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Axes méthodologiques

Dans le document Les dates de naissance des créances (Page 30-35)

germe 2 de créance et la créance éventuelle Ces notions sont imprécises dans leur contenu et dans

III. Axes méthodologiques

48. Les axes méthodologiques adoptés sont au nombre de trois, le respect de la cohérence (A), le

décloisonnement de la réflexion (B) et le renouvellement de l’approche quant à la problématique choisie (C). Les deux premiers fixent une ligne de conduite, tandis que le troisième indique l’orientation choisie et par conséquent le cheminement suivi.

A. La cohérence du système de droit privé respectée

49. Il n’est pas possible de prétendre résoudre une incohérence tout en faisant soi-même preuve

d’incohérence. Chercher à restaurer cohérence du droit privé quant à la date de naissance de la créance de prix implique de respecter autant que possible la cohérence du système dans son ensemble. Il ne serait pas satisfaisant de résoudre une incohérence par la création ou par le renforcement d’autres sources de confusions. Pour cette raison, il sera nécessaire de prendre parti sur un certain nombre de points sans lesquels toute construction cohérente dans son ensemble serait vouée à l’échec. En particulier, les facteurs d’incohérences précédemment exposés obscurcissent le débat. Il sera indispensable de prendre position quant à eux en suivant comme axe de conduite la préservation d’une cohérence d’ensemble. Pour ce faire il s’impose d’écarter tout raisonnement

biaisé qui nierait inutilement jusqu’à l’existence abstraite du concept de créance lui-même.

50. Suivant cette lumière, la distinction du terme et de la condition devra être préservée, car elle

n’est pas fictive, mais relève de l’essence du concept de créance1. Corrélativement, la naissance de

1

D’autres articles du Code monétaire et financier reprennent le même dispositif pour les effets de cessions particulières par bordereau : articles L. 214-169 et L. 515-21.

la créance devra être distinguée de son exigibilité2. Elle devra également se distinguer de sa liquidité3.

51. Les notions inutiles, voire dangereuses pour l’existence abstraite et théorique de la créance,

comme pour la cohérence d’ensemble du droit privé, devront être écartées, qu’il s’agisse du germe

de créance4 ou du droit éventuel5. Ces notions, auxquelles il est possible d’adjoindre celle de

créance certaine6, ne constituent en réalité que les symptômes des incertitudes du droit positif en matière de date de naissance de la créance. L’idée qu’elles incarnent est compréhensible. Mais leur existence réelle est douteuse et se dissout à la lumière de la véritable date de naissance des créances concernées. Par exemple, comme il sera vu, la créance de réparation existe dès le jour du dommage. Dès lors, il ne sert à rien de dire que la créance est en germe avant le jugement de condamnation. Il y a davantage qu’un germe, il y a une véritable créance. Utiliser l’idée de germe ne fait que générer un doute quant à cette existence et par conséquent quant à la date de naissance de la créance. Davantage qu’un germe de créance, il s’agit là d’un germe d’incohérence quant à la date d’existence de la créance dans le système de droit privé.

52. La logique fondamentale des mécanismes de transfert de propriété devra être préservée, ce

qui implique qu’une créance ne soit transférée d’un patrimoine dans un autre qu’après son existence et non pas avant7.

Dans le même ordre d’idée, la logique fondamentale du mécanisme d’extinction de la créance devra aussi être préservée, ce qui implique qu’une créance ne puisse être éteinte qu’après sa naissance et non pas avant8.

Seules ces bases sont cohérentes. Il convenait d’exposer dès à présent ces axiomes de cohérence du

système de droit privé sans lesquelles aucune restauration de la clarté n’est possible en matière de

date de naissance de la créance, élément fondamental de ce système.

1

Cf. infra n°524. Pour cette même raison, la certitude de la créance sera considérée comme s’identifiant quant à elle à sa date de naissance. Cette vision correspond à celle de la condition où la créance n’existe pas encore parce que l’événement n’est pas certain, ce qui implique que l’engagement n’est lui-même pas certain et qu’a contrario l’engagement existe lorsqu’il est certain, que la certitude participe de l’essence de la créance. D’autres degrés de certitude peuvent être exigés cependant, ils ne relèvent pas de la naissance de la créance, mais de sa perfection comme l’a relevé Emmanuel Putman dans sa thèse (E. PUTMAN, La formation des créances, th. 1987).

2

Cf. supra n°42.

3

Cf. supra n°41 et infra n°65.

4

Le germe de créance ne présente pas d’utilité réelle en droit. Il est en réalité à chaque fois utilisé pour pallier l’ignorance de l’existence réelle de la créance considérée. Cf. supra n°44 et infra n°149 et s., 174 et s.

5

Le droit éventuel est un facteur de confusion. Classiquement il désigne un droit qui n’est pas encore né et présente à ce seul égard une utilité dans son opposition à la créance d’ores et déjà née. La notion devient dangereuse à notre sens lorsqu’il est tenté d’en faire un droit qui existerait déjà quant à lui car cette approche, d’après nous douteuse, fait perdre à la notion sont utilité tangible, une opposition par rapport à un droit qui existe belle et bien. Cf. supra n°40 et 44.

6

La certitude de la créance est généralement redondante de sa seule naissance et se trouve le plus souvent, en réalité inutile. Elle peut cependant présenter une utilité pour la cession du droit litigieux ou bien au stade de la perfection de la créance. Le danger provient donc de l’utilisation du qualificatif de certitude lorsqu’il n’a pas d’utilité et correspond en réalité à la créance simplement née, car alors les stades de la naissance et de la perfection se trouvent rapprochés, ce qui est source de confusion en matière de date de naissance de la créance. Cf. infra n°524.

7

Cf. infra n°158 et s., n°173 et s.

8

B. La réflexion décloisonnée

53. Le cantonnement de la problématique traitée à titre de démonstration principale ne signifie pas le

cloisonnement de la réflexion.

Comme il a été observé, pour préserver l’unité de la démonstration, il a été opéré un choix principal quant à la problématique à résoudre sur le terrain de la date de naissance de la créance. Ce choix porte sur la restauration de la cohérence du droit quant à la date de naissance de la créance

monétaire de prix issue d’un contrat synallagmatique à titre onéreux.

Mais le choix d’une problématique parmi celles que recèle potentiellement le thème plus général de la date de naissance des créances n’implique pas un cloisonnement de la réflexion. La particulière transversalité du concept de créance nécessite au contraire un double décloisonnement, à la fois par

rapport aux sources de l’obligation et par rapport aux branches du droit.

54. La problématique ciblée ne vise évidemment que la source contractuelle. Malgré tout, les mécanismes précédemment énoncés qui mettent en œuvre le critère de date de naissance de la créance, de son existence, concernent tous types de créances, quelle que soit leur source. Et la

créance constitue un concept unitaire du droit, en principe identique dans sa nature et sa structure quelle que soit la source dont elle est issue. Pour ces raisons, si les autres sources d’obligations ne peuvent entrer à titre principal dans l’argumentation, elles ne doivent pas être écartées a priori de la réflexion, car elles peuvent représenter une source d’inspiration fructueuse.

55. A fortiori, aucune branche du droit privé ne doit être mise à l’écart a priori. En effet, la plupart

d’entre elles connaissent des créances de source contractuelle. Seules celles qui ne comportent pas de créances contractuelles de prix pourront être écartées.

Par exemple, le droit pénal ne présente a priori pas d’intérêt au regard de la créance de prix issue d’un contrat synallagmatique à titre onéreux. La date de naissance de la créance d’amende peut néanmoins être sujette à réflexion, car il y a lieu d’hésiter entre la date de commission de l’infraction et la date du jugement de condamnation. Cependant, cette problématique s’avère beaucoup trop éloignée de celle choisie pour qu’elle puisse être abordée, même de façon incidente.

Mais des branches particulières telles que le droit comptable et le droit fiscal ne doivent pas être laissées de côté au motif d’une prétendue autonomie, dont Maurice Cozian a magistralement

démontré le caractère erroné1. Bien au contraire, ces branches du droit appréhendent nécessairement toute créance de prix et doivent être mises à profit, car elles peuvent s’avérer une source d’inspiration généralement peu recherchée.

1

M. COZIAN, « Propos désobligeants sur une “tarte à la crème“ : l’autonomie et le réalisme du droit fiscal », in Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Litec, 4ème éd. 1999 p. 3.

Les branches du droit comptable et du droit fiscal doivent d’autant moins être écartées qu’elles constituent des matières plus économiques. Or, dans la controverse sur la date de naissance de la créance de prix, il est des auteurs qui adoptent une approche plus économique du problème1. Pourtant, ces auteurs n’abordent ni le droit fiscal ni le droit comptable et se limitent dans leur argumentation au droit des entreprises en difficulté pour transposer en droit commun la date de naissance de la créance de prix qui y est adoptée. La vision de ces auteurs ne s’est certes pas imposée in fine. Mais la controverse est demeurée. Dès lors, toute source potentielle d’inspiration nouvelle ne doit pas être mise à l’écart.

C. L’approche renouvelée

56. Le fait que cette controverse dure depuis si longtemps représente un point cardinal à prendre en

compte. D’éminents auteurs se sont penchés sur la question sans qu’un consensus ne s’installe. Si la résolution de cette controverse résidait dans le choix pour l’une ou l’autre des thèses en présence, l’issue aurait été trouvée depuis longtemps2. Pour cette raison, il est nécessaire de sortir du cadre

existant pour explorer d’autres perspectives.

Le caractère inextricable de la problématique provient du fait que la plupart des arguments invoqués dans un sens ou dans l’autre sont en réalité recevables. Il ne serait pas satisfaisant de limiter la démarche au choix de l’une ou de l’autre des thèses proposées en mettant simplement avant les arguments de celle-ci pour négliger ceux qui lui sont opposés. Cela ne ferait nullement avancer la réflexion sur le sujet ni l’état actuel du droit positif. Si une grande partie des arguments de chacun des partisans de chacune des thèses ne peut être réfutée, c’est nécessairement que l’opposition ne peut prospérer et que la nouvelle perspective doit passer par une articulation.

En l’état du système de droit privé, cela impliquerait de faire coexister plusieurs dates de naissance d’une même créance. Cela n’est d’emblée pas envisageable, car il n’est pas naturel qu’un même

concept puisse avoir deux dates de naissance différentes. Pour cette raison, articuler les thèses en présence au lieu de les opposer implique de répondre à la dualité des dates de naissance qu’elles

portent en elles par une dualité du concept de créance lui-même.

57. Une ligne de démarcation peut être tracée entre des auteurs partisans d’une vision classique et

ceux partisans d’une vision plus économique. Trouver les linéaments théoriques permettant de faire coexister ces deux visions au sein du système de droit privé passe nécessairement par un approfondissement de la vision économique du problème, afin de bien percevoir son essence. Une

1

G. ENDREO, « Fait générateur des créances et échange économiquee », RTD com. 1984, 223. F. BARON, « La date de naissance des créances contractuelles à l’épreuve du droit des procédures collectives », RTD com. 2001, 1.

2

Cela est d’autant vrai que, comme il sera vu, la controverse existait déjà à la fin du 19ème siècle en droit des entreprises en difficulté (cf. infra n°74, n°114 et s.). La loi de 1985 et son article 40 n’ont fait que renouveler ce problème qui s’était déjà posé, cette hésitation quant aux dates de naissance de la créance de prix.

fois cette essence mieux cernée, nous verrons qu’il sera possible d’identifier d’autres manifestations de cette vision économique en dehors du droit des entreprises en difficulté.

La réflexion et la recherche de la cohérence du droit quant à la date de naissance de la créance de prix doivent ainsi passer par un nouvel examen des thèses en présence et du hiatus auquel conduit leur opposition. Ce n’est qu’à l’issue de ce constat de carence qu’il sera possible de s’orienter vers la voie nouvelle d’une conciliation des thèses en présence, en cheminant vers l’existence d’une approche plus économique de la créance et de sa date de naissance.

L’incohérence d’une dualité inextricable des dates de naissance de la créance (partie 1) sera donc levée par la découverte de la coexistence d’une dualité des acceptions du concept de créance, l’une classique bien connue, l’autre économique qu’il reste à découvrir (partie 2).

PARTIE 1 : Les carences d’une approche juridique de la date

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