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La possession comme mode d’acquisition du droit

Dans le document Le droit de marque (Page 93-95)

L A NATURE JURIDIQUE DU DROIT DE MARQUE

A. La possession comme mode d’acquisition du droit

73. La notion de possession.— Les articles 711 et 712 du Code civil énoncent les différentes

manières dont on acquiert la propriété. Cette dernière peut s’acquérir par succession

ab intestat ou testamentaire, par l’effet des obligations 299, par accession ou par prescription.

Ce dernier mode d’acquisition de la propriété, la possession, prend la forme de l’usucapion en matière immobilière et de l’occupation en matière mobilière. L’article 2255 du Code civil définit la possession comme « la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom ». L’article 2256 du même code précise qu’ « on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire ». La possession sert donc à la fois à prouver la propriété et à y accéder, comme en témoigne l’article 2258 du Code civil : « La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ». Le futur article 543 proposé par l’avant-projet de réforme du droit des biens suggère d’ailleurs de simplifier la technicité des mécanismes en clarifiant les effets de la possession et de la prescription acquisitive : « la possession est l’exercice paisible, public et non équivoque d’un droit par celui qui, alors même qu’il n’en serait pas titulaire, se comporte, en fait et en intention, comme s’il l’était ». En matière mobilière, on utilise le terme « occupation ».

74. Possession et occupation.— L’occupation est une forme de possession d’un bien

meuble. La règle de l’acquisition est formulée à l’article 2276, alinéa 1er

, du Code civil : « En fait de meubles, possession vaut titre ». En vertu de ce principe, lorsque les juges du fond sont saisis d’une action en revendication, il n’y a pas lieu de rechercher si le défendeur, qui était possesseur et présumé propriétaire, a lui-même rapporté la preuve de son droit de propriété par titre ou par témoins 300. Le propriétaire initial n’a plus la possibilité de

revendiquer le meuble entre les mains du possesseur de bonne foi, à moins que le meuble ait été volé ou perdu. C’est ainsi que l’occupation est souvent décrite comme un mode originaire d’acquisition en ce que l’acquéreur n’est l’ayant-cause de personne ; il détient une propriété initiale 301. Le domaine d’élection de l’occupation recouvre donc les res nullius 302.

Or, les tenants de la thèse propriétaire admettent que la propriété de la marque s’acquiert par l’occupation d’une res nullius.

75. La prétendue possession de la marque.— M. Zénati-Castaing, rejoint par M. Binctin,

prouve l’existence de la possession de la marque par l’usage des marques notoires : le droit sur ce type de marques ne naîtrait pas de l’enregistrement, mais de l’usage, lequel est une manifestation d’un pouvoir de fait, la possession par usage sur un corpus, le signe 303.

L’argument est étayée par la faculté laissée au titulaire d’une marque notoire de demander l’annulation du dépôt, par un tiers, de sa marque 304, ce qui constituerait une véritable

revendication 305. Or, la revendication dont parle le Code de la propriété intellectuelle

résulte, non d’un principe d’acquisition du droit, mais d’une exception applicable stricto

sensu 306. La généralisation du propos à toutes les marques paraît donc discutable. M. Danos

300 Civ. 3e, 9 janvier 1969, Bull. III, n° 40.— Civ. 3e, 25 mars 1992, Bull. III, n° 105.

301 F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, 8e éd., Dalloz, 2010, p. 328, no 411 : « Mode originaire

d’acquisition, l’occupation est un moyen d’acquérir une chose en en prenant volontairement possession, c’est-à-dire avec l’intention d’en devenir effectivement le propriétaire ».

302 Voir supra, no 51.

303 F. ZÉNATI, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD civ. 1993, p. 305 et s. : « Ainsi,

par exemple, les marques sont-elles dans certains cas susceptibles d’acquisition par l’usage, c’est-à-dire en fait par la possession ». L’auteur justifie ces propos en faisant dire à la loi du 31 décembre 1964, qui faisait acquérir le droit de marque autant par l’usage que par le dépôt, qu’elle entendait conserver exceptionnellement l’acquisition par l’usage dans le cas du titulaire d’une marque notoire.— Voir également N. BINCTIN, Le capital intellectuel, op. cit., p. 44, n° 27.

304 Loi du 31 décembre 1964, article 4, al. 2.

305 F. ZÉNATI, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD civ. 1993, p. 305 et s.

306 CPI, art. L. 712-6, al. 1er : « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit

en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ». al. 2 : « À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement ».

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va encore plus loin dans la généralisation lorsqu’il illustre la possession des droits intellectuels par l’exploitation d’un brevet ou l’usage d’une marque. Concernant les signes distinctifs, il identifie la possession d’une marque à l’usage et à l’utilisation de la représentation graphique à laquelle elle correspond 307. Dans sa thèse, Mme Pélissier

démontre que le pouvoir de fait permet seul d’expliquer l’attribution du droit de propriété industrielle au premier déposant 308. Le dépôt de la demande d’enregistrement

caractériserait donc la possession des objets de propriété industrielle, notamment de la marque 309. Ce raisonnement, cependant, frôle le combat d’arrière-garde, car l’acquisition de

la marque par l’usage n’a plus cours depuis la loi du 23 juin 1857, même pour les marques notoires.

Si la possession est un mode d’acquisition du droit de propriété, elle est également utilisée comme mode de preuve du droit.

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