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Avant d’exposer les arguments de droit positif qui permettent de réfuter les thèses

Dans le document Les dates de naissance des créances (Page 59-61)

§2 : La thèse périodique dualiste 

Section 1 : Des thèses lacunaires

93. Avant d’exposer les arguments de droit positif qui permettent de réfuter les thèses

contemporaines et par conséquent leur caractère lacunaire, il convient d’écarter d’emblée un argument fréquemment invoqué en la matière, mais qui s’avère inopérant, celui qui repose sur la

Stéphane Torck1 l’invoque pour réfuter toute naissance des créances postérieure au jour de la formation du contrat. Toutefois, cette même théorie de la cause est également invoquée par ses contradicteurs. En effet, Gilles Endréo l’utilise également à l’appui de sa thèse qui n’est autre que la thèse matérialiste d’une naissance de la créance de rémunération au jour de l’exécution de la prestation2.

Il est vrai qu’il est traditionnellement enseigné3 et habituellement rappelé par la Cour de cassation que « la cause de l’obligation d’une partie à un contrat synallagmatique réside dans l’obligation contractée par l’autre »4. Toutefois, s’appréciant au jour de la formation du contrat5, la théorie de la cause ne supporterait aucune naissance postérieure de créance. Or, nombre de contrats font naître des créances à une période postérieure au jour de leur formation sans pour autant que leur validité ne soit remise en cause6. Peuvent être cités le contrat d’agent commercial7, le contrat de cautionnement omnibus8 ou encore du contrat d’assurance9. Au demeurant, il n’est pas contesté qu’un contrat puisse porter sur une chose future ou sur une cause future10. Pourtant la cause d’une obligation réside dans l’objet de l’autre11. Il en résulte que la cause peut ne survenir que dans le futur. En réalité, comme l’expliquait Henri Capitant, « dans le contrat synallagmatique, chacun s’oblige parce qu’il a en vue

1

S. TORCK, « La date de naissance des créances en droit civil », in colloque du CEDAG sur la date de naissance des créances, LPA 2004 n°224 p. 25, n°21. L’auteur expose qu’il n’est qu’à faire appel à la théorie de la cause pour invalider rapidement une telle théorie en constatant simplement « que les obligations qui, dans un contrat synallagmatique, ne naîtraient pas simultanément, perdraient leur interdépendance car… l’objet sur lequel porte les obligations respectives… ne s’accordent plus suffisamment pour se servir de cause réciproque ».

2

G. ENDRÉO, « Fait générateur des créances et échange économiquee », RTD com. 1984, 223. L’auteur est le seul à faire appel explicitement à la théorie de la cause. Mais la majeure partie des partisans des thèses matérialiste et périodique, sans se référer explicitement à la cause en tant que concept, s’y réfèrent implicitement par l’utilisation du terme : la rémunération a pour cause la prestation, ce pourquoi elle naîtrait de la réalisation de cette prestation. Mais pour quelle raison les créances devraient-elles naître de l’accomplissement de leurs causes dès lors que celles-ci étaient déjà prévues au contrat. Il y a confusion entre les mécanismes de naissance des créances contractuelles et extracontractuelles. Contrairement aux créances extracontractuelles qui naissent nécessairement d’un fait prévu au contrat, la volonté vient changer la donne en matière de créances contractuelles où les créances naissent du contrat ou d’un fait prévu au contrat pour faire naître la créance. Emmanuel Putman réplique à juste titre qu’il y a lieu de ne pas confondre l’obligation et la prestation car la cause finale dégagée par Capitant vise davantage l’exécution de l’obligation, la prestation, que l’obligation elle-même (E. PUTMAN, La formation des créances, th, 1987, n°220).

3

F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 11ème éd. 2013, n°340 : « Dans les contrats synallagmatiques, la cause de l’obligation de chacune des parties réside dans l’obligation de l’autre ». L’origine de ce quasi- adage nous viendrait de Domat (DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel, L. I, T. 1er, sect.. 1ère, 6).

4

Com. 9 juin 2009 n°08-11420, inédit : l’arrêt met fin à la dérive consistant à prononcer la nullité d’un contrat pour absence de rentabilité sous couvert de la cause.

5

D. MAZEAUD, « La cause, in 1804 – 2004, Le Code civil, un passé, un présent, un avenir », D. 2004, p. 451, spéc. p. 456, se référant à A. Bénabent ainsi qu’à Carbonier.

6

Sur cette question, voir infra n°442 et s.

7

Dans lequel les créances de commissions ne naîtront qu’aux dates de passation des contrats pour lesquels l’agent est commissionné.

8

Dans lesquels les obligations de règlement de la caution ne naîtront qu’aux dates postérieures de naissance des créances futures couvertes.

9

Dans lequel la créance d’indemnisation prévue au contrat ne prendra naissance qu’au jour postérieur de la survenance d’un sinistre. Si l’aléa chasse la lésion, il ne chasse pas la cause. La nature aléatoire de ce contrat n’empêche pas que la condition de validité qu’est la cause soit appliquée et examinée (F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit. n°343).

10

Si le contrat ne peut porter sur une chose impossible, il peut néanmoins porter sur une chose qui n’existe pas encore dès lors que ce caractère futur est pris en compte par les parties au jour de la formation du contrat. L’article 1130 al. 1er du Code civil en dispose expressément et l’affirmation ne fait aucun doute tant en doctrine qu’en jurisprudence (C. LARROUMET, Traité de droit civil, t. 3, Les obligations, Le contrat, 1ère partie, Conditions de formation, Traité, Economica, 6ème éd. 2007, n°388). Ainsi, dans la vente, la cause de l’obligation de payer le prix réside dans le transfert de propriété et dans l’obligation de livrer (Civ. 1, 12 juill. 1989, n°88-11443, P, JCP G II 21546 Y. DAGORNE-LABBÉ, Déf. 1990, 34750, p. 358, J.-L. AUBERT, RTD civ. 1990, 468, J. MESTRE). Or, excepté dans la vente à emporter, la livraison est toujours postérieure au jour de la formation du contrat. Et dans une vente avec clause de réserve de propriété, le transfert de propriété ne s’accomplit que postérieurement, après la formation du contrat, au jour où l’acheteur a achevé de payer le prix. Surtout, dans la vente d’une chose future, non seulement le transfert de propriété ne peut se réaliser immédiatement en l’absence d’une chose sur laquelle il pourrait s’exercer, mais surtout, la chose même visée par l’acheteur n’existe pas encore, le contrat n’en est pas moins valable.

11

l’exécution de la prestation promise par l’autre »1. Dès lors, la cause est en réalité nécessairement future puisqu’elle réside dans l’exécution et non pas dans l’obligation. Au surplus, il peut être remarqué que la cause est une condition de validité de tous les contrats et non pas uniquement des contrats synallagmatiques2 et que, même dans ces derniers, la cause peut parfois être recherchée en dehors du contrat3.

Dès lors, peu importe la date à laquelle survient la cause, il suffit qu’elle ait été « convenue »4

au contrat pour que celui-ci soit valide. Puisque la date de survenance de la cause d’une obligation

n’a pas d’importance, qu’il suffit qu’elle ait été prise en compte par les parties au jour de la formation du contrat sans qu’il soit nécessaire qu’elle existe, alors la théorie de la cause est inapte à éclairer la date de naissance de la créance.

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