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La dualité des clientèles au sein de la franchise

A. L’inconcevable protection de la clientèle

1. La dualité des clientèles au sein de la franchise

232. Après de longues hésitations, le droit positif reconnaît sans détour une clientèle au franchisé. Cette dernière est, fort logiquement, constituée des clients fréquentant son magasin (a). La question de savoir de quoi, ou plus exactement de qui, est réelle-ment constituée la clientèle du franchiseur ne semble en revanche, pour l’heure, pas avoir reçu de réponse définitive de la part de la jurisprudence. Cependant, une part de plus en plus grande de la doctrine tend à considérer que cette clientèle ne peut être constituée que des franchisés eux-mêmes (b).

a. Les consommateurs finals, clientèle du franchisé

233. Débat historique quant au bénéfice du statut des baux commerciaux. La question de savoir si la clientèle fréquentant le magasin franchisé est celle du fran-chiseur ou du franchisé a, pendant longtemps, agité doctrine et jurisprudence. C’est Philippe de Belot qui, le premier491, ouvrit la boîte de Pandore de la titularité de la clientèle dans le contrat de franchise, s’interrogeant sur la possibilité pour ce dernier de bénéficier du statut des baux commerciaux492. Les juridictions du fond, essentielle-ment parisiennes, ne tardèrent pas à se diviser. Le tribunal de grande instance de Paris semblait initialement peu réceptif à l’argumentation de Monsieur de Belot, relevant par trois fois qu’un franchisé possède tous les attributs d’un commerçant ordinaire493.

491 Jurisprudence et doctrine sont relativement taiseuses sur la question avant la publication du brulôt de Monsieur de Belot. Il convient toutefois de noter que Jean Derrupé exprimait dès 1988 l’opinion dont il ne se départira jamais – et qui finira par triompher – affirmant sans détour que « la clientèle réunie par l’activité du franchisé, que ce soit ou non avec les services du franchiseur, appartient au franchisé » (J.

Derrupé, « Organisation générale du commerce », RTD com., 1988, p. 609 et s., n° 3).

492 P. de Belot, « Un franchisé a-t-il le droit à la propriété commerciale ? », Administrer, 1991, no 3, p. 2 et s., puis par la suite

493 La première, qui date de 1992, reprend d’abord les termes de l’article de Philippe de Belot quant à la nécessité d’une appréciation in concreto, avant de s’en détacher et de mettre l’accent sur « le caractère spécifique du contrat de franchise qui instaure une collaboration entre le franchisé et le franchiseur » pour conclure que « la clientèle est indiscutablement le fruit des efforts des deux partenaires » (T.G.I Paris, 24 novembre 1992, Lagache c/ Sté Production M.J., Gaz. Pal., 1994, jur., p. 207 et s., note Belot).

Pour un récapitulatif, sinon exhaustif, au moins des plus complets, des innombrables commentaires sur cette décision, v. Y. Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, 2525, p. 3.

Le tribunal de grande instance d’Évry prenait en revanche une position opposée : rele-vant que l’autonomie du distributeur est à peu près réduite à néant et que la marque de la tête de réseau est particulièrement attrayante, les magistrats évryens refusaient au locataire le bénéfice de la propriété commerciale494. Le tribunal de commerce de Paris se voulait plus nuancé et pragmatique en distinguant deux clientèles : l’une, nationale, qui appartiendrait au franchiseur ; l’autre, locale, au niveau des utilisateurs et bénéfi-ciaires des services en cause, qui serait celle du franchisé495.

234. Cette dernière décision était soumise à la Cour d’appel de Paris, qui rendit une décision des plus surprenantes le 6 février 1996. L’arrêt estime en effet que : « pour qu’un locataire franchisé ou concessionnaire d’une marque soit considéré comme ayant un fonds de commerce en propre, il faut qu’il apporte la preuve de ce qu’il a une clientèle liée à son activité personnelle indépendamment de son attrait en raison de la marque du fran-chiseur ou du concédant, ou bien, qu’il démontre que l’élément du fonds qu’il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu’il prévaut sur la marque »496. Quelques mois plus tôt, saisie d’un appel sur le jugement du tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire dite du Bistro de la Gare, la Cour d’appel de Paris avait déjà introduit une telle distinction en considérant qu’il convenait de déterminer – en ayant recours à une expertise – « la proportion de la clientèle fréquentant l’établissement uniquement pour la marque et l’enseigne » et celle « attirée et retenue par l’emplacement et le savoir-faire de l’exploitant »497.

La seconde, en date du 26 septembre 1995, est empreinte de la même veine : le tribunal de grande instance de Paris y note que « le franchisé disposant d’un droit d’usage sur telle marque ou enseigne regroupe bien dans son patrimoine les éléments nécessaires à l’attraction d’une clientèle » (T.G.I. Paris, 26 septembre 1995 : Inédit, cité par Yves Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », commentaire sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, n° 25, p. 3 et s.).

Enfin, la troisième affaire n’est autre que la première décision sur la célèbre affaire du « Bistro de la Gare » des Champs Elysées. Le tribunal de grande instance de Paris réaffirme sa position traditionnelle : « l’affirmation pure et simple selon laquelle la marque Bistro de la Gare est seule de nature à conférer une clientèle à la société demanderesse ne peut être valablement retenue » (T.G.I. Paris, 7 juillet 1994 : Inédit, cité par Yves Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », commentaire sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, n° 25, p. 3 et s.).

494 T.G.I. Evry, 9 décembre 1993, Dame Agopyan c/ Sté Paris Sud Location, Gaz. Pal., 1994, jur., p. 207 et s., note Belot. Comme pour la décision du 24 novembre 1992, on doit à Yves Marot une remarquable synthèse des commentaires suscités par cette décision (Y. Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, 2525, p. 3).

495 T. com. Paris, 10 novembre 1994, Sté Daphn c/ Sté Pluri : Inédit, cité par MAROT Y. « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », LPA, 2003, n° 25, p. 6 496 C.A. Paris, 6 février 1996, Sté Paris Sud Location c/ Dame Agopyan, D., 1996, I.R., n° 77,

Adrministrer, 1996, n° 279, p. 6 et s., note Belot, RDI, 1996, n° 18, p. 289, note Collart-Dutilleul, RF compt., 1996, n° 280, p. 48 et s., note Fabre.

497 La Cour d’appel affirme encore que « lorsque le commerçant représente sous un forme ou sous une autre une seule marque, [il convient de rechercher] si celle-ci a un pouvoir exclusif d’attraction de la clientèle, auquel cas le commerçant n’aurait pas de clientèle propre, ou si au contraire le savoir-faire de celui-ci, l’emplacement et les installation dont il dispose en vertu de son bail et de son initiative propre

235. Par cette position, la Cour d’appel de Paris allait ainsi conduire la jurispru-dence dans une impasse. Le tribunal de grande instance de Paris adoptera cette analyse dans un jugement du 30 octobre 1998 concernant une franchise Jean-Louis David498. La doctrine ne manquera pas de critiquer vertement le raisonnement impulsé par la Cour d’appel de Paris499. En effet, faire varier la titularité de la clientèle en fonction de l’attrait respectif des différents éléments du fonds de commerce apparaît comme une ineptie. Selon cette conception, il faudrait selon les cas, reconnaître le bénéfice d’une part de la clientèle tantôt au propriétaire des murs500, tantôt au propriétaire de la marque, voire parfois à certains salariés ou mandataires sociaux501… Tant d’un point de vue intellectuel que d’un point de vue pratique, ce raisonnement est intenable. Le problème est en vérité moins de savoir qui est propriétaire de l’élément déterminant dans le choix de la clientèle que de savoir qui exploite cet élément.

236. Les juridictions ne tarderont pas à modifier leur position. La Cour d’appel de Paris finira par revenir sur sa jurisprudence, pour finalement consacrer le critère du risque entrepreneurial dans deux décisions du 4 octobre 2000502. La clientèle est celle de celui qui exploite les éléments du fonds de commerce, et assume le risque de cette

sont déterminants dans le choix de la clientèle » (C.A. Paris, 18 janvier 1996 : Inédit, cité par Jean-Paul Clément, note sous C.A. Paris, 6 février 1996, RJ com., juin-septembre 1996).

498 T.G.I. Paris, 30 octobre 1998, Sté Nicogi c/ Sté Gan Vie Gaz. Pal., 1999, jur., p. 32 et s., note Barbier.

La juridiction parisienne, plutôt que de se lancer dans la détermination des mérites respectifs des différents signes attractifs de clientèle pour déterminer la paternité de cette dernière, se fonde sur la présence d’une clause d’agrément en cas de cession du fonds de commerce du franchisé pour décider que ce dernier ne peut revendiquer ni la maîtrise économique, ni la maîtrise juridique des éléments de son fonds.

Une telle motivation ne manque évidemment pas de laisser perplexe (en ce sens, v. Y. Marot,

« Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, 2525, p. 3). Un an plus tôt, le tribunal de grande instance de Paris avait déjà pu affirmer que « les contraintes pesant sur la charge du franchisé n’étaient pas de nature à lui permettre, bien qu’il soit qualifié de commerçant indépendant, de générer une clientèle propre » (T.G.I.

Paris, 26 septembre 1995 : Inédit, cité par Yves Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », commentaire sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, n° 25, p. 3 et s.).

499 Parmi l’impressionnante bibliographie consacrée à la question, on peut citer par ordre chronologique, et sans aucune prétention à l’exhaustivité : D. Baschet, « La propriété de la clientèle dans le contrat de franchise ou… la franchise est en danger de mort », Gaz. Pal., 1994, doctr., p. 1256 et s. ; B. Boccara,

« Le fonds de commerce, la clientèle et la distribution intégrée », Gaz. Pal., 1994, doctr., p. 1021 et s. ; R. Fabre, « La clientèle dans la franchise », JCP E, 1996, no 3, Cah. dr. entr., p. 17 et s. ou encore J. Derrupé, « Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ? », AJPI, 1997, p. 1002 et s.

500 Dans l’affaire du « Bistro de la Gare », l’emplacement sur les Champs Elysées n’était certainement pas étranger au succès de l’établissement. A suivre le raisonnement de la Cour d’appel de Paris, ce n’était pas le franchisé qu’il fallait gratifier de ce succès, mais bien le propriétaire de l’emplacement à savoir le bailleur.

501 On pense notamment à l’affaire Nicogi (T.G.I. Paris, 30 octobre 1998, Sté Nicogi c/ Sté Gan Vie Gaz.

Pal., 1999, jur., p. 32 et s., note Barbier) où le gérant, coiffeur au talent reconnu, était manifestement à lui seul, un élément attractif de clientèle.

502 C.A. Paris, 4 octobre 2000, Sté Nicogi c/ Sté Gan Vie AJDI, 2001, Jur., p. 244, note Derruppé, D., 2001, p. 1718, note Kenfack, D., 2001, p. 301, note Ferrier, JCP G, 2001, II, 10467, note Boccara, LPA, 2000, n° 229, p. 12, note Derruppé et C.A. Paris, 4 octobre 2000, SCI FBH Champigny c/ SA

exploitation, peu important qu’il soit ou non propriétaire desdits éléments. La Cour d’appel d’Agen avait déjà consacré en des termes encore plus limpides cette position dans une décision503 qui, frappée d’un pourvoi, donnera lieu au célèbre arrêt Trévi-san504. Reprenant la motivation des magistrats agenais, la Cour de cassation clôt le débat en 2002, affirmant que « si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, maté-riel et stock, et l’élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n’est pas propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition par le contrat de franchise, elle est créée par son activité avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls »505. En somme, au terme d’un débat long de dix ans, le droit positif peut se résumer en ces termes : les clients finals, consommateurs506, fréquentant un établissement franchisé, sont ceux du franchisé.

Naturellement, cette assertion ouvre la voie à un nouveau questionnement : qui sont, alors, les clients du franchiseur ?

b. Les franchisés, clientèle du franchiseur

237. Arrêt Trévisan du 27 mars 2002. L’arrêt Trévisan offre une première réponse à ce questionnement. La Cour de cassation affirme en effet qu’« une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur »507. Cette proposition n’est cependant pas dénuée d’ambiguïtés. La lecture des commentaires de la décision

Atlas, AJDI, 2001, jur., p. 244, note Derruppé, D., 2001, p. 1718, note Kenfack, D., 2001, p. 301, note Ferrier, JCP G, 2001, II, 10467, note Boccara, LPA, 2000, n° 229, p. 12, note Derruppé.

La Cour d’appel de Paris note en des termes identiques que « le fonds de commerce est un ensemble d’éléments de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l’enrichissement de celui qui assume le risque d’une telle entreprise, c’est-à-dire celui de la perte des investissements qu’il a fait pour l’acquérir, la maintenir et la développer ; […] dans le cas d’une exploitation de fonds après signature d’un accord de franchise, il faut observer que la sanction d’une éventuelle perte de clientèle, voire d’un insuccès total, frappe directement le franchisé, au point, le cas échéant, de mettre en péril l’existence de son fonds ».

503 C.A. Agen, 12 juillet 2000, Trévisan / Basquet : Inédit, cité par Yves Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », commentaire sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, n° 25, p. 3 et s.

504 Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, Trévisan / Basquet, n° 00-20.732, JCP G, 2002, II, 10112, p. 1312, note Auque, Contrats, conc. consom., 2002, comm. n° 111, obs. Malaurie-Vignal, Contrats, conc. consom., 2002, comm. n° 155, obs. Leveneur, JCP E, 2002, Cah. dr. ent. n° 5, p. 29, obs. Respaud.

505 Ibid.

506 Le terme de consommateur est ici employé dans son acception économique, c’est-à-dire celui qui choisit, utilise et consomme un bien ou un service – que cette consommation soit finale (la consommation correspondant à un usage personnel ou intermédiaire (la consommation contribuant à la création d’un autre bien ou service). Cette définition est, évidemment, bien plus large que celle retenue par le droit de la consommation, pour lequel « le consommateur est une personne physique ou morale qui utilise un bien ou un service pour son usage non professionnel » (Y. Picod et H. Davo, Droit de la consommation, 2e éd., Dalloz, 2010).

507 Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, Trévisan / Basquet, n° 00-20.732, JCP G, 2002, II, 10112, p. 1312, note Auque, Contrats, conc. consom., 2002, comm. n° 111, obs. Malaurie-Vignal, Contrats, conc. consom., 2002, comm. n° 155, obs. Leveneur, JCP E, 2002, Cah. dr. ent. n° 5, p. 29, obs. Respaud

traduit l’embarras de la doctrine vis-à-vis de cette formule. Ainsi, Maître Yves Marot en déduit que la Cour de cassation consacre une dualité de clientèles : l’une ingérant juri-diquement et patrimonialement le fonds de commerce du franchisé, l’autre qui, sans réellement être celle du franchiseur, ne pourrait toutefois entrer dans le patrimoine du franchisé dans la mesure où elle n’existe que par l’attrait de la marque du franchiseur508. Dès lors, la fraction de clientèle attachée à la marque du distributeur apparaît presque comme une « chose sans maître »509. Dès lors, d’autres, à l’instar de Maître Françoise Auque510 ou Éric Chevrier511, proposent de franchir le pas et de considérer que les clients fréquentant l’établissement franchisé à raison de la marque du franchiseur ne constituent rien d’autre que la clientèle du franchiseur. Si la lecture de la décision de la Cour de cassation ne peut qu’inviter à souscrire à cette analyse, on perçoit immé-diatement les écueils qu’elle présente. Car, en somme, le raisonnement tant critiqué qui était celui de la Cour d’appel de Paris avant l’an 2000 fait un retour pernicieux.

Comment déterminer, chiffrer la part réelle que représente cette clientèle dans la clien-tèle ? Faut-il aller sonder le for intérieur de chaque client afin de déterminer s’il se rend dans l’établissement franchisé en raison de la marque – auquel cas il appartiendrait à la clientèle « nationale » du franchiseur – ou en raison, par exemple, de l’emplacement du magasin – auquel cas il deviendrait un client « local » du franchisé ? En cas de combi-naison de ces divers facteurs, faudra-t-il déterminer, pour chaque client, la motivation prépondérante dans le choix de l’établissement franchisé ?

238. Au surplus, comme le relèvent de nombreux auteurs512, il y a quelque arti-fice à reconnaître au franchiseur la paternité juridique de clients auquel rien ne le rattache et qu’il n’a, en somme, jamais fréquenté, pas plus directement que par l’intermédiaire de ses préposés. Dangereuse en pratique, la distinction semble vaine sur un plan intellectuel. L’arrêt Trévisan énonce en effet en des termes fort généraux les critères permettant de vérifier que le franchisé est bien titulaire d’une clientèle

508 « Il y a une clientèle qui est attachée à la notoriété de la marque du franchiseur et une autre clientèle qui fait partie du fonds de commerce du franchisé. La première clientèle n’appartient pas au franchiseur au sens juridique et plus exactement patrimonial du terme ; elle est attachée au sens économique à la marque du franchiseur » (Y. Marot, « Franchise et propriété de la clientèle : la Cour de cassation a tranché définitivement », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, 2525, p. 3).

509 On doit l’expression à François Grivod, qui dans une note visionnaire dénonçait, dès 1963, les risques inhérent à cette analyse qu’il considérait déjà comme erronée (F. Givord, note sous C.A. Montpellier, 19 janvier 1962, D., 1963, p. 172).

510 F. Auque, « Le franchisé bénéficie du statut des baux commerciaux », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, JCP E, 2002, 1252

511 E. Chevrier, « Le franchisé a la propriété commerciale du fonds exploité », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, D., 2002, p. 1487

512 En ce sens, J.-P. Blatter, « Franchise et propriété commerciale », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, AJDI, 2002, p. 376 ; L. Godon, « Renaissance de la propriété commerciale au profit du franchisé », note sous Cass. Civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 2003, 132132, p. 67, ou de façon encore plus nette et limpide, H. Kenfack, « Le franchisé bénéficie du statut des baux commerciaux », note sous Cass. Civ.

3e, 27 mars 2002, D., 2002, p. 2400 : « Comme on l’a déjà dit, il est hasardeux d’essayer de déterminer la part de chacun des éléments de la franchise dans l’attraction et la fidélisation de la clientèle. Il n’est pas besoin d’opérer un partage entre une clientèle locale et une clientèle nationale pour attribuer au franchisé la titularité de la clientèle de son fonds de commerce ».

personnelle. Ces critères peuvent se résumer ainsi : posséder la maîtrise juridique et l’abusus des éléments du fonds de commerce (la question de la propriété n’impor-tant en rien513) et exploiter lesdits éléments en son nom et à ses risques et périls. Si l’on applique ces critères au franchiseur, il est impossible de conclure que ce dernier peut revendiquer un quelconque droit sur les clients fréquentant l’établissement du franchisé. Le franchiseur ne développe pas une activité, en son nom et à ses risques et périls, dans le but d’attirer une clientèle de consommateurs. Pas plus, il ne dispose de la maîtrise juridique des éléments d’un fonds de commerce nécessaire à cette activité. En revanche, quelle est l’activité du franchiseur si ce n’est de développer son réseau de franchise ? Avec qui le franchiseur contracte-t-il, en son nom et pour son compte, si ce n’est avec les franchisés ?514 Dès lors, la conclusion semble relever de l’évidence. Il nous paraît indispensable et inévitable d’affirmer avec Jean Derrupé que « les clients du franchiseur, ce sont les franchisés »515. Cette position a également été celle de la Commission des communautés européennes, qui dans le contexte certes spécifique du contrôle des concentrations, a toutefois pu affirmer que franchiseur et franchisé étaient titulaires de « deux entreprises séparées ». Celle du franchiseur consiste, pour les autorités européennes, à mettre à disposition son savoir-faire, sa marque, le « good will » propre au réseau, certains équipements, ainsi éventuelle-ment qu’à négocier et à proposer certaines fournitures aux franchisés. Ces derniers, s’agissant du réseau Mister Minit, avaient en l’espèce pour activité principale la

personnelle. Ces critères peuvent se résumer ainsi : posséder la maîtrise juridique et l’abusus des éléments du fonds de commerce (la question de la propriété n’impor-tant en rien513) et exploiter lesdits éléments en son nom et à ses risques et périls. Si l’on applique ces critères au franchiseur, il est impossible de conclure que ce dernier peut revendiquer un quelconque droit sur les clients fréquentant l’établissement du franchisé. Le franchiseur ne développe pas une activité, en son nom et à ses risques et périls, dans le but d’attirer une clientèle de consommateurs. Pas plus, il ne dispose de la maîtrise juridique des éléments d’un fonds de commerce nécessaire à cette activité. En revanche, quelle est l’activité du franchiseur si ce n’est de développer son réseau de franchise ? Avec qui le franchiseur contracte-t-il, en son nom et pour son compte, si ce n’est avec les franchisés ?514 Dès lors, la conclusion semble relever de l’évidence. Il nous paraît indispensable et inévitable d’affirmer avec Jean Derrupé que « les clients du franchiseur, ce sont les franchisés »515. Cette position a également été celle de la Commission des communautés européennes, qui dans le contexte certes spécifique du contrôle des concentrations, a toutefois pu affirmer que franchiseur et franchisé étaient titulaires de « deux entreprises séparées ». Celle du franchiseur consiste, pour les autorités européennes, à mettre à disposition son savoir-faire, sa marque, le « good will » propre au réseau, certains équipements, ainsi éventuelle-ment qu’à négocier et à proposer certaines fournitures aux franchisés. Ces derniers, s’agissant du réseau Mister Minit, avaient en l’espèce pour activité principale la

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