• Aucun résultat trouvé

Effets multiples sur les consommateurs, industries, gouvernements

Mise en perspective de l’approche visant à lutter contre le tout-gratuit sur le net

CREATION DE LA VALEUR

2.3. Analyse de l’impact économique du téléchargement illégal

2.3.5. Effets multiples sur les consommateurs, industries, gouvernements

Illustration 5

Effets économiques du téléchargement illégal de films

Effets négatifs Effets positifs Consommateur  Visionnage de moins bonne

qualité

 Perte de temps pour la recherche du bon fichier

 Baisse des prix

 Accessibilité accrue des films

Industrie  Perte de ventes

 Réduction des revenus sur chaque fenêtre de diffusion suite à la

réduction des délais de la chronologie des médias

 Augmentation des coûts d’application du droit d’auteur

 Hausse des ventes car possibilité de tester avant d’acheter (sampling effect) et phénomène du bouche à oreille

 Hausse des ventes à bas prix dans des secteurs

complémentaires Gouvernement  Perte de recettes fiscales

Augmentation des coûts d’application du droit d’auteur

2.3.5.1. Pour les consommateurs : effets positifs indéniables

Pour le consommateur, les effets positifs sont indéniables car les films sont plus accessibles. Les prix ont tendance à baisser pour être plus compétitifs à l’ère du numérique, ou bien car les films sont disponibles gratuitement. Comme l’écrit Alban Martin :

Les médiations gratuites auront servi de « produit d’appel » pour baisser au maximum la barrière à l’entrée, c’est-à-dire lever tous les freins qui empêchent une première exposition au contenu. Cette première exposition est la première étape dans la consommation d’un bien d’expérience : n’oublions pas que les morceaux, films, jeux et autres séries sont autant de biens dont la valeur – et la propension à acheter qui en découle – est

uniquement appréciable par l’usage ou la recommandation de quelqu’un qui en a fait l’usage.691

Par ailleurs, certains films ne sont pas ou plus distribués et sont donc accessibles uniquement via les réseaux P2P. En revanche, cela peut demander plus de temps pour trouver le bon fichier, les sous-titres, éviter les mauvaises versions. La qualité du film et du service peut être bien inférieure à celle d’un film obtenu par voies légales.

2.3.5.2. Pour l’industrie : effets multiples

Pour l’industrie, le fait que les internautes puissent tester avant d’acheter, et surtout l’importance du phénomène de bouche à oreille, permettent d’augmenter le volume des ventes sur les différents supports. La baisse des tarifs pour être plus compétitif entraîne l’augmentation du nombre de ventes, dans les secteurs complémentaires notamment, comme l’équipement des ménages en Home Cinema ou en 3D692.

En revanche, l’industrie a pu enregistrer moins de ventes. Si le film n’a pas convaincu le public internaute, certains « téléchargeurs » vont préférer le visionner gratuitement plutôt que de payer. Par ailleurs, les moyens financiers substantiels qui doivent être mobilisés pour la production de films, avec des perspectives de recettes incertaines, nécessitent la confiance des investisseurs dans le marché. Or, le téléchargement illégal vient menacer cette confiance, puisque les films peuvent être consommés gratuitement de façon massive à travers les réseaux P2P.

L’enjeu est d’importance pour le cinéma, puisque le coût de production moyen d’un film américain est de 58,8 millions de dollars693 et de 4,6 millions d’euros pour un film français694. En outre, les délais de diffusion pour chaque format de la vie d’un film ont été raccourcis avec l’arrivée de la diffusion par Internet, ce qui peut entraîner une réduction de l'ensemble des recettes acquises dans chaque fenêtre.

Cependant, l’effet négatif sur la propension à innover et à produire de nouveaux films ne semble pas s’appliquer à l’industrie du film. Comme nous l’avons vu, le nombre de films produits n’a cessé d’augmenter depuis 2006 aux Etats-Unis. Alban Martin

691 MARTIN Alban, Et toi, tu télécharges ? – Industries du divertissement et des médias à l’ère du numérique, op. cit., p. 108.

692 Voir : Index.

693 Voir : VOGEL Harold, Entertainment Industry Economics – A Guide for Financial Analysis, Cambridge : Cambridge University Press, 6th edition, 2004, p. 90.

694 Voir : Colloque du Forum des droits sur Internet « Réponses aux défis du P2P » (2004, Paris), Les chiffres de la contrefaçon sur les réseaux P2P, DANARD Benoît, CNC, Table ronde n° 1 – Les défis du P2P, Forum des droits sur Internet [en ligne], 28 septembre 2004 [consulté le 28 août 2004].

remarque : « Le seul impact que l’on puisse trouver de la démocratisation du piratage sur le fonctionnement de l’industrie cinématographique est une accélération du rythme d’innovation de cette dernière, afin justement de rester étanche aux autres impacts […]695. » Par exemple, la 3D permet à la filière cinéma de se démarquer.

Le succès au box-office du film de James Cameron entièrement en 3D,

Avatar, dont des copies ont largement circulé sur Internet en même temps

que sa sortie en salle, en est la preuve. Ce film s’est classé en moins de trois semaines d’exploitation à la période de Noël 2009 en troisième position des plus gros succès commerciaux de tous les temps. La complémentarité, plutôt que l’opposition, entre le contenu gratuit de qualité dégradée et l’expérience enrichie en salles a marché. La version piratée a notamment servi comme moyen de promotion indirect, en tant que palliatif pour les personnes qui, de toute façon, ne seraient pas allées le voir – mais ont pu en parler et alimenter ainsi le bouche à oreille.696

En revanche, un effet négatif indubitable du piratage sur l’industrie est l’augmentation substantielle des coûts d’application du droit d’auteur. Les majors doivent ainsi investir dans le développement de technologies pour protéger le contenu dématérialisé, surveiller les usages qui sont fait de leurs œuvres pour pouvoir demander le retrait du contenu illicite, poursuivre en justice les « pirates ». « HADOPI coûtera plusieurs millions d'euros aux ayants droit697 » titrait ainsi le

magazine PC INpact.

2.3.5.3. Pour les gouvernements : effets uniquement négatifs

Pour sa part, le gouvernement ne connaît que des effets négatifs. Pour lui aussi, le téléchargement illégal de films augmente considérablement les coûts d’application du droit d’auteur. Ainsi, le député Hervé Féron remarque en juin 2010 que le coût d’application de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet pourrait dépasser les subventions octroyées annuellement à la production cinématographique que la loi HADOPI est censée protéger. Le coût d’identification

http://www.foruminternet.org/telechargement/documents/danard.pdf

695 MARTIN Alban, « Et toi, tu télécharges ? », art. cit.

696 MARTIN Alban, Et toi, tu télécharges ? – Industries du divertissement et des médias à l’ère du numérique, op. cit., p. 120.

697 REES Marc, « HADOPI coûtera plusieurs millions d'euros aux ayants droit », PC INpact [en ligne], 2 juillet 2010 [consulté le 20 juillet 2010].

des adresses IP, permettant d’obtenir de la part d’un FAI les données personnelles d’un abonné à l’ADSL698, afin de lui envoyer un e-mail d’avertissement, serait ainsi de 8,50 euros par adresse IP. « Si l’on table, comme les majors de la musique et du cinéma, sur 50 000 identifications quotidiennes – chiffre confirmé par le directeur général de la Fédération française des Télécoms (FFT) – cela ferait 425 000 euros par jour […]699. » Par ailleurs, la perte de ventes entraîne forcément une perte de recettes

fiscales. Le GAO souligne ainsi que « la perte de droits de propriété intellectuelle est beaucoup plus importante que la perte de revenus »700.

Comme l’écrit le GAO, l’argent économisé par les « pirates » n’est pas perdu. Il est au contraire réinvesti ailleurs dans l’économie, créant ainsi de l’emploi. Malgré les discours alarmistes, l’échange de fichiers a eu un effet plutôt modéré sur l’économie

du cinéma dans son ensemble et n’a certainement pas découragé les créateurs701

comme le montrent les deux chercheurs Felix Oberholzer-Gee et Koleman Strumpf dans leur étude de 2010. Pour la musique, l’impact effectif de l’utilisation des réseaux

peer-to-peer n’expliquerait pas entièrement la crise des industries des phonogrammes

qui commencent à réaliser qu’elles ne peuvent plus centrer leur modèle économique sur la vente d’albums ou de morceaux, mais plutôt sur les concerts, services et produits dérivés. Pour ce qui est du cinéma, les majors ont bien compris, que pour rester compétitif, il leur fallait développer des services innovants et exploiter au mieux les nouvelles possibilités d’appropriation et de diffusion numériques des films. La demande de contenus étant particulièrement forte, l’enjeu stratégique demeure la compréhension des nouveaux comportements et attentes du public internaute, ainsi que l’identification des nouvelles sources de création de valeur.

Avec des effets multiples certains, le piratage demeure cependant pour l’industrie du cinéma un élément destructeur de valeur qu’il convient de combattre. Idzard van der

http://www.pcinpact.com/actu/news/58008-hadopi-tmg-ip-jeux-video.htm

698 L'accès à Internet rapide est possible en choisissant l'une des trois solutions suivantes : le satellite, le câble, les solutions Digital Subscriber Line (DSL ; High Speed DSL : HDSL ; Asymmetric DSL : ADSL ; Very High Speed DSL : VDSL ; Symmetric DSL : SDSL) et la boucle locale radio.

699 GIRARDEAU Astrid, « [ExPress] HADOPI : Le coût est toujours de 8,50 euros par adresse IP », The Internets [en ligne], 1er juillet 2010 [consulté le 20 juillet 2010].

http://www.theinternets.fr/2010/07/01/express-hadopi-le-cout-est-toujours-de-850-euros-par-adresse-ip/ 700 « […] the loss of the IP rights is much more important than the loss of revenue. »

Intellecctual Property – Observations on Efforts to Quantify the Economic Effects of Counterfeit and Pirated Goods, op. cit., p. 16.

Puyl, secrétaire général de la PROCIREP, souligne ainsi que « dans la mesure où [l’offre légale] est concurrencée par la piraterie, les demandes, en termes de niveaux tarifaires offerts aux consommateurs, pèsent forcément sur les revenus du secteur. Et vous avez un phénomène de pression forte à la baisse des prix pour tous les modes d’exploitation qui suivent, avec un raccourcissement de la chronologie des médias »702. Le succès du téléchargement illégal est alors révélateur de l’appétit du

consommateur qui veut voir son film immédiatement, en bonne qualité et sans difficulté.

« Le problème, c’est que l’offre illégale demeure plus simple que l’offre légale. Apple a montré pour la musique que les consommateurs sont prêts à payer pour la simplicité et la qualité703 », rappelle Caroline Paurd-Sally, chargée de mission

relations institutionnelles et partenariats stratégiques chez mySkreen. Caroline Ghienne, responsable VoD chez Arte France, affirme ainsi la nécessité d’avoir une gestion plus souple sur les DRM qui « représentent souvent des obstacles pour les honnêtes gens plutôt que pour les pirates », afin de permettre une fluidité d’utilisation des contenus payants. Face au téléchargement illégal mettant en péril un pan de l’industrie qui demeure basée sur un système de reversement, Caroline Ghienne décrit la réponse répressive comme légitime. Cependant, elle souligne la nécessité d’« avoir une véritable action proactive de diffusion. Il s’agit d’essayer d’amoindrir ce piratage en améliorant l’offre : disponibilité d’un maximum d’œuvres, mise en ligne de versions sous-titrées, services interopérables et multi-écrans. Et les gens sont prêts à payer pour un service »704.

3.L

UTTE CONTRE LE TELECHARGEMENT ILLEGAL

:

LIMITES

Outline

Documents relatifs