• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Du Décrochage à l’Accrochage Scolaire : Un Détour Incontournable Par Les

1. Le décrochage scolaire : Un processus long et complexe

La notion de « décrochage scolaire » est difficile à définir et à délimiter tant sa réalité est floue et complexe. Certains chercheurs évitent d’ailleurs de parler de décrochage et utilisent les termes de « démobilisation » (Glasman, 2004 ; Guigue, 1998), « désengagement scolaire » (Ballion, 2000), « désaffiliation » (Tanon, 2000), « décrocheurs passifs/actifs » (drop in/drop out) (Langevin, 1994). En effet, il est difficile de repérer précisément les caractéristiques du décrochage scolaire car, comme le soulignent Glasman et Oeuvrard (2004 ; cité par Pain, 2012) « les élèves déscolarisés ne sont que la partie la plus visible de l’iceberg des démobilisés de l’école, les autres étant des décrocheurs de l’école ». Glasman et Oeuvrard (2004) sous-entendent donc qu’il existe des « décrocheurs de l’intérieur » qui ne sont pas comptabilisés dans les chiffres officiels de l’éducation nationale. Certains vont même jusqu’à affirmer qu’il n'y a pas de différences sociologiques fondamentales entre ceux qui s'absentent et ceux qui, "démobilisés", décrochent sur place (GREF Bretagne, 2010).

Les québécois, pionniers dans la recherche sur ce phénomène, considèrent un élève en situation de décrochage dès lors qu’il quitte définitivement le système scolaire sans avoir obtenu de diplôme d’études secondaires (obtention du diplôme de la cinquième secondaire à 17 ans). Une distinction est faîte entre le décrochage (interruption temporaire des études) et l’abandon scolaire qui est considéré comme définitif après cinq années de décrochage (Potvin & Pinard, 2012).

En Belgique, un rapport sur le décrochage (Canivet et al., 2007) propose deux définitions du décrochage. Celui-ci est considéré comme un « processus progressif de désintérêt pour

(Leclercq & Lambillotte ; 1996) mais aussi comme la conséquence de la « détérioration du lien entre le jeune, l’école et la société » (Favresse & Piette, 2004).

Au niveau européen, c’est la notion d’« abandon scolaire précoce » qui domine. Sont considérés comme décrocheurs les « adultes entre 18 et 24 ans avec une qualification inférieure à l’enseignement secondaire supérieur et qui ne sont pas dans un programme d’enseignement ou de formation durant une période de référence de 4 semaines qui précède le sondage » (Blaya, 2010, p.24). L’objectif européen est, d’ici 2020, de « réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10 % » (stratégie « Europe 2020 »). En effet, la moyenne européenne se situe autour de 13,5% avec d’énormes disparités entre les pays. Ainsi, l’Italie et la Roumanie ont un taux autour de 17,5 %, l’Espagne ou le Portugal ont des taux supérieurs à 20 % tandis que Malte enregistre un taux record de plus de 30 %.

A l’inverse, les pays d’Europe du Nord et d’Europe centrale ont des taux beaucoup plus faibles qui s’échelonnent entre 4,5 et 6,5% pour la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne et la Lituanie (Thibert, 2013). Les Pays-Bas (9,1%), le Luxembourg (6,2%) et la Bulgarie (12,8%) ont enregistré d’importantes diminutions du taux de décrochage depuis ces dix dernières années. D’après les mêmes critères de calcul européen, la France enregistrerait un taux moyen de 11,6% en 2012 soit un taux qui la situe en-dessous de la moyenne européenne mais au-dessus de l’objectif fixé pour 2020. Des efforts importants restent donc à faire pour permettre une diminution du taux de décrochage scolaire.

En France, près de 140000 jeunes11 quittent chaque année le système scolaire sans aucun diplôme (Peillon, 2012). Si le taux de décrochage diminue depuis trente ans, cette baisse ralentit depuis 1995 (Bernard, 2011). Selon le ministère de l’éducation nationale, « un décrocheur est un jeune qui quitte prématurément un système de formation initiale sans avoir obtenu de diplôme de niveau V (BEP ou CAP) ou de niveau supérieur » 12 . Il est alors intéressant de s’arrêter un instant sur le terme « prématurément », utilisé dans la définition française. En France, il existe une distinction entre les jeunes âgés de moins de seize ans qui, s’ils quittent le système scolaire, sont en infraction quant à l’obligation scolaire et les jeunes de plus de seize ans qui ne sont plus contraints à fréquenter l’école. De ce fait, devons-nous en déduire que le Ministère de l’éducation nationale considère comme seuls décrocheurs, les

11 Les derniers chiffres de 2016 font état de 96000 décrocheurs par an.

12 Ministère de l’éducation nationale, disponible sur : http://www.education.gouv.fr/cid55632/la-lutte-contre-le-

Concepts

jeunes de moins de seize ans ? Cette distinction n’est pas aussi tranchée car le système éducatif français a obligation d’une part, de scolariser un jeune de plus de seize ans qui désire poursuivre ses études, mais aussi, un jeune de plus de seize ans qui n’a pas obtenu de diplôme qualifiant au cours de sa scolarité obligatoire. Des instructions de 2009 insistent d’ailleurs sur la mise en place de mesures de repérage et de prévention (Bulletin officiel, 2009) du décrochage scolaire notamment pour les seize, dix-huit ans13.

Dès lors, nous voyons apparaître l’ambiguïté autour de la notion de « décrochage » ; faut-il prendre en compte uniquement les jeunes qui ont quitté le système scolaire avant l’âge de seize ans ? Ceux qui l’ont quitté sans diplôme ? Ceux qui n’ont pas quitté le système scolaire mais qui ont décroché tout en restant scolarisés ? Pour Glasman (2000), la distinction la plus pertinente se situe entre ceux pour qui le savoir fait sens et ceux pour qui il ne fait pas sens, ceux qui se s’arrêtent « au milieu du gué » (Boudesseul, 213, p.7). Par conséquent, en s’appuyant sur cette approche, nous considérons que le décrochage scolaire est le résultat d’un processus (Blaya, 2003 ; Boudesseul, 2013) plus ou moins long qui n’est pas nécessairement marqué par une information explicite entérinant la sortie de l’institution (Guigue, 1998). Thin parle d’un « casier scolaire » pour les jeunes en situation de décrochage dont les difficultés d’adaptation se cumulent dès la maternelle et ce, de façon croissante jusqu’au collège. Certains chercheurs comme Glasman (2003)montrent en outre, que c’est à partir de quatorze, quinze ans, et de façon croissante jusqu’à seize ans qu’intervient le décrochage. En effet, nombreux sont les chercheurs qui ont montré que certains élèves sont en situation de décrochage malgré une présence scolaire plus ou moins assidue. En effet, si certains jeunes poursuivent leur scolarité en la parsemant d’absences justifiées ou non (rappelons qu’en France, un élève est considéré comme absentéiste au-delà de quatre demi-journées d’absences non justifiées dans le mois), d’autres au contraire, sont présents tous les jours en classe mais n’accrochent pas ou plus aux enseignements proposés. Se mettent alors en place des attitudes de retrait, d’isolement, ou au contraire, d’agitation, de perturbation de la classe, entraînant des exclusions plus ou moins fréquentes et durables, voire, dans certains cas, des attitudes de délinquance et/ou de violence.

2. De la persévérance scolaire à la réussite scolaire : Quelle place

Outline

Documents relatifs