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b. Le traitement de la stérilité dans les écrits privés

DES ORGANES REPRODUCTEURS

Depuis l’Antiquité, l’une des préoccupations majeures de l’homme occidental a été de comprendre de quelle manière il se reproduisait. Nombre d’hypothèses ont été formulées sur le sujet sans qu’aucune ne fasse la lumière et l’unanimité avant la fin du XIXème

siècle. La fécondation se déroulant dans le secret du ventre féminin, sans qu’il soit possible pendant longtemps de l’observer, l’imagination et les spéculations philosophiques ont donc comblé les lacunes, aussi bien dans les discours savants que dans les représentations populaires1. Or, le savoir sur la reproduction et l’anatomie sexuelle n’est pas neutre. Il s’agit même d'un des domaines où l’esprit rationnel peine le plus à s’imposer face aux traditions et aux affects. Car la reproduction humaine est un extraordinaire enjeu de pouvoir qui confronte l’être humain à

trois angoisses majeures que toutes les civilisations ont essayé de nier, d’occulter ou de sublimer : l’angoisse de mourir, car mettre au monde un nouvel être, c’est lui faire cadeau de la mort. Dans l’acte d’engendrer, vie et mort sont indissolublement liées. C’est également, l’angoisse et le refus de sa double nature, à la fois corps et esprit, mammifère et être pensant. En mettant au monde, la femme rappelle à l’homme son animalité. Elle lui rappelle enfin que l’humanité n’est pas une mais deux, à la fois homme et femme, que le vieux mythe de l’androgynie, cher à toutes les mythologies et toutes les civilisations, est impossible et qu’il faut à l’homme et à la femme se reconnaître et s’accepter à la fois semblables et différents2

. L’évolution du savoir scientifique dans ces domaines est donc lourde d’enjeux et susceptible de modifier les sensibilités collectives sur l’identité féminine et la place des femmes dans la société.

Ce sujet n’est pas vierge d’études historiques ; il a été longuement étudié par les historiens de la biologie ou de la philosophie, comme René Taton3, André Giordan4, Emile Guyénot5 ou Jacques Roger6, mais aussi par Jean-Pierre Darmon7 et Jean-Louis Fischer8. Le thème a également été abordé

1 Carol (Anne), « Le genre face aux mutations du savoir médical… », art. cit.

2 Imbault-Huart (Marie-José), « Science et imaginaire : l’acquisition du savoir scientifique sur l’anatomie et la physiologie féminine », Médecine de l’homme, 153, 1984, pp. 8-16 ; loc. cit., p. 8.

3 Taton (René), La science moderne (1450-1800), Paris, P.U.F., 1958.

4 Giordan (André) dir., Histoire de la biologie, Paris, éd. Lavoisier, « Technique et Documentation », 1987, t. 2, Chap. II, « Le concept de fécondation ».

5 Guyénot (Emile), Les sciences de la vie aux XVIIème et XVIIIème siècles : l’idée d’évolution, Paris, A. Michel,

1941.

6 Fischer (Jean-Louis), La naissance de la vie, Paris, Presses Pocket, 1991 ; id., L’art de faire de beaux enfants, Paris, A. Michel, 2009.

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sous l’angle de l’histoire des femmes, notamment par Yvonne Knibiehler9 et plus récemment par le biais de l’histoire de la sexualité et de la construction des genres avec les travaux de Thomas Laqueur10 et d’Anne Carol11.

Nous n’avons donc pas la prétention de faire une synthèse exhaustive de tous ces travaux très riches. Nous nous contenterons ici de mettre en évidence les principaux aspects de l’évolution du savoir en matière de génération afin d’éclairer le vécu et les représentations de la grossesse. Nous avons également conscience du caractère artificiel d’une étude limitée à la France et à un cadre chronologique étroit. En effet, la science à cette époque s’envisage dans un cadre européen : diverses découvertes et théories émergent en effet en même temps dans plusieurs pays et se diffusent rapidement de l’un à l’autre. Les pays moteurs sont principalement l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne, l’Italie et la France. Pour ce qui est des bornes chronologiques de notre étude, il est nécessaire de faire un bref rappel des théories antiques, dont l’influence perdure jusqu’au XIXème siècle et de démarrer l’analyse au dernier tiers du XVIIème siècle car c’est à cette époque que les théories de la génération sont profondément renouvelées, leur autorité perdurant tout au long du XVIIIème siècle. Le terme de notre analyse est fixé dans les années 1870, au moment des découvertes décisives en matière de fécondation. Il faut toutefois signaler la difficulté à étudier l’évolution des connaissances en matière de reproduction, tant sur le plan de la recherche scientifique la plus pointue que du point de vue des praticiens sur le terrain, mais aussi des individus, dans leur diversité sociale et sexuelle. En effet, les rythmes d’évolution sont différents et les permanences dans les représentations sont fréquentes, ce qui rend l’analyse complexe et impose une approche qui reste ici modeste.

Notre travail a consisté à étudier la manière dont les théories nouvelles et les découvertes ont été reçues et interprétées par les praticiens médicaux, afin de ne pas faire une simple histoire des progrès scientifiques. Nous avons ainsi utilisé diverses sources médicales des XVIIIème et XIXème siècles, principalement des traités des maladies des femmes et d’obstétrique, ainsi que des articles des grands dictionnaires médicaux du XIXème siècle12. Nous avons également cherché à percevoir comment ces nouvelles connaissances ont pénétré dans la population, surtout chez les élites, en utilisant principalement des écrits privés masculins et féminins13.

1. Jusqu’au XVIII

ème

siècle, entre ignorance et permanence des représentations héritées

de l’Antiquité chez les hommes de science

Avant d’évoquer l’évolution des connaissances, il faut signaler qu’aux XVIIème

et XVIIIème siècles, l’ignorance des hommes de science reste importante dans le domaine de la reproduction14

.

8 Roger (Jacques), Les sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIème siècle, Paris, A. Colin, 1963.

9 - Knibiehler (Yvonne), « Les médecins et la “nature féminine” au temps du code civil », Annales ESC, juillet-août 1976, pp. 824-845.

- Id., « Le discours médical sur la femme : constantes et ruptures », Romantisme, n°13-14, octobre-décembre 1976, pp. 41-55.

- Id., « La mère définie par les médecins, un rappel historique », Maternité en mouvement, les femmes, la

reproduction et les Hommes de science, ouvrage collectif sous la dir. d'Anne-Marie de Vilaine, Laurence

Gavarini, Michèle Le Coadic, Grenoble, Presses Universitaires, 1986, pp. 148-151.

- Id., Fouquet (Catherine), La femme et les médecins, Analyse historique, Paris, Hachette, 1983.

10 Laqueur (Thomas), La fabrique du sexe, op. cit.

11 Carol (Anne), « Esquisse d’une topographie des organes génitaux féminins… », art. cit.

12 Dans l’analyse de la littérature médicale, nous nous sommes inspirés de la démarche d’Anne Carol qui essaye de montrer comment, au XVIIIème siècle, les représentations concernant la reproduction se glissent dans des schémas interprétatifs successifs. Nous avons repris certains auteurs de l’époque moderne étudiés par elle, et complété avec d’autres. Pour le XIXème siècle, le travail est exclusivement personnel.

13 Sur ce point, nous avons réalisé un travail original, en reprenant toutefois les pistes lancées par Thérèse Moreau sur l’œuvre de Michelet ; Moreau (Thérèse), Le sang de l’histoire. Michelet, l’histoire et l’idée de la

femme au XIXème siècle, Paris, Flammarion, 1992.

Pour les populations rurales, l’information est évidemment plus difficilement accessible ; nous avons eu principalement recours à des travaux d’ethnologues.

14 J.-N. Biraben parle « d’ignorance crasse » à propos de certains ouvrages médicaux ; Biraben (Jean-Noël), « Le médecin et l’enfant au XVIIIème siècle. Aperçu sur la pédiatrie », Annales de démographie historique, 1973, p. 215.

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Dans l’Encycolpédie, d’Alembert n’hésite pas à parler du « grand mystère de la génération » et déclare que :

c'est pour révéler son secret que l'on a imaginé tant de différents systèmes, qui se sont détruits les uns les autres, sans que du choc des opinions si longtemps et si violemment répété, il en ait résulté plus de lumieres sur ce sujet : au contraire il semble que l'on ne fait que se convaincre de plus en plus, que le voile derrière lequel la nature se cache, est essentiellement impénétrable aux yeux de l'esprit le plus subtil, et qu'il faut ranger la cause de la formation de l'animal parmi les causes premieres, telles que celles du mouvement et de la pesanteur, dont nous ne pourrons jamais connoître que les résultats, sans doute parce qu'il n'y a que cette connaissance qui nous soit utile15.

Le retard de la médecine

En effet, la médecine, de manière générale, semble très en retard par rapport aux autres sciences. Depuis la fin du Moyen Age et la Renaissance, les dissections se sont pourtant multipliées, permettant de décrire plus précisément les organes sexuels, notamment féminins. Ainsi, le clitoris, l’hymen, les ovaires, les ligaments ronds et les trompes sont étudiés, notamment par Gabriel Fallope (1523-1562)16 et Fabrice d’Acquapendente (1533-1619). Cependant les dissections sont réalisées par des chirurgiens et non des médecins, et cette séparation en deux corps de métier contribue à la stagnation des savoirs. En outre, les investigations anatomiques sont surtout pratiquées avec l’objectif de vérifier les dires des Anciens. Cela se manifeste dans les gravures comme dans les descriptions de l’intérieur du corps humain ; on ne trouve pas de reproduction objective du savoir anatomique : « on voit dans le corps ce qu’on cherche à y voir, et on représente ce qu’on pense être important ou signifiant »17 . Derrière l’ignorance des praticiens médicaux18, se devine aussi « le refus de l’autopsie lorsque la femme meurt en début de grossesse et la rareté de la pratique du toucher vaginal avant la phase de travail »19. On peut y voir également un « blocage psychologique millénaire » en rapport avec le sexe féminin, toujours tabou. Les traités d’obstétrique débutent pourtant presque tous par une partie consacrée à la description des organes génitaux et à leur rôle dans la « génération ». Mais au XVIIème et au XVIIIème siècle, la description de ce qu’on appelle encore les « parties honteuses »20 est souvent plus symbolique et floue que réaliste. Cette partie occupe d’ailleurs un volume assez faible, quelques pages tout au plus. Ainsi, Mauriceau débute son Traité des maladies

des femmes grosses et de celles qui sont accouchées (1668) par une présentation « Des parties de la

femme qui servent à la génération », suivie « De la conception et des conditions qui y sont nécessaires », ce dernier chapitre n’occupant que cinq pages21. Toutefois, l’étude de ce genre de chapitres dans la littérature obstétricale de l’époque moderne et du XIXème siècle est particulièrement

15 D’Alembert (Jean Le Rond), article « Génération », Enclyclopédie…, op. cit., tome VII,1757, p. 559.

16 Observationes anatomicae (1561) ; cité par Imbault-Huart (Marie-José), « Science et imaginaire… », art. cit., p. 13.

17 Carol (Anne), « Esquisse d’une topographie des organes génitaux féminins… », art. cit., p. 1.

18 Ainsi que le souligne Jacques Roger, au XVIIIème siècle :

« L’essentiel de ce que l’on sait, ou de ce que l’on croit savoir, vient donc toujours d’Aristote pour les animaux, et de Galien pour l’homme. Les faits généralement admis se bornent à fort peu de choses. L’anatomie des organes mâles est connue de façon assez sommaire, et qu’il ne saurait bien entendu, être question d’anatomie fine, ce qui, en ces matières, est un obstacle insurmontable à toute étude sérieuse. Sur le fonctionnement de ces organes, il n’y a plus moyen de s’entendre. Si l’usage de la verge ne pose pas de problème, celui des testicules est très discuté. Il est à peu près admis que la « semence mâle » y est « élaborée », terme vague qui ne signifie rien, et que chacun interprète à sa manière. Pour certains, même, les testicules sont inutiles à la génération. Quant à la semence mâle, on s’accorde seulement à dire qu’elle est « blanchâtre », « écumeuse », c’est tout. On ne sait pas si elle pénètre dans la matrice. (…). L’anatomie des organes femelles, en dehors du vagin et de l’utérus, est encore plus incertaine. Les ovaires, que l’on appelle « testicules femelles », servent-ils à la génération ? On en discute. A quoi servent les trompes de Fallope, qui n’atteignent même pas les ovaires ? Autre question discutée. L’utérus a pour fonction d’abriter et de nourrir l’embryon. Comment remplit-il ce rôle, et n’en a-t-il pas d’autres ? Autant de questions qui reçoivent des réponses diverses. (…) En bref, rien n’est sûr, rien n’est à l’abri de la controverse, hormis ce qui crève les yeux » ; Roger (Jacques), Les sciences de la vie…, op. cit.

19 Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit.

20 Boursier du Coudray (Angélique), Abrégé de l’art des accouchements, 1759.

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éclairante. Comme l’a montré Anne Carol, à chaque modèle physiologique de la fécondation correspond une topographie des organes génitaux qui articule autour de la matrice les autres organes, notamment les ovaires et les trompes22. Selon les modèles, la hiérarchie des organes, les trajets et les flux des semences varient et révèlent une évolution des représentations en matière de reproduction et de rôle des sexes.

L’héritage antique

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, la doctrine dominante en matière de génération est la théorie séministe héritée de l’Antiquité. Nombre d’auteurs antiques ont formulé leurs idées sur le sujet ; nous nous en tiendrons ici aux principaux savants dont les idées ont fait école.

Développé principalement par Hippocrate (460-377 avant J.-C.)23, le système séministe est synthétisé par Galien (129-201 après J.-C.). Il est encore admis sans discussion par Ambroise Paré et tous les médecins jusqu’au XVIIème siècle. Pour Hippocrate, hommes et femmes participent tous les deux à la génération en produisant chacun une semence, dont le mélange aboutit à la conception. Le corpus hippocratique donne deux origines à la semence : dans le premier cas, elle provient de tout le corps et notamment de ses humeurs ; dans l’autre, elle est issue du cerveau et de la moelle24. Lors du coït, l’homme éjacule sa semence dans le corps de la femme, celle-ci émettant la sienne dans la matrice. Les deux semences se mêlent ensuite dans l’utérus et épaississent sous l’influence du mouvement et de la chaleur de la mère. Le mélange reçoit ensuite son premier souffle et les parties du corps commencent à se différencier. L’embryon grandit, nourrit par le sang menstruel qui ne s’écoule plus à l’extérieur25. Cette théorie permet d’expliquer la ressemblance des enfants à leurs parents et l’origine du sexe. En effet, les semences produites sont imprégnées des caractères de chaque parent ; selon la force de la semence de chacun, c’est l’homme ou la femme qui déterminent certains caractères chez l’enfant, ainsi que le sexe.

Ces idées sont largement reprises par la suite, parfois adaptées ou modifiées, selon les auteurs. Pour Galien, les semences sont formées par la coction (cuisson) du sang, portée à son degré le plus pur. La pratique des dissections prouve l’existence de « testicules » féminins ou didymes (ovaires) et de conduits charriant la semence vers l’utérus, ce qui l’amène à défendre l’idée d’une symétrie des deux appareils génitaux26. Celui de la femme est cependant moins parfait car il est en effet « rentré » à l’intérieur, en lien avec la théorie des humeurs et la moins grande chaleur du tempérament féminin. L’utérus reste l’élément vraiment distinctif des femmes car il est le lieu où le fœtus vient à maturation. Les semences des deux sexes ne sont pas non plus identiques : l’homme est de tempérament sec et chaud, il produit l’élément actif ; la femme est de nature froide et humide et sa semence, moins parfaite, joue un moindre rôle dans la formation du fœtus. A la différence d’Hippocrate, Galien postule que la détermination du sexe tient à la chaleur de la matrice et au côté des organes sexuels impliqué dans la génération : les mâles, plus « chauds » sont formés plus vite et parfaitement sous l’effet de la chaleur et ils sont portés par le côté droit de la matrice. Il va même plus loin et indique que le testicule droit contient le sperme qui fabrique les mâles, tandis que le gauche engendre des filles27.

Cette théorie de la double semence prévaut sur les idées d’Aristote (384-322 avant J.-C.)28, qui reculent depuis la Renaissance. Pour Aristote, seule la semence du mâle est prolifique et possède une essence de vie : l’homme fournit la forme et le principe du mouvement ; la femme n’apporte qu’une matière passive, le sang menstruel, et, de par son utérus, elle est avant tout un réceptacle. Aristote justifie ainsi la misogynie par la nature elle-même : l’homme est le sommet de la création, la femme n’est qu’un homme manqué, un « monstre » utile dont la finalité est la reproduction ; les vrais

22 Carol (Anne), « Esquisse d’une topographie des organes génitaux féminins… », art. cit., p. 2.

23 La pensée d’Hippocrate est évoquée dans plusieurs textes sous le titre De la génération, De la nature de

l’enfant, Des maladies IV et Du fœtus de huit mois ; Hippocrate, De la génération…, texte établi et traduit par

Robert Joly, Les Belles Lettres, t. XI, 1970.

24 Avant la naissance, 5 000 ans d’images…, op. cit., p. 14.

25 Fischer (Jean-Louis), L’art de faire de beaux enfants…, op. cit., p. 22.

26 Thomas Laqueur a mis en évidence la symétrie dans les représentations anatomiques des organes génitaux masculins et féminins jusqu’au XVIème siècle ; Laqueur (Thomas), La fabrique du sexe, op. cit.

27 Bonnet-Cadhilac (Christine), « L’embryologie de Galien », Avant la naissance, 5 000 ans d’images…, op. cit., p. 43.

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monstres ne se reproduisant pas29. Aristote réfute aussi le rôle de la chaleur ou de la localisation gauche/droite sur l’origine du sexe, en se basant notamment sur la naissance de faux jumeaux des deux sexes. Il postule que l’origine des sexes vient du principe de dominance : « si le principe mâle contenu dans le sperme de l’homme n’est pas dominé, il se forme un garçon ; si ce principe est dominé, il se transforme en son contraire et produit une fille »30.

La permanence des idées hippocratiques se vérifie dans la littérature médicale de la fin du XVIIème et du début du XVIIIème siècle. Ainsi, dans son traité, Mauriceau reprend l’idée d’une semence fabriquée à partir « d’une portion du plus pur sang artériel de tout le corps »31, même s’il cherche à adapter ces idées au goût du jour : « pour mieux parler à la façon des modernes, nous dirons que la semence est un assemblage conçu de quantité de petits atomes qui sont une idée naturelle de toutes les parties du corps dont ils ont été extraits »32. La semence est stockée dans les testicules : « Toutes les femmes ont aussi bien que les hommes deux testicules, qui ont pareillement le même usage, qui est de convertir en semence le sang »33. Celle-ci est émise lors du coït et du spasme vénérien puis acheminée par un réseau de « vaisseaux déférans » ou « éjaculatoires » à la matrice. Il s’agit en fait de ligaments, mais Mauriceau cherche à tout prix une correspondance avec les canaux déférents des hommes. Les trompes et leurs pavillons ne jouent qu’un rôle mineur dans le scénario de la fécondation34. Leur absence de continuité avec les ovaires les font passer pour des ligaments ou une « cheminée pour l’expiration et pour le passage de quelques vapeurs de la matrice »35

. Le mélange des semences est censé se faire dans l’utérus, mais les trajets de chacune jusque là restent souvent flous. Le chapitre le plus long dans la présentation des organes est consacré à la matrice, comme le veut la tradition : l’appareil génital est constitué d’organes qui « n’ont été faits que pour la matrice »36.