfant, donne naissance à une créance unique de réparation de tous les préjudices, passés, présents et futurs, en l’espèce les charges générées par le handicap tout au long de la vie de l’enfant. La créance de réparation ne naît pas des préjudices subséquents, mais pour le tout à la date du seul dommage initial. Il est déjà possible de pressentir l’intérêt de distinguer sur le plan terminologique le dommage des préjudices quant à la date de naissance de la créance.

310. Pour finir, le raisonnement précédemment déployé ne se limite pas aux cas de naissance d’un

enfant handicapé. La loi du 4 mars 2002 a constitué un véritable recul du droit positif quant à la responsabilité des professionnels de la santé et par conséquent de l’indemnisation des victimes. La loi du 4 mars 2002 met également fin à l’obligation de sécurité de résultat que faisait peser la jurisprudence sur les médecins en matière d’infections nosocomiales. Elle impose d’en revenir à un système de responsabilité pour faute prouvée, ce qui implique qu’il ne s’agit plus d’une obligation de sécurité de résultat, mais de moyen. Et la loi prévoit son application en la matière à tous les actes médicaux accomplis à compter du 5 sept. 20011. Or, en la matière, l’infection se trouve nécessairement concomitante de l’acte médical ayant permis l’invasion des microbes dans l’organisme. Les créances des réparations naissent donc des actes médicaux pratiqués. Il en résulte que la loi devrait être inapplicable pour tous les actes médicaux pratiqués avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002.

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