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f. La difficile appréciation de la réalité des comportements

Cet extrait présente l’intérêt de montrer l’enfant de l’amour comme le seul enfant que l’on aime vraiment car il incarne l’intensité du lien qui unit ses parents138

.

Les recommandations pour obtenir un enfant réussi sont donc multiples et ne s’arrêtent d’ailleurs pas au moment du coït et de la fécondation. Elles se poursuivent tout au long de la grossesse et s’intègrent dans ce qu’on appelle l’hygiène de la grossesse139. A la fin du XVIIIème siècle, l’art de faire de beaux enfants évolue vers une démarche pré-eugéniste qui se confirme au XIXème siècle140.

f.

La difficile appréciation de la réalité des comportements

Toutes ces prescriptions sont issues de sources normatives et elles ne nous disent pas comment se passent les ébats dans la réalité et si les individus respectent les interdits et mettent en pratique les conseils. Il est par exemple difficile de mesurer l’audience réelle des médecins, de plus en plus sévères et interventionnistes. Mais si l’on en juge par le succès du vieux manuel de Venette, il semble que la sexualité des individus échappe largement à l’emprise médicale141. D’autre part, les conseils callipédiques rapportés par la littérature médicale s’adressent plutôt à une élite lettrée. On sait pourtant que le rêve de l’enfant parfait n’est pas réservé qu’aux classes favorisées et que les recours dans ce domaines ne sont pas uniquement médicaux. L’idéal des femmes enceintes dans les catégories populaires est de donner le jour à un enfant rose, robuste, mais surtout blond et frisé142. Ce souhait, récurrent dans de nombreuses sources, semble remonter à l’époque gallo-romaine, où certaines divinités à l’abondante chevelure constituaient un idéal de beauté, tel l’Apollon gaulois. Un bel enfant, c’est aussi un enfant vigoureux, et non un être languissant, faible et mal constitué, qui ne grandit pas bien. De nombreuses dévotions sont ainsi rendues à certains saints pour obtenir un enfant conforme au modèle souhaité. Dans le centre et l’ouest de la France, les prières sont adressées en particulier à Saint Greluchon ou à saint Freluchot, déjà invoqués pour redonner de la vigueur aux époux stériles ou impuissants143.

Quant aux interdits religieux, on sait juste qu’ils sont acceptés pour le principe dans la majeure partie de la population jusqu’au XVIIIème

siècle. Dans la réalité, ils sont plus ou moins respectés, car l’union sexuelle répond à d’autres impulsions que de la morale chrétienne. Les injonctions du Père

137 Ibid., pp. 139-140.

138 Julie d’Aiglemont distingue la « maternité de chair » et la « maternité de cœur ». Les psychologues actuels ne désavoueraient pas cette idée que c’est le désir d’enfant dès la conception qui réalise la vraie maternité.

139 La question de l’hygiène de la grossesse est étudiée en particulier dans le chapitre III.

140 Nous reviendrons en conclusion sur cette nouvelle démarche et la nouvelle attitude des médecins dans le contrôle de la procréation, de la grossesse, de l’éducation et de l’hygiène au XIXème siècle.

141 Knibiehler (Yvonne), « Les médecins et l’amour conjugal… », art. cit.

142 Gélis (Jacques), L’arbre et le fruit…, op. cit., p. 158.

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Féline, dans son Catéchisme des gens mariés laissent d’ailleurs entendre que les couples n’acceptent guère l’interventionnisme du clergé dans le domaine de la sexualité conjugale :

La plupart des maris s’imaginent que tout leur est permis et ne pensent point à consulter. Ils ne peuvent se persuader qu’un confesseur ait droit d’entrer dans la discussion de ces sortes de matières. Ils paraissent se scandaliser s’il arrive qu’on vienne en parler au tribunal de la Pénitence144.

Il ne paraît guère réaliste, par exemple, de croire que les maris s’abstiennent réellement de relations conjugales pendant les maternités et les allaitements successifs de leurs femmes, car cela conduirait à des périodes de chasteté de plusieurs années. Tabou et culpabilité ont peut-être tout au plus espacé un peu les rapports sexuels145.

La démographie permet toutefois de lever une partie du voile ; l’étude de la saisonnalité des naissances permet par exemple de mesures l’influence des impératifs religieux et médicaux sur les comportements réels.

Repérer la répartition saisonnière des naissances

A l’époque moderne, les écarts entre les chiffres mensuels de conception peuvent être considérables et varier du simple au double. La saisonnalité des conceptions et des naissances est si marquée par le passé qu’elle n’a pas échappé aux premiers démographes. Ainsi Moheau dans « Recherches et considération sur la population de la France » (1778), compare la « fécondité dans les différents mois »146. Quant à Villermé, il propose dès 1831 une des premières études scientifiques sur le sujet147. Il est cependant difficile d’établir des analyses générales sur la temporalité des grossesses et des conceptions qui soient valables sur tous les points du territoire français et tous les milieux, tant les rythmes varient selon les régions et les catégories sociales. En outre, entre le début du XVIIIème et la fin du XIXème siècle, les attitudes évoluent, ce qui se traduit dans le calendrier des conceptions. Nous nous contentons ici de présenter les grandes lignes de ces comportements démographiques afin de voir à quelles époques privilégiées interviennent les grossesses et de comprendre pourquoi148.

Les démographes ont distingué quatre facteurs principaux pouvant expliquer la variabilité saisonnière des conceptions : la répartition saisonnière des mariages149, les conditions climatiques, les impératifs économiques et sociaux (comme les travaux agricoles ou les migrations saisonnières), ainsi que le respect de certains interdits religieux. Pour établir la courbe mensuelle des conceptions, on calcule à partir de la date de naissance des enfants en retirant neuf mois150, mais ce procédé est imparfait car on ne tient pas compte des fausses couches et des naissances prématurées. Malgré cela, des tendances assez nettes s’observent en matière de calendrier conceptionnel, tendances qui se retrouvent d’ailleurs dans la plupart des régions françaises et même un peu partout en Europe. Pour nos analyses, nous avons utilisé les travaux réalisés grâce à l’enquête sur la population de la France par l’I.N.E.D. qui a relevé les mois de naissance à raison d’un acte sur 500. De nombreux démographes ont ensuite exploité ces informations, notamment Jacques Houdaille qui a analysé la

144 Féline (Père), Catéchisme des gens mariés, op. cit.

145 Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit., pp. 66 et sq.

146 Moheau (Jean-Baptiste), Recherches et considérations sur la population de la France, 1778, Qu. VI, ch. X.

147 Villermé (Louis-René), « De la distribution par mois des conceptions et des naissances de l’homme »,

Annales d’hygiène publique et de médecine légale, V, 1831, pp. 55-155.

148 Nous renvoyons pour davantage de détails à : Léridon (Henri), Aspects biométriques de la fécondité humaine, Paris, P.U.F., 1973 (Travaux et documents de l’INED, Cahier n°65) ; Léridon (Henri), « Natalité, saisons… »,

art. cit.

149 Elle ne peut avoir cependant une influence que sur les naissances du premier rang, soit 15 à 20% du total des naissances.

150 Pour obtenir des informations sur le calendrier des conceptions, on peut aussi utiliser le mouvement mensuel des baptêmes. Le baptême chez les catholiques étant pratiqué très majoritairement le jour de la naissance ou le lendemain (ainsi à Meulan ou à Verdun au XVIIIème siècle, plus de 90 % des enfants sont baptisés dans les vingt-quatre heures), la répartition sur l’année donne une indication sur les variations saisonnières de la fécondité. Les résultats sont globalement concordants avec la méthode basée sur le calcul à partir de la date de naissance ; Dupâquier (Jacques) dir., Histoire de la population française, op. cit., t. 2, p. 400 ; Beauvalet (Scarlett), La

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période 1740-1829 ; ses travaux ont permis d’affiner ceux, plus anciens, de Jacques Dupâquier151. Pour avoir une idée de l’ampleur des variations sur l’année, l’écart absolu moyen des indices mensuels de conception est révélateur. Il semble élevé entre 1740-1829 puisqu’il se chiffre à 10,4 ; l’indice étant plus important dans les campagnes (indice 10,6) que dans les villes (indice 9). Cette caractéristique n’est pas surprenante car dans ces dernières, les populations dépendent beaucoup moins des saisons et des travaux agricoles152, qui semblent être un facteur d’explication essentiel des variations saisonnières.

« Indices mensuels des conceptions en France à diverses époques », dans Houdaille (Jacques), « Mouvement saisonnier des conceptions en France de 1740 à 1829 », Populations, vol. 34, n°2, 1979, p. 453.

Des conceptions et des naissances inégalement réparties tout au long de l’année

La répartition des indices mensuels des conceptions met en évidence, pour la période 1740-1829, un niveau élevé des conceptions d’avril à juillet (indice compris entre 109 et 118), avec pic prononcé pour mai et juin. D’août à mars, les conceptions sont moins nombreuses, avec un creux très marqué pour les mois de septembre, octobre, novembre (indice 85 à 90). La nette remontée des conceptions en février (indice101) annonce la fécondité printanière ; l’interruption de cette tendance observée en mars (indice 95) tenant probablement à la continence du temps de Carême. On nait donc peu du milieu du printemps au plein été ; l’essentiel des naissances intervient plutôt entre novembre et avril.

On a souvent tendance à considérer, dans la société traditionnelle, que l’hiver constitue un temps propice à la vie sexuelle et donc aux conceptions153. En effet, la vie affective et sexuelle passe être plus intense en ces périodes de temps mort pour les travaux agricoles. Les familles se replient à l’intérieur des maisons où s’organisent veillées et travaux domestiques. Pourtant, aux vues des statistiques, le tout début de l’hiver ne s’avère guère favorable aux conceptions, l’Avent n’expliquant pas à lui seul le déficit observé154. Un proverbe évoque l’inoportunité d’une conception à cette

151 Jacques Dupâquier travaillant sur un échantillon plus restreint, les variations qu’ils observent sont beaucoup plus fortes.

152 Houdaille (Jacques), « Mouvement saisonnier des conceptions en France de 1740 à 1829 », art. cit., p. 453.

153 Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit., pp. 85 et sq.

154 Le temps de l’Avent semble être un temps de pénitence beaucoup moins respecté que le Carême ; on le distingue rarement dans les chiffres des conceptions d’hiver.

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période : « En novembre, fou engendre, en août gît sa femme »155, ce qui signifie que neuf mois plus tard, la femme étant en couches, elle est incapable d’aider son mari au moment des récoltes. Mais il est difficile de savoir s’il existe réellement une stratégie consciente pour éviter une naissance à un moment jugé peu favorable. Par contre, à partir de février, les conceptions sont plus nombreuses et aboutissent à un taux assez élevé de natalité en novembre, qui se distingue dans un certain nombre de registres paroissiaux jusqu’au XIXème siècle156. Ce phénomène peut s’expliquer par la fréquence des mariages en janvier et février157 dans de nombreuses de régions françaises, ce qui conduit de nouveaux couples à procréer à partir de ce moment là. Ces conceptions de février s’inscrivent aussi dans une temporalité particulière : elles coïncident avec des fêtes importantes qui célèbrent la fin de l’hiver et l’arrivée du printemps. Le 2 février se tient en effet la fête de la Chandeleur ou fête de la Purification qui célèbre les relevailles de la Vierge, marquant la fin de la quarantaine d’isolement après la naissance de Jésus. Comme le temps de Carnaval, qui s’ouvre peu après, ces fêtes célèbrent la fin de la nuit hivernale, le début du renouveau de la nature ; elles ramènent la fécondité et la fertilité, ouvrant la première porte de l’année « aux forces qui montent »158

. Les naissances qui en résultent neuf mois plus tard se font à l’époque de la saint Nicolas, qui est le temps où les enfants sont fêtés, naissent ou ressuscitent ; ainsi que pour Noël qui célèbre conjointement l’enfant divin et les naissances humaines.

Cet essor des conceptions à l’approche du printemps est cependant temporairement ralenti par le temps du Carême. Les études sur la fécondité saisonnière montrent en effet souvent un fléchissement démographique à cette période159, mais on ignore si la stérilité temporaire des femmes est due aux effets du jeûne lui-même ou à une réelle chasteté. Par contre, le proverbe « mariages de mai ne fleurissent jamais » ne se vérifie pas160. En effet, l’interdit de mariage et de conception en mai, mois de la Vierge consacré à la chasteté, semble peu respecté. Le grand réveil printanier est de manière évidente le temps privilégié pour les conceptions, pas seulement pour des raisons culturelles ou économiques, mais aussi en lien avec les rythmes physiologiques. Le climat agit en effet sur la fécondité et sur la fréquence des rapports sexuels161. Moheau signalait déjà au XVIIIème siècle la plus grande fécondité des couples au printemps :

Le complément de la végétation paraît être l’époque à laquelle le plus grand nombre d’hommes doit son existence (…). Le mois de juin est celui où un plus grand nombre de femmes commencent à acquérir des droits au titre de mère ; et le mois de septembre celui qui en donne le moins162.

Au XIXème siècle, Sinéty, dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales dirigé par Dechambre, reconnaît aussi l’influence des saisons sur l’aptitude à procréer163. Pour lui, le printemps,

155 Montreynaud (Florence), Pieron (Agnès), Suzzoni (François), Dictionnaire de proverbes et de dictons, Paris, Le Robert, 1993, p. 147.

156 C’est le cas dans les registres de Durningen en Alsace entre 1810 et 1859 ; Bonnet (Jocelyne), La terre des

femmes…, op. cit., p. 271.

157 En effet, le calendrier des mariages est lui aussi très dépendant des interdits religieux et des contraintes socio-économiques de la vie rurale. On se marie principalement en hiver (40 à 56 % de l’ensemble des mariages célébrés), avec des creux marqués pour l’Avent et plus encore pour le Carême. Les mois de février, puis dans une moindre mesure janvier et novembre sont les mois où l’on se marie le plus, mais il existe des variations entre villes et campagnes et selon les régions, en lien avec les spécificités locales ; voir Beauvalet (Scarlett), La

population française…, op. cit., pp. 170-171.

Cependant, les démographes considèrent que si la répartition saisonnière des mariages a des conséquences directes en régime naturel sur celle des naissances de rang 1, elle est sans influence sur les suivantes et, en pratique, sur l’ensemble des naissances ; Léridon (Henri), dir., « Natalité, saisons… », art. cit., p. 68.

158 Bonnet (Jocelyne), La terre des femmes…, op. cit., pp. 262-263.

159 Selon les courbes de conception, on observe un creux parfois net, parfois peu sensible, correspondant au temps du Carême ; Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit., ,p. 66 et sq et ,p. 85 et sq.

160 D’autres proverbes proches vont dans le même sens : « Mariage de mai, fleurit tard ou jamais », « Noces de mai, ne vont jamais », « Noces de mai, noces mortelles » ; Montreynaud (Florence), Pieron (Agnès), Suzzoni (François), Dictionnaire de proverbes…, op. cit., p. 133. Dans certaines régions, on estime aussi que les enfants conçus en mai sont fous, idiots ou très difficile à élever ; Loux (Françoise), Le jeune enfant…, op. cit., p. 74.

161 Les scientifiques ont d’ailleurs observé que c’est de janvier à juin que les neurohormones hypophysaires féminines qui stimulent la sécrétion en œstrogène et en progestérone des ovaires sont fabriquées en plus grande quantité ; Schwob (Marc), De l’amour plein la tête ou la biologie de l’amour, Hachette, 1984, p. 100.

162 Moheau (Jean-Baptiste), Recherches et considérations sur la population…, op. cit., 1778.

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qui ramène les phénomènes du rut chez la plupart des animaux, exerce également une action sur l’homme : « C’est dans le mois d’avril, mai et juin que les conceptions sont les plus nombreuses »164. Il remarque aussi que cette période compte plus de viols et d’attentats à la pudeur. Cependant, il considère que ce mouvement saisonnier est plus sensible dans les campagnes, la vie en ville rendant moins sensible à la nature. Encore au siècle dernier, les paysannes indiquent que le printemps (mai au plus tard) constitue aussi la meilleure période pour se marier et avoir un enfant, car elles ont plus de repos à s’accorder pour la naissance de leur premier né165. En effet les conceptions de la fin de l’hiver et du printemps aboutissent à des naissances à l’automne et à l’hiver suivants, qui sont des périodes propices à l’accueil d’un nouveau-né. Le cycle de veillées d’octobre à février notamment correspond à un temps privilégié de la sociabilité féminine. Pendant cette période, les femmes œuvrent entre elles, occupées notamment à des travaux d’aiguilles, sans priver les travaux agricoles de main d’œuvre. Elles peuvent accoucher et assister le nouveau-né en étant plus disponibles pour ses premiers jours et rester également à l’abri le temps des relevailles. Cependant, certains proverbes populaires contredisent cette idée que l’hiver est un temps favorable à l’accueil du nourrisson. On dit ainsi : « Mariage en mai, enfant morveux en février, mariage d’août, enfant à la belle saison »166. Il faut aussi raisonner en tenant compte de l’effectif des femmes qui ne peuvent concevoir parce qu’elles sont déjà enceintes ou en couches. Après les nombreuses conceptions de printemps, s’en suit forcément un temps mort dans la procréation. Les accouchements nombreux de l’automne des enfants conçus en début d’année permettent à certaines femmes de devenir à nouveau fécondes l’hiver et le printemps suivants167.

En effet, l’été et l’automne ne constituent pas un temps très propice aux conceptions car les travaux agricoles (moissons, vendanges, châtaignes, etc.) occupent beaucoup, distendent les couples et épuisent les corps : « le sommeil l’emporte sur l’amour »168. On dit ainsi : « Quiconque se marie en août, souvent n’amasse rien du tout »169

. Cette période est aussi marquée par de nombreux déplacements masculins, en particulier dans les régions de migrations saisonnières, l’absence des hommes accentuant le déficit de conceptions. En outre, la dureté des travaux agricoles estivaux devait provoquer des fausses couches précoces chez les femmes, éliminant ainsi des naissances que l’on aurait dû recenser au printemps.

Aux vues de ces quelques analyses, il apparaît que, dans la France rurale traditionnelle, conception, grossesse et accouchement s’inscrivent pour la plupart des femmes dans une temporalité collective. Vivant la même expérience en même temps, elles peuvent partager leur vécu et établir des solidarités. Certaines fêtes religieuses accompagnent aussi ces temps collectifs de procréation et permettent à la communauté villageoise dans son ensemble de ritualiser ces moments essentiels à la survie de la collectivité. L’année se divise ainsi en plusieurs temps : la fin de l’hiver et du printemps marquée par le réveil de la nature et un pic de procréation, le temps des récoltes végétales de l’été qui est aussi celui de la gestation féminine ; enfin, les veillées d’automne et d’hiver correspondant aux naissances170.

Des analyses à nuancer selon les régions, les groupes sociaux et dans le temps

Si au XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle, le printemps s’avère favorable aux conceptions en ville comme à la campagne, on remarque que les conceptions de septembre sont fréquentes en ville, alors qu’elles sont rares à la campagne. Cette tendance est d’ailleurs plus accentuée dans les villes du sud de la France (indice 106) que dans celles du Nord (indice 102)171. Cette particularité est complexe à expliquer. Si les citadins ne sont pas occupés en septembre aux

164 Ibid.

165 Propos recueillis auprès de diverses paysannes alsaciennes dans les années 1970 par Jocelyne Bonnet ; Bonnet (Jocelyne), La terre des femmes…, op. cit., p. 279.

166 Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit., p. 211.

167 Ibid., pp. 85 et sq.

168 Mireille Laget note même un véritable « effondrement des conceptions en septembre, octobre, parfois novembre » ; ibid., pp. 85 et sq.

169 Montreynaud (Florence), Pieron (Agnès), Suzzoni (François), Dictionnaires de proverbes…, op. cit., p. 142.

170 Bonnet (Jocelyne), La terre des femmes…, op. cit., p. 279.

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lourdes activités agricoles comme les ruraux, on ne comprend guère le pic enregistré sur ce mois précis. D’autres recherches montrent également d’importantes variations locales. Dans ses travaux sur