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Le calcul du nombre de films téléchargés, approximatif par nature L’utilisation des technologies P2P sur Internet est un phénomène massif avec un

Mise en perspective de l’approche visant à lutter contre le tout-gratuit sur le net

CREATION DE LA VALEUR

2.2. Décryptage des chiffres avancés dans les médias

2.2.1. Le calcul du nombre de films téléchargés, approximatif par nature L’utilisation des technologies P2P sur Internet est un phénomène massif avec un

usage grand public de plus en plus populaire. Le nombre important d’abonnés au haut débit étant directement corrélé au phénomène de téléchargement illégal, la copie de fichiers numériques lourds, comme les films, est facilitée et le sera de plus en plus avec le développement du très haut débit. « Dans l’ensemble de la population, 26 % des Français avouent avoir déjà téléchargé ou utilisé des contenus piratés, mais le phénomène monte à 64 % chez les jeunes Français de 18 à 24 ans et 54 % chez les 25-34 ans. Signe que le "piratage" est un fait générationnel […] »593. Une enquête

ministérielle réalisée en 2008 indique ainsi que le téléchargement (légal et illégal) est effectivement beaucoup plus répandu chez les 15-19 ans594 et que ces « jeunes »

utilisent principalement leur ordinateur pour regarder des vidéos. « Les contenus les plus téléchargés sont la musique (27 % de téléchargeurs), les films (19 %), les séries

TV (8 %) et les jeux vidéos (6 %)595 », rapporte un sondage TNS Sofres/Logica

réalisé entre février et mars 2009.

Malgré plus de dix ans de politique répressive de la part des industries cinématographiques, qui tentent de responsabiliser les utilisateurs lambda des œuvres, au travers notamment de dispositions contractuelles, l’opinion publique apparaît généralement en faveur des utilisateurs de P2P. Ainsi, une étude canadienne d’Angus Reid Strategies, réalisée en mars 2009, indique que moins de 5 % des sondés considèrent que les personnes qui piratent du contenu protégé par le droit d’auteur sur Internet, se livrent à une activité criminelle, et 3 % déclarent que les pirates devaient

592 MARTIN Alban, « Et toi, tu télécharges ? », ReadWriteWeb France [en ligne], 20 mai 2010 [consulté le 26 mai 2010].

http://fr.readwriteweb.com/2010/05/20/nouveautes/toi-tu-tlcharges/

593 CHAMPEAU Guillaume, « 37 % de pirates chez les internautes français. Seulement ? », Numerama [en ligne], 9 mars 2009 [consulté le 22 avril 2009].

http://www.numerama.com/magazine/12234-37-de-pirates-chez-les-internautes-francais-seulement.html

594 Voir : MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, [en ligne], 2008 [consulté le 27 octobre 2009].

http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08resultat.php

être punis par la loi596. Cependant, comme l’avance une enquête réalisée en septembre 2007 par l’institut de sondage français BVA, si le piratage semble se banaliser, les jeunes âgés de 15 à 25 ans admettent dans leur majorité (60 %) que cette pratique représente un danger pour la création597.

Toujours est-il que le téléchargement illégal de films, loin d’être réservé aux utilisateurs avertis d’Internet, est une pratique qui s’est démocratisée. Ainsi, un rapport d’envergure effectué par Interpret, société spécialisée dans la mesure et l’étude des marchés du divertissement, des médias et des technologies, qui se base sur plus de soixante-quatre millions de sondés aux Etats-Unis, constate qu’au début de l’année 2009, « une personne sur trois est un "pirate" »598. Au Canada, pour la

majorité des internautes, l’échange de fichiers est devenu la « nouvelle norme »599. En

Espagne, sur les milliers d’internautes interrogés, plus de la moitié admettent utiliser les logiciels de P2P régulièrement, 28 % quotidiennement600.

2.2.1.1. Incohérences des chiffres cités par certains gouvernements

Une étude statistique de l’Alpa601 (Association de lutte contre la piraterie

audiovisuelle) « concernant les téléchargements de contrefaçons de films sur les

réseaux P2P602 » d’octobre 2007 à juin 2008, avance le chiffre de 450 000 films

téléchargés chaque jour illégalement en France. Cependant, le calcul du nombre de films téléchargés ne peut être qu’approximatif par nature, puisqu’il faudrait pouvoir prendre en compte toutes les sources potentielles de téléchargement. Comme le souligne la CoPeerRight Agency, prestataire de service pour la protection des droits d'auteur et la lutte contre la contrefaçon numérique sur les réseaux P2P et Internet, les résultats obtenus par l’Alpa « présentent […] des incohérences voire des erreurs

596 Voir : « File Sharing Has Become the “New Normal” for Most Online Canadians », Exchange Magazine [en ligne], 13 March 2009 [consulté le 22 avril 2009].

http://www.exchangemagazine.com/morningpost/2009/week11/Friday/031303.htm

597 Voir : INSTITUT BVA, Les jeunes et le téléchargement sur Internet, Sondage BVA, [en ligne], septembre 2007 [consulté le 8 octobre 2007].

http://www.bva.fr/fr/sondages/les_jeunes_et_le_telechargement_ sur_internet.html

598 L. Julien, « Une étude réaffirme que les internautes téléchargeurs achètent aussi de la musique légalement », Numerama [en ligne], 25 juillet 2009 [consulté le 30 juillet 2009].

http://www.numerama.com/magazine/13566-Une-etude-reaffirme-que-les-internautes-telechargeurs-achetent-aussi-de-la- musique-legalement.html

599 Voir : « File Sharing Has Become the “New Normal” for Most Online Canadians », art. cit.

600 Voir : Navegantes en la red –11ª encuesta AIMC a usuarios de Internet, Associacion para la investigacion de medios de comunicacion [en ligne], febrero 2009 [consulté le 22 avril 2009].

http://download.aimc.es/aimc/03internet/macro2008.pdf

601 L’association est présidée par Jérôme Seydoux, le PDG de Gaumont, est financée par l’ensemble des professionnels du cinéma.

602 GIRARDEAU Astrid, « Le téléchargement illégal de films se porte bien en France », Écrans [en ligne], 6 août 2008 [consulté le 23 août 2008].

d’appréciation qui peuvent également mettre en doute la justesse de l’étude »603. Partant du constat que la contrefaçon numérique est présente sur de nombreux réseaux (P2P, streaming, direct download, newsgroups) et que le périmètre d’investigation de l’étude de l’Alpa ne porte que sur certains réseaux P2P ouverts, les résultats obtenus « pourraient alors facilement être multipliés par deux ou trois, si ce n’est plus… »604. De plus, « certains fichiers contrefaits auraient été repérés trop tôt et d’autres trop tardivement, ce qui pose la question de la fiabilité des outils employés »605.

Par ailleurs, « il est toujours difficile de se fier aux chiffres fournis par ceux qu’ils arrangent »606. Le cas de la France demeure emblématique. Dans le cadre du vote de

la loi dite Création et Internet censée instaurer la réponse graduée, Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication, avait lancé une campagne de communication, avec ce slogan : « Un milliard de fichiers piratés. » Ce chiffre faisait référence à une « étude du cabinet GfK, réalisée auprès de deux mille internautes pour le compte de ses clients (éditeurs de vidéos, maisons de disques) : 833 280 000 titres de musique, et 235 200 000 titres de vidéo auraient ainsi été piratés en

2007 »607. Comme le souligne le magazine Numerama : « Il ne s’agit pas d’études

issues des services du ministère ou, mieux, d’études indépendantes, mais d’études financées puis communiquées par les lobbys culturels, dans le cadre de leur propagande en faveur de la loi antipiratage608. » De plus, le responsable du cabinet

d’études, Laurent Donzel, interrogé par le journal Le Monde, avait précisé qu’une telle enquête comportait des failles : « On fait appel à la mémoire de l'intéressé, et les interviewés minimisent souvent le poids réel du téléchargement. Ils ne veulent pas

http://www.ecrans.fr/450000-films,4799.html

603 INES, « Etude de l’ALPA sur le téléchargement illégal des films », CoPeerRight Agency [en ligne], 15 janvier 2009 [consulté le 19 avril 2010].

http://www.contrefaconnumerique.fr/2009/01/15/etude-de-l’alpa-sur-le-telechargement-illegal-des-films/

604 Ibid.

605 Ibid.

606 CHAMPEAU Guillaume, « 40 % (seulement) des films sont piratés en France », Numerama [en ligne], 26 octobre 2007 [consulté le 10 novembre 2007].

http://www.numerama.com/magazine/5518-405-seulement-des-films-sont-pirates-en-france.html

607 Ibid.

608 CHAMPEAU Guillaume, « Les chiffres du piratage cités par le ministère sont multipliés par 12 », Numerama [en ligne], 7 novembre 2008 [consulté le 4 décembre 2008].

http://www.numerama.com/magazine/11294-Les-chiffres-du-piratage-cites-par-le-ministere-sont-multiplies-par-12- MAJ.html

l'avouer […]. Pour compenser, on extrapole et on multiplie les résultats par douze […]609. »

De la même façon, le Gouvernement de Gordon Brown, souhaitant mettre en place le système réponse graduée, avait avancé que sept millions de personnes étaient

impliquées dans le téléchargement illégal au Royaume-Uni610. Cependant, il s’est

avéré que le Gouvernement britannique s’était appuyé sur un rapport commandé par l’organisme indépendant Strategic Advisory Board for Intellectual Property Policy, dont les chiffres étaient tirés d’une étude privée réalisée par une filiale de Forrester Research pour le compte de la British Phonographic Industry (BPI), organisme

favorable à une répression accrue du téléchargement illégal611. Par ailleurs, la

méthodologie demeurait problématique. Tout d’abord, ces sept millions étaient un arrondi plutôt large de l’étude privée, menée auprès de 1 176 familles britanniques reliées à Internet. Puis, « ses conclusions indiquaient que 6,7 millions d’internautes téléchargeaient illégalement. Ce qui représente un écart d’ "à peine" 300 000 individus. De plus, l’enquête […] a considéré que le Royaume-Uni hébergeait quarante millions d’internautes, alors que l’Office of National Statistics en recensait la même année quasiment six millions de moins »612.

2.2.1.2. Les différents pays s’autoproclamment « champions du monde du piratage »

La Quadrature du Net, organisation française de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, souligne le caractère non fondé des diverses déclarations de différents pays, qui s’autoproclament tour à tour « les plus grands pirates du monde ». Ainsi, début 2008, la SACEM espagnole (la SGAE) se présente comme « la championne européenne dans le nombre de téléchargements illicites de fichiers

musicaux »613. Puis, en mars 2009, Christine Albanel déclare à l’Assemblée

nationale : « Tout d’abord, je veux rappeler que la France est championne du monde

609 FABRE Clarisse, « Un rapport non diffusé relance les critiques sur la loi antipiratage », Le Monde [en ligne], 7 novembre 2008 [consulté le 8 novembre 2008].

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2008/11/07/un-rapport-non-diffuse-relance-les-critiques-sur-la-loi- antipiratage_1116088_651865.html

610 Voir : « Seven million 'use illegal files' », BBC News [en ligne], 28 May 2009 [consulté le 29 mai 2009].

http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/8073068.stm

611 Voir : L. Julien, « Royaume-Uni : sept millions de pirates… ou beaucoup moins ? », Numerama [en ligne], 7 septembre 2009 [consulté le 27 octobre 2009].

http://www.numerama.com/magazine/13840-royaume-uni-sept-millions-de-pirates-ou-beaucoup-moins.html

612 Ibid.

613 « Champions du monde », La Quadrature du Net [en ligne], 5 février 2010 [consulté le 14 juin 2010].

en matière de piratage614. » Dans la foulée, en avril 2009, c’est au tour du Canada, par la voix de Solange Drouin, directrice générale de l'ADISQ, association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, de déclarer que « les Canadiens sont les champions du monde du téléchargement »615.

Ainsi, la Cour des Comptes américaine, le Government Accountability Office (GAO), publie en avril 2010 un rapport critiquant les chiffres avancés jusqu’alors pour quantifier la piraterie et son impact sur l’économie et les industries. Le GAO dénonce notamment le caractère purement imaginaire de chiffres pourtant longtemps relayés par les gouvernements et les industriels alors qu’ils ne reposent sur aucune donnée concrète. Pour le GAO, « le manque de données entrave les efforts visant à quantifier

les impacts […] du piratage »616. Comme l’indiquait déjà une étude de 2008,

effectuée par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économique) et citée par le GAO, concernant l’impact économique de la piraterie : « l’un des problèmes majeur réside dans le fait que les données n'ont pas été systématiquement collectées ou évaluées et, dans de nombreux cas, les évaluations "s'appuient trop souvent sur des informations fragmentaires et anecdotiques ; lorsqu’il n’y a pas assez de données, les opinions non fondées sont souvent traitées comme des faits" »617. Par ailleurs, malgré le ralentissement des ventes de DVD et des débuts difficiles de la VoD, l’industrie du cinéma est plutôt en bonne santé.

2.2.2. Le chiffre d’affaires de l’industrie est en progression contre toute

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