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L’unité illusoire des droits intellectuels

Dans le document Le droit de marque (Page 146-162)

L A NATURE JURIDIQUE DU DROIT DE MARQUE

L’ ERREUR PORTANT SUR L ’ OBJET DU DROIT

B. L’impossible incrimination du vol

II. L’unité illusoire des droits intellectuels

139. La prétendue unité des droits intellectuels.— L’identification de l’objet du droit de

marque — à savoir les utilités économiques de la marque — permet de mettre en évidence les différences entre les divers droits intellectuels : droit d’auteur, brevet d’invention, droit sur les dessins et modèles et droit de marque. En effet, l’appréhension de ces différents droits intellectuels par un même code peut donner l’illusion d’un régime juridique uniforme. Or, selon les termes de M. Gaudrat, « la valeur essentielle à convertir en valeur économique n’est pas de même nature dans tous les objets intellectuels » 484. Historiquement,

le droit d’auteur est le premier de ces droits à avoir été reconnu par le législateur. Les autres droits intellectuels ont été consacrés dans son sillage, sur le même fondement : le droit de propriété. Les chefs de file de la doctrine du droit de propriété qualifiant les droits intellectuels, apparue au XVIIe siècle, sont Gastambide 485 et Pouillet. Dans son ouvrage

consacré à la propriété littéraire et artistique 486, ce dernier développe la théorie concernant

les œuvres de l’esprit, généralisée plus tard à tous les objets de propriété intellectuelle. Mais le premier à avoir défendu cette position est l’avocat Louis d’Héricourt, en 1725, qui,

481 CPI, article L. 712-1, al. 1er : « L’enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la

demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable ».

482 C. santé pub., article L. 5125-7. 483 C. santé pub., article L. 3333-1.

484 Ph. GAUDRAT, « La propriété intellectuelle : pensée unique ou modèles multiples ? », op. cit., no 12.

485 GASTAMBIDE, Historique et théorie de la propriété des auteurs, 1862.

486 POUILLET, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, Paris,

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plaidant pour la cause des libraires et imprimeurs parisiens dont certains privilèges d’impression ont été révoqués par le pouvoir royal, s’inspire de la thèse de Locke pour défendre le droit de propriété des auteurs sur leurs œuvres, droit cédé ensuite aux libraires et imprimeurs 487. Nous nous situons alors bien avant la Révolution française, et bien avant

l’adoption de législations protectrices des droits dits de propriété intellectuelle. Avant même la reconnaissance d’un droit propre aux auteurs, d’Héricourt applique aux œuvres de l’esprit le raisonnement de Locke consistant à dire que l’homme est propriétaire des choses qu’il a créées ou transformées, fruit de son travail 488. Ainsi, l’ouvrage de l’auteur —

entendu comme l’œuvre immatérielle — est un bien propre parce qu’il est le « fruit d’un travail qui lui est personnel » 489. Les auteurs contemporains reconnaissent volontiers des

critères communs aux droits intellectuels. Ainsi, tous ont un objet immatériel puisqu’ils ne portent pas sur des choses corporelles. De plus, ils sont liés à la personnalité, au talent et au travail intellectuel de leur auteur 490. Enfin, ce sont des « meubles artificiels » en ce qu’ils

échappent aux règles essentielles relatives aux meubles corporels 491. Or, l’apparente unité

n’est qu’illusoire, ce que révèlent les fonctions assurées par les différents droits intellectuels, entraînant d’ailleurs des régimes propres.

140. Les différences fondamentales entre les droits intellectuels.— Il est évident que « le

médicament ou le tire-bouchon pneumatique ont une utilité spécifique, découlant de leur fonction particulière. Guernica de Picasso ou L’invitation au voyage de Baudelaire n’en ont

aucune, si ce n’est celle, au second degré, de faire réfléchir ou de faire rêver » 492. De ce constat, il

peut être déduit que les droits intellectuels assurent chacun des fonctions qui leur sont propres 493. Cette diversité est prouvée par la CJUE à travers la notion qu’elle a développée

de l’objet spécifique de chaque droit. Ainsi, l’objet spécifique du brevet d’invention, déterminé par référence à sa fonction, est « d’assurer au titulaire, afin de récompenser l’effort créateur de l’inventeur, le droit exclusif d’utiliser une invention en vue de la fabrication de produits industriels, soit directement, soit par l’octroi de licences à des tiers,

487 Pour une étude historique approfondie, voir L. PFISTER, L’auteur, propriétaire de son œuvre ? La formation du

droit d’auteur du XVIe siècle à la loi de 1957, thèse, Strasbourg, 1999, p. 206 et s.

488 LOCKE, Second traité du gouvernement civil, chap. 5, § 27, cité par L. PFISTER, op. cit.

489 Mémoire en forme de requête à M. le Garde des Sceaux, p. 24, cité par L. PFISTER, op. cit., p. 216. 490 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les biens, op. cit., p. 85 et s., no 226.

491 Ibidem, p. 82 et s., no 229.

492 Ph. GAUDRAT, « La propriété intellectuelle : pensée unique ou modèles multiples ? », op. cit., no 14.

ainsi que le droit de s’opposer à toute contrefaçon » 494. L’objet spécifique du droit de

dessin et modèle est constitué par « la faculté pour le titulaire […] de s’opposer à la fabrication par des tiers, aux fins de la vente sur le marché intérieur ou de l’exportation, de produits incorporant le modèle ou d’empêcher l’importation de pareils produits qui auraient été fabriqués sans son consentement » 495. Ainsi, alors que le brevet a pour

fonction de « récompenser l’innovation technique satisfaisant à certaines conditions ou, plus précisément, l’enrichissement de la collectivité par la révélation d’une telle innovation » 496, le droit de dessin et modèle a pour fonction de récompenser « celui qui a

mis au point une création » ou celui qui a divulgué « une forme qui n’est pas connue » 497.

Dès lors, brevet et droit de dessin et modèle sont plus proches du droit d’auteur que du droit de marque dans leurs fonctions de récompense 498. En effet, la CJUE a admis que

l’objet spécifique du droit d’auteur vise à assurer aux titulaires la protection de la faculté d’exploiter commercialement la mise en circulation ou la mise à disposition des objets protégés 499. En résumé, le droit d’auteur a pour fonction de conférer à son titulaire le droit

exclusif d’exploiter son œuvre et d’en exiger des redevances 500.

En comparaison, il n’est reconnu au droit de marque aucune fonction de récompense 501

puisque l’octroi du droit résulte d’un choix et non d’un travail de création 502. Le droit

494 CJCE, 31 octobre 1974, aff. C-15/74, Centrafarm c/ Sterling Drug, Rec. I-1147.— CJCE, 14 juillet

1981, aff. C-187/80, Merck, Rec. I-2063.

495 CJCE, 5 octobre 1988, deux arrêts, aff. C-238/87, Volvo c/ Veng, Rec. I-6211, et aff. C-53/87, CICRA

e.a. c/ Renault, Rec. I-6039.— CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-23/99, Commission c/ France, Rec. I-7653.

496 J. PASSA, Droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 6 et s., nos 7 et s.

497 Ibidem, p. 8, no 7.

498 Ibidem, p. 9, no 8.

499 CJUE, 4 octobre 2011, aff. C-403/08, Football Association Premier League, Rec. I-9083.

500 B. EDELMAN et s. LE CAM, JurisClasseur Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1810 : Droit de l’Union

européenne.— Droit d’auteur et droits voisins dans la liberté des échanges, no 22.

501 En ce sens, F. POLLAUD-DULIAN, Propriété intellectuelle, La propriété industrielle, op. cit., p. 5, no 10 :

« Quant au droit des signes distinctifs, l’idée de récompense n’y trouve guère de signification et l’on y voit davantage un instrument de régulation de la concurrence, assorti d’un moyen d’information du consommateur ».

502 En ce sens, J. PASSA, Droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 8, no 8 : « Le signe déposé est seulement

choisi par un opérateur pour désigner des produits ou services et les distinguer de ceux des

concurrents. Le signe n’a nullement besoin d’être créé ou nouveau ».— Contra, N. BINCTIN, Droit de la

propriété intellectuelle, op. cit., p. 471, no 683 : « Le choix du signe utilisé — constitué d’éléments existants

ou nouveaux relève d’une "activité créatrice" » ; et L. MARINO, Droit de la propriété intellectuelle, op. cit., p. 323, no 160 : « On peut considérer que ce signe distinctif est une création, car il provient d’une activité

de l’esprit, comme les œuvres et les inventions […]. La marque, pour être valable, doit nécessairement être arbitraire, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être usuelle ou descriptive. Il en résulte que le signe distinctif doit avoir été pensé par l’esprit humain : il naît d’un effort créatif […]. Plus précisément, on pourrait dire que le signe distinctif est une création identifiante ».

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d’auteur et le droit de marque n’ont ni le même fondement ni la même finalité 503. M. le

professeur Gaudrat en conclut que les deux catégories de droits intellectuels relèvent de deux modèles différents : alors que les droits de propriété industrielle relèvent d’un modèle « monopoliste », le droit d’auteur est un droit « strictement propriétaire » 504. C’est ainsi que

la jurisprudence admet qu’un signe dépourvu d’originalité peut être déposé comme marque 505. En effet, en délimitant l’objet du droit de marque, la CJUE reconnaît une

double fonction à la marque : celle de permettre à son titulaire de l’utiliser dans sa spécialité et celle de fournir aux utilisateurs une garantie sur l’origine des produits ou services. Cette double fonction est déduite de l’arrêt Hoffmann La Roche qui précise que « l’objet spécifique du droit de marque est notamment d’assurer au titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque pour la première mise en circulation d’un produit et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque. Le droit qui est reconnu au titulaire de s’opposer à toute utilisation de la marque, susceptible de fausser la garantie de provenance ainsi comprise, relève donc de l’objet spécifique du droit de marque » 506. La

protection de la « position » et de la « réputation » de la marque, garantie par le droit de marque, amène à rechercher une qualification qui dépasse les limites du droit des biens et du droit de propriété. En effet, ce n’est pas la marque seule qui est protégée, ce sont ses utilités économiques, les avantages économiques que son exploitation exclusive procure au titulaire. Ces enseignements de la jurisprudence de la CJUE se vérifient sur le terrain pratique : « parce que non fonctionnelle (et donc non utilitaires), la valeur essentielle des objets culturels ne se dégage que sur le fondement d’un processus identitaire impliquant le public. Le public

adopte ou rejette. Il n’est pas consommateur, mais amateur […]. On n’est plus dans le domaine de

la rationalité de l’homo oeconomicus mais dans celui des affects qui font les inconditionnels, les

aficionados, les fans […]. On peut donc faire une étude de marché sur les débouchés

économiques d’une création technique, non sur ceux d’un recueil de poésie voire d’une pièce de

théâtre ou même d’un film » 507.

503 A. ZOLLINGER, « Le droit au respect des biens, ou la difficile définition du droit de propriété en tant

que droit de l’Homme », in Les modèles propriétaires, actes du colloque international organisé par le CECOJI, LGDJ, 2012, p. 36 : « Le droit des marques est un monopole de nature économique conféré à des fins de police de la concurrence, alors que le droit d’auteur est une forme de propriété originaire résultant du processus personnel, voire intime, de création ».

504 Ph. GAUDRAT, « La structure juridique des propriétés intellectuelles », op. cit, p. 185.

505 Paris, 27 novembre 1991, PIBD 1992, III, p. 201.— Paris, 13 juin 2003, PIBD 2003, III, p. 33.— Paris,

18 janvier 2012, « Gucci », PIBD 2012, III, p. 157.

506 CJCE, 23 mai 1978, aff. C-102/77, Hoffmann La Roche, Rec. I-1139.

507 Ph. GAUDRAT, « La propriété intellectuelle : pensée unique ou modèles multiples ? », op. cit., nos 17 et

Il convient dès lors de reconnaître, plutôt qu’une unité, une hétérogénéité des droits intellectuels 508. Les différents régimes juridiques le prouvent : « l’émiettement est évident.

Un régime spécifique s’applique à chacune des propriétés intellectuelles. On utilise alors volontiers le pluriel » 509.

508 En ce sens, F. POLLAUD-DULIAN, Propriété intellectuelle, La propriété industrielle, op. cit., p. 1, no 2 : « Le

droit de la Propriété intellectuelle concerne des objets assez différents les uns des autres. Les uns sont des créations de forme (œuvres de l’esprit, dessins et modèles) ou des innovations techniques (inventions, obtentions végétales…) ; les autres couvrent le rapport d’un signe à l’activité, aux produits ou aux services d’un agent économique pour les distinguer de ceux de ses concurrents et faciliter les choix de la clientèle ».

C

ONCLUSION DU

C

HAPITRE

II

Plusieurs obstacles, inhérents d’une part au droit de propriété et d’autre part au droit de marque, empêchent la qualification propriétaire. Aux fins de la démonstration, un rapprochement du droit de marque avec le droit de propriété a été opéré. L’expérience n’a pas abouti à des résultats satisfaisants. Les imperfections de la qualification propriétaire se révèlent lorsqu’on tente d’appliquer au droit de marque les critères du droit de propriété et les mécanismes propres au droit des biens. En effet, le droit de propriété se caractérise par ses caractères exclusif et absolu. Or, d’une part, le droit de marque est loin d’être exclusif au regard de la règle de l’épuisement communautaire du droit : si le titulaire de la marque a seul le droit de première mise en circulation de ses produits sur le territoire de l’Espace économique européen, passée cette première mise en circulation, il ne peut plus s’opposer à de nouveaux actes de commercialisation des mêmes produits par un tiers. Cette règle est destinée à éviter que le droit de marque puisse faire échec à la libre circulation des marchandises sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. D’autre part, la dimension fortement économique du droit de marque limite sa protection à sa pure utilité économique. Ainsi, une marque non exploitée dans la sphère de la spécialité des produits ou services prévue doit pouvoir être attribuée à un opérateur économique qui saura faire un meilleur usage de cette ressource, en exploitant de façon plus efficiente les utilités économiques que n’a pas pu tirer le précédent titulaire. En comparaison, le droit de propriété ne se soucie guère du caractère utilitaire du bien sur lequel il porte : le propriétaire peut, tant qu’aucune prescription acquisitive ne joue à son encontre, ne pas user de son bien. L’absoluité du droit de propriété justifie en effet que le propriétaire puisse jouir et disposer de son bien de la manière la plus absolue.

Quant aux mécanismes propres au droit des biens, ils s’appliquent mal au droit de marque. La possession, qui sert à la fois à acquérir un bien et à prouver sa propriété, n’est pas prise en compte en droit des marques où seul l’enregistrement confère et prouve la titularité du droit. La possession est dès lors une notion ignorée du droit des marques. Par ailleurs, si le législateur prévoit la mise en gage de la marque, ce n’est que sur le plan théorique car en pratique, des difficultés surviennent non seulement dans l’application des sanctions de l’obligation de conservation, mais également au cours de la réalisation de la garantie.

C’est ainsi que les différentes qualifications propriétaires (propriété intellectuelle, monopole d’exploitation, droit de clientèle, propriété de marché) trouvent leurs limites. L’erreur commise par la théorie propriétariste a sans doute été de confondre le droit de

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droit sur la marque, droit patrimonial sur la valeur économique du signe. Si le droit sur la marque est sans conteste un droit de propriété sur un bien évaluable en argent, ce n’est pas ce droit, réunissant les attributs classiques usus, fructus et abusus, qui garantit un régime de protection efficace contre la contrefaçon. De plus, la protection de droit commun offerte sur le terrain civil par l’action en revendication et sur le terrain pénal par l’incrimination du vol ne permet pas de sanctionner l’usage d’une marque sans l’autorisation de son titulaire.

C

ONCLUSION DU

T

ITRE

I

La recherche de la nature juridique du droit de marque impliquait en premier lieu de refaire les expériences menées antérieurement. Il apparaît que la théorie avancée par la majorité doctrinale réside dans l’analyse du droit de marque comme un droit de propriété, ordinaire pour les uns, particulier pour les autres, ce qui se traduit par l’adoption de la terminologie légale « propriété intellectuelle » et « propriété industrielle ». Ainsi, la théorie propriétariste se fonde sur l’objet du droit identifié par la marque. Ce dernier pouvant être qualifié de bien, le droit qui porte sur ce bien peut être un droit de propriété. La théorie semble être confirmée par les caractères du droit de propriété et la possible application des mécanismes propres au droit des biens. Or, notre expérience de la reconstruction démontre que des particularités propres au droit de propriété et au droit de marque conduisent à des imperfections dans l’assimilation propriétaire. En effet, lorsque l’on déplace le curseur de l’objet du droit sur les utilités économiques de la marque et non sur la marque, l’on se rend compte aisément que le droit exclusif est limité à la fois à la sphère de spécialité des produits et services, et à l’usage commercial du signe. Les contours économiques du droit de marque font d’ailleurs douter de l’unité des droits intellectuels, le droit d’auteur, le brevet d’invention et le droit des dessins et modèles répondant à une logique de récompense étrangère au droit de marque. L’approche propriétaire pèche donc en ce qu’elle fait abstraction de la nature du droit de marque qui, en tant qu’instrument moderne de régulation économique, ne constitue qu’un droit finalisé 510. Dès lors, il convient de

préférer, à la suite du doyen Roubier, la terminologie « droit privatif industriel » à celle de « propriété industrielle » 511.

Il convient maintenant de mettre en relief les particularités du droit de marque afin de retenir la nature juridique appropriée. Comme l’affirme Picard, « désormais, on ne se heurtera plus à toutes les impossibilités qui se levaient à chaque pas quand on s’efforçait de confiner les droits intellectuels dans la propriété ordinaire. Ces droits retrouvent leur indépendance et leur libre allure. Qui s’en occupe n’est plus asservi aux règles d’une matière étrangère ; il n’y a plus qu’à rechercher la vraie nature de ces droits nouveaux et qu’à y accomoder les dispositions législatives, sans être forcé de torturer et de contrefaire leur essence […]. Tout s’éclaircit, tout se résout sans peine et sans effort. Il ne s’agit plus d’une matière qui fait exception à une autre, mais de deux ordres de choses distincts, qui

510 J. MONTEIRO et V. RUZEK, « L’usage du signe à des fins autres que celle de distinguer les produits et

services d’un opérateur économique », Propr. ind. 2007, n° 4, étude 9.

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s’alignent côte à côte, ayant chacun leur régime propre, et différents dans leur réglementation comme ils le sont dans leur nature » 512.

Le rejet de la nature propriétaire du droit de marque amène à s’interroger sur la qualification appropriée. En d’autres termes, si le droit de marque n’est pas un droit de propriété, il est nécessairement un droit d’une autre nature. L’intérêt d’une nouvelle qualification réside dans la compréhension du régime juridique. C’est elle, notamment, qui donne un éclairage sur les solutions jurisprudentielles et la portée du droit de marque. La recherche de la nature juridique du droit de marque impose de rappeler l’utilité juridique de la marque : cette dernière a été créée dans un contexte de concurrence commerciale sur un même marché. Son utilité réside donc dans sa capacité à distinguer les produits ou services de son titulaire de ceux de ses concurrents, ce qui est consacré à l’article L. 711-1, alinéa 1er

, du Code de la propriété intellectuelle qui définit la marque de fabrique, de commerce ou de service comme « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ». Les textes légaux, nationaux, européens et internationaux, ainsi que la jurisprudence, n’ont de cesse de préciser que le droit de marque ne reçoit protection que dans sa fonction distinctive. Hors de l’environnement mercantile, point de droit de marque. Ce dernier ne peut donc juridiquement exister que dans une économie de marché. Celui qui détient un droit exclusif

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