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Chez les élites cultivées et urbaines, que sait-on de la reproduction humaine et quelle est l’influence des différentes théories avancées depuis la fin du XVIIème

siècle ?

A l’époque moderne

De manière générale les élites manifestent un intérêt marqué pour les sciences naturelles et la biologie, en particulier au XVIIIème siècle. En effet, certaines découvertes ne se cantonnent pas aux cercles scientifiques spécialisés ; elles sont évoquées par les intellectuels et diffusées largement sur la place publique. Ainsi, les nouvelles théories de la génération suscitent aux XVIIème et XVIIIème siècles des débats animés dans un large champ social, en particulier le système oviste. Mauquest de la Motte témoigne de la diffusion de la controverse sur le sujet :

L’opinion des œufs ne parut pas plutôt sur la scène, qu’on la regarda comme un paradoxe des plus extravagants ; les petits maîtres en plaisantèrent ; le théâtre s’en divertit ; les précieuses prirent la chose sur le ton sérieux et la regardèrent comme un outrage sanglant que l’on faisait à leur sexe, de le comparer à celui des poules168.

Le cas de Voltaire est intéressant pour comprendre la réception de ces différentes théories dans l’opinion éclairée. Dans L’homme aux quarante écus169 et Des singularités de la nature170, publiés en 1768, il montre les failles des différents systèmes de génération. Il y revient dans le Neuvième

dialogue sur la génération171, publié en 1779, où il met en scène deux personnages de l’Antiquité grecque, Callicrate et Evhémère, qui passent en revue les systèmes en vogue, non à leur époque, mais à celle de Voltaire. On perçoit à la lecture de ce dialogue le scepticisme que suscitent toutes ces découvertes prétendant chacune lever enfin le voile sur le mystère de la reproduction. Voltaire semble désabusé face à ces différents scénarios dont aucun ne paraît assuré. Il se moque des aspects les plus incroyables de ces théories qu’il caricature avec une ironie féroce : la femme qui pond des œufs n’est qu’une « poule blanche en Europe et une poule noire en Afrique », les animalcules sont de petits hommes qui courent très vite…

Un autre exemple montre que les individus ayant accès aux connaissances les plus « modernes » en matière de biologie ne sont cependant pas toujours convaincus par les découvertes

167 Ibid., p. 18.

168 Mauquest de la Motte (Guillaume), Dissertation sur la génération, Paris, Houry, 1718.

169 Voltaire, L’Homme aux quarante écus, s. l., 1768, chap. : « Le mariage de l’homme aux quarante écus ».

170 Voltaire, Des singularités de la nature, Londres, 1772, Chap. XIX : « Des germes », pp. 56 et sq (1ère éd. Bâle, 1768). Un extrait est reproduit dans les annexes, p. 1070.

171 Voltaire, « Neuvième dialogue sur la génération », Dialogues et entretiens philosophiques, dans Œuvres

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récentes. La correspondance de Madame Roland témoigne d’échanges avec son mari sur ces questions172. Jean-Marie Roland, inspecteur des manufactures, économiste et collaborateur de l’Encyclopédie, est en effet amené à assister à une séance au Musée qui le laisse incrédule :

Le hasard me poussa hier à la première assemblée du Musée, avec billet ; j’y entendis dire que les anciens ne savaient rien ; qu’on s’y enthousiasmait (dans l’Antiquité) de la moindre connaissance ; qu’il n’appartient qu’aux modernes de se dire savants ; que ce sont les Académies qui les rendent tels, et que le Musée est l’Académie par excellence (…). J’y appris, entre autres choses, qu’on venait à bout de créer des êtres animés sans jonction du mâle avec la femelle, mais par une injection purement artificielle, faite de main d’homme, sur les animaux. On a fait ainsi de petits chiens ; on ne désespère pas de faire des créatures humaines ; et c’est un abbé qui est l’auteur de l’invention et qui a fait les expériences (…)173. Dans sa réponse, Manon Roland ne se montre guère convaincue par ces idées, qu’elle juge ridicules. Elle qui vient de mettre au monde une fille, elle trouve futile les occupations de ces « scientifiques » et n’apprécie guère de voir le rôle des femmes déprécié dans la fécondation :

Au reste, messieurs du Musée, qui savent tant de choses, nous éclaireront sans doute un jour sur ce sujet174. En vérité, je n’ai jamais rien imaginé de si ridicule que cette assemblée, ni de si plaisant que le récit de leur habileté à créer des petits chiens ; honneur aux abbés pour les talents prolifiques. Tu apprendras sans doute comment on fait des garçons, car les faiseurs d’espèces doivent s’entendre aux genres. Cependant, si je ne dois être de rien là-dedans, je ne vois pas trop pourquoi j’en parle ; passons donc à autre chose175.

Il est probable que les particuliers intéressés par ces questions se forgent leur propre opinion à partir de diverses sources, surtout livresques, évoluant en fonction des débats et des idées à la mode.

L’attrait pour ces questions à l’époque moderne rejoint l’intérêt porté à l’anatomie en général et aux cabinets de curiosités en particulier. A partir du XVIème siècle, les dissections anatomiques entrent dans les mœurs des élites et deviennent même des spectacles appréciés. Au siècle des Lumières, l’intérêt pour la connaissance naturelle de l’homme accentue l’engouement social pour le savoir anatomique176. Cette passion nouvelle explique la vogue des dissections dans des théâtres anatomique qui se multiplient dans toute l’Europe et le recours au vol et au trafic de cadavres pour satisfaire cette curiosité177. Les dissections deviennent un divertissement pour un public mondain avide de sensations fortes qui se presse dans des amphithéâtres, parfois pendant plusieurs jours, moyennant un billet payant178. En 1673, Louis XIV décide d’ailleurs de faire donner gratuitement des leçons d’anatomie au Jardin du roi à Versailles. Il fait construire à cet effet un amphithéâtre et confie la

172 Roland (Madame), Lettres, publ. par Claude Perroud, Paris, Imprimerie Nationale, 1900, t. I, 1780-1787, lettre de Jean-Marie Roland à sa femme, 16 novembre 1781.

173 Il s’agit probablement des expériences de fécondation artificielle réalisées par Lazzaro Spallanzani ; outre ses travaux sur les grenouilles, il est le premier à réaliser une insémination artificielle en utilisant un chien.

174 A savoir la gloutonnerie des enfants au sein, elle qui allaite sa fille Eudora, née le 4 octobre 1781.

175 Roland (Madame), Lettres, op. cit., lettre à son mari, 18 novembre 1781.

176 « L’anatomie est devenue un savoir de convergence auquel chacun est sommé de s’intéresser de près », Le Breton (David), La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps, Paris, Métailié, 1993, Chap. II, Les siècles de l’anatomie, « L’Encyclopédie ».

Sur ce sujet, la bibliographie est vaste (voir en fin de second volume), signalons en particulier :

- Beier (Rosmarie), « Regarder l’intérieur du corps », Terrain, numero-18 - Le corps en morceaux (mars 1992), [En ligne], mis en ligne le 05 juillet 2007. URL : http://terrain.revues.org/index3036.html.]

- Bodilt Extremities, Preoccupations with the Human Body in Early Modern European Culture, ed. Egmond (Florike), Zwijnenberg (Robert), Aldershot, Ashgate, 2003.

- Bouteille-Meister (C.), Aukrust (K.), dir., Corps sanglants, souffrants et macabres, XVIème-XVIIème siècles,

Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2010.

- Joly (Morwena), La Leçon d’anatomie, le corps des artistes de la Renaissance au romantisme, Paris, Hazan, 2008.

- Mandressi (Rafael), Le Regard de l'anatomiste. Dissection et invention du corps en Occident, Éditions du

Seuil, Paris, 2003.

177 Le Breton (David), La chair à vif…, op. cit., Chap. III, Le matériel anatomique, « Les amphithéâtres privés ».

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charge de démonstrateur au chirurgien Pierre Dionis, qui occupe la fonction jusqu’en 1680. Les démonstrations remportent un vif succès, rassemblant à chaque fois près de quatre à cinq cents personnes179. Le public est particulièrement nombreux lorsque la dissection porte sur les parties intimes de la femme :

C’est avec juste raison que la journée d’aujourd’hui s’appelle la belle démonstration, le nombre des spectateurs est toujours plus grand le jour que l’on démontre les parties de la génération de la femme, et leur curiosité s’augmente à la vue de ces parties ; cet empressement est excusable, tant à cause que les anatomies des femmes sont plus rares que celles des hommes, que parce qu’il n’y a rien de si naturel à l’homme, que de vouloir savoir où et comment il a été formé180.

Le Malade imaginaire (1673) de Molière témoigne de cette vogue des élites pour l’anatomie. Ainsi,

Thomas Diafoirus invite la belle Angélique « à venir voir l’un de ces jours, pour vous divertir, la dissection d’une femme sur quoi je dois raisonner » ; ce à quoi la servante Toinette répond ironiquement : « Le divertissement sera agréable. Il y en a qui donnent la comédie à leurs maîtresses ; mais donner une dissection est quelque chose de plus galant »181. Les gravures et peintures représentant les leçons d’anatomie témoignent également de cet intérêt. Les deux gravures ci-dessous, l’une illustrant un ouvrage anatomique hollandais du XVIIème

et l’autre le traité de Dionis au XVIIIème, montrent que les amphitéâtre sont fréquentés par un public nombreux et mondain.

« La leçon d’anatomie », Frontispice de l’ouvrage de Pieter Pauw, Succenturiatus anatomicus, continens

commentaria in Hippocratem de capitis vulneribus, Leyde, Justus a Colster, 1616 (dess. Gheyn, graveur Stog)

179 Dionis (Pierre), L’anatomie de l’homme suivant la circulation du sang et les dernières découvertes, Paris, Laurent d’Houry, 1706 (4ème éd.).

180 Ibid., p. 248.

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« Cours de Dionis dans le décor de l’amphithéâtre Saint-Côme », Dionis (Pierre), Cours d’opérations de

chirurgie démontrées au Jardin Royal, Paris, Laurent d’Houry, 1707 (Grav. sur cuivre, graveur Scotin le jeune)

L’intérêt des élites pour l’anatomie se manifeste aussi dans les cabinets d’histoire naturelle qui se multiplient à la même époque182. Témoignant du goût de l’âge baroque, ils recueillent divers éléments de la structure humaine mais surtout les raretés physiques et les monstruosités. Ainsi, le cabinet de Pierre Borel (1620-1671), médecin à Castres, possède des fœtus de tout âge183. On estime qu’une centaine de cabinets de ce genre sont construits par des amateurs à partir du XVIIème siècle dans toute l’Europe.

Toutefois, la vogue des cabinets et l’intérêt pour les démonstrations d’anatomie semble décliner à partir du dernier tiers du XVIIIème et au début du XIXème siècle. La miniaturisation des découvertes les rend plus difficiles à présenter au grand public et les mentalités évoluent. Il ne devient plus guère séant chez des élites gagnées par les valeurs bourgeoises, de se délécter publiquement de ces spectacles morbides et impudiques184. Quant aux collections anatomiques, elles sont désormais plutôt le propre des musées, créés à cet effet un peu partout en Europe à la charnière des XVIIIème et XIXème siècles, comme le Musée Dupuytren fondé à Paris en 1835185.

182 Le Breton (David), La chair à vif…, op. cit., Chap. II, Les siècles de l’anatomie.

183 Nous aurons l’occasion dans le chapitre III d’évoquer la particularité des collections anatomiques de fœtus.

184 Nous verrons cependant le nouveau rôle joué par les musées anatomiques forains infra dans ce chapitre.

185 Des musées consacrés aux curiosités anatomiques s’ouvrent ainsi à Londres (1780), Amsterdam (1789), Leyde (1793), Berlin (1796).

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Au XIXème siècle

A cette époque, le savoir sur la fécondation devient une question de spécialistes, hermétique à la plupart des individus. Des intellectuels se passionnent pourtant pour ce sujet ; ils lisent les ouvrages spécialisés les plus récents et entretiennent des liens avec les savants. La multiplication des découvertes provoque un bouleversement chez certains, non seulement en matière de science, mais aussi dans le domaine de la morale et de la société. En révélant que le mâle n’est pas l’unique principe actif dans la génération, la supériorité masculine se trouve ébranlée186. Ainsi Ernest Legouvé, dans son

Histoire morale de la femme (1848) analyse les conséquences des découvertes récentes en matière

d’ovologie :

Le croirait-on ? La science pendant quatre mille ans, c’est-à-dire jusqu’à notre siècle, a refusé à la femme le titre de créatrice ; les savants ont prétendu que la mère n’était pas mère ». Il s’insurge contre les croyances héritées de l’Antiquité qui postulent que « la mère n’enfante pas, elle porte ». Que « le père est le seul créateur », et qu’il « doit être plus aimé que la mère attendu qu’il est le principe actif de la génération, tandis que la mère y est seulement le principe passif187.

Il est conscient de l’importance des découvertes scientifiques contemporaines, notamment celles des Geoffroy-Saint-Hilaire188 :

La science moderne a répondu, guidée par l'analyse : Non ! l'enfant n'est pas dès le premier jour dans le sein de sa mère une créature complète qui ne diffère de l'homme fait que par sa petitesse. Non ! la mère n'est pas le sol insensible qui n'a plus qu'à le nourrir ! Regardez l'enfant pendant toute la gestation avec les yeux nouveaux que vous donne l'industrie nouvelle, et vous verrez qu'il passe successivement par tous les degrés de l'être ; il est d'abord mollusque, puis poisson, puis reptile, puis oiseau, puis mammifère, puis homme ; il se construit, pour ainsi dire, pièce à pièce ; dès lors s'écroule la théorie de la supériorité du père. Ce n'est pas lui seul qui crée l'enfant, puisque l'enfant n'est pas encore créé comme homme quand l'action paternelle cesse. La reproduction demande donc un second agent, c'est-à-dire la mère ; la mère qui assiste l'enfant dans l'acquisition de chacun de ses organes ; la mère qui lui donne une à une toutes ses armes ; la mère qui l'élève progressivement jusqu'au type humain ! La mère, contrairement à la vieille doctrine orientale, a donc une part au moins égale à celle du père dans la création dont sa postérité. A lui, il est vrai, l'impulsion première, mais à elle la véritable formation189.

La dernière remarque montre toutefois la permanence des représentations traditionnelles sur chacun des sexes ; l’action reste un privilège masculin. Les découvertes scientifiques sur le rôle des femmes dans la génération ne changent finalement guère les schémas de pensée existants, mais ils confortent l’idée que la femme est faite avant tout pour être mère.

Certains hommes de lettres, comme Michelet, ou les romanciers naturalistes, au premier rang desquels Zola, s’intéressent particulièrement aux sciences de la vie. Leurs œuvres témoignent de leurs lectures et de leur curiosité personnelle en la matière. Elles mettent aussi en évidence la synthèse qui s’opère entre le savoir scientifique et les représentations personnelles des auteurs, en prise avec une culture plus populaire.

Michelet est particulièrement passionné par la question de la reproduction et de l’anatomie féminine. Il a probablement lu l’ouvrage de Lucas, qui connait un grand succès à l’époque, et parcouru avec intérêt la littérature anatomique de son temps190. Il connaît également les œuvres marquantes

186 Moreau (Thérèse), Le sang de l’histoire…, op. cit.

187 Legouvé (Ernest), Histoire morale de la femme, Paris, J. Hetzel, 1897 (8ème éd. ; 1ère édition : 1848), p. 247.

188 Sur ce point, voir la partie du chapitre III consacrée à l’évolution de l’embryologie.

189 Legouvé (Ernest), Histoire morale de la femme…, op. cit., pp. 252-253.

190 - Bourgery (Jean-Baptiste Marc), Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant l’anatomie

chirurgicale et la médecine opératoire, Paris, L. Guérin et Cie, 1867-1871.

- Coste (Victor), Embryogénie comparée. Cours sur le développement de l’homme et des animaux fait au

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concernant les sciences biologiques de son époque191 ; ses liens intellectuels et d’amitié avec Pouchet lui fournissant aussi une information de première main192. Son journal mentionne également des cours d’anatomie, la participation à des dissections et des visites à la morgue pour étudier le sexe féminin. Enfin, les problèmes urinaires, intestinaux et génitaux de son épouse Athénaïs lui donnent l’occasion d’approfondir ses recherches, et ses lectures trouvent souvent une application dans la vie sexuelle du couple. Son journal montre sa fascination pour les organes féminins :

Rien ne m’impressionna plus, cette semaine, que la vue des planches anatomiques. J’en fus ému extrêmement, croyant voir des portraits, le portrait intérieur de la personne que j’aime tant. J’en fus touché et attendri. La forme de la matrice surtout, si délicate (et visiblement d’une vie élevée) entre tant de parties rudes en comparaison, faites pour l’usage habituel, la fatigue, le frottement, – la matrice, dis-je, me pénétra d’un attendrissement religieux. Sa forme est déjà d’un être vivant et ses appendices (trompes, ovaires, pavillon) sont d’une forme délicate, tendre, charmante et suppliante, on le dirait ; faible et forte à la fois, comme d’une vigne qui jette ses petites mains, ses doigts délicats autour de son appui. O doux, sacré, divin mystère !193

La matrice n’est pas pour Michelet un simple organe. Comme tant d’autres avant lui, il y voit aussi une sorte d’être qui a une vie propre. Il en fait un lieu sacré qui concentre en lui-même toute la féminité et le mystère du beau sexe194. Il se montre totalement fasciné par le rôle reproducteur de la femme :

Assisté à un cours d’anatomie. Admiré la simplicité grandiose de la nature dans la fécondation et la génération, nulle part plus vénérable. Je compris les temples de l’Inde, admiré comme, en montant vers les êtres élevés, croît la difficulté et la douleur, la torture de distension qui enfin amène au jour l’homme.

(…) Cette femme, déterminée comme telle à trois mois dans le sein de la mère, le sexe la forme, la sculpte dès lors, la fait molle autant qu’il faut pour qu’elle aime et souhaite le fort, pour qu’elle en reçoive l’empreinte. Faiblesse qui touche à la maladie : Mulier tota morbus. Et cela de plus en plus à mesure que la civilisation sera plus avancée, à mesure que le cerveau plus absorbant détournera la force en haut et affaiblira le sexe195.

Pour Michelet, comme pour Legouvé, les capacités génésiques de la femme ne modifient pas fondamentalement les représentations la concernant ; elle reste un être faible et malade, et à ce titre elle doit être chérie et protégée par l’homme.

La curiosité et les recherches de Michelet trouvent également une place dans son œuvre, principalement dans L’Amour (1858) et La Femme (1859), qui se distinguent de ses ouvrages historiques plus classiques et constituent une tentative de faire une vraie littérature pour le peuple. Dans L’Amour, il évoque son effroi devant la vue de planches du livre de Bourgery représentant la matrice après l’accouchement et s’avoue ému aux larmes devant « la matrice qui pleure le sang »196

. Evoquant l’ouvrage de Coste et de Gerbe, il confie que « cet atlas étonnant, unique, est un temple de l’avenir, qui, plus tard, dans un temps meilleur, remplira tous les cœurs de religion. Il faut se mettre à genoux avant d’oser y regarder »197

. Cette religiosité du comportement masculin face à la maternité

191 Son journal mentionne le 14 mai 1858 : « Extrait Coste, Pouchet, Négrier, Baër », Michelet (Jules), Journal,

op. cit., t. II, p. 410 ; il mentionne aussi Raciborski, Serres, Burdach, Bishoff, Rostan, Robin, Villermé, etc.

192 Moreau (Thérèse), Le sang de l’histoire…, op. cit., p. 95.

193 Michelet (Jules), Journal, op. cit., t. II, 18 juin 1849, p. 18.

194 Mais il ne partage pas le dégoût de son temps pour les choses du ventre : « (…) Importance croissante du

ventre. Nous autres modernes, de plus en plus, nous sentons, aimons, écrivons, etc. avec nos entrailles. Le

ventre : mot mixte ; le ventre de volupté doit respecter, comme consulter le nourricier, le ventre de digestion. Sot mépris du faux spiritualisme pour le ventre de digestion, qui nourrit : la mère et l’enfant, la terre et la fleur. Il est le purificateur des substances absorbées par la personne, le bienfaiteur de la terre à qui il les remet, enrichies des puissances que la personne y ajoute. Injuste dégoût pour le fructus ventris, qui est pur et qui est nous. (…) » ;

ibid., 22 juillet 1857.

195 Libre traduction latine de la formule d’Hippocrate que Michelet cite dans L’Amour, « Qu’est-ce que la femme