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a. Les écrits du for privé

5. Sources diverses

Pour éclairer certains aspects de notre sujet, nous avons exploité d’autres types des sources, que nous présenterons plus rapidement.

Notre étude sur les femmes enceintes doit nécessairement s’appuyer sur des données démographiques pour connaître certaines informations sur la famille et les mères. Les registres paroissiaux livrent en particulier des indications précieuses comme l’âge au mariage, celui auquel les femmes deviennent mères, le taux de fécondité, les taux de mortalité infantile et maternelle, le calendrier conceptionnel, l’intervalle entre les enfants ou le taux d’illégitimité. Ces données sont largement accessibles dans diverses publications206 ; nous nous contenterons d’analyser ces informations déjà recueillies et de leur donner du sens en les associant à d’autres sources.

Les archives royales (série O des Archives Nationales) se sont révélées décevantes concernant les grossesses royales et princières207. Dans les archives dépouillées, de Louis XV à Napoléon III, les accouchements font parfois l’objet de récits intéressants, mais les grossesses ne sont pas ou peu évoquées. Les documents qui en parlent sont souvent protocolaires et très stéréotypés. Il s’agit notamment des lettres des rois à l’archevêque de Paris pour demander que des prières soient dites pour la santé de la reine partout en province. On trouve également des listes de personnes à prévenir de la grossesse et de l’accouchement de la reine, des listes de médecins et d’accoucheurs. Ces documents ne nous renseignent guère que sur l’étiquette. Les grossesses dans les milieux princiers ont donc été abordées avec d’autres sources (écrits privés, chroniques, etc.)208

.

Une dizaine de manuels de savoir-vivre du XIXème siècle a également été parcourue, mais avec un profit bien mince209. Contenant des conseils domestiques et de civilités à destination des maîtresses de maison bourgeoises, ce type de source est avant tout normatif. Il renseigne sur les règles et les convenances à respecter dans la vie sociale. Nous souhaitions savoir si la grossesse s’accompagnait d’interdits ou de recommandations spécifiques, notamment en matière de vêtements, de sorties ou de règles de bienséances. En fait, on ne trouve rien concernant les femmes enceintes dans ce genre de manuel, ce qui surprend au premier abord. Mais l’absence de données est finalement révélatrice de tabous persistants concernant la grossesse. Nous avons cependant pu tirer quelques informations de ces manuels sur les usages concernant le baptême ou la pré-nomination autrefois. D’autres documents normatifs ont été utilisés avec davantage de profit, mais de manière ponctuelle. Il s’agit des manuels chrétiens, de catéchismes divers ou de recueils de superstitions210 Ils nous renseignent sur la manière dont la femme enceinte est perçue par l’Eglise, les croyances qui prévalent autrefois concernant la grossesse et le comportement alors attendu.

Nous avons longtemps envisagé d’exploiter les sources hospitalières et celles de l’assistance pour compléter notre corpus. Des archives sur les sociétés de charité maternelles, l’aide aux

204 Jarnoux (Philippe), Moi, Hypolite Radegonde Loz. Un divorce au siècle des Lumières, Paris, Apogée, 2001.

205 Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur, mon frère, prés. M. Foucault, Paris, coll. « Folio Histoire », éd. Gallimard/Julliard, 1973.

206 Voir la bibliographie détaillée en fin de second volume ; citons quand même les deux ouvrages de référence qui font la synthèse des principaux travaux existants :

- Dupâquier (Jacques) dir., Histoire de la population française, op. cit.

- Bardet (Jean-Pierre), Dupâquier (Jacques) dir., Histoire des populations de l’Europe, op. cit.

207 Série O, Maison du roi des Archives Nationales ; K 10, cartons des rois et archives de l’Empire, K/21 sur le cérémonial. Voir recensement précis des sources à la fin du second volume.

208 Ces sources seront précisées dans le chapitre VII.

209 Ces manuels ont des contenus variables ; certains sont centrés sur la bienséance, d’autres sur les activités de la ménagère ou l’éducation des enfants, d’autres encore sont avant tout moralisateurs et religieux. Voir le détail des sources utilisées à la fin du second volume.

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mères sous la Révolution, les asiles-ouvroirs destinés aux femmes enceintes, etc. ont été rassemblées et exploitées211. Leur intérêt était de nous renseigner sur certaines catégories sociales souvent absentes des autres sources, notamment les femmes enceintes pauvres ou abandonnées, assistées en milieu urbain. Mais la question de la protection et de l’assistance aux femmes enceintes s’est avérée complexe à étudier, par l’ampleur des thèmes à aborder, la multiplicité des sources utilisables et le fait qu’un certain nombre de sujets a déjà été traité par les historiens212, notamment les hôpitaux213, les filles-mères214, la nouvelle politique sanitaire à destination des mères et des enfants215 et la législation en faveur de la maternité216. En outre, les sources de l’assistance qui permettent d’aborder la grossesse

211 Voir leur recensement à la fin du second volume.

212 Cette question se situe en effet à la charnière de divers champs historiques, abondamment parcourus par les chercheurs. Elle s’inscrit tout d’abord dans l’histoire de l’assistance, sujet largement traité depuis plusieurs décennies, que ce soit sous l’angle de la charité, de la philanthropie jusqu’aux mutualités et à l’émergence de l’Etat providence. Voir la vaste bibliographie sur le sujet en fin de second volume.

213 Concernant les hôpitaux, la bibliographie est aussi très riche. On peut citer notamment : - Beauvalet (Scarlett), Naître à l’hôpital…, op. cit.

- Faure (Olivier), Genèse de l’hôpital moderne ; les hospices civils de Lyon de 1802 à 1845 ; Paris/Lyon, CNRS éd., P.U. de Lyon, 1981.

- Imbert (Jean), Histoire des hôpitaux en France, Toulouse, éd. Privat, 1982.

- Marec (Yannick) dir., Les hôpitaux de Rouen du Moyen Age à nos jours, dix siècles de protection sociale, Rouen, éd. PTC, 2005.

- Marec (Yannick) dir., Accueillir ou soigner ? L’hôpital et ses alternatives du Moyen Age à nos jours, PU de Rouen et du Havre, 2007.

214 Le sujet particulier de l’assistance aux mères célibataires a fait déjà l’objet de plusieurs travaux dont l’ouvrage de référence de Rachel G. Fuchs, Poor and Pregnant…, op. cit. On peut citer aussi :

- Boulbès (Yves), L’histoire des maisons maternelles, entre secours et redressement, Paris, L’Harmattan, 2005. - Donati (P.), Mollo (I.S.), Norvez (A.), Rollet (C.), Les centres maternels, réalités et enjeux éducatifs, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999.

215 L’ouvrage d’Anne Carol sur L’histoire de l’eugénisme permet de comprendre le cadre dans lequel se met en

place une ébauche de la surveillance de la grossesse, ainsi que les travaux de Nadine Lefaucheur sur les accoucheurs des hôpitaux et leur rôle dans la protection de la maternité. L’ouvrage de Françoise Thébaud traite de la situation française de l’entre-deux-guerres mais offre des rappels utiles sur la période précédente :

- Carol (Anne), Histoire de l’eugénisme…, op. cit.

- Lefaucheur (Nadine), Les filles-mères et la Patrie : conservation et utilité des bâtards…, n.p., 1985.

- Lefaucheur (Nadine), « La résistible création des accoucheurs des hôpitaux ». Sociologie du travail, XXX, 2, 1988, pp. 323-352.

- Lefaucheur (Nadine), « La création des services de maternité et des accoucheurs des hôpitaux parisiens », dans

L’Heureux événement : une histoire de l’accouchement, Catalogue de l’exposition sur l’histoire de

l’accouchement en France (mars-juillet 1995), Paris, Musée de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, 1995, pp. 75-84.

- Lefaucheur (Nadine), « L’article 9 de la loi de 1892 et la question de l’assistance aux femmes en couches », dans Auslander (Léora), Zancarini-Fournel (Michelle) dir., Différence des sexes et protection sociale…, op. cit., pp. 165-182.

- Lefaucheur (Nadine), « Du tour des enfants au tour des mères », dans Les enfants du secret. Enfants trouvés du

XVIIème siècle à nos jours, catalogue de l’exposition du Musée Flaubert d’Histoire de la Médecine, Rouen,

Magellan et Cie éd., 2008.

- Thébaud (Françoise), Quand nos grands-mères donnaient la vie…, op. cit.

216 Sur l’évolution de la législation dans le domaine de la maternité, les ouvrages de Catherine Rollet et d’Anne Cova constituent des références fondamentales sur la situation française.:

- Cova (Anne), Maternité et droit des femmes en France (XIXème-XXème siècles), Paris, Anthropos, 1997 (version

abrégée de la thèse).

- De Luca (Virginie), Rollet (Catherine), La pouponnière de Porchefontaine. L’expérience d’une institution

sanitaire et sociale, Paris, L’Harmattan, 1999.

- Rollet (Catherine), La politique à l’égard de la petite enfance sous la Troisième république, Paris, INED, 1990.- Rollet (Catherine), Les carnets de santé des enfants, op. cit.

De nombreux travaux ont aussi été consacrés à l’échelle européenne à la question de la protection sociale en lien avec le genre. Voir notamment :

- Auslander (Léora), Zancarini-Fournel (Michelle) dir., Différence des sexes et protection sociale (XIXème-XXème siècles), Presses Universitaires de Vincennes, 1995.

- Bock (Gisela), Thane (Pat) éd., Maternity and Gender Policies : Women and the rise of the European Welfare

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sont normatives et nous informent essentiellement sur les aspects institutionnels. On y trouve peu d’informations sur le vécu et les représentations des femmes enceintes qui sont, en outre, un sujet tardif de préoccupation des autorités.

Nous avons donc finalement choisi d’éliminer ce type de sources de notre corpus pour nous recentrer sur celles qui nous permettent d’appréhender davantage le vécu de la grossesse. Les classes populaires sont, par conséquent, moins représentées que les élites dans notre thèse, mais elles pourront faire l’objet d’investigations ultérieures217.

Notre étude s’articule en trois temps, qui allient approche chronologique et thématique. Le premier point étudie la grossesse quand elle est acceptée comme une évidence par les femmes qui aspirent à être mère. Pour cela, nous sommes intéressés aux grossesses ordinaires, en procédant chronologiquement et par étapes, du désir d’enfant à la conception du bébé, puis du diagnostic de la grossesse jusqu’aux réactions qu’il suscite chez la femme et son entourage. Enfin, nous avons envisagé la manière dont sont vécues les transformations physiques et psychologiques pendant la grossesse, ainsi que la relation avec le fœtus, en les reliant aux diverses pratiques et aux croyances qui encadrent cet état.

Le deuxième temps de cette étude s’intéresse aux aléas de la grossesse car cet état est souvent considéré par les médecins et l’opinion sous l’angle de la maladie. Sont interrogés les liens entre grossesse et santé, en envisageant les maux propres à la gestation, leurs thérapeutiques et les praticiens qui les mettent en œuvre. Les accidents et les surprises qui menacent cet état souvent jugé fragile et inquiétant sont aussi évoqués. Enfin, nous avons pris en compte les cas où la grossesse est malvenue, comme dans l’amour hors mariage ou quand les couples cherchent à limiter leur fécondité. Diverses solutions permettent parfois d’éviter une grossesse, de la cacher ou de la détruire.

La dernière partie se préoccupe de la place qu’occupent les femmes enceintes dans la société, en envisageant d’abord les réseaux traditionnels qui les entourent (famille, relations amicales, clergé) et leur rôle dans certaines occupations quotidiennes des femmes. Cette étude conduit à envisager l’évolution de l’image et du rôle des femmes enceintes dans la société aux XVIIIème

et XIXème siècles, notamment par le biais de ses représentations artistiques et littéraires, dans un contexte de revalorisation de la maternité.

217 Nous avons néanmoins laissé la liste des sources et des références bibliographiques recensées dans la présentation du corpus à la fin du second volume, afin d’ouvrir de nouvelles perpectives de recherche. Voir les détails sur ce point en conclusion.

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PREMIERE PARTIE : AVOIR DES