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9.5. Enjeux, principes et pratiques de la gestion intégrée des problèmes d’eutrophisation

9.5.7. Le cas français des marées vertes

Pour le cas français, ce sont les processus dits de « marées vertes » affectant principalement le littoral breton qui suscitent des travaux concernant leur gestion. Celle-ci questionne les dynamiques propres à l’activité agricole concernée (élevage et polyculture associée) mais également aux transformations sociodémographiques de ces territoires à la fois ruraux et littoraux.

Si les marées vertes s’observent depuis les années 1970, les premiers programmes préventifs datent des années 1990. C’est également à cette date que débutent des recherches scientifiques à la croisée des sciences sociales et des sciences de l’environnement, questionnant le faible impact des mesures réglementaires sur le processus d’eutrophisation et réfléchissant à d’autres modalités de gestion (Aquilina et al., 2013 ; Barataud, 2016 ; Gascuel et al., 2014 ; Levain, 2014 ; Levain et al., 2015 ; Narcy et al., 2013). Deux spécificités intrinsèquement liées caractérisent cette littérature. La première réside dans la territorialisation de la recherche, faisant de quelques bassins versants des cas d’école (à l’instar de ce qui se passe à l’étranger). La seconde réside dans le cadrage plus ou moins institutionnalisé de ces recherches, mettant en exergue les tensions suscitées par la production scientifique dans des territoires « à enjeux ».

La gestion de l’eutrophisation est discutée à travers deux approches spécifiques aux sciences sociales, « l’analyse stratégique de la gestion environnementale » (Mermet et al., 2005) et la « socio- anthropologie des changements environnementaux » (Levain, 2014). La troisième démarche relève d’approches interdisciplinaires (Gascuel et al., 2014) telles que celle de « l’intensification écologique de l’agriculture » (Levain et al., 2015).

Narcy et al. (2013) proposent une lecture stratégique de la gestion des marées vertes, plus spécifiquement dans le bassin versant du Yar, site-pilote dans le cadre du premier plan de lutte contre les algues vertes, établi par l’Etat entre 2010 et 2015. L’approche stratégique consiste à recenser et interroger l’ensemble des acteurs qui interagissent sur un territoire, dont le périmètre d’actions est défini par le processus socio-environnemental concerné. Certains acteurs (élus locaux, représentants du Comité Professionnel Agricole (CPA) rassemblant des élus et des agriculteurs) soulignent la nécessité de cet ancrage territorial pour leur possible fédération et pour assoir des projets jugés cohérents. Cette gestion qualifiée par Mermet et al. « d’intentionnelle » (op.cit., 2005) afin de réduire l’apport d’intrants doit être articulée à la gestion dite « effective » englobant d’autres acteurs, pour qui le périmètre du problème environnemental n’a aucun sens. C’est le cas des principaux acteurs économiques liés à la filière agricole et des institutions qui appliquent des lois et des directives normalisées par ailleurs. Le décalage entre gestions intentionnelle et effective génère des effets majeurs sur la conduite des actions environnementales : focalisation sur le projet local pour inciter aux modifications des pratiques agricoles versus adaptation ou remise en cause des approches verticales en termes de politiques agricoles et environnementales ; expérience locale jugée non reproductible versus expérience pouvant

fonctionner comme un potentiel cas d’école. L’enquête met en évidence une double tension permanente entre les cadrages locaux, nationaux et européens de l’eutrophisation (ce qui a été également souligné dans d’autres travaux aux USA et en Europe du Nord ( voir : 9.5.2 et 9.5.4) et entre les formes souhaitées du cadrage, entre une forme territorialisée et localisée ou une forme de cadrage « vertical » (également discutée dans la littérature relative à la participation : 9.5.5.).

Dans le cadre d’une socio-anthropologie des changements environnementaux, Alix Levain analyse différemment ces tensions (2014). L’anthropologue se base sur « l’épaisseur de l’expérience vécue » en mobilisant le concept « d’épreuves » (rendant compte d’engagements variables quant au problème environnemental) afin de reconstruire « les médiations » par lesquelles le sens s’élabore à l’égard des algues vertes : « J’entendrai ici par « socio-anthropologie de l’environnement, les études et analyses qui se situent dans un contexte social et culturel dans lequel la catégorie de l'« environnement » est constituée et dotée d'une certaine épaisseur historique ; qui considèrent le local à la fois comme lieu de l’action et lieu de la connaissance […]; qui s'intéressent aux représentations qui y sont associées à partir des outils descriptifs et analytiques de l’enquête qualitative ; ce, dans la perspective de produire des connaissances concernant les dynamiques des groupes humains, pris en compte non seulement dans leur expérience sociale mais également en tant qu'éléments intégrés à des systèmes socio- écologiques dont la régulation est interrogée » (2014, op.cit., p.13).

Dans cette perspective, l’articulation problématique entre gestions « intentionnelle » et « effective » prend sens à travers l’événement majeur qu’a constitué, en 2009, la mort d’un cheval en baie de Lannion, rendant compte de la toxicité des algues vertes. Alors que localement, acteurs de la filière agricole et acteurs de la gestion des milieux aquatiques avaient trouvé une forme de collaboration au travers du CPA, cet événement bouleverse leurs relations. L’Etat s’immisce dans le jeu et lance son premier plan Algues Vertes fixant des objectifs de réduction des flux de nitrates, apportant son lot de dispositifs réglementaires, d’incitations financières et d’expertises. L’intervention étatique déstabilise les engagements locaux, notamment ceux pris dans le cadre des fermes pilotes, qui d’initiatives contractées localement doivent, dès lors, s’insérer dans un dispositif plus contraint en temps et en résultats (Levain in Gascuel, 2014).

L’avènement du plan de lutte contre les algues Vertes a également bousculé la communauté scientifique qui étudie, localement, les processus d’eutrophisation. Celle-ci a dû se positionner dans la mise en débat des marées vertes. L’enquête de Narcy et al. (op.cit.) consistait à interroger l’importance de la territorialisation dans la production scientifique. Les auteurs concluent à un positionnement scientifique plutôt distancié par rapport aux arènes publiques suscitées par les marées vertes, notamment pour apporter des conseils en termes de changements.

La prise de distance entre science et action publique a cependant été réduite dans le cadre du Comité scientifique qui accompagnait le plan de lutte. La majorité des scientifiques membres de ce comité (mais pas la totalité) ont cosigné un article visant à rendre compte de leurs principales expertises dans un contexte politique jugé difficile, par une stratégie « de dénigrement » de la part des filières agricoles et agro-industrielles (Aquilina et al., 2013). Les experts devaient évaluer huit projets pensés à l’échelle du territoire. Ils en pointent plusieurs limites : dans les diagnostics bio-techniques jugés insuffisants, dans une volonté limitée de changer en profondeur les pratiques et la non prise en compte de la question foncière. Toujours selon l’expertise, les projets manquent d’ambition pour aboutir aux réductions souhaitées à l’horizon 2027. Cependant, des éléments positifs sont soulignés comme la mise en place des démarches de concertation et quelques projets minoritaires, qui font le pari de se saisir de la lutte contre les algues vertes pour repenser les pratiques agricoles.

Cet article souligne les difficultés de produire une expertise scientifique « sereine » à l’échelle des territoires. Egalement pointées dans des expériences à l’étranger (Cf 9.5.5), la production et la diffusion des connaissances, pour l’appui aux changements de pratiques, sont largement dépendantes des contextes politiques.

La production de l’expertise est un enjeu de luttes au sein de dynamiques territoriales où la concurrence sévit entre les activités économiques et leur empreinte spatiale. L’enjeu touristique, la balnéarisation du littoral, l’attente d’un cadre de vie de qualité pour des néo-résidents représentent d’autres éléments qui expliquent la mobilisation autour des marées vertes et la remise en cause du modèle agricole incriminé (Levain, 2014, op.cit.).

C’est à partir de cette remise en cause qu’une approche interdisciplinaire a été expérimentée autour de la déclinaison locale du concept d’intensification écologique (IE) (Levain et al., 2015). Dans le domaine de l’agronomie, l’IE est définie comme une « intensification de l’utilisation des fonctions naturelles des écosystèmes dans les systèmes de production agricole » afin de concilier la production agricole, la réduction d’émissions de nitrates dans les zones littorales vulnérables et d’assurer la viabilité d’un tel système. L’IE est appréhendé comme une démarche intégrée, centrée sur l’agriculteur. Le concept a été testé dans le cadre du projet de recherche intitulé ACASSYA (Supporting agro-ecological evolution inlivestock farming in coastal watersheds) conduit entre 2009 et 2013, par une équipe pluridisciplinaire principalement composée d’hydrologues, zootechniciens et agronomes. Le fonctionnement des agro- écosystèmes est modélisé et partagé dans le cadre de dispositifs de participation entre agriculteurs, conseillers et représentants agricoles, élus locaux et gestionnaires des milieux aquatiques, concernant la baie de Lieue de Grève (Côtes d’Armor). Des fermes pilotes sont également suivies. Si plusieurs événements ont fragilisé le consortium ainsi constitué (avènement du plan national, vivacité de la controverse au sujet de l’origine de la pollution aux nitrates), la mise en pratique de l’IE a fait apparaître plusieurs conditions de réussite. La première est l’engagement sur un temps long, suffisamment long pour que les agriculteurs puissent engager et amortir les investissements concédés pour amorcer un changement de pratiques (investissements financiers mais également cognitifs, pratiques et techniques). L’engagement des scientifiques sur un temps long semble également primordial pour établir et maintenir des relations de confiance. De plus, le concept de l’IE est suffisamment ouvert pour être réapproprié par chaque agriculteur dans leur propre trajectoire. Les incertitudes concernant les futurs impacts des changements promus sont source d’inquiétudes et de réticences mais, dans le même temps, elles renforceraient le souhait de trouver des alternatives au modèle dominant.

9.5.7.1.Synthèse

Le cas des marées vertes françaises suscite des travaux en termes de gestion assez proches de ceux menés dans les zones impactées à l’étranger. L’articulation problématique entre les logiques économiques et les politiques publiques et entre les politiques publiques elles-mêmes reste un obstacle majeur pour la réduction de l’eutrophisation. Le second élément récurrent réside dans les formes de l’engagement des agriculteurs et des parties prenantes, oscillant entre une inscription localisée et territorialisée et une normalisation plus étendue. Le risque encouru est celui d’un système polarisé entre d’un côté, une culture de l’écologie « industrielle » et de l’autre, une série de microsystèmes alternatifs (Levain et al., op.cit., p.1195).

Deux points sont, cependant, plus amplement développés dans le cas français. Le premier est la prise de parole des scientifiques engagés dans des dispositifs d’expertise. Cela traduit-il un contexte politique plus tendu qu’ailleurs autour des questions agricoles ou une « habitude » de coopération parmi les collègues étrangers qui en intègrent plus facilement les difficultés? Le second point réside, enfin, dans l’apport de l’approche socio-anthropologique pour établir des formes de gestion participative. Outre les notions d’attachement et d’identité, elle soulève, de manière encore peu entendue, la part symbolique associée aux algues vertes. « Figures du désordre » (Levain, op.cit., 2014, p.511) synonymes de saleté et de mort, elles problématisent les conséquences environnementales de nos choix de société.

9.5.8. Conclusion

La littérature scientifique au sujet de la gestion de l’eutrophisation partage l’idée majeure que les réponses apportées seront fondamentales, intégrées et systémiques. La spatialisation et la temporalité des processus socio-naturels concernés obligent à déconstruire un mode de pensée linéaire et de simple causalité. Dans cette perspective, les savoirs relatifs à l’eutrophisation, ses causes et ses impacts sont au centre des questionnements non seulement dans leurs significations mais surtout dans leur capacité à créer du lien et du sens au sein des rapports sociaux. L’élaboration des connaissances pour la gestion se situe alors à l’interface des sciences de l’environnement et des sciences sociales, nécessitant d’étendre le seul processus « naturel » aux interactions plus générales entre Humains et Non Humains. Penser « à l’interface » nécessite pour les chercheurs comme pour les gestionnaires de trouver des outils de dialogue communs. Dans ce cadre, les modèles sont largement investis et discutés. Mais, la littérature porte moins sur les données utilisées dans les modèles que sur leur réception et leur utilisation dans les arènes de la participation. Le second point majeur communément partagé par les auteurs consultés réside dans l’importance accordée à la diffusion des connaissances, à leur partage, à leur co-construction dans des espaces de négociation, soulevant deux tensions majeures. La première résulte du caractère protéiforme de ces espaces de négociation. Certains résultent d’expériences portées par des chercheurs, dans le cadre d’un programme, qui articulent les « bonnes » conditions pour instruire un dialogue constructif mais restent soumis à la temporalité de la recherche et aux cadrages institutionnels. D’autres émanent directement de dynamiques institutionnelles, auxquelles les chercheurs participent ou qu’ils observent et qui peinent, souvent, à se défaire de rigidités technocratiques (en matière d’échanges, d’enjeux soulevés…). L’espace de la négociation, dans sa forme « idéale », reste profondément ambigüe. La seconde tension porte sur l’échelle de la co- construction, entre l’échelle du territoire « concerné », du local voire du micro-local et celle plus globale, d’un bassin versant, par exemple. Les savoirs mais aussi les pratiques, les attachements ne participent pas de la même manière à ces diverses échelles d’appréhension de l’eutrophisation.

Ces tensions soulignées par les exercices de gestion participative de l’eutrophisation désignent, enfin, un angle mort dans les travaux jusqu’alors réalisés à ce sujet. Peu de choses sont dites au sujet de la culture professionnelle des acteurs (lorsqu’il ne s’agit pas des chercheurs) en charge de ces exercices. Il serait nécessaire de considérer l’ensemble des acteurs relevant des sphères agricoles mais également environnementales et économiques, leviers majeurs de la lutte contre l’eutrophisation mais souvent oubliées au sein de la gestion intégrée de l’eau.

9.6. Conclusion

9.6.1. Synthèse

Les travaux consacrés par les sciences humaines et sociales à l’eutrophisation font d’abord apparaître la multiplicité des trajectoires suivies et leur forte dépendance aux contextes locaux. Ils apportent des éléments précieux de contextualisation des politiques mises en œuvre depuis le début du XXème siècle. L’eutrophisation apparaît comme un phénomène multiforme, caractérisé à la fois par la chronicité, l’existence d’épisodes de crises et de points de basculement, qui oblige à repenser les formes traditionnelles de lutte contre les problèmes environnementaux. En particulier, la façon dont les connaissances scientifiques sont mobilisées dans les politiques de lutte contre l’eutrophisation a fait l’objet de lectures circonstanciées et souvent critiques. Face à des phénomènes complexes dont il est très difficile de venir à bout, les articles font pour la plupart état de l’écart persistant entre les objectifs affichés, les moyens engagés et la faiblesse des résultats sur le plan des pollutions nutrimentielles et de la restauration des milieux. Ils mettent en évidence des effets de cadrage, largement gouvernés par la

prédominance des approches technicistes et la difficulté à infléchir des modèles de développement qui tendent vers une augmentation des facteurs de stress des hydro-systèmes.

Dans ce contexte, la participation d’acteurs extra-institutionnels au travail de problématisation est assez limitée et suscite la méfiance. Elle s’avère pourtant essentielle dans une perspective de changement, en empêchant que les stratégies d’évitement obèrent, dans la durée, la crédibilité des institutions et la légitimité des régulations environnementales. Dans un contexte où les pollutions diffuses d’origine agricole sont devenues, dans les pays industrialisés, la principale cible des politiques publiques, s’assurer de la participation effective de l’ensemble des acteurs de la filière aux politiques doit permettre de mieux répartir l’effort contributif, tout en appuyant des évolutions structurelles dans le monde agricole et agro-alimentaire.

Sur la période la plus récente, on observe au niveau international des approches plus intégrées qui donnent à l’eutrophisation le statut de problème environnemental global lié à la perturbation à grande échelle des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore. Si cet élargissement des problématiques reste encore peu visible en dehors des cercles experts, ils semblent augurer d’une évolution des cadrages gouvernant la prise en charge des pollutions nutrimentielles et mettent l’accent sur l’importance de stratégies de long terme de gestion de la fertilisation. L’articulation entre ces cadrages globaux et les cadrages locaux qui dominent les politiques de lutte contre l’eutrophisation reste toutefois largement à construire et à analyser.

Le groupe « sciences humaines et sociales » souligne, dans ce contexte, l’importance de contextualiser les données et d’historiciser les discours produits par les acteurs sociaux, chercheurs compris, au sujet de l’eutrophisation. En particulier, l’eutrophisation est à appréhender comme une catégorie construite, qui ne fait pas sens pour tous les acteurs sociaux. Si l’intelligibilité des processus que le terme recouvre ne se réduit pas à la maîtrise de la sémantique, en revanche la compréhension de la diversité des perceptions et des représentations implique de prendre en compte deux dimensions de l’expérience sociale. D’une part, la visibilité primaire de l’eutrophisation, qui correspond à la possibilité de percevoir et d’interpréter le phénomène par l’observation directe, est généralement faible ou, au contraire, extrêmement manifeste, sans régime intermédiaire. D’autre part, le renforcement de cette visibilité passe par des cadrages et les médiations qui dépendent de sa construction en tant que problème public. Les recherches menées par les différentes disciplines des sciences humaines et sociales (en particulier l’économie, la psychologie, la géographie, la sociologie et l’anthropologie sociale) adoptent face à la complexité des perceptions des approches différentes, selon l’importance attachée au contexte social dans lequel se construisent les rapports sensibles et intellectuels à l’environnement. Ces approches relèvent au final de paradigmes disjoints et souvent difficilement conciliables.

Dans les pays industrialisés, la perception de la qualité de l’eau est marquée par une disjonction profonde entre l’eau consommée et « l’eau milieu ». Cette disjonction ne doit pas être perçue comme immuable. Elle témoigne cependant d’un processus historique d’éloignement, sinon d’exclusion, des milieux aquatiques de l’expérience quotidienne pour la majorité de la population.

La visibilité sociale primaire des pollutions nutrimentielles, généralement faible, s’accroît en deux types de circonstances par lesquelles les phénomènes d’eutrophisation se manifestent aux sens de différentes façons. Le premier est l’existence de blooms algaux visibles, par exemple de blooms de macroalgues de type marée verte. Le second est lié à des formes d’hypoxie sévère ou d’anoxie, qui se manifestent par des changements dans l’aspect, l’odeur de l’eau, le type de végétation dominant ou des morts d’animaux aquatiques. Peu de travaux rendent compte, sur le plan de l’analyse des perceptions, de la réaction ou des impressions des observateurs non experts confrontés à ce type d’événement, mais certains montrent que les observateurs en conservent la mémoire en tant qu’événements de référence, à partir desquels la qualité des cours d’eau ou des masses d’eau est appréciée.

Mobilisations environnementales, dispositifs normatifs et production médiatique contribuent à faire exister et à cadrer les façons dont l’eutrophisation est vue, comprise, identifiée éventuellement comme problématique, débattue par chacun des acteurs de la société. Autrement dit, ils contribuent à

l’acquisition d’une visibilité sociale secondaire de l’eutrophisation, progressivement intégrée dans les représentations et les perceptions. Cette visibilité sociale secondaire s’accompagne de l’émergence de nouveaux signaux, comme les interdictions de baignades, les coupures d’alimentation en eau potable, ou l’interdiction de la consommation de produits aquatiques. L’intérêt des médias pour les phénomènes d’eutrophisation a notamment pour effet de renforcer leur lecture phénoménologique : leur intégration dans l’actualité passe par des « événements », comme un bloom algal visible et spectaculaire. Mais l’événement est le plus souvent, dans le cas de l’eutrophisation, construit par des mobilisations d’acteurs qui vont proposer aux journalistes des grilles de lecture que ces derniers vont pouvoir réutiliser. Dès lors que les phénomènes d’eutrophisation deviennent objets de mobilisations sociales et politiques, l’agenda médiatique est aussi gouverné par le renforcement des dispositifs métrologiques et des politiques publiques, qui se déploient dans le temps. Catégorie experte, en voie d’appropriation et de traduction par le truchement de la montée en puissance des inquiétudes environnementales, l’eutrophisation est également devenue une catégorie importante de l’action publique. Elle est identifiée à la fois comme un problème à résoudre et comme un signe de la santé des milieux

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