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L’indifférence du jugement d’ouverture quant aux échéances postérieures

Dans le document Les dates de naissance des créances (Page 111-114)

§2 : La thèse périodique dualiste 

Section 1 : Des thèses lacunaires

B.  L’efficacité de la cession des échéances postérieures 

1/  L’indifférence du jugement d’ouverture quant aux échéances postérieures

166. Contrairement à la saisie-attribution, le fait que l’ouverture d’une procédure collective

postérieure à la cession de créance à exécution successive n’empêche pas le paiement des échéances qui lui sont postérieures est indispensable pour montrer que ces échéances correspondent à une créance née antérieurement. Encore faut-il montrer que la jurisprudence est en ce sens. Or, s’il est certain qu’elle ne l’a pas toujours été, il n’y a pas de certitude absolue qu’elle le soit pour le cas des contrats à exécution successive continue tel le contrat de bail. Il est néanmoins possible d’extrapoler en ce sens. De l’avis de tous les auteurs, c’est l’arrêt de chambre mixte précité rendu en matière de saisie-attribution qui a commandé un alignement de la chambre commerciale, y compris pour la cession de créance.

Le rappel de la jurisprudence antérieure à 2002 est nécessaire (a) pour pouvoir extrapoler par la suite l’extension du revirement à l’ensemble des contrats à exécution successive (b).

a) La jurisprudence contraire de la chambre commerciale avant 2002

167. C’est au sujet de la cession de rémunérations non salariées qu’un arrêt de la chambre

commerciale de la Cour de cassation du 26 avril 20001 rejette le pourvoi de la banque cessionnaire qui réclamait au débiteur cédé le paiement des échéances postérieures au jugement d’ouverture du cédant au motif que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ».

Concernant la cession de loyers, la même chambre rejette pareillement par un arrêt du 13 novembre 20022 le pourvoi de la banque cessionnaire contre l’arrêt d’appel qui avait accueilli la demande du mandataire judiciaire en remboursement des loyers échus après le jugement d’ouverture.

168. Un arrêt du 22 mai 20023 explicite le fondement de cette solution. Il s’agissait d’un arrêt de cassation ayant notamment pour visa l’article 33 de la loi de 1985 qui concerne l’interdiction de paiement des créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective (nouvel art. L. 622-7 du Code de commerce, anciennement L. 621-24). Était en cause une cession de droit commun de loyers. Les juges du fond avaient refusé de condamner le débiteur à payer une seconde fois au motif que le mandataire judiciaire n’était pas en droit d’en réclamer le paiement puisque la créance était définitivement sortie du patrimoine avant l’ouverture de la procédure collective. L’arrêt est cassé au motif que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits du cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ».

Avant l’arrêt de chambre mixte du 22 novembre 2002 rendu en matière de saisie-attribution4, la chambre commerciale adoptait la même solution en matière de cession Dailly qu’en matière d’avis à tiers détenteur : les échéances postérieures ne pouvaient être payées car elles étaient nées de l’exécution postérieure au jugement d’ouverture, ce pourquoi elles ne pouvaient plus être transférées au cessionnaire en raison de l’indisponibilité du patrimoine du cédant qu’avait emporté l’ouverture de la procédure collective. Tel ne semble plus être le cas depuis l’arrêt de chambre mixte rendu en matière de saisie-attribution.

1

Com. 26 avr. 2000, n°97-10415, P, RJDA juill. 2001, p. 663, G.-A. LIKILLIMBA, JCP G 2000, p. 1134, D. LEGEAIS, op. cit. n°161. RTD com. 2000, 994, M. CABRILLAC.

2

Com. 13 nov. 2002 n°00-10381, inédit.

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Com. 22 mai 2002 n°99-11052, inédit, RJDA 2002, 1168. L’arrêt vise également les articles 1689 et 1690 du Code civil puisqu’il s’agissait d’une cession de droit commun, ainsi que l’art. 107-3 du Code de commerce qui n’avait visiblement rien à voir avec le problème juridique puisqu’il n’était nullement question des nullités de la période suspecte ici. La solution pouvait en réalité se justifier sur un autre fondement que sur la date de naissance successive et postérieure des échéances car il s’agissait d’une cession de droit commun à titre de garantie dont on sait qu’elle se trouve disqualifiée en nantissement de créance qui n’emporte pas transfert de propriété. Dès lors, peu importe la date de naissance de la créance puisque dans tous les cas cette cession n’emportait pas son transfert dans le patrimoine du cessionnaire, l’ouverture de la procédure collective touchant le patrimoine du cédant l’atteignant alors systématiquement pour empêcher le paiement du cessionnaire.

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b) Le revirement depuis 2002

169. L’arrêt du 7 décembre 20041 de la chambre commerciale de la Cour de cassation est classiquement présenté comme l’alignement de la chambre commerciale sur l’arrêt de chambre mixte précité. Cet arrêt concernait certes une cession Dailly, mais il s’agissait d’une créance de prix de vente issue d’un contrat à exécution instantané et non pas à d’une créance exécution successive. Si cet arrêt constituait un revirement de la chambre commerciale malgré la nature inappropriée de la créance cédée, ce serait à cause du contexte, des précédents et de la large publicité à laquelle il était promu2. L’interprétation dans le sens d’un revirement mérite cependant d’être étoffée.

La motivation des arrêts antérieurs à 2002, des « créances nées de la poursuite d’un contrat » et le fondement de l’interdiction des paiements correspondent à la jurisprudence rendue à la même époque en matière d’ATD dont nous avons vu qu’elle pouvait s’interpréter comme constituant le corollaire de celle rendue sous le privilège de l’anccien article 40 en ce qu’en adoptant une date de naissance des créances similaires, née de l’exécution, elle permettait de fournir un gage plus étendu aux créanciers postérieurs qui alimentent la poursuite de l’activité. Or, la date de naissance de la créance de rémunération à la date d’exécution s’applique également en matière de contrat instantané, notamment en matière de vente où la créance de prix naît du jour de la livraison. Il s’ensuit que, si la chambre commerciale suivait bien avant 2002 ce parallélisme compréhensible avec le privilège de l’ancien article 40, alors son abandon dans cet arrêt du 7 décembre 2004 dans le cadre d’un contrat de vente implique qu’il en soit de même en matière de contrat à exécution successive, que les créances de prix ne naissent plus de l’exécution du contrat mais de la souscription du contrat, dès avant l’exécution de la prestation caractéristique. Autrement dit, l’abandon de la date de naissance dérogatoire du privilège de l’ancien article 40 constitue un abandon pour tous les contrats dans lesquels elle s’applique, à savoir tous les contrats à titre onéreux, qu’ils soient à exécution successive ou instantanée.

170. Un arrêt du 22 novembre 20053 vient confirmer cette analyse en rendant une décision similaire au sujet d’un contrat à exécution successive échelonnée. Il s’agissait de créances résultant d’un contrat de marché public conclu avec l’OPAC4 qui avaient été cédées à la banque par bordereau Dailly. Le mandataire judiciaire de l’entreprise de travaux publics demandait à la banque le remboursement des deux échéances postérieures au jugement d’ouverture et correspondant à deux situations successives de l’état d’avancement des travaux. Comme les échéances postérieures concernaient des travaux exécutées par l’entreprise en procédure collective après le jugement d’ouverture, il s’agissait bien d’un contrat à exécution successive échelonnée dont il pouvait être soutenu conformément à la jurisprudence antérieure à 2002 que les créances étaient nées de la

1

Com. 7 déc. 2004, n°02-20732, FP + P + B + I, op. cit. n°169.

2

J. MESTRE et B. FGES, RTD civ. 2005 p. 132.

3

Com. 22 nov. 2005, n°03-15669, P, D. 2005, 3081, X. DELPECH, D. 2006, 2855, P.CROCQ, D. 2007, 760, D. MARTIN, RTD com. 2006, 169, D. LEGEAIS, Def. 2006, art. 760, E. SAVAUX, JCP G 2006 I n°139, p. 953, M. CABRILLAC et P. PÉTEL, Act. proc. coll. n°13, R. BONHOMME, Banque et droit 2006 n°105, p. 67, T. BONNEAU, Dr et patr. 2006, n°145, p. 128, P. DUPICHOT.

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poursuite du contrat de marché public après le jugement d’ouverture, ce que ne manquait pas d’invoquer le pourvoi. Celui-ci fut pourtant rejeté, ce qui montre la volonté de la Cour d’étendre l’arrêt de chambre mixte concernant la saisie aux cas de cession de créance, à tout le moins pour les contrats échelonnés, mais vraisemblablement pour tous les contrats à exécution successive1, y compris ceux à exécution continue.

171. Le jugement d’ouverture d’une procédure collective n’empêche pas la cession antérieure d’une

créance à exécution successive de produire ses effets sur les échéances postérieures. Mais cela ne suffit pas à démontrer que les échéances futures correspondent à une créance née avant l’ouverture de la procédure. Encore faut-il pour cela que le jugement d’ouverture fasse obstacle au paiement des créances cédées si elles naissent après sa survenance et seulement pour cette raison. Cela ne va pas forcément de soi car, d’une part la cession de créances futures est valable contrairement à la saisie de créances futures, d’autre part il aurait pu être fait appel à la technique de la fiction juridique.

2/ L’obstacle  du  jugement  d’ouverture  à  l’efficacité  de  la  cession  antérieure  de  créances 

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