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b. La difficulté à établir les causes de la stérilité

Aux XVIIIème et XIXème siècles, une grande permanence dans l’analyse des causes de la stérilité s’observe370. Elles peuvent être classées en plusieurs grands types.

Un contexte ou des pratiques néfastes

Dans les mentalités traditionnelles, la stérilité peut d’abord s’expliquer par une conjoncture funeste, le corps féminin entretenant un lien particulier avec le cosmos. La lune, astre froid et humide, dont le lien avec la fécondité et la stérilité a déjà été souligné, est traditionnellement associée à la féminité. Son absence à la naissance d’une fille passe pour entraîner la stérilité à l’âge adulte. On dit aussi : « Pendant la lune de février, œuf infécond », qui établit un parallèle entre fécondité animale et humaine. Une peur symbolique semble aussi relier la stérilité au samedi ; un journal du XVIIIème siècle relate ainsi cette croyance: « Ma nièce est accouchée d’une fille en la lune nouvelle le samedi 5 janvier. L’opinion vulgaire est qu’une fille née un samedi ne porte jamais d’enfants »371. L’explication de cette crainte n’est pas très claire ; elle est peut-être à relier à la tradition chrétienne qui fait du samedi un jour de vide et d’attente.

La stérilité est également envisagée comme le résultat d’une malédiction, d’une faute ou d’une pratique contre-nature. Des proverbes expliquent par exemple la stérilité par le mauvais choix de la période de conception. Ainsi, les interdits sexuels liées au calendrier liturgique se retrouvent dans les proverbes évoquant la stérilité des œufs lors des fêtes religieuses, et par extension celle des humains : « Un œuf du vendredi saint se conserve toujours sain » ; « Entre les deux Notre Dame, les œufs sont infécondés », ou encore « Mariage de mai ne fleurissent jamais »372. Le respect de la mort du Christ et des fêtes de la Vierge se traduit par cette stérilité temporaire. La transgression des normes sociales et religieuses en matière sexuelle entraîne aussi la stérilité. Le péché d’adultère passe pour entraîner un châtiment divin, idée reprise dans les sermons les curés et les ouvrages des théologiens. Ainsi, Jean Benedicti au XVIIème siècle écrit : « Les rois et les princes prennent leurs ébats à souiller la couche d’autrui ! pourquoi est-ce que plusieurs n’ont point d’enfants aujourd’hui, si ce n’est pour ce malheureux péché d’adultère »373

. Le père Féline au XVIIIème siècle dénonce également « ceux qui se livrent à un « commerce charnel trop souvent réitéré »374 et les pratiques impudiques entre époux, jugés responsables d’une stérilité future. La littérature se fait l’écho de ces croyances populaires,

367 Ibid.

368 Raige-Delorme (Jacques), « Stérilité », art. cit., dictionnaire Adelon, 1844, p. 561

369 Zola (Emile), Le Docteur Pascal, op. cit., p. 332.

370 Beaucoup de médecins, jusqu’au XIXème siècle, font référence au Traité des maladies des femmes de Rodericus Castro, 1603, qui distingue quatre espèces de stérilité.

371 De la Croix (Daniel), Journal, p. 38, cité par Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit., p. 257.

372 Loux (Françoise), Sagesse du corps…, op. cit., pp. 185-186.

373 Benedicti (Père Jean), La Somme des péchez et remèdes d’iceux, Paris, 1601, chap. IV « De l’adultère ».

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comme en témoigne l’exemple du Docteur Pascal de Zola. En effet, l’enfant tant attendu ne vient pas couronner le rapprochement entre la nièce et l’oncle, à leur grand désespoir. Clotilde s’en attriste et se sent coupable car le voisinage hostile lui fait comprendre qu’une relation hors mariage est forcément stérile et l’assimile à une femme de mauvaise vie : « Ce sont ces femmes… En passant à l’ombre, comme je fermais mon ombrelle, j’ai eu le malheur de faire tomber un enfant… Et elles se sont mises contre moi, et elles m’ont crié des choses, oh ! des choses ! que je n’en aurais jamais d’enfants ! que les enfants, ça ne poussait pas chez les créatures de mon espèce ! »375. En effet, l’idée que les relations hors mariage ainsi que la prostitution n’engendrent pas d’enfant, est couramment répandue dans l’opinion.

A partir du XVIIIème siècle, les médecins prennent le relais des théologiens. Ils imputent de plus en plus la stérilité à des pratiques sexuelles néfastes. Venette dénonce les effets nuisibles de la masturbation entre époux car « ils perdent abondamment une liqueur séminale très limpide et sont inhabiles à la génération »376. Ce thème est surtout repris et amplifié après la parution en 1760 de l’ouvrage à succès de Tissot sur l’onanisme, qui provoque une véritable phobie des phénomènes masturbatoires377. Ces idées se développent au XIXème siècle, accentuées par les angoisses sexuelles du moment. La pratique du coït interrompu passe également pour causer la stérilité en fatiguant les organes reproducteurs féminins sans les apaiser par un sperme bienfaisant. A partir des années 1860, le discours médical est envahi par ce thème378. Ainsi, le docteur Bergeret s’élève avec vigueur contre ces « fraudes » qu’il rend responsables de multiples pathologies tant chez l’homme que chez la femme, aboutissant à la stérilité ou à des maladies parfois mortelles. Aussi multiplie-t-il les exemples dans son ouvrage pour dissuader les imprudents :

On voit souvent des amants ou des époux, à la fleur de l’âge, commencer leurs relations par des fraudes, plusieurs années de suite, pour ne pas se donner charge d’enfant, et jouir en égoïstes du beau temps de leur jeunesse, se promettant bien d’avoir plus tard de la progéniture. Mais ils comptent sans les métrites, les ovarites, qui viennent à la longue, quelque fois très sourdement, modifier si profondément les organes de la femme que, plus tard, la conception n’est plus possible379

.

Les coïts trop fréquents sont également condamnés car ils peuvent détacher de manière très précoce l’ovule et provoquer des « avortements inconscients »380. Ainsi s’explique, pour les médecins, la stérilité des jeunes mariées ou des prostituées. La stérilité supposée de ces dernières est discutée tout au long du XIXème siècle et, sur ce point, l’opinion populaire et médicale converge381. Pour l’expliquer, les médecins invoquent souvent une usure de la sensibilité des organes génitaux382. A la fin du siècle, ils incriminent encore une trop grande excitabilité du col utérin qui nuirait à la fécondation, mais aussi la plus grande fréquence chez ces femmes de métrites et pelvipéritonites. Le rôle des injections réalisées par les prostituées pour ne pas concevoir et la fréquence des avortements en début de grossesse sont aussi dénoncés. Il faut attendre les années 1880 pour que « l’abus des fonctions génitales » ne soit plus considéré comme un facteur essentiel de stérilité et que certains médecins reconnaissent qu’ « un grand nombre d’auteurs lui ont fait jouer un rôle bien plus considérable qu’[il] ne mérite »383. Le roman Fécondité, de Zola, témoigne toutefois de la pénétration de ces croyances dans l’opinion. L’auteur met en scène les Angelins, un couple très amoureux qui refuse longtemps d’avoir un enfant pour jouir des plaisirs de la vie à deux. Mais après des années de fraudes, ils n’arrivent pas à procréer alors qu’ils le désirent ardemment :

375 Zola (Emile), Le Docteur Pascal, op. cit., p. 323.

376 Venette (Nicolas), Tableau de l’amour conjugal, op. cit., éd. 1696, pp. 494-495.

377 Tissot (Samuel), L’Onanisme ou dissertation physique sur les maladies produites par la masturbation, Paris, 1760. L’ouvrage est réédité une quarantaine de fois jusqu’au début du XXème siècle ; voir Laqueur (Thomas), Le

Sexe en solitaire. Contribution à l’histoire culturelle de la sexualité, Paris, Gallimard, 2005 ; voir aussi Stengers

(Jean), Van Neck (Anne), Histoire d’une grande peur, la masturbation, Paris, Pocket, 2000.

378 Voir Corbin (Alain), L’harmonie des plaisirs…, op. cit., pp. 181-184.

379 Bergeret (Louis François E.), Des fraudes dans l’accomplissement des fonctions génératrices : la famille et la

société, Paris, J.-B. Baillière, 1904 (1ère éd. 1868), pp. 27 et sq.

380 Debay (Auguste), La Vénus féconde et callipédique…, op. cit., 1888, Chap. XVI, Stérilité, Impuissance, p. 232.

381 Parent-Duchâtelet (Alexandre), De la Prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de

l’hygiène publique, de la morale et de l’administration, Paris, J.-B. Baillière, 1836, 2 vol.

382 Raige-Delorme (Jacques), « Stérilité », art. cit., dictionnaire Adelon, 1844, p. 563.

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Ah ! ma chère, vous ne saurez jamais ce que nous souffrons. Quand on a un enfant, on ne s’imagine pas à quel chagrin en arrive un ménage, qui n’en peut avoir, et qui en désire un, oh ! de toutes ses forces. Mon pauvre mari m’aime toujours, mais je vois bien qu’il est convaincu que c’est de ma faute, et cela me fend le cœur, j’en sanglote seule des heures entières. Ma faute ! est-ce qu’on osera jamais affirmer de qui c’est la faute, de la femme ou de l’homme ? Mais je ne lui dis pas ça, il en deviendrait fou. (…) Mon Dieu ! Mon Dieu ! est-ce donc parce que nous avons trop attendu ? Notre faute, à tous les deux, serait-elle d’avoir desséché la branche, en l’empêchant de produire, aux saisons des bonnes sèves ?384

Des causes d’ordre général : âge, attributs et tempéraments

De manière assez évidente, les médecins et l’opinion incriminent aussi l’âge de la femme dans la stérilité. Un mariage et une sexualité trop précoces passent pour rendre les femmes stériles, de même qu’un âge élevé. L’expérience montre que la fécondité diminue puis s’interrompt après quarante-cinq/cinquante ans, en lien avec l’arrêt des règles : « par l’âge et par le défaut d’exercice, la matrice paraît avoir perdu l’action propre à favoriser ses diverses fonctions »385

. Cependant, des exemples de maternités tardives, au-delà de quarante-cinq ans, sont souvent rapportés par les médecins.

Quand se renforce l’idée, à la fin du XVIIIème

siècle, que la femme est, par nature, faite pour être mère, tous les attributs féminins qui évoquent la maternité témoignent d’une aptitude à la procréation. Un « large développement du bassin et des organes mammaires », mais aussi une « belle conformation de l’appareil génital » sont signes de fécondité386

. Certains médecins, comme Debay, déconseillent donc de choisir une intellectuelle au physique peu féminin : « une de ces femmes longues, effilées, maigres, pâles, affétées, moroses, qui ont souvent des spasmes, qui visent à l’esprit et dédaignent les choses ordinaires »387. Il ajoute que « celle qui est susceptible de devenir mère, et qui le devient réellement, est imprégnée, pour ainsi dire, dans tous les points de son corps, de ce qui développe le sentiment d’amour et de maternité (…) et celle qui est d’origine frappée de stérilité, quoique sans impuissance, a les mœurs et les habitudes de l’homme plutôt que celles de son sexe »388

. Les conditions physiques ne suffisent cependant pas ; l’état moral et le comportement importent aussi. On recommande ainsi « une vie douce et normale, c’est-à-dire exempte de ces passions violentes qui usent les organes (…) [et] de ces milles entraves, (…) de ces folies que la mode impose aux femmes du monde »389. Pour être féconde, la femme doit s’écarter de ses habitudes trop « civilisées » et de préoccupations intellectuelles pour retrouver le rythme imposé par la nature de son tempérament féminin.

A l’époque moderne et pendant une bonne partie du XIXème siècle, on pense pouvoir détecter la fécondité et la stérilité en se basant sur la théorie humorale390. La qualité des tempéraments, révélée principalement par l’apparence physique, le comportement et la qualité des règles, est en effet jugée déterminante. Pour Mauriceau, les critères féminins de fécondité sont un âge compris entre treize et quarante-cinq ou cinquante ans, que la femme soit bien réglée et de bon tempérament391. Les femmes ayant trop d’embonpoint passent pour avoir des difficultés à concevoir392. Par contre, les brunes ont la réputation d’être plus prolifiques que les blondes. Toutefois, ce préjugé antique ne semble pas être vraiment pris au sérieux au XVIIIème siècle, ni par les médecins, ni par certains particuliers, comme en témoigne Benjamin de Chandieu dont la femme blonde est très féconde : « Mme de la Poterie [La Pottrie] te suit de près a l’egard de la fecondité, et puis qu’on vienne dire que les brunes ont la conception vive, ma foy, Mesdames les blondes, vous leur damés le pion, avec votre air indifferent

384 Zola (Emile), Fécondité dans Œuvres complètes, éd. par Henri Mitterand, Paris, Cercle du Livre précieux, 1968, pp. 298-299. Cet ouvrage sera longuement étudié dans le chapitre VI.

385 Gardien (Claude-Martin), « Stérilité », art. cit, dictionnaire Panckoucke, 1821, p. 512.

386 Debay (Auguste), La Vénus féconde et callipédique…, op. cit., 1888, p. 17 et sq.

387 Fodéré (François-Emmanuel), « Stérilité », art. cit., dictionnaire Panckoucke, 1821, p. 518.

388 Ibid., p. 522.

389 Debay (Auguste), La Vénus féconde et callipédique…, op. cit., 1888, p. 17.

390 Cette théorie sera précisée infra, dans le chapitre IV.

391 Mauriceau (François), Traité des maladies des femmes grosses…, op. cit., 1681, p. 51.

392 Pour ces dernières, Mauriceau pense que c’est parce que l’orifice interne de la matrice est comprimé et ne peut recevoir la semence ; plus généralement les médecins pensent que l’obésité signe un tempérament trop nonchalant et peu apte à procréer.

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»393. Autre préjugé également répandu : les rousses sont stériles à cause de leur tempérament incandescent. De même, les femmes à l’apparence virile, barbues et à la voix puissante révèlent un tempérament excessivement ardent pour concevoir, les germes étant détruits par leur feu intérieur trop intense394. C’est la même raison qui explique la stérilité des femmes trop belles ou trop amoureuses – la passion « brûle ».

Pour déceler un tempérament infécond, il existe des « tests », impliquant souvent le recours à l’urine. Hérités de l’Antiquité, ils se perpétuent jusqu’au XVIIIème siècle et ne disparaissent totalement des ouvrages médicaux que dans la deuxième moitié du XIXème siècle395 ; la pratique se prolonge cependant plus longtemps dans le monde rural traditionnel. La méthode est à peu près la même à chaque fois : il s’agit de faire uriner la femme, moins souvent l’homme, sur une plante ou une graine. Si la plante meurt, l’individu est stérile, si elle croît, il est fertile car l’urine d’une femme stérile passe pour brûler et stériliser tout ce qu’elle touche396

. On ignore cependant la conséquence pour la femme d’un résultat négatif à ces tests. D’autres tests antiques sont encore rapportés dans la littérature médicale à la fin du XVIIème et au XVIIIème siècle, mais les médecins prennent davantage encore leurs distances avec ces croyances397.

L’explication de la stérilité par la théorie des humeurs se perpétue au XIXème

siècle, mais elle est adaptée aux nouvelles connaissances du temps. Ainsi, Debay déclare que « nous sommes assurés que les femmes bilieuses et nerveuses étaient moins fécondes que les femmes lymphatiques et lymphatico-sanguines, probablement parce que chez ces dernières, l’ovulation a plus de durée ; que leur système génital est moins sujet aux spasmes et plus extensible pendant l’acte copulateur »398

. On retrouve, encore à cette époque, la croyance traditionnelle concernant les femmes d’apparence virile et celles ayant un « tempérament très ardent [qui] sont souvent stériles. (…). On peut présumer que dans ce cas, la matrice jouit d’un excès d’action, ou qu’elle est dans un état continuel de spasme qui pervertit ses fonctions »399. Le tempérament peut cependant évoluer avec le temps et expliquer que des femmes longtemps infécondes conçoivent après quinze ou vingt ans de mariage. Le cas d’Anne d’Autriche est souvent évoqué à l’appui de ce raisonnement400

.

La stérilité est aussi parfois imputée à l’incompatibilité de tempérament entre homme et femme. Depuis l’Antiquité, prévaut l’idée que l’on doit unir les contrastes en la matière, la complémentarité étant vue comme un gage de la réussite du couple. Ces croyances sont couramment répandues dans les milieux populaires qui prêtent, par exemple, une fécondité particulière aux couples ayant une forte différence d’âge. Ainsi, dit-on : « La jeune femme et l’homme âgé remplissent d’enfants le foyer »401. Mais cette idée n’a pas disparu du monde médical au XIXème

siècle. En 1821 le docteur Gardien rapporte, sans vraiment l’infirmer, le conseil « d’unir les femmes blondes avec les hommes bruns, et les femmes grasses avec les hommes maigres » car « plus les individus unis ensemble offrent de contrastes, plus ils deviennent prolifiques »402. Cette idée est cependant de plus en

393 Benjamin de Chandieu, gentilhomme lausannois, capitaine au service de France sous Louis XV, d’après ses

lettres à sa femme et d’autres documents inédits, prés. Charlotte Hermann, Lausanne, 1987, lettre à sa femme, 14

septembre 1744 (orthographe respectée).

394 Paré (Ambroise), Toutes les œuvres, La manière d’habiter et faire génération, liv. XXIV chap. I, éd. 1585, pp. 929-930.

395 Cependant, de nouveaux tests impliquant l’urine sont imaginés par certains médecins, qui pensent pouvoir détecter de nouvelles substances produites par la femme pendant la grossesse ; voir la partie sur le diagnostic de grossesse dans le chapitre II.

396 De Serres (Louis), Discours de la nature, causes, signes et curation des empêchements de la conception, et

de la stérilité des femmes, 1625, p. 275 ; Liébault (Jean), Trois livres des maladies et infirmités des femmes,

1649, p. 170.

397 Hippocrate propose ainsi de placer une gousse d’ail dans la matrice ou le vagin de la femme, ou d’y faire entrer des vapeurs odoriférantes, afin de voir si elles se communiquent à son nez et à sa bouche, signe que les voies sont dégagées et que la femme n’est pas stérile. Ce test est rapporté par exemple chez Bury (Jacques), Le

Propagatif de l’homme, 1615, chap. III « L’espreuve pour cognoistre si une femme est naturellement stérile »,

pp. 42-43 ; ou encore chez Liébault (Jean), Trois livres des maladies…, op. cit., 1649. Si Mauriceau mentionne ce test dans son traité, il refuse néanmoins de lui accorder une quelconque valeur ; Mauriceau (François), Traité

des maladies des femmes grosses…, op.cit., 1681, p. 53.

398 Debay (Auguste), La Vénus féconde et callipédique…, op. cit., 1888, p. 231.

399 Gardien (Claude-Martin), « Stérilité », art. cit, dictionnaire Panckoucke, 1821, p. 511.

400 Ibid., p. 510.

401 Laget (Mireille), Naissance et conscience de la vie…, op. cit., p. 211.

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plus contestée par le milieu médical403 et n’apparaît plus à la fin du XIXème siècle dans la littérature savante. La croyance en la responsabilité des tempéraments dans la stérilité ne disparaît dans les ouvrages médicaux qu’à la fin du XIXème siècle404.

Des causes plus localisées dans les organes génitaux ou les semences

Depuis l’Antiquité, c’est surtout la matrice qui retient l’attention. En effet, jusqu’au début du XVIIIème siècle, les médecins considèrent que la stérilité féminine « dépend principalement de la structure de la matrice »405. Organe générateur féminin par excellence, l’utérus peut aussi avoir un tempérament déréglé, entraînant ainsi une incapacité à faire croître un enfant. Un défaut de chaleur ou d’humidité est la cause souvent invoquée dans de nombreuses métaphores agricoles. Ainsi, une matrice trop froide ou trop humide (abondamment réglée) fait pourrir la graine comme une terre humide et fraîche ; une matrice trop chaude ou trop sèche dissipe la semence ou la brûle406. Dans les mentalités paysannes, les problèmes de procréation sont souvent aussi rapportés à des propriétés culinaires. Etre stérile pour une femme s’apparente bien souvent à une incapacité « à cuire » comme il faut le fruit, l’utérus étant assimilé à un four407. Pour l’homme, les difformités, l’insuffisante longueur ou l’excès de taille de la verge sont surtout évoqués comme cause de stérilité ou d’impuissance à l’époque moderne. Toutefois, la stérilité est encore essentiellement vue comme le résultat d’un problème de tempérament.

Il faut attendre le XIXème siècle pour que la recherche de causes physiologiques précises se banalise, car on commence moins à chercher l’origine d’une maladie dans un dérèglement d’ensemble que dans un problème organique particulier. En outre, les progrès de l’exploration médicale permettent une avancée dans la détection et l’explication de la stérilité408