• Aucun résultat trouvé

Effet global positif : télécharger plus pour acheter plus

Mise en perspective de l’approche visant à lutter contre le tout-gratuit sur le net

CREATION DE LA VALEUR

2.3. Analyse de l’impact économique du téléchargement illégal

2.3.4. Effet global positif : télécharger plus pour acheter plus

Une enquête ministérielle réalisée en 2008, concernant le rapport qu’entretiennent les Français avec la consommation des biens culturels, révèle que la tranche d’âge des 15-19 ans témoigne de la plus grande propension à acheter. Même si l’étude fait l’amalgame entre pratiques de téléchargement légales et illégales, il n’en demeure pas moins que cette même tranche d’âge va bien plus souvent au cinéma et achète bien plus de DVD que la moyenne des Français. Or, ce sont ces mêmes individus parmi lesquels la pratique du téléchargement est la plus répandue680.

L’étude de 2009, commanditée par le Gouvernement néerlandais, va plus loin et montre que « parmi [les Néerlandais] qui téléchargent de la musique et des films, le pourcentage d’acheteurs est aussi élevé que parmi ceux qui ne téléchargent pas. […] et ceux qui partagent les films ont tendance à acheter plus de DVD en moyenne que ceux qui ne s’échangent pas de fichiers »681. L’étude conclut à un effet positif de l’échange de fichiers sur le bien-être de la société néerlandaise à court et à long

678 « […] no more than 20 % of the recent decline in sales is due to sharing. »

STRUMPF Koleman & OBERHOLZER-GEE Felix, « File-Sharing and Copyright », Working Paper, NBER Innovation Policy & the Economy, Chicago : MIT Press [en ligne], Vol. 10, 2010, p. 1 [consulté le 26 juin 2010].

www.hbs.edu/research/pdf/09-132.pdf

679 « […] as the role of file sharing to get to know a product, which downloaders may subsequently buy, is less applicable to films, the industry should not allow itself to be lulled into a sense of complacency by still-increasing turnovers. »

HUYGEN Annelies (project leader) et al, op. cit., p. 5.

680 Voir : DONNAT Olivier, Les Pratiques culturelles des Français à l’ère numérique – Enquête 2008, Ministère de la Culture et de la Communication, Paris : La Découverte, 24 septembre 2009.

681 « Among music and film downloaders, the percentage of buyers is just as high as among non-downloaders; among game sharers, the percentage of buyers is even higher than among people who do not download games. […] and film sharers tend to buy more DVDs on average than do non- file sharers. »

terme. Le partage de fichiers, pratiqué par 30 % des Néerlandais682, permet aux internautes d’accéder à un large choix de films et de découvrir des contenus avant de les acheter plus tard. Selon les chercheurs, la plupart des personnes interrogées n’auraient en effet jamais acheté les films s’ils ne les avaient pas préalablement téléchargés et essayés. Ainsi, il ressort que, ceux qui téléchargent, ne consomment pas moins de biens culturels que les autres ; bien au contraire. Un résultat qui rejoint celui de l’étude commanditée par le ministère canadien de l’Industrie en 2007, et qui indique que, parmi les 2 100 ménages canadiens interrogés, ceux qui téléchargent de la musique sont ceux qui achètent le plus de CD. Par ailleurs, le téléchargement crée aussi des marchés, notamment en créant une demande pour des artistes non disponibles en magasins. Les passionnés de musique téléchargent donc plus et achètent plus683.

De la même manière, pour les films, l’étude réalisée pour Vuze, l’un des principaux clients de téléchargement via BitTorrent, montrait en 2009, que sur 1 299 internautes américains interrogés, ceux qui utilisent Vuze vont plus souvent au cinéma, louent plus de films et achètent plus de DVD que la population moyenne d’Internet. L’étude montre également que les usagers de la plateforme BitTorrent sont particulièrement gros consommateurs de nouveautés technologiques et ont un réseaux social en ligne un tiers plus large que les autres, ce qui en fait des leaders d’opinion relativement puissants684. Cependant, comme le souligne la journaliste Astrid Girardeau :

Cette étude s’inscrit dans la lignée de l’objectif de Vuze : convaincre les fournisseurs de contenus de s’associer avec eux. […] comme c’est souvent le cas avec des études commandées par le premier intéressé, elle a ses défauts. Pour pouvoir donner des conclusions poussées (et rejoindre les études menées par les gouvernements canadien et néerlandais), il aurait fallu par exemple qu’elle soit plus précise sur le panel sondé […].685

682 Comme le remarque justement Fabrice Epelboin, seulement 30 % de la population des Pays-Bas utilise les réseaux P2P, alors que 90 % de sa population est connectée à Internet, contre un peu plus de 50 % en France. Il n’existe donc pas forcément un lien entre le nombre de connexions à Internet et l’échange illégal d’œuvres numériques via les systèmes P2P. Voir: EPELBOIN Fabrice, « Un rapport commandé par le gouvernement Hollandais conclu à un impact "très positif" du peer to peer sur l’économie », ReadWriteWeb France [en ligne], 20 janvier 2009 [consulté le 27 août 2009].

http://fr.readwriteweb.com/2009/01/20/a-la-une/rapport-gouvernement-hollandais-conclu-impact-positif-p2p-economie/ 683 Voir : ANDERSEN Birgitte & FRENZ Marion, op. cit.

684 Voir : FRANK N. MAGID ASSOCIATES, Introducing Hollywood’s Best Customers, Frank N. Magid Associates [en ligne], 2 June 2009 [consulté le 24 juillet 2009].

http://www.magid.com/vuze.pdf

685 GIRARDEAU Astrid, « Le P2P, meilleur ami d’Hollywood ? », Ecrans [en ligne], 4 juin 2009 [consulté le 24 juillet 2009].

Les recherches du groupement d’Intérêt scientifique M@rsouin, spécialiste des usages numériques, qui fédère onze centres de recherche de la région Bretagne, ont aussi trouvé un effet positif du téléchargement de films sur les ventes, dans leurs

études de 2008686 et 2010687. Même si ces études ne sont basées que sur le

questionnement d’un échantillon de 2 000 Bretons, non représentatif de toute la population française, les résultats n’en demeurent pas moins révélateurs. Il en ressort que ceux qui téléchargent des films via les systèmes P2P sont également ceux qui achètent le plus de DVD et qui ont une disposition à payer élevée pour une offre légale de films en ligne adaptée. L’échange P2P apparaît alors comme une passerelle vers l’achat en ligne. La consommation des biens culturels se distingue ainsi sensiblement des pratiques de consommation ordinaire. Comme l’a montré Alfred Marshall, grande figure de l’école marginaliste, les pratiques artistiques dénotent une exception à la décroissance de l’utilité marginale688. « Le goût pour la musique se

développe à mesure qu’on l’écoute. De même, l’intérêt pour l’Art et Essai participe d’une culture qui incite à découvrir de nouveaux films, de nouveaux auteurs689. »

Mixte par nature, le cinéma est traversé par ces deux logiques, culturelle et industrielle.

Comme le résume le GAO dans son rapport, le téléchargement illégal a produit une vaste gamme d’effets sur les consommateurs, les industries, les gouvernements et l'économie dans son ensemble, et ces effets varient largement entre les secteurs, les entreprises, les pays. « Pour déterminer l’effet réel, les éventuels effets positifs sur l’économie de la contrefaçon et du piratage devraient être pris en compte, de la même façon que les effets négatifs690. »

686 DEJEAN Sylvain, PENARD Thierry & SUIRE Raphaël, Une étude sur les pratiques de consommation de vidéos sur Internet, M@rsouin [en ligne], CREM & Université de Rennes I, décembre 2008. [consulté le 17 décembre 2008].

http://www.marsouin.org/IMG/pdf/etudeusagep2p.pdf

687 DEJEAN Sylvain, PENARD Thierry & SUIRE Raphaël, Une première évaluation des effets de la loi HADOPI sur les pratiques des Internautes français, op. cit.

688 L’utilité correspond à l’importance qu’un acteur économique attache à un bien ou service. Elle exprime la valeur d’usage

qu’il lui accorde. L’utilité marginale est l’utilité de la dernière unité consommée. Elle tend ordinairement à diminuer à mesure que la consommation s’accroît. Voir : CRETON Laurent, op. cit., p. 15.

689 Ibid.

690 « To determine the net effect, any positive effects of counterfeiting and piracy on the economy should be considered, as well as the negative effects. »

Outline

Documents relatifs