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La décision de la CJUE dans l’affaire SABAM v Scarlet sera décisive

comportements de consommation

PROPRIETE INTELLECTUELLE

3.2. Recherche de responsabilisation des intermédiaires techniques

3.2.3. Rôle clé des FAI : intermédiaires pressentis pour le filtrage et le blocage

3.2.3.4. La décision de la CJUE dans l’affaire SABAM v Scarlet sera décisive

L’affaire SABAM v. Scarlet cristallise actuellement les divers problématiques autour du filtrage imposé aux FAI et hébergeurs, au regard du droit européen et du principe de neutralité d’Internet. En Belgique, suite à un litige qui oppose depuis 2004 le FAI Scarlet et la SABAM (Société belge des Auteurs, Compositeurs et Editeurs – l’équivalent de la SACEM328 en France), la justice belge contraint en 2007 le fournisseur d’accès « à adopter

"une des mesures techniques avancées […] pour empêcher les internautes de télécharger illégalement le répertoire musical de la SABAM via les logiciels de P2P" »329.

Saisie en appel par Scarlet, la Cour décide de réserver sa décision à la position de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qu’elle saisit d’une question préjudicielle. Il s’agit ici d’établir si le droit européen autorise « à identifier les fichiers échangées sur les réseaux, et à bloquer ces transferts lorsqu’ils sont illicites »330. En avril 2011, l’avocat

général de la CJUE apporte une réponse complète à cette double question. Tandis qu’il regrette n’avoir que peu de détails concrets quant à l’efficacité et au coût de mise en place des techniques de filtrage et de blocage, le procureur revient sur l’obligation de résultats sous peine d’astreinte, imposée à Scarlet, ainsi que sa prise en charge obligatoire des coûts associés. « L’avocat dira joliment que cette guerre globalisée "ne représente pas, en elle- même, les caractéristiques de concrétude et d’individualisation qui sont normalement attendues de toute riposte ou réaction à une conduite supposée spécifique et déterminée" : on n’arrête pas un automobiliste délinquant en demandant à une société d’autoroute de vérifier tous les véhicules de toutes les routes, à vie et à ses frais331. » Par ailleurs, l’avocat

général souligne les atteintes potentielles au droit à la protection des données personnelles, ainsi que les risques de surblocage et de surfiltrage, qui pourraient affecter inévitablement les échanges licites de contenus. En attendant les résultats définitifs, la CJUE en appelle, par la voix de son avocat général, à plus de proportionnalité des dispositifs de lutte contre le piratage.

328 Créée en 1851, la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) a pour objectif la gestion collective de la collecte et de la répartition des droits d'auteurs des œuvres musicales de son catalogue, qui sont perçus lors d'une diffusion en public ou lors de leur reproduction sur différents supports. Son rôle se limite aux œuvres de ses adhérents et ne s'étend donc pas à la musique libre.

329 REES Marc, « Filtrage et blocage généralisés déclarés illicites par l’avocat de la CJUE », PC INpact [en ligne], 14 avril 2011 [consulté le 26 mai 2011].

http://www.pcinpact.com/actu/news/63088-scarlet-sabam-filtrage-blocage-cjue.htm

330 Ibid.

Le téléchargement, le partage et l’échange apparaissent indissociables d’Internet, et des pratiques culturelles qui se développent dans son sillage. Le retrait des DRM est révélateur du changement de cap des majors, issu de la prise de conscience par les industries culturelles de l’importance de développer l’offre légale tout en respectant les nouveaux usages. L’enjeu est de trouver un équilibre entre intérêts privés et publics. Pour l’heure, les hébergeurs et FAI sont tenus de bloquer les fichiers pirates à la demande des ayants droit. Pour leur part, les internautes sont visés par un volet répressif sensé les dissuader et les sensibiliser aux problèmes du P2P. Les procès pour l’exemple laissent désormais la place au système de réponse graduée qui tente d’imposer aux FAI de nouvelles responsabilités conditionnelles, dont l’emprise pourrait évoluer suite à la décision très attendue de la CJUE dans l’affaire SABAM.

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« Si vous comprenez la génération Internet, vous comprendrez l’avenir332 », souligne

Don Tapscott, professeur de management à l’Université de Toronto et auteur d’un ouvrage sur les enfants de l’ère numérique, Grown Up Digital: How the Net

Generation is Changing Your World. Emprunte de la contre-culture américaine et de

son rapport à la technologie, une génération multimédia est née, qui bouleverse les rapports du public au divertissement. Cette évolution est durable et se renforce avec l’échange massif des fichiers sur les réseaux. Le numérique entraîne des changements structurels auxquels la société doit s’adapter, en même temps que le paradigme économique évolue.

Tandis que la diffusion massive de contenus sur Internet n’enlève en rien la nécessité de disposer de créateurs, elle redéfinit considérablement le rôle des intermédiaires. A l’âge de l’accès, le contrôle de l’attention devient primordial. Il est désormais nécessaire de redéfinir les contours de la propriété intellectuelle en fonction des nouvelles possibilités offertes par les évolutions technologiques. Le droit d’auteur ne doit pas revêtir un caractère absolu, dans la mesure où la création est un phénomène collectif qui s’inspire, dans une certaine mesure, de son environnement culturel. La reconnaissance d’un droit d’auteur sous-tend la question du droit du public. Dans ce

domaine, « l’avenir est encore à écrire »333.

Le net a ainsi changé, notamment, les pratiques, les habitudes, les modèles de production et de distribution, ainsi que les contours de la propriété intellectuelle. En une dizaine d’années, le téléchargement illégal d’œuvres s’est démocratisé. Cependant, ces usages portent atteinte aux droits d’auteur et droits voisins « en

permettant et encourageant un vaste pillage des œuvres »334. Le monde du cinéma

s’inquiète de plus en plus de la montée en puissance d’une certaine « culture du gratuit » sur les réseaux. Les lobbies de l’industrie du divertissement s’attèlent à renforcer les lois sur le droit d’auteur et font pression sur les FAI pour qu’ils déconnectent les pirates récidivistes. Dans un premier temps, les majors ont alors tenté de ralentir l’innovation afin de préserver leurs anciens modèles économiques. De multiples études, parfois contradictoires, sur l’ampleur du phénomène et son impact sur l’industrie, ouvrent la voie à une nouvelle perception du public, des pratiques et de l’économie.

332 Voir : TAPSCOTT Don, Grown Up Digital: How the Net Generation is Changing Your World, New York : McGraw-Hill, 2008.

333 SIRINELLI Pierre, art. cit., p. 38.

Mise en perspective de l’approche visant à lutter contre le

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