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Contribution bénévole : l’argent n’est pas la seule motivation

Mise en perspective de l’approche visant à lutter contre le tout-gratuit sur le net

CREATION DE LA VALEUR

1.1. Le don a toujours fait partie d’une économie contributive

1.1.2. Contribution bénévole : l’argent n’est pas la seule motivation

Plusieurs raisons poussent les internautes à choisir de faire don de leur temps, de leur attention, de leur travail, de leurs réflexions, de leurs contenus.

358 « […] this ephemeral gift economy has suddenly become explicit and measureable as it moves online. » ANDERSON Chris, Free – The Futur of a Radical Price, op. cit., p. 186.

359 Ibid., p. 45-46.

360 Voir : DURKHEIM Emile, Les règles de la méthode sociologique, Paris : éd. F. Alcan, 1895.

361 Voir : WEBER Max, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris : Flammarion, coll. Champs, 2008. 362 Voir : MALINOWSKI Bronislaw, Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris : Gallimard, coll. Tel, 1989. 363 MAUSS Marcel, op. cit., p. 46.

1.1.2.1. La motivation monétaire perdure sur Internet

La motivation monétaire perdure sur Internet ; de façon directe, lorsque « l’entreprise reporte ponctuellement sur ses clients la valeur créée au travers de la participation »364.

Alban Martin prend l’exemple de la plateforme française de partage de vidéos, Dailymotion, qui propose « une rémunération variable pouvant atteindre les quinze mille euros pour les utilisateurs qui participent à l’appel à création déposé par les annonceurs »365. Ces motion makers sont en quelques sortes des créatifs externalisés

participant à la production d’une vidéo promotionnelle et au plan médias de la mise en avant de cette vidéo publicitaire sur la plateforme.

Il existe également des motivations monétaires indirectes. Comme l’écrit Florent Latrive, avec un coût de distribution quasi-nul, « le bénéfice financier peut survenir ensuite, grâce à la réputation acquise »366. Dans son livre Free, Chris Anderson explique ainsi qu’il a fait

le choix de distribuer ses livres gratuitement sur Internet, en parallèle des versions payantes dans le commerce physique, et se rémunère ensuite sur ses interventions lors de conférences et ses activités de conseils. Ce type de marketing permet de développer de nouveaux modèles économiques pour les industries du divertissement et des médias à l’ère du numérique. Ainsi, dans le domaine de la musique notamment, l’enjeu pour les artistes n’est plus de vendre des CD. Ils sont de plus en plus nombreux à décider de mettre en ligne leurs morceaux gratuitement afin de vendre des places de concerts, des coffrets et autres produits dérivés. Une véritable économie de l’attention et de la réputation se constitue.

1.1.2.2. Forme altruiste du bénévolat désintéressé

« Une deuxième motivation, à l’opposé, est l’altruisme »367, comme l’écrit Alban Martin.

« En effet, certains projets, notamment portés par des fondations, des associations, ou bien des acteurs culturels indépendants, sont propices au bénévolat désintéressé. L’unique rétribution est d’ordre moral ou réputationnel368. » L’intention est d’avoir un bon karma

(good karma369), comme l’écrit Chris Anderson. En 2009, le don en France a ainsi

augmenté de 4,7 %, atteignant 3,2 milliards d’euros, avec une hausse de 12 % des dons via

364 MARTIN Alban, op. cit., p. 95.

365 Ibid., p. 96.

366 LATRIVE Florent, op. cit., p. 125. 367 MARTIN Alban, op. cit., p. 96.

368 Ibid.

Internet370. L’exemple emblématique de cette économie du don altruiste est l’encyclopédie

en ligne Wikipedia. Les articles sont créés et édités bénévolement par des contributeurs anonymes et l’encyclopédie libre fonctionne grâce aux dons. Certains sites de distribution de contenu culturel font également appel à la générosité des internautes. Alban Martin donne l’exemple de Jamendo, site qui propose des albums de musique en téléchargement gratuit avec un système de don permettant de soutenir les artistes.

1.1.2.3. Essor de la consommation collaborative

Une autre raison, plus pragmatique apparaît avec la montée de la consommation collaborative. « L’altruisme a toujours existé, mais le web fourni une plateforme où les actions des individus peuvent avoir un impact global. En un sens, la distribution à coût zéro a transformé le partage en une industrie371. » Les incitations des internautes pour

participer à cette économie du don sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, avec des sites tels que Craiglist372 ou Freecycle373, les internautes donnent gratuitement des objets non

seulement dans une optique environnementale, pour moins jeter et donc moins polluer, mais également pour des raisons d’intérêt personnel : s’éviter la peine d’appeler les encombrants ou de se déplacer à la décharge374. Pour les auteurs de l’ouvrage sur L’essor de la consommation collaborative, il s’agit là d’une réaction face à la crise économique,

d’une sensibilisation croissante face aux dérives de l’hyper-consommation. Et cette économie du don renforce le sens de la communauté. Un bien de consommation se transforme alors en moyen de rencontrer ses pairs, d’attirer l’attention, de construire sa réputation.

1.1.2.4. Modèles d’affaires centrés sur la relation

Paradoxalement, le web nous ramènerait à un modèle d’affaires centré sur l’humain375.

Ceci étant, les contributions bénévoles des internautes peuvent également apparaître

370 Voir : Communiqué de presse, « 2009 : des dons en progression avec un changement des comportements des donateurs en perspective », France générosités [en ligne], 3 juin 2010 [consulté le 22 novembre 2010].

http://www.francegenerosites.org/ewb_pages/a/actualites-1534.php

371 « Altruism has always existed, but the Web gives it a platform where the actions of individuals can have global impact. In a sense, zero-cost distribution has turned sharing into an industry. »

ANDERSON Chris, Free – The Futur of a Radical Price, op. cit., p. 27.

372 Craigslist est un site Web offrant des petites annonces ainsi que des forums de discussion sur différents sujets.

373 Freecycle est un mouvement international dont l'objectif est de favoriser le don et la réutilisation d'objets pour éviter leur mise en décharge. Il fonctionne au plan local à travers une multitude de groupes. Son slogan est « Don après don, nous changeons le monde » (en anglais, « Changing the world one gift at a time »).

374 ANDERSON Chris, Free – The Futur of a Radical Price, op. cit., p. 27.

375 Voir : BOTSMAN Rachel & ROO Rogers, What's Mine Is Yours: The Rise of Collaborative Consumption, New York : HarperBusiness, 14 September 2010.

comme un moyen peu coûteux de « se former en utilisant des outils pour lesquels l’utilisateur a une appétence »376, comme l’écrit Alban Martin. « On peut ainsi rapprocher

ce parcours artistique de celui d’un artisan au temps du compagnonnage, réalisant un tour de France dans le but d’améliorer une compétence bien précise ou d’apprendre un métier377. »

En outre, les contributeurs à cette économie du don numérique veulent s’exprimer, s’amuser. Ainsi, pour Chris Anderson, la pyramide des besoins de Maslow qui théorise une classification hiérarchique des besoins humains, partant de la base (besoin physiologiques et de sécurité) et allant jusqu’au somment (besoins d’appartenance, d’estime et de réalisation), peut être appliquée à l’information :

Une fois que notre appétence de connaissance basique et de divertissement est satisfaite, nous devenons plus exigeants vis-à-vis de la connaissance et du divertissement que nous voulons, et de cette façon nous apprenons plus sur nous-mêmes et nos motivations. Cela finit par transformer bon nombre d’entre nous, de consommateurs passifs en producteurs actifs, motivés par les reconnaissances psychiques de la création378.

De fait, « la reconnaissance symbolique du travail accompli, l’accomplissement de soi ou la motivation politique ou esthétique sont de puissants moteurs »379, comme le souligne

Florent Latrive, et apparaissent au sommet de la pyramide des besoins à l’ère de l’information. « Enfin, l’industrie du divertissement dispose d’un levier privilégié consistant à miser sur l’attachement affectif au produit ou à l’œuvre. Ainsi les fans sont en général de bons candidats pour relayer une information qui les touche, s’approprier un univers artistique, ou encore personnaliser leur expérience de l’œuvre au travers des moyens qui leur seront mis à disposition380. »

Une dernière forme de rétribution sur le marché non monétaire peut être identifiée. Il s’agit de ce que Chris Anderson nomme « l’échange de main d’œuvre » (Labour Exchange)

376 MARTIN Alban, op. cit., p. 96.

377 Ibid.

378 « Once our hunger for basic knowledge and entertainment is satisfied, we become more discriminating about exactly what knowledge and entertainment we want, and in the process learn more about ourselves and what drives us. This ultimately turns many of us from passive consumers to active producers, motivated by the psychic rewards of creating. »

ANDERSON Chris, Free – The Futur of a Radical Price, op. cit., p 181. 379 LATRIVE Florent, op. cit., p. 125.

volontaire ou non. En évaluant des articles sur Digg381, en laissant un commentaire pour

noter un film téléchargé sur iTunes, en utilisant Facebook ou en faisant une recherche sur Google, l’internaute crée de la valeur, « soit en améliorant le service lui-même, soit en créant de l’information qui peut être utile ailleurs »382.

L’argent n’est pas la seule motivation de la contribution bénévole des internautes. Wikipedia illustre une certaine économie du don altruiste dont l’unique rétribution est d’ordre moral ou de la recherche de visibilité. L’essor de la consommation collaborative renforce le sentiment d’appartenance à une communauté. Un produit devient alors un outil de socialisation. Les contributeurs veulent se former, s’exprimer, s’amuser, échanger, émerger. Les fans sont très actifs en ce sens. Sans forcément en être conscients, ils créent de la valeur gratuitement. Et le P2P participe de cette mentalité d’échange et de partage.

1.1.3. Echange P2P : la culture n’est plus perçue comme un bien mais

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