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Les conflits liés aux pollutions nutrimentielles diffuses : problématiser la source, problématiser le

9.4. Approches situées des coopérations et des conflits associés à l’eutrophisation

9.4.3. Examen détaillé des quatre configurations hydro-sociales

9.4.3.4. Les conflits liés aux pollutions nutrimentielles diffuses : problématiser la source, problématiser le

Depuis les années 1990, l’eutrophisation des milieux aquatiques est largement associée, dans les pays anciennement industrialisés, à une activité agricole qui génère d’importants flux d’azote et de phosphore dans les cours d’eau. C’est cette activité qui concentre désormais l’essentiel des efforts de maîtrise menés au niveau fédéral en Amérique du Nord et communautaire en Europe. La qualification des nutriments en polluants et l’existence de dispositifs de gestion ad hoc témoignent de cette accession des pollutions diffuses d’origine agricole au statut de problème public durant les trente dernières années.

Par rapport à d’autres configurations hydrosociales, celle-ci se distingue par le fait que la problématisation du modèle agricole productiviste s’effectue par une multiplicité de canaux et se construit à différentes échelles : l’eutrophisation apparaît désormais comme une illustration, voire un symbole des dommages environnementaux de l’agriculture intensive et des politiques qui la soutiennent. Une multiplicité d’acteurs, du niveau local au niveau international, des particuliers aux institutions, des groupes de militants aux groupes professionnels, s’y trouve potentiellement engagée.

Le caractère diffus :

La spécificité des enjeux associés aux pollutions diffuses par rapport aux pollutions ponctuelles est soulignée par plusieurs auteurs du corpus (voir par exemple : Kehoe, 1992 ; Bourblanc et Brives, 2009 ; Whitney, 2010). Sur un plan général, la distribution des sources démultiplie les configurations sociales possibles et les mécanismes d’imputation et de gestion des responsabilités s’avèrent d’autant plus complexes. Elle rend également complexe une coordination entre acteurs et une régulation institutionnelle, dans la mesure où ceux-ci sont trop nombreux pour intégrer un espace de négociation restreint. Cette dispersion joue donc, vis-à-vis de la conflictualité sociale, un double rôle.

D’un côté, elle pèse sur l’engagement des acteurs sociaux, suscitant de ce fait davantage de tensions diffuses que de conflits constitués. En effet, les pratiques et les usages problématiques vis-à-vis de l’eau concernent potentiellement tous les acteurs sociaux disposant d’un système d’assainissement individuel et/ou gérant de fait des espaces dans lesquels l’eau circule.

D’un autre côté, dès lors que les pollutions diffuses accèdent au statut de problème public, elles sont porteuses d’un renforcement des antagonismes au sein des sociétés concernées, dans la mesure où les pratiques individuelles deviennent l’objet d’une vigilance sociale renforcée, phénomène accentué par les limites évidentes des dispositifs publics de contrôle.

Les instruments d’action publique adaptés à ce type de configuration sont peu nombreux et leur application délicate33. En effet, les pratiques individuelles ne sont pas forcément délictuelles mais

peuvent pour autant poser problème lorsqu’elles sont agrégées : le bon dosage entre accompagnement et répression n’est susceptible d’être atteint que par ajustements successifs et les politiques atteignent rarement leurs objectifs. De plus, à la différence de ce qui a pu être observé pour la gestion des pollutions industrielles, les institutions se trouvent face à la difficulté de désigner des interlocuteurs sur qui faire reposer un engagement symétrique : elles font face à des « gestionnaires de fait » des milieux qui, pour partie, ne sont pas des personnalités morales et avec lesquels elles sont en situation de forte asymétrie, risquant de ce fait la construction d’oppositions locales ou de pratiques de contournement.

Les pollutions nutrimentielles :

La faible visibilité sociale primaire des pollutions nutrimentielles34 fait que le travail de problématisation

des acteurs sociaux s’appuie largement sur des ressources cognitives expertes. De ce fait, les connaissances scientifiques, la façon dont elles sont rendues publiques et débattues, les politiques de la connaissance menées par les différents porteurs d’enjeu jouent un rôle central dans la dynamique des conflits (Levain, 2014 ; Barataud et Petit, 2015 ; voir également : sous-chapitre 9.5).

A cet égard, s’opposent dans les conflits autour des pollutions diffuses de façon presque systématique des arguments presque incontournables, qui font écho aux débats internes à la communauté scientifique, tout en les référant plus explicitement aux contextes et micro-variations locales. Ces échanges d’arguments matérialisent l’intensité du travail social d’imputation des responsabilités et des fautes : le phénomène est-il d’origine naturelle ou anthropique ? Quel est le poids respectif des différents facteurs d’origine anthropique ? D’où viennent les flux et quelle est l’étendue du système à considérer ? Les émetteurs sont-ils les vrais responsables ou sont-ils « agis » par d’autres acteurs ou des facteurs structurels ? etc.

Les acteurs sociaux investissent ainsi les espaces d’incertitude (parfois fondamentaux, parfois en apparence marginaux) que les connaissances scientifiques produites laissent persister en fonction de l’écho qu’ils renvoient à leurs lectures du monde et des enjeux auxquels ils font face.

De façon plus générale, cette faible visibilité a pour effet une dynamique très heurtée de mobilisation des acteurs et une conflictualité qui s’exprime majoritairement dans des moments de crise environnementale et de façon très différenciée suivant les espaces considérés.

Les pollutions d’origine agricole:

La gestion des pollutions nutrimentielles diffuses d’origine agricole s’avère un cas particulièrement délicat.

D’abord, parce que les intérêts des agriculteurs sont particulièrement structurés, généralement dans les pays industrialisés par des organisations syndicales à vocation unitaire qui ont institué, avec les représentants des Etats, des espaces de négociation bilatéraux. Dans ce contexte, l’écologisation des politiques publiques et notamment des politiques de l’eau se traduit par une forme de dédoublement institutionnel : coexistent des espaces de négociation confinés sur les questions agricoles avec de nouveaux espaces, plus inclusifs, dans lesquels la coordination entre acteurs pose problème. Ainsi, en France, l’entrée dans les questions agricoles par les problèmes de pollutions diffuses occasionne, dans les instances locales de gouvernance de la qualité de l’eau, des situations de blocage, accentuées par la densité, la complexité et l’instabilité des cadres de discussion (Barataud et al., 2013). Plusieurs auteurs

33 Voir partie économie (chapitre 8). 34Voir sous-chapitre 9.3.

imputent largement cette situation de blocage à la posture et aux stratégies des organisations professionnelles agricoles majoritaires (Busca, 2003), ainsi qu’aux ambivalences des autorités publiques qui peinent à sortir d’un arrangement institutionnel très stable les liant à la « profession » et à reconnaître comme légitimes d’autres interlocuteurs sur les questions agricoles (Brun, 2003 ; Bourblanc et Brives, 2009 ; Bourblanc, 2011). A tout le moins, peut-on constater que la conception et la mise en œuvre des politiques agricoles et des politiques de l’eau sont fondées sur des formes de coordination et de légitimation très différentes.

Ces tensions montrent le besoin de légitimer et d’instituer des interlocuteurs pour coordonner les acteurs, dans un contexte où l’industrialisation de l’agriculture ne s’est pas traduite par un abandon du modèle de l’agriculture familiale dans certains pays européens, comme la France : la complexité du conflit autour de la gestion des pollutions diffuses peut être à la fois conçue comme résultant d’une contradiction dans les cadres de coordination des acteurs concernés par les pollutions et d’une contradiction interne à la politique agricole. Dans le domaine environnemental, singulièrement dans le domaine des pollutions aquatiques, cette situation conduit à une très forte polarisation des arènes de négociation aux niveaux communautaire, national et régional, alors même que sur d’autres sujets environnementaux, des formes nombreuses de coordination entre acteurs agricoles et non agricoles peuvent être identifiées (Beuret & Trehet, 2001). Qui plus est, la visibilité des organisations politiques agricoles dans les débats s’accompagne dans de nombreux cas d’une invisibilité des organisations économiques agricoles (Bourblanc, 2008), comme leur très faible implication et leur stratégie d’exit dans la gouvernance du premier Plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes a pu l’illustrer (Aquilina et al., 2013).

Par contraste, des situations d’industrialisation massive de l’agriculture par intégration totale des fermes dans de grands groupes multinationaux donnent lieu à des conflits d’une toute autre nature, dans lesquels les acteurs industriels sont clairement identifiés par de nombreux mouvements locaux comme responsables d’une dégradation massive de l’environnement. C’est par exemple le cas en Caroline du Nord (Ladd & Edward, 2002) : les grands groupes industriels développant massivement l’élevage porcin (et les porcs eux-mêmes) sont identifiés comme des ennemis envahissant le territoire, dans une configuration où l’agriculteur lui-même a disparu du paysage. Cette conceptualisation du conflit et cette représentation des adversaires n’est pas possible dans les cas où l’industrialisation est moins radicale ou s’accompagne d’un maintien de l’exploitation familiale, incarnant une continuité historique avec la polyculture-élevage et disposant d’un important capital d’autochtonie, même si leur dépendance aux filières n’est en réalité pas moins grande.

Ce contexte général ne doit pas occulter la très grande variabilité territoriale de la coordination des acteurs agricoles avec les gestionnaires de l’eau et les autres groupes sociaux impliqués, comme les associations environnementalistes. Cette variabilité est pour partie liée à la complexité de l’action collective en agriculture et à l’attachement des agriculteurs à leur autonomie décisionnelle (Lundqvist, 2001). Elle est également liée à la diversité interne au monde agricole.

Le caractère multidimensionnel de l’activité agricole, qui se traduit par la confusion entre entité économique, lieu de vie, lieu de travail et gestion de fait de biens communs sur un espace privé, est également un élément à prendre en compte. Il explique pourquoi les politiques de gestion des pollutions agricoles et la mise en débat des pratiques agricoles par des acteurs critiques peuvent apparaître comme des coups portés à des agriculteurs déjà fragilisés par la rapidité des transformations structurelles et par la volatilité des cours des denrées, qui affectent à la fois leurs conditions de travail, leurs revenus et leur capacité à se projeter dans l’avenir. Ce point est souligné par de nombreux auteurs, suivant différents points de vue, depuis la fin des années 1980 (voir par exemple, pour le cas danois : Norgärd & Christensen, 1989). R. Cedrins résume ainsi, pour le cas de la Mer Baltique dans les années 1990, le dilemme dans lequel se trouvent beaucoup d’observateurs, d’experts et de décideurs vis-à-vis des pollutions agricoles :

« Si les conditions sociales et économiques éprouvées par les agriculteurs sont très dégradées, alors ils seront moins enclins à accorder la priorité à des objectifs environnementaux. Une personne qui se noie est indifférente au fait de savoir si l’eau est sale ou non. De toute évidence, tous les projets environnementaux concernant la région de la Mer Baltique doivent être accompagnés de projets de développement rural, qui se concentrent sur la stimulation de l’entrepreneuriat local et la réduction du chômage.» (Cedrins, 1997: 470).

Les représentations même de la responsabilité des agriculteurs dans les situations de pollutions nutrimentielles sont ainsi à l’origine de tensions, parfois de francs conflits, au sein de communautés par ailleurs cohésives. En effet, une posture qui se veut ou s’affiche protectrice des agriculteurs peut correspondre à deux types de position. D’une part, elle peut conduire à privilégier la distribution des coûts des pollutions agricoles et de leur gestion sur l’ensemble de la communauté nationale, les instruments incitatifs par rapport aux instruments normatifs, la mise en œuvre progressive par rapport à l’application rapide : elle agit ce faisant dans le sens d’un maintien du statu quo. D’autre part, elle peut aussi matérialiser des tensions locales et des conflits de loyauté, comme illustré plus haut dans le cas des conflits liés au développement qui mettent en jeu l’emploi local et suscitent des sentiments d’identification et d’empathie. Dans les deux cas, les agriculteurs sont présentés comme victimes soit d’un modèle économique, soit de politiques qui les fragilisent.

Cette complexité est un élément fondamental à prendre en compte, qui explique la variabilité des situations locales. Elle limite la portée prédictive des modèles dans lesquels les agriculteurs sont envisagés comme des individus déconnectés de leurs affiliations professionnelles, des relations entre pairs, de leur inscription dans des réseaux d’interconnaissance locale, des contraintes particulières liées à l’histoire et à la configuration des exploitations (pour un exemple de ces approches, voir : Möhring & Troitzsch, 2001).

Par rapport à d’autres pollutions d’origine agricole, en particulier celles liées à l’usage des produits phytosanitaires, le cas des pollutions nutrimentielles met par ailleurs en jeu non seulement un ensemble de pratiques quotidiennes, mais également des représentations positives liées à la fertilisation des sols dans les systèmes de polyculture-élevage : les valeurs associées aux effluents d’élevage ne sont pas univoques et la dialectique ressource-déchets joue un grand rôle dans la structuration et l’évolution des représentations des éleveurs interpelés pour leur responsabilité dans l’eutrophisation (Bratt, 2002). Ces représentations évolutives de la fertilité et de la fertilisation restent cependant peu étudiées, que ce soit chez les éleveurs ou chez les populations non agricoles.

Ces caractéristiques cumulées font que les territoires les plus vulnérables aux conflits liés aux pollutions agricoles, y compris les pollutions nutrimentielles, ne sont pas uniquement ceux dans lesquels elles se matérialisent le plus directement, mais aussi ceux dans lesquels l’entremêlement entre populations rurbaines et exploitations agricoles conventionnelles est le plus important (Kohler et al., 2014). Dans les territoires les plus attractifs pour les populations non agricoles, l’augmentation de la pression démographique se traduit certes par la persistance de pollutions nutrimentielles issues d’autres sources, mais surtout par une accentuation de la pression sur l’agriculture pour obtenir une eau de consommation humaine de bonne qualité (Gasteyer, 2008).

C’est sans doute le cas des marées vertes en France qui permet le mieux d’illustrer la densité de cette conflictualité et ses caractéristiques : les marées vertes touchent un territoire attractif, fortement investi par un tourisme balnéaire et de nature, et questionnent un « modèle » agricole devenu emblématique au-delà des frontières et qui sert de figure répulsive, y compris chez les éleveurs d’autres régions (Bonnaud & Nicourt, 2006). L’anthropologue M. Le Chêne met ainsi en évidence, à partir d’une enquête ethnographique menée en baie de Saint-Brieuc, la très grande polarisation de la société locale, polarisation perceptible également dans les représentations des mécanismes de l’eutrophisation et de la gravité des dommages occasionnés par les marées vertes (Le Chêne, 2012) : pour une partie importante des habitants (que M. Le Chêne nomme les « néo-ruraux »), les marées vertes sont conçues comme un sous-produit de l’élevage et comme un déchet dans leur essence même. La gravité de la

pollution est évaluée en fonction du jugement porté sur l’agriculture. Du côté des éleveurs, porteurs de représentations différentes du phénomène, le sentiment d’être stigmatisés appelle des réactions immédiates et l’expression, dans l’espace public, d’émotions difficiles à maîtriser (Quéré, 2012 ; Levain, 2014 ; 2017). Sur la période la plus récente et de façon symétrique, une exacerbation et une radicalisation des critiques environnementalistes est observable, qui rend la relativisation des impacts des marées vertes suspecte : le déplacement du problème du risque environnemental vers le risque sanitaire tend à évacuer, au moins sur le plan des discours, toute perspective de compromis. La densité du conflit, qui se traduit à la fois par des mobilisations collectives, des actions en justice, des prises de position dans les médias, se comprend en prenant en compte le temps long : l’opposition entre associations environnementalistes et représentants professionnels agricoles s’est structurée à la fois localement et régionalement dès la mise en œuvre de la directive « nitrates » au début des années 1990. Quoique les phénomènes de marée verte soient anciens dans la région, ils ont longtemps été appréhendés comme des problèmes très locaux, dont le traitement restait relativement confiné, du fait de l’investissement des principales associations environnementalistes au niveau régional dans la problématique de l’eau potable et dans la dénonciation des extensions d’élevage (Bourblanc, 2016). Aussi, la dénonciation du danger sanitaire associé aux échouages d’algues vertes apparaît-elle comme une étape – et pour les représentants majoritaires de la profession agricole, comme une offensive particulièrement violente - dans un conflit déjà bien structuré. Il reste que la dénonciation des pollutions agricoles, dans les territoires touchés par les marées vertes, suscite au sein même de groupes sociaux a priori homogènes des divisions, parce qu’elle met en jeu la loyauté des personnes vis-à-vis de leur territoire et la pluralité de leurs attachements (Levain, 2014 ; Levain et al. 2015).

Le cas des marées vertes est devenu, en France et en Europe, emblématique. Il n’est en aucun cas représentatif des situations d’eutrophisation très diverses rencontrées sur le territoire; en revanche, il participe, par des voies de circulation institutionnelles, médiatiques ou militantes, à modifier la problématisation et les formes de prise en charge des phénomènes d’eutrophisation qui sont mis en problème et en conflit. Les conflits, pour être singuliers et situés, contribuent en effet à forger des polarisations et des cadrages qui produisent des effets au-delà de leur aire d’origine.

9.4.3.5.Synthèse

Les quatre configurations hydro-sociales identifiées ne sont pas documentées avec le même degré de détail par les recherches en sciences sociales : l’analyse permet ainsi d’identifier à la fois des espaces et des dynamiques socio-écologiques qui restent peu connues, pour des raisons de distance aux milieux aquatiques, d’absence d’enjeu ou de contrôle politique et social des mobilisations. De ce fait, ces configurations s’emboîtent et doivent être considérées simultanément à différentes échelles spatiales et temporelles.

Dans le cas des pays industrialisés d’Europe de l’Ouest, plusieurs configurations coexistent. Les configurations où les crises dystrophiques tendent à affecter le quotidien des populations produisent des dommages difficiles à évaluer et la littérature permet uniquement de repérer les cas où des filières professionnelles structurées (dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture essentiellement, plus rarement du tourisme) sont directement touchées. Leur mobilisation se traduit dans des cas limités par une conflictualité récurrente avec les autorités locales.

Tant les politiques publiques de lutte contre l’eutrophisation que la conflictualité sociale qui entoure le phénomène se concentrent aujourd’hui sur les activités agricoles. Les formes que prennent les conflits liés aux pollutions nutrimentielles d’origine agricole sont variées, mais elles sont marquées par la même tension entre les modes de coordination disponibles et les leviers de négociation très faibles au niveau local.

9.4.4. Conclusion

L’analyse de la littérature en sciences humaines et sociales souligne que les conflits, nombreux, qui émaillent la prise en charge des problèmes de qualité de l’eau et de santé des milieux aquatiques sont tout autant liés aux conséquences dommageables des dégradations environnementales qu’à leur prise en charge institutionnelle. Les conflits apparaissent comme des moments dans le processus de coordination des acteurs. Aussi, l’intensité des conflits dépend moins de la gravité des effets de l’eutrophisation, que de la visibilité sociale de celle-ci et du niveau de structuration des acteurs, qu’il s’agisse des institutions, des groupes professionnels, dont la responsabilité est engagée ou l’activité menacée, ou de la société civile. L’impact de ces conflits sur l’efficacité de la prise en charge de l’eutrophisation est discuté, et sans doute variable. Par ailleurs, malgré l’abondante littérature dédiée à l’analyse des conflits hydriques, les conflits liés à l’eutrophisation restent très peu étudiés pour eux- mêmes.

Pour les analyser, les approches qui privilégient une lecture stratégiste et celles qui s’attachent à analyser les représentations conflictuelles de l’environnement et des risques qui sont attachés à sa dégradation s’avèrent complémentaires. Mais elles sont souvent abordées dans la littérature de façon exclusive les unes des autres. Qui plus est, l’aggravation des phénomènes d’eutrophisation étant indissociable des dynamiques de développement, des recherches beaucoup plus poussées seraient à conduire pour resituer ces conflits dans des trajectoires plus amples d’évolution structurelle des socio- écosystèmes, par exemple en prenant appui sur le concept de cycle hydro-social.

Ce chapitre pose quelques jalons en ce sens : il montre la difficulté, pour les acteurs sociaux comme pour les auteurs, à traduire la dimension systémique des problèmes d’eutrophisation en des analyses

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