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La création de l’Assistance Publique ou les prémices d’une organisation étatique

Chapitre 1 : L’Accueil Familial Des Enfants Confies A l’Aide Sociale A L’enfance

1. De l’Assistance Publique à l’Aide Sociale à l’Enfance : Les fondements d’une

1.2. La création de l’Assistance Publique ou les prémices d’une organisation étatique

En ce début de XIXème siècle, le service des enfants assistés du département de la Seine est pionnier dans la prise en charge des enfants abandonnés. Il est alors rattaché aux services de l’Assistance Publique de Paris et son organisation inspirera celle de l’Assistance Publique au niveau national près de cent plus tard.

Au niveau législatif, si le principe de secours publics aux enfants abandonnés est posé par la Constitution de 1791, ce texte ouvre la voie à toute une série de lois et de décrets qui vont peu à peu règlementer la prise en charge des enfants par l’Etat. Ainsi, le décret napoléonien du 19 janvier 1811 définit trois catégories d’enfants recueillis par les établissements ; « les trouvés », « les abandonnés », « les orphelins pauvres ». C’est la première fois qu’apparaît aussi clairement le clivage entre les différents enfants recueillis. A cette époque, les marqueurs stigmatisant l’enfant placé atteignent leur paroxysme puisque les enfants doivent porter un collier scellé sur lequel sont marqués le nom de l’hospice dont dépend l’enfant, l’année de son abandon et son numéro d’arrivée. Ce collier avec une médaille à l’effigie de Saint Vincent de Paul est normalement retiré à l’âge de six ans au moment de l’entrée à l’école pour éviter toute stigmatisation de l’enfant. Cependant, dans les faits, les colliers ne sont pas toujours retirés et les enfants sont donc facilement identifiables dès leur entrée à l’école. Dans son livre, Charles Stoeux, enfant de l’Assistance, précise qu’il devait porter le collier « constamment au cou comme un chien » (Stoeux, 1990, cité par Jablonka, 2006). Ce collier, tout comme la vêture particulière attribuée aux enfants placés les rendaient non seulement identifiables aux yeux d’autrui mais avaient aussi pour conséquence de faire peser sur les enfants le sentiment constant d’être différent de leurs pairs.

Face au nombre important d’abandons à partir de 1820, une période transitoire, pendant laquelle l’enfant est placé au dépôt, précède l’abandon officiel ; pendant cette période, l’enfant peut être repris par ses parents moyennant le remboursement des dépenses engagées (décret de 1811). Le recueil des enfants se poursuit à l’exception des jeunes de plus de douze

ans qui se voient refuser l’accès aux services de protection de l’enfance depuis une circulaire de 1823 ce qui les laisse dans le dénuement le plus complet. Il faudra attendre une loi de 1850 sur le vagabondage des enfants pour que l’intérêt public commence à se porter sur la situation des jeunes adolescents. Cependant, au lieu de se vouloir protectrice envers des enfants dépourvus de tout soutien parental ou familial, la loi est coercitive et institue alors les premières colonies pénitentiaires ou « bagnes d’enfants » pour éduquer les mineurs délinquants ou vagabonds. En 1880, suite au constat que nombre d’enfants âgés de plus de douze ans sont contraints à vagabonder car non recueillis par les établissements chargés de la protection des enfants, le service départemental de la Seine, créé la catégorie des enfants « moralement abandonnés » pour les jeunes âgés de douze à seize ans, les enfants maltraités et les mineurs acquittés par l’article 66 du Code Pénal. C’est une évolution de taille dans la prise en charge des adolescents qui, pour la première fois, sont perçus comme des victimes de leur situation et non comme des coupables.

Au début de la Troisième République, en parallèle de l’Assistance Publique de la Seine, se développe l’Assistance Publique au niveau national (décrets de 1886 à 1888) qui s’inspire largement de l’organisation parisienne. Cependant, si le sort des enfants recueillis intéresse désormais les pouvoirs publics, la discipline, les travaux imposés, les faibles moyens matériels dont bénéficient ces enfants et leur image d’« enfants de l’Assistance » leur procurent des conditions de vie encore très difficiles.

Les avancées législatives en faveur de la protection des enfants se poursuivent alors avec la loi du 18 juillet 1898 qui créée une nouvelle catégorie d’enfants accueillis par l’Assistance Publique, les « enfants en garde », c’est-à-dire, les enfants confiés temporairement à l’Assistance Publique par leurs parents pour des raisons médicales ou financières par exemple. Le 24 juillet 1889, la loi sur la protection judiciaire de l’enfance maltraitée s’inspire de ce qui avait été fait dans le département de la Seine pour ajouter aux catégories d’enfants bénéficiant des services de l’Assistance Publique, celle des enfants « moralement abandonnés ». Dès lors, le placement n’est plus réservé aux enfants sans famille mais s’étend aux enfants ayant des parents. « La société se donne un droit de regard et partage avec les parents la responsabilité de l’enfant » (David, 2004, p.25) ; elle se place donc en protectrice des enfants potentiellement victimes de maltraitances. Ainsi, la loi prévoit l’admission des enfants à bureau ouvert où les parents sont informés « des secours dont ils peuvent bénéficier mais aussi des conséquences de l’abandon (ignorance absolue du lieu du placement, perte de

que tous les trois mois, difficulté de son retrait) » (Cadoret, 1993, p.518). Le recueil ou le retrait, et le placement des enfants sont donc désormais organisés par les services publics ce qui ouvre la porte à tous les abus de séparations entre les enfants et leurs parents.

De « proposé, le placement devient imposé sans l’assentiment des parents » (David., 2004, p.25). C’est un véritable bouleversement des mœurs qui s’opère dans la société française. En effet, après plusieurs siècles d’une lente évolution, l’Etat prend désormais non seulement en charge les enfants abandonnés ou orphelins mais s’introduit peu à peu dans la sphère intime des familles en s’occupant des enfants dont les familles sont déclarées défaillantes : « La protection de ces enfants n’est plus abandonnée aux seuls soins de la charité. Les faire bénéficier des droits et avantages sociaux, sanitaires et éducatifs dont jouissent les autres enfants devient une obligation nationale. On voit alors se développer en plusieurs temps une politique du placement » (Ariès, 1973, p.23). La loi prévoit d’ailleurs de déchoir de leurs droits, les parents d’enfants négligés, maltraités ou insoumis. Ainsi, tout en protégeant les enfants, cette loi s’attache à lutter contre la délinquance des mineurs dans les milieux populaires où le lien entre pauvreté et délinquance devient désormais évident aux yeux de la société. La loi brouille alors les frontières entre enfants victimes et enfants coupables. Le préjugé faisant de l’enfant de l’Assistance Publique, un danger pour la société, s’accentue.

1.3. De l’Assistance Publique à l’Aide Sociale à l’Enfance : Du

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