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Droit d’auteur et copyright : convergence des deux conceptions

comportements de consommation

PROPRIETE INTELLECTUELLE

3.1. Evolution technicienne de la législation

3.1.1. Droit d’auteur et copyright : convergence des deux conceptions

Le droit d’auteur et son équivalent anglo-saxon, le copyright, sont « l’expression juridique de monopoles temporaires accordés pour inciter à la création »246. Ils correspondent à

« l’un des piliers de la civilisation occidentale et de son organisation socio-économique : la propriété, en opérant une extension de celle-ci dans le domaine de l’immatériel, de la création culturelle et artistique »247. Cependant, contrairement à la propriété matérielle, la

propriété intellectuelle est constituée de biens informationnels non-rivaux et non- excluables. Ainsi, un téléspectateur supplémentaire ne diminue pas la disponibilité d’une émission pour les autres et il est difficile d’empêcher un individu de visionner un film, même s’il se comporte en « passager clandestin »248. Tout dépend alors de l’état des

techniques pour produire, transmettre et protéger l’information. Par ailleurs, Lawrence Lessig, professeur de droit de l'Université de Stanford, souligne que « la créativité tient à ce que ses propriétaires n’aient pas de contrôle absolu sur elle »249. Alors, l’un des

principaux arguments avancés par les économistes pour justifier l’existence du droit d’auteur est qu’il incite à la création et à la production250. Il permet en effet de répondre

aux failles de l’« économie de casino251 » des biens culturels, avec une demande

imprévisible et des coûts fixes importants.

Deux grands régimes juridiques prévalent. La conception anglo-saxonne part de l’idée que les œuvres relèvent, par nature, du domaine public et qu’ainsi, le copyright est un empiètement sur celui-ci. La théorie du droit d’auteur, qui prévaut en Europe, considère quant à elle qu’en vertu de la création, il est « naturel » que l’œuvre revienne à son

246 CHANTEPIE Philippe & LE DIBERDER Alain, op. cit., p. 79.

247 VERNIER Jean-Marc (sous la direction de), Numérique et droits d’auteur, L’Exception, groupe de réflexion sur le cinéma [en ligne], 2003, p. 5 [consulté le 29 septembre 2010].

http://www.lexception.org/article7.html

248 Voir : Colloque « Les marchés de la musique et du cinéma » (2007, Paris), Analyse économique de l’évolution du droit d’auteur face aux nouvelles technologies, GEFFROY Anne-Gaëlle, INA, Université Paris I [en ligne], 3 avril 2007.

http://www.univ.paris1.fr/formation/instituts/ifc/cycles_et_conferences/article6493.html 249 « Creativity dépends upon the owners of creativity having less than perfect control. »

LESSIG Lawrence, Free Culture – The Nature and Future of Creativity, New York : Penguin Press, 2004, p. 119.

250 Voir : FARCHY Joëlle, « L’économie de l’information – La propriété intellectuelle en question », Cahiers français, n° 338, Paris : La Documentation française, 2007, p. 88-92.

auteur252. Ainsi, l’approche personnaliste du droit d’auteur s’oppose à l’approche

économique du copyright, conçu pour protéger, non pas le créateur, mais l’investisseur. A l’origine, le copyright désigne un droit qui naît de l’existence d’une copy, alors que le droit d’auteur désigne un droit découlant de l’effort déployé par le créateur. Par conséquent, les deux régimes de la propriété intellectuelle se pensent par référence soit à l’auteur, soit à l’œuvre253.

Cette différence de conception est également fondée sur la place accordée au droit moral. Le dispositif du droit d’auteur européen apparaît en ce sens « bien plus protecteur que le système anglo-saxon du copyright »254. Ainsi, dans le régime du copyright, le producteur

n’achète pas des droits d’exploitation mais une œuvre dans son ensemble. De fait, il n’y a pas de droit moral imprescriptible et inaliénable attaché à l’œuvre. Autrement dit, le producteur de cinéma a la faculté de remonter le film, de changer la fin ou la musique, d’interrompre le tournage, de mettre un autre réalisateur. C’est donc un bien qu’il a acquis en totalité.

A l’inverse, dans le régime du droit d’auteur, le producteur n’acquiert que les droits d’exploitation stipulés dans un contrat. Le réalisateur et l’auteur conservent un droit moral sur l’œuvre255. Ainsi, si le mode d’exploitation par Internet n’a pas été explicitement

énoncé dans le contrat d’origine, les droits de diffusion sont réputés ne pas avoir été cédés et restent la propriété de l’auteur. Ce régime peut être problématique car Studio Canal par exemple, qui possède un des catalogues de films les plus importants au monde (entre 5 300 et 5 900), ne possède pas les droits pour diffuser ses films sur Internet. Pour ce faire, il doit clarifier chacun des contrats, de chacun des films, en se retournant vers les différents ayants droit, pour leur demander d’inclure Internet parmi les différents modes d’exploitation. Autrement dit, il est nécessaire de retrouver les auteurs et les contrats d’origine pour y inclure l’exploitation Internet. C’est un processus long et

fastidieux256.

A l’inverse, aux Etats-Unis, la question du numérique a été réglée en 2001, après une

252 Il est ainsi inscrit dans l’article L.111-1 du code la propriété intellectuelle : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous ».

253 Voir : BALME Tatiana, Le droit d’auteur et le copyright sur les œuvres musicales confrontés au développement d’Internet : comparaison des systèmes français et américain, mémoire de DEA d’études juridiques comparatives, sous la direction de LEGRAND Pierre, Université Paris I, 2000-2001, p. 3-4.

254 VERNIER Jean-Marc (sous la direction de), Numérique et droits d’auteur, op. cit. 255 Voir : Article L.121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

256 Voir : SERVANNE Morin, Le cinéma et Internet : vers la fin du virtuel, mémoire de DESS Propriété intellectuelle et Communication, Université Bordeaux IV, septembre 2002, p. 36.

menace de grève des syndicats des auteurs et acteurs qui ont obtenu une compensation financière en échange de leur autorisation à tous les types d’exploitation numérique257.

Puis, en 2008, après cent jours de grève, les scénaristes ont conclu un « accord satisfaisant258 » avec les majors concernant les nouveaux supports Internet.

Les deux philosophies du copyright et du droit d’auteur ont convergé au cours du vingtième siècle, à mesure que les Etats-Unis ont considéré les droits de propriété de l’auteur comme l’intention première du copyright259. Dans le même temps, le droit

d’auteur européen s’est de plus en plus orienté vers les grandes entreprises. Ainsi, « du fait de l’intégration européenne, le poids des principes économiques dans les législations sur le droit d’auteur augmente et les différences entre les logiques européenne et anglo-saxonne semblent s’atténuer peu à peu »260. A l’intérieur de chaque système, il existe un

enchevêtrement entre un niveau symbolique où sont réaffirmés les droits impériaux des auteurs, et une réalité juridique dictée par les impératifs économiques et la concurrence261.

Face à la difficulté pour les législations sur le droit d’auteur de s’adapter dans cette course de vitesse avec la technologie numérique, industrielles et gouvernements vont tenter d’imposer un verrouillage des contenus dématérialisés afin de pouvoir contrôler les droits associés.

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