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Assimilation ou dissociation des magasins franchisés ? L’arlésienne de l’indépendance relative des franchisés par rapport au franchiseur se retrouve encore

du degré de concentration du marché

86. Assimilation ou dissociation des magasins franchisés ? L’arlésienne de l’indépendance relative des franchisés par rapport au franchiseur se retrouve encore

dans l’analyse sur le fond des dossiers soumettant aux autorités une potentielle fusion entre deux réseaux. Les diverses décisions rendues quant à l’éventuelle acquisition

202 Ibid.

203 Ibid., n° 145.

204 V. notamment Comm. CE, 14 mars 2000, Volvo/Scania, n° COMP/M.1672.

205 Comm. CE, 26 mars 1999, Total / Pétrofina, n° COMP/M.1464 206 Ibid.

207 Ibid.

208 Ibid.

de Promodès par Carrefour sont à cet égard riches d’enseignements. La décision du Conseil de la concurrence du 3 mai 2000 relative à cette affaire offre une vision syn-thétique du débat. Analysant les effets de l’opération projetée sur la concurrence, le Conseil relève que « les magasins aux enseignes Carrefour et Stoc constituent un ensemble qui n’a pas à être dissocié selon le statut juridique de ces magasins ; qu’en effet, si la société Carrefour ne détient pas de participation au capital des sociétés affiliées (Guyenne et Gas-cogne et Coop atlantique), des clauses contractuelles imposent aux affiliés le respect de la politique commerciale élaborée par Carrefour, en matière de communication publicitaire, d’assortiments obligatoires, y compris en produits à marque de distributeur et premiers prix, ainsi qu’en matière de prix de revente aux consommateurs ; qu’ainsi le groupe se comporte comme une entité unique, même si, d’un point de vue contractuel, les entreprises qui le com-posent ne constituent pas une structure intégrée »209. À l’inverse, dans la même décision, le Conseil note que « les magasins affiliés à la centrale Prodim exploités sous les enseignes Corsaire et Proxi ne peuvent être considérés comme constituant, avec les autres magasins exploités sous les enseignes de la société Promodès un seul et même ensemble ; qu’en effet ces magasins ont souscrit un engagement d’une durée de cinq années, reconductible tacitement, leur permettant, s’ils le souhaitent, de bénéficier des conditions d’approvisionnement de la centrale en produits de grande consommation et qu’ils ne sont tenus qu’au paiement des commandes ; qu’ainsi, les accords passés avec la centrale ne limitent pas l’autonomie des magasins concernés dans la définition de leur politique commerciale envers le consomma-teur ; qu’en conséquence, aucune obligation n’étant prévue en matière de politique de prix ou de gammes des produits, les magasins affiliés à cette centrale ne peuvent être considérés comme constituant, avec les autres magasins du groupe, un seul et même ensemble »210. Ces considérants sont aujourd’hui explicitement repris par les lignes directrices élaborées par l’Autorité de la concurrence211.

87. On retrouve encore des références, quoique moins explicites, au mode d’orga-nisation du réseau dans d’autres décisions des instances de contrôle de la concurrence.

Ainsi, la Commission européenne, dans une décision concernant la fusion de chaînes de supermarchés autrichiennes212, se fonde sur le mode d’organisation du réseau pour apprécier le pouvoir de marché de ce dernier. L’autorité européenne constate ainsi que « contrairement à ses principaux concurrents, [l’une des parties à la concentration] est une entreprise à succursales multiples et à direction centrale »213. Pour la Commission, ce mode d’organisation implique un pouvoir de marché plus important dans la mesure où « les entreprises organisées uniquement en succursales multiples peuvent prendre des décisions importantes pour l’entreprise (notamment politique d’assortiment, politique de prix, campagnes publicitaires) de manière centralisée et les mettre en œuvre à bref délai

209 Cons. conc., 3 mai 2000, Carrefour/Promodes, n° 00-A-06.

210 Ibid.

211 Aut. conc., Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2009, n° 594.

212 Comm. CE, 3 février 1999, Rewe/Meinl, n° IV/M.1221 : JOCE, n° L 274 du 23/10/1999, p. 1.

213 Ibid., n° 49.

dans toutes leurs succursales »214, tandis que « dans toutes les autres formes d’organisa-tion, il n’est jamais possible de garantir une mise en œuvre complète des mesures chez tous les détaillants de la chaîne, car les exploitants de ces commerces de détail jouissent d’une indépendance beaucoup plus grande que les directeurs des filiales d’un groupe à l’organi-sation centralisée »215. Et la Commission de conclure que « les entreprises à succursales multiples sont [donc] à même de réagir plus promptement et plus efficacement à des défis concurrentiels »216.

%

88. En somme, il ressort de ces analyses que les autorités, tant nationales qu’euro-péennes, cherchent en matière de concentration à apprécier le degré d’indépendance économique du franchisé, en s’affranchissant du strict point de vue juridique et en utilisant la technique du faisceau d’indices. L’Autorité de la concurrence résume ce paradigme en précisant que « le pouvoir de marché d’un groupe de distribution doit s’apprécier en tenant compte des magasins exploités en franchise, quel que soit leur statut juridique, dès lors que leur politique commerciale n’est pas suffisamment autonome par rap-port au franchiseur »217. À ce rôle préventif du droit des concentrations, vient utilement s’ajouter le rôle curatif du droit des pratiques restrictives de concurrence, qui vise à libérer le franchisé des divers verrous qui pourraient lui être imposés par le franchiseur.

s ection ii. l e contrôle De l inDépenDance

Du franchisé

89. Affirmer contrôler la liberté du franchisé revient à s’assurer qu’il n’est pas empri-sonné. Or, l’emprisonnement du franchisé dans le réseau peut passer par l’instauration de trois types de verrous à la sortie, que le droit de la concurrence voire le droit com-mun n’ont de cesse de déjouer. Il faut ainsi lutter contre les barrières temporelles (I), les barrières économiques (II) et les barrières juridiques (§3), savamment élaborées par les réseaux de franchise dont l’imagination est en la matière fort prolixe.

214 Ibid.

215 Ibid.

216 Ibid.

217 Aut. conc., décision du 29 avril 2009, Sté Noukat C/ Sté d’Exploitation Amidis & Cie, n° 09-DCC-04, Rev. Lamy conc., 2019, n° 20, p. 17.

i. l

e contrôleDes verroustemporels

90. La solution la plus primaire pour enfermer le franchisé au sein du réseau consiste à fixer un terme fort lointain à l’issue du contrat de franchise (A). D’autres mécanismes plus sournois, comme la multiplication des contrats permettent cepen-dant d’arriver aux mêmes fins de façon plus subtile (B).

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