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Echange P2P : la culture n’est plus perçue comme un bien mais comme un lien

Mise en perspective de l’approche visant à lutter contre le tout-gratuit sur le net

CREATION DE LA VALEUR

1.1. Le don a toujours fait partie d’une économie contributive

1.1.3. Echange P2P : la culture n’est plus perçue comme un bien mais comme un lien

Dans une analyse anthropologique, Robert Kaye assimile l’échange de pair-à-pair aux anciens modèles sociaux des tribus régies par des règles et des chefs383. Les utilisateurs

ont le sentiment d’appartenir à un groupe. « C’est un véritable militantisme culturel, qui sert à promouvoir ce qu’on aime384 » et à initier pour, en retour, avoir reconnaissance et

réputation. Les systèmes P2P sont alors de très bons outils pour étudier les comportements et la demande. La plupart des internautes fonctionnent à l’envie. Ils téléchargent les films qu’ils ont vus à l’affiche, dans un magazine ou dont on leur a parlé. Cela « manifeste une demande forte de services en matière de personnalisation, d’acquisition de contenus comme expression d’identité et de nouvelles formes de communication interpersonnelle »385. De plus, le consommateur devient actif. Il télécharge des films, mais

aussi des fonds d’écrans, des bandes-annonces, se rend sur les sites officiels, sur les forums. Il apparaît ainsi que l’utilisateur des systèmes P2P ne s’intéresse pas seulement au

381 Digg est un site Internet communautaire qui a pour but de faire voter les utilisateurs pour une page Web intéressante et proposée par un utilisateur. Les nouveaux articles et les sites Web soumis par les utilisateurs sont notés par d'autres utilisateurs. Si une proposition remporte le succès nécessaire, elle est affichée sur la page d'accueil.

382 « […] either improving the service itself or creating information that can be useful somewhere else. » ANDERSON Chris, Free – The Futur of a Radical Price, op. cit., p 29.

383 Voir : KAYE Robert, « Les réseaux sociaux : l’avenir du P2P », Numerama [en ligne], 20 avril 2004 [consulté le 20 avril 2004].

http://www.numerama.com/magazine/d/8054-les-reseaux-sociaux-l-avenir-du-p2p.html 384 PHILIPPIN Yann, op. cit.

produit. Il souhaite approfondir l’univers de l’artiste386. « La reproduction numérique de

masse manifeste une demande latente de contenus particulièrement forte. Leur distribution change et comporte désormais durablement la possibilité, marchande ou non marchande, d’accéder rapidement à des informations, voire aux œuvres elles-mêmes, dans des conditions économiques nouvelles387. » Par ailleurs, les réseaux sont en partie

fréquentés par des passionnés, « des collectionneurs qui passent leur temps à tout télécharger »388.

Dès lors, comme le remarque Alban Martin, « l’interaction avec la base de clients ou la communauté de fans fait partie intégrante du mode de fonctionnement de l’entreprise. Ces interactions permettent de faire des économies, car les clients participant à l’activité supportent alors une partie des coûts de ressources humaines ou d’infrastructures dévolus traditionnellement à l’entreprise »389. Dans ce sens, distribuer des contenus numériques à

travers l’architecture des systèmes P2P permet de mutualiser les ressources du réseau. Ainsi, en mars 2007, le site BitTorent – logiciel de P2P très performant pour l’envoi de fichiers lourds car permettant de morceler un fichier en plusieurs blocs pour ensuite transférer ceux-ci depuis plusieurs pairs simultanément (multisourcing) – lançait une offre légale de VoD, avec plus de trois mille films issus des catalogues de certaines majors (20th Century Fox, Paramount, Warner Brothers et MGM)390.

Par ailleurs, Florent Latrive rappelle que la culture, devenue bien de consommation, porte en elle des pratiques d’échange, de partage, de remix. Autant de formes d’appropriation créative que les réseaux numériques ont permis de développer de façon fulgurante mais qui ne sont pratiquement plus reconnues si l’auteur ne peut pas les valider. Il problématise ainsi en un titre la question piratage : « La connaissance, un lien ou un bien ? »391. Le

piratage constitue d’ailleurs, pour Chris Anderson, un marché à part entière, non monétaire. Certains artistes décident ainsi de mettre en ligne leurs œuvres sur les réseaux

385 CHANTEPIE Philippe & LE DIBERDER Alain, op. cit., p. 65.

386 Voir : ROSTAND Edouard, « Le hi-tech va-t-il sauver les maisons de disques ? », A nous Paris, n° 225, semaine du 10 au 16 mai 2004, p. 4-5

387 CHANTEPIE Philippe & LE DIBERDER Alain, op. cit., p. 69-70. 388 Ibid.

389 MARTIN Alban, op. cit., p. 73.

390 Voir : BOUDET-DALBIN Sophie, « Le P2P au service d’Hollywood », Intermedia [en ligne], 4 mars 2007 [consulté le 4 mars 2007].

http://intermedia.homo-numericus.net/archives/28 391 LATRIVE Florent, op. cit., p. 97.

P2P. Dans le secteur musical, au-delà d’une pure stratégie de communication, « certains ont simplement acceptés que, pour eux, la musique n’est pas un business leur permettant de gagner des sous. Ils font cela pour d’autres raisons, du plaisir à l’expression créative. Ce qui, quoi qu’il en soit, a bien sûr toujours été vrai pour la plupart des musiciens »392. « De

plus en plus, les artistes et les labels indépendants comprennent l’intérêt d’utiliser le peer-

to-peer comme outil de distribution pour atteindre des millions de fans393 », assure le vice-

président d’Altnet, société productrice du logiciel de P2P Kazaa.

De plus en plus d’exemples montrent que l’économie du don, en apparence intangible, est de plus en plus rémunératrice à l’ère des TIC. Ainsi, comme le souligne Chris Anderson :

[…] l’iPod d’Apple, dont toute la valeur vient du fait qu’il puisse contenir

des dizaines de milliers de morceaux de musique, n’est vraiment utile que si vous n’avez pas à payer des dizaines de milliers de dollars pour cette librairie musicale. Ce qui est, bien sûr, le cas pour bon nombre de personnes, qui obtiennent leur musique gratuitement d’amis ou en échangeant des fichiers. Donc, combien, sur les quatre milliards de dollars annuels générés par les ventes de l’iPod, sont-ils dus à la gratuité ?394

D’ailleurs, le gratuit est depuis longtemps intégré au sein de modèles économiques éprouvés.

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