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comportements de consommation

PRODUCTION ET DISTRIBUTION

2.2. Mutations des modèles d’organisation

2.2.1. Longue traîne : utopie de l’ajustement de la diversité proposée à celle consommée

2.2.2.3. Avantage comparatif pour les plateformes web 2

Composante essentielle des plateformes web 2.0, le modèle publicitaire est généralement construit sur le modèle du marché biface. Ainsi, une plateforme comme Facebook propose, via son site Internet, deux biens complémentaires à deux groupes distincts. Les vidéos proposées intéressent directement une audience dont l’accès est ensuite valorisé par les annonceurs. La gratuité d’une face est subventionnée par

223 Voir : KATZ Michael & SHAPIRO Carl, « Network Externalities, Competition, and Compatibility », The American Economic Review, Vol. 75, n° 3, June 1985, p. 424-440.

224 DE LA RAUDIERE Laure & EHREL Corine, Rapport d’information sur la neutralité d’internet et des réseaux, n° 3336, Paris : Assemblée nationale, Commission des Affaires économiques, avril 2011, p. 20.

225 Voir : ROCHET Jean-Charles & TIROLE Jean, « Platform Competition in Two-Sided Markets », Journal of the European Economic Association, Vol. 1, n° 4, June 2003, p.990-1029.

226 Voir : EISENMANN Thomas, PARKER Geoffrey & VAN ALSTYNE Marshall, « Strategies for Two-Sided Markets », Harvard Business Review, Vol. 84, n° 10, October 2006, p. 1-12.

l’autre face. Plus il y a d’usagers, plus les annonceurs ont intérêt à être présents sur le site. Cependant, la publicité peut être perçue par les internautes comme une contrainte. La valeur du service proposé se dégrade alors dans une certaine mesure, aux yeux des internautes mais également des annonceurs, dont la publicité devient moins efficace.

Cette externalité de réseaux croisée négative peut être évitée en innovant sur les deux faces du marché dans les formes de publicité proposées mais également dans l’utilisation du potentiel d’innovation des communautés virtuelles. Romain Parent, consultant en stratégie web, et Valérie Chanal, professeur de management à l’Université de Grenoble, soulignent ainsi dans leur recherche que « ce n’est pas toujours l’infrastructure informatique (la technologie) qui peut être la source d’un avantage concurrentiel. Ici les compétences du site se construisent sur une compréhension fine des pratiques […], autrement dit sur une approche orientée usages »228.

Dès lors, pour les plateformes telles que YouTube, les utilisateurs constituent non seulement une ressource mais également une source de compétence dans le cadre de programmes d’innovation ascendante et de la production des contenus. Partant du constat « que l’effort de ces plateformes se focalise en premier lieu sur la constitution d’une des faces de leur marché, qui pourra être ensuite valorisée auprès de l’autre face229 », les auteurs préconisent une évolution de la proposition de valeur des sites

communautaires « vers cette "face cachée" »230. Par le biais d’une segmentation détaillée des utilisateurs, la compétence d’organisation des relations entre les deux faces du marché représente dès lors un avantage comparatif pour les plateformes. « Cependant, [la théorie des marchés bifaces] reste une théorie économique, qui raisonne en termes de prix et de volumes et occulte des dimensions plus qualitatives de la création de valeur, telles que les effets symboliques et de réputation, la valeur sociale d’appartenance à une communauté, ou encore les connaissances issues de pratiques231. »

Le modèle de la grande distribution s’est progressivement imposé sur Internet dans le

228 XVIIIe conférence internationale du management stratégique (Grenoble, 2009), Quel business models pour les plateformes web 2.0 : les apports de la théorie des marchés bi-faces, PARENT Romain & CHANAL Valérie, Association internationale de management stratégique (AIMS) [en ligne], juin 2009, p. 21 [consulté le 23 mai 2011].

http://www.strategie-aims.com/events/conferences/3-xviiieme-conference-de-l-aims/communications/197-quels-business- models-pour-les-plateformes-web-2-0-les-apports-de-la-theorie-des-marches-bi-faces/download

229 Ibid., p. 20.

sillage des sites de e-commerce. Toutefois, cette tendance est à relativiser à l’ère d’Internet. Ainsi, d’après Brice Auckenthaller, enseignant et expert dans le

management de l’innovation, « les consommateurs-acheteurs sont morts, vive les

consommateurs-créateurs232 ! » La « nouvelle économie de l’intelligence

collective233 » permet d’innover à plusieurs et de produire des idées collectivement.

C’est ainsi qu’en 2006 le magazine Time a élu comme personnalité de l’année : « vous et moi234 » (« You »). Dans son édito, Richard Stengel, rédacteur en chef du

magazine, explique que cette nomination est un hommage à l’avènement des contenus générés par l’utilisateur, ce comportement collectif censé transformer l’art, la politique et le commerce par l’intervention créative et pertinente d’amateurs. Ce

phénomène que Jeff Howe du magazine Wired nomme « crowdsourcing235 », Brice

Auckenthaller le désigne comme une « économie Ikea »236. Ce système économique,

qui garantit une forte implication des futurs clients, une limitation des risques d’échec lors de la commercialisation237 et une économie de frais de création, porte en lui les

risques d’un « alibi de communication238 » et les germes d’une démission de la part

des entreprises.

A l’ère d’Internet, une tension existe entre la valeur de coordination, de l’intégration verticale et de la nature des stratégies tarifaires adoptées par une plateforme pour coordonner la demande des deux côtés du marché. Avec le web 2.0, les internautes doivent être considérés non seulement comme des clients mais également comme une source d’innovation ascendante et de production de contenus. Ils deviennent, dans une certaine mesure, acteurs de l’acte de consommation.

2.2.3. « Consommacteur » : les clients reçoivent et créent des produits

231 Ibid., p. 23.

232 AUCKENTHALER Brice, « Intelligence service – Est-ce vraiment meilleur à plusieurs ? », Libération Next, n° 8198, 15 septembre 2007, p. 80-81.

233 Ibid.

234 GROSSMAN Lev, « Time's Person of the Year: You », Time [en ligne], 13 December 2006 [consulté le 4 mars 2009].

http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1569514,00.html

235 Voir : HOWE Jeff, « The Rise of Crowdsourcing », Wired [en ligne], n° 14.06, June 2006 [consulté le 4 mars 2009].

http://www.wired.com/wired/archive/14.06/crowds.html?pg=1&topic=crowds&topic_set

236 Ibid.

237 Voir : Ibid.

L’« individu hyper-moderne239 », libéré du lien social traditionnel, s’est approprié les nouvelles technologies. Il a le sentiment d’avoir plus de pouvoir et se transforme en un « entrepreneur qui, en permanence, fait des choix, élabore des stratégies, exploite les opportunités, tente de contourner les menaces »240. Mais les structures en réseaux se distribuent également selon des formes d’organisation de pouvoir et l’atout majeur réside alors dans la capacité à retenir et influencer l’attention, à transformer l’information en trafic.

L’état de surcapacité relative de l’offre et l’intensification de la concurrence, sous l’effet des processus de déréglementation et de globalisation des marchés, incitent les entreprises à réduire leurs coûts et à faire du prix une variable stratégique. Le client a appris à tirer profit de ce nouveau contexte et détient ainsi un nouveau pouvoir. « L’acheteur est, en ligne, beaucoup plus exigeant que le consommateur

traditionnel241. » Par ailleurs, grâce aux innovations technologiques et dans le

marketing, l’offre prolifère et les entreprises en profitent à la fois pour mieux cibler

leur clientèle et pour décliner leurs produits en gammes, en multipliant les options et les variantes.

A l’ère du numérique, le client devient un « consommacteur ». Dans une culture de réseau, la clientèle tout à la fois reçoit et crée des produits. « Le consomm’acteur s'interroge sur les conditions de production des produits qu'il achète. Il essaie de mieux connaître la politique des entreprises dont il est client pour savoir si elles respectent l'environnement, l'éthique ou encore les normes sociales et les droits humains. Le "consomm’acteur" prend des décisions d'achat basées sur ces valeurs, en plus des critères traditionnels de prix et de qualité/performance242. »

Grâce à ses choix d'achat, le client peut peser sur l'offre. Son rôle d’acteur du marché se trouve renouvelé. Il ne reçoit plus les produits ou services, il les façonne, les choisi, les compose, les influence. Le rôle des intermédiaires est alors appelé à s’adapter à l’ère du numérique.

2.2.4. Désintermédiation : importance du contrôle de l’attention

239 MULLER Andrée, op. cit., p. 104.

240 Ibid., p. 104-105.

241 Le Forum des droits sur l’internet – Rapport d’activité année 2004, Paris : La Documentation Française, 2005, p. 251.

242 « Participer au changement », site d’Exquiro, importateur/exportateur de produits écologiques [en ligne] [consulté le 13 mars 2010].

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