Titre I. LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE DE L’ACTIVITÉ D’ENTREPRISES DES ÉTATS TIERS TOUCHANT AU MARCHÉ EUROPÉEN
Chapitre 1. L’application du droit européen de la concurrence aux entreprises des États tiers. La réglementation
38. Les compétences respectives des autorités nationales des Etats membres et de la Commission européenne. Lorsque la question du droit applicable (national ou européen)
est résolue, la question suivante apparait : quand les autorités nationales de concurrence sont‐elles compétentes pour traiter l’affaire en question et quand cette compétence revient‐ elle à la Commission européenne ?
Les autorités qui sont responsables de l’application le droit de la concurrence (européen ou national) à titre principal sont celles qui n’ont que des pouvoirs administratifs ou sanctionnateurs (amendes, astreintes). En France, par exemple, ce rôle revient au Conseil de la concurrence et à la Première Chambre de la Cour d’appel de Paris lorsqu’elle statue sur les recours formés contre les décisions du Conseil. 258 Au plan européen, comme mentionné plus haut, cette compétence appartient à la Commission européenne. Les autorités qui appliquent le droit de la concurrence à titre incident sont celles qui ont pour mission d’accorder réparation ou satisfaction aux intérêts et droit subjectifs des particuliers touchés 256 Le nouveau droit communautaire de la concurrence, sous la direction de François BRUNET et Guy CANIVET, op.cit., p.453. 257Ibidem. p.454. 258Voir l’article L.464‐7 du Code de commerce.
par les pratiques anticoncurrentielles (actions en dommages et intérêts, restitutions, etc.). Ce sont les juridictions nationales et européennes, analysées plus tard dans le chapitre. 259 Selon la Communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (2004/C 101/03) une autorité peut être considérée comme étant bien placée pour traiter une plainte si les trois conditions suivantes sont cumulativement remplies :
« 1. L’accord ou pratique a des effets directs substantiels, actuels ou prévisibles sur son territoire, y est mis en œuvre ou y trouve son origine ;
2. L’autorité est à même de faire cesser efficacement l’intégralité de l’infraction ; autrement dit, elle peut délivrer une injonction de ne pas faire dont l’effet sera suffisant pour faire cesser l’infraction et elle peut, au besoin, sanctionner l’infraction de manière appropriée ;
3. Elle est en mesure de réunir, éventuellement avec le concours d’autres autorités, les preuves requises pour démontrer l’infraction » (paragraphe 8 du point 2.1). »
A contrario, la Commission sera particulièrement bien placée si un ou plusieurs accords ou pratiques, y compris les réseaux d’accords ou pratiques similaires, ont des effets sur la concurrence dans plus de trois États membres (marchés transfrontaliers couvrant plus de trois États membres ou plusieurs marchés nationaux) (voir paragraphe 14 du point 2.1). Il ne faut pas aussi oublier que, dans le cadre du système de compétences parallèles introduit par le Règlement 1/2003, les affaires peuvent être traitées par une seule autorité nationale de concurrence, éventuellement avec le concours d’homologues d’autres États membres ou par plusieurs autorités nationales de concurrence agissant en parallèle (ou la Commission). Ainsi, la question de l’éventualité de poursuites multiples se pose. Cette question sera analysée en détails dans le chapitre consacré au principe « non bis in idem » (voir paragraphe 66 et s.). Selon le Règlement 1/2003, au plus tard trente jours avant l’adoption d’une décision ordonnant la cessation d’une infraction, acceptant les engagements ou retirant le bénéfice d’un règlement d’exemption par catégorie, les autorités nationales de concurrence des États membres doivent informer la Commission. Ces informations peuvent aussi être mises à la disposition des autorités de concurrence des autres États membres. Les autorités nationales de concurrence peuvent également échanger entre elles les informations nécessaires à
259Voir Christian GAVALDA, Gilbert PARLEANI, Droit des affaires de l’Union européenne, LexisNexis Litec, 2009, Paris, 583p.
l’appréciation d’une affaire qu’elles traitent en vertu de l’article 101 ou 102 TFUE (voir le paragraphe 4 de l’article 11).
Selon le paragraphe 6 de l’article 11 du Règlement 1/2003, l’ouverture par la Commission d’une procédure en vue de l’adoption d’une décision dessaisit les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer les articles 101 et 102 du TFUE. Cependant, si une autorité de concurrence d’un État membre traite déjà une affaire, la Commission n’intente la procédure qu’après avoir consulté cette autorité nationale de concurrence.
Une décision récente de la Cour de Justice Toshiba e.a. contre Úřad pro ochranu hospodářské soutěže260 (ci‐après Toshiba c/ UOHS) a éclairé encore plus la question de la délimitation des compétences de la Commission et de celles des autorités nationales de concurrence. L’affaire Toshiba c/ UOHS concernait une entente de portée mondiale sur le marché des appareillages de commutation à isolation gazeuse (ci‐après les «AIG»), à laquelle, à différentes périodes situées entre 1988 et 2004, ont participé plusieurs entreprises européennes et japonaises appartenant au secteur de l’électrotechnique. Aussi bien la Commission que l’Úřad pro ochranu hospodářské soutěže se sont saisis de certains aspects de cette affaire au cours des années 2006 et 2007, et ont infligé des amendes aux entreprises concernées (voir point 19). Il s’agissait en effet d’une entente complexe et de portée mondiale, à l’exception des États‐Unis et du Canada, qui avait des effets dans l’UE et dans l’EEE, et dans le cadre de laquelle les entreprises concernées ont notamment échangé des informations sensibles relatives au marché visé, se sont réparti les marchés, ont conclu des accords de prix et ont cessé leur collaboration avec les entreprises qui n’étaient pas membres de cette entente (voir point 23).
Dans cette affaire, la cour régionale de Brno (République tchèque) a posé deux questions préjudicielles à la Cour de Justice (voir point 36). Premièrement, la cour nationale pose la question suivante : faut‐il interpréter les dispositions de l’article 101 TFUE et du Règlement 1/2003 en ce sens qu’elles doivent s’appliquer (dans le cadre d’une procédure engagée après le 1er mai 2004) à toute la durée d’une entente qui, sur le territoire de la République tchèque, a commencé avant son adhésion à l’UE (soit avant le 1er mai 2004) et qui s’est poursuivie et a cessé après l’adhésion de la République tchèque à l’UE?
Deuxièmement, la cour voulait connaître la réponse à une autre question : faut‐il interpréter l’article 11, paragraphe 6, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, le 17ème considérant du Règlement 1/2003, le point 51 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence261, le principe non bis in idem, tel qu’il découle de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, et les principes généraux du droit communautaire en ce sens que, si la Commission intente une procédure pour violation de l’article 101 TFUE après le 1er mai 2004 et adopte une décision sur le fond: a) les autorités de concurrence des États membres sont automatiquement et définitivement dessaisies de leur compétence pour connaître des mêmes faits? b) Les autorités de concurrence des États membres sont‐elles dessaisies de leur compétence pour appliquer à ces mêmes faits les dispositions du droit national comportant une réglementation similaire à l’article 101 TFUE?
La Cour de Justice a répondu de la manière suivante : premièrement, les dispositions de l’article 101 TFUE et de l’article 3, paragraphe 1, du Règlement 1/2003, doivent être interprétées en ce sens que, dans le cadre d’une procédure engagée après le 1er mai 2004, elles ne sont pas applicables à une entente qui a produit des effets, sur le territoire d’un État membre ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, au cours de périodes antérieures à cette date.
Deuxièmement, l’ouverture par la Commission d’une procédure, au titre du chapitre III du règlement n° 1/2003, à l’encontre d’une entente, ne dessaisit pas, en vertu de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du même règlement, l’autorité de concurrence de l’État membre concerné de sa compétence pour sanctionner, par application du droit national de la concurrence, les effets anticoncurrentiels produits par cette entente sur le territoire dudit État membre au cours de périodes antérieures à l’adhésion de ce dernier à l’UE.
Troisièmement, le principe « non bis in idem » ne fait pas obstacle à ce que les entreprises ayant participé à une entente soient condamnées à des amendes par l’autorité nationale de concurrence de l’État membre concerné, aux fins de sanctionner les effets produits par cette entente sur le territoire de ce dernier avant qu’il n’adhère à l’Union européenne, dès lors que les amendes infligées aux membres de cette entente par une
décision de la Commission prise avant l’adoption de la décision de ladite autorité nationale de concurrence n’avaient pas pour objet de réprimer lesdits effets. On observe ici la même logique que dans les arrêts antérieurs de la Cour concernant l’applicabilité du principe « non bis in idem » aux ententes internationales.262 Dans l’affaire Hoechst263 le Tribunal souligne que des sanctions infligées par les États tiers répondent à un objectif de protection d’un intérêt juridique distinct de l’intérêt européen (voir paragraphe 74). Les ententes ayant eu lieu avant l’adhésion de la République tchèque sont logiquement considérées comme les ententes ayant eu lieu dans un État tiers et sont jugées selon les mêmes principes
39. Concernant le contrôle des concentrations il faut noter que le Règlement
n°139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises du 20 janvier 2004 (ci‐ après le Règlement 139/2004)264 a introduit un nouveau système de délimitation des compétences entre la Commission et les autorités nationales de concurrence des États membres ‐ un système de renvoi. Il s’agit de renvoyer des cas de dimension européenne265 aux États membres (article 9), et inversement, de renvoyer des cas de dimension nationale à la Commission (article 22). Le système fonctionne par le mécanisme de « guichet unique » (voir les considérants 8 et 11) ce quo a permis d’améliorer et de clarifier la délimitation des 262 Voir les arrêts CJUE, 14.12.1972, Boehringer Mannheim c/ Commission, Aff. 7‐72, Rec. 1972 p. 01293; CJUE, 18.05.2006, Archer Daniels Midland, Aff. C‐397/03 P, Rec. 2006 p. I‐04429; CJUE, 29.06.2006, Showa Denko KK c/ Commission, Aff. C‐289/04 P, Rec. 2006 p. I‐05859 ; CJUE, 29.06.2006, Commission c/ SGL Carbon AG, Aff. C‐ 301/04 P Rec. 2006 p. I‐05915; CJUE, 29.06.2006, SGL Carbon AG c/ Commission, Aff. C‐308/04 P, Rec. 2006 p. I‐ 0597; TPI, 18.06.2008, Hoechst GmbH c/Commission, Aff. T‐410/03, Rec. 2008 p. II‐00881. Voir aussi les conclusions d’AG Juliane KOKOTT, 8.09.2011, Toshiba Corporation e.a., Aff. C‐17/10.
263 TPI, 18.06.2008, Hoechst GmbH c/Commission, Aff. T‐410/03, Rec. 2008 p. II‐00881.
264 Voir aussi Communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) No 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, JO C 95 du 16.4.2008.
265 Article 1 du Règlement 139/2004, paragraphes 2 et 3 : « 2. Une concentration est de dimension communautaire lorsque : a) le chiffre d’affaire total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d’euro, et b) le chiffre d’affaire total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d’euros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus de deux tiers de son chiffre total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul État membre.
3. Une concentration qui n’atteint pas les seuils fixes au paragraphe 2 est de dimension communautaire lorsque : a) le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d’euros ; b) dans chacun d’au moins trois États membres, le chiffre d’affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions d’euros ; c) dans chacun d’au moins trois États membres inclus aux fins du point b), le chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions d’euros, et d) le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 100 millions d’euros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul et même État membre ».
pouvoirs entre la Commission et des autorités nationales de concurrence dans les cas des concentrations. 266
La cohérence du système est très importante, et du point de vue qualitatif, le renvoi est un instrument primordial. Il existe des exemples de cas significatifs, comme Google/DoubleClick 267 ou Tomtom/Tele Atlas 268 , qui n’avaient pas de dimension communautaire mais qui ont été analysés par la Commission parce que les implications allaient au‐delà des juridictions purement nationales.
II. Le rôle du juge national.
40. Après avoir analysé les compétences et le rôle des autorités nationales de
concurrence des États membres, poursuivons par l’examen de rôle du juge national dans l’application du droit européen de la concurrence aux entreprises des États tiers. Le rôle des juges nationaux est très important. Ils doivent sauvegarder les droits engendrés dans le chef des particuliers par les règles de concurrence. Ils doivent soulever d’office les dispositions contraignantes d’effet direct de droit européen de la concurrence.269 Le juge national doit aussi déterminer si le critère de « l’affectation du commerce entre les États membres » (examiné précédemment, voir paragraphe 27) est rempli. 270
Toutefois, le principe posé à l’article 6 du Règlement 1/2003 sous la rubrique « Compétences des juridictions nationales », selon lequel les juridictions nationales sont compétentes pour appliquer les articles 101 et 102 TFUE, ne donne aucune indication sur ce que recouvre la notion de « juridiction nationale ». La communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 TCE271 précise, en son article 1, que les juridictions nationales « sont les
266 Voir aussi Marie‐Dominique HAGELSTEEN, Qui fait quoi? Des compétences institutionnelles en évolution, Revue Lamy de la Concurrence, N 18 Janvier‐Mars 2009, 139‐141pp.
267 Google/DoubleClick, n° COMP/M.4731, C(2008) 927 final, 11.03.2008; Communiqué de Presse de la Commission, Concentrations: la Commission autorise le projet de rachat de DoubleClick par Google, IP/08/426, Bruxelles, le 11 mars 2008.
268 Tomtom/Tele Atlas, n° COMP/M.4854, C(2008) 1859, 14.05.2008.
269CJCE, 14.12.1995, Van Schijndel c/ Stichting Pensioenfonds voor Fysiotherapeuten, Aff. C.430 et 431/93, Rec. 1995‐I, p. 04705, voir aussi Christian GAVALDA, Gilbert PARLEANI, Droit des affaires de l’Union européenne,
op.cit.
270Voir Guy Canivet, La décentralisation du droit communautaire de la concurrence : le rôle du juge national, Le nouveau droit communautaire de la concurrence, L.G.D.J., 2008, p.485‐490.
cours et tribunaux d’un État membre de l’Union européenne qui peuvent appliquer les articles 81 et 82 CE et saisir la Cour de justice des communautés européennes à titre préjudiciel en application de l’article 234 CE ». 272
Comme le précise la Communication elle‐même, il convient de se référer à la jurisprudence de la CJUE quant à la notion de juridiction au sens de l’article 267 TFUE (portant sur la question préjudicielle). Par exemple, dans l’affaire Schmid273 sont indiqués les éléments que la Cour de Justice prend en compte en cas de difficulté sur la qualification de l’organe qui la saisit. La Cour prend en considération l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance (point 34). 274
Il revient aux États membres, conformément au principe de l’autonomie procédurale, de déterminer les juridictions effectivement compétentes pour appliquer les articles 101 et 102 TFUE. Analysons brièvement l’exemple des juridictions françaises compétentes pour appliquer le droit européen de la concurrence, car la dualité des ordres juridictionnels en France présente une complexité particulière et constitue par conséquent un exemple d’un intérêt remarquable.
Avant d’aller plus loin, il faut d’abord rappeler que le Règlement 1/2003 admet les configurations institutionnelles variées puisque les juridictions nationales (au sens exposé auparavant), peuvent, selon l’article 35 paragraphe 1, figurer parmi les autorités de concurrence que les États membres doivent, en application de l’article 35, désigner pour appliquer les articles 101 et 102 TFUE. Prévoyant les compétences parallèles entre autorités et juridictions, le règlement en son article 35‐2 indique d’ailleurs que la ligne de partage, pour l’attribution de différentes compétences et fonctions, ne passe pas par la nature de l’autorité, qui peut être administrative et judiciaire. Cependant, le Règlement 1/2003 s’en est tenu à la dualité entre autorités de concurrence/juridictions sans prendre en compte la réalité de l’arbitrage en matière de règlement des conflits, qui peut trouver à s’exercer dans les domaines d’application du droit européen de la concurrence. L’arbitre est tenu au respect du droit européen de la concurrence, s’agissant de dispositions d’ordre public. On
272Guy Canivet, La décentralisation du droit communautaire de la concurrence : le rôle du juge national, Le nouveau droit communautaire de la concurrence, L.G.D.J., 2008, p.480.
273CJCE, 30.05.2002, Walter Schmid, Aff. C‐516/99, Rec.2002, p. I‐04573.
274Voir aussi Guy Canivet, La décentralisation du droit communautaire de la concurrence : le rôle du juge
peut imaginer ainsi que l’insertion de l’arbitre dans le système d’application du droit européen de la concurrence se fasse de façon indirecte par le contrôle des sentences arbitrales via l’exercice des voies de recours. 275 Pourtant, il est intéressant de noter qu’aux États‐Unis l’arbitrage joue souvent un rôle important dans les relations entre la Federal Trade Commission et les entreprises. 276
Il faut aussi mentionner la Communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 TCE (101 et 102 TFUE) (2004/C 101/04) qui décrit de manière fort détaillée l’application des règles de concurrence européenne par les juridictions nationales, l’application parallèle ou consécutive des règles de concurrence européennes par la Commission et les juridiction nationales, le rôle de la Commission en tant qu’amicus curiae, y compris le devoir de la Commission de transmettre des informations aux juridictions nationales, la possibilité de demander l’avis de la Commission sur des questions concernant l’application des règles de concurrence européennes, la soumission d’observations à la juridiction nationale par la Commission, le devoir des juridictions nationales de faciliter le rôle de la Commission dans l’application des règles de concurrence européennes (y compris la communication des jugements, aide à la Commission européenne lors d’une inspection dans les locaux commerciaux ou non commerciaux : par exemple, la juridiction nationale peut donner une autorisation permettant à une autorité nationale disposant d’un pouvoir de contrainte d’assister la Commission si l’entreprise en question s’oppose à l’inspection.
Pour revenir à l’organisation du système judiciaire en France il faut préciser que celui‐ ci est caractérisé par une dualité des ordres juridictionnels: on relève d’une part les juridictions judiciaires et de l’autre les juridictions administratives. Les juridictions judicaires comprennent les juridictions civiles (à savoir, en ce qui concerne plus particulièrement l’application du droit de la concurrence, huit tribunaux de grand instance, huit tribunaux de commerce et la cour d’appel de Paris, laquelle cumule le rôle de juridiction de recours contre les décisions du Conseil de la concurrence et de juridiction d’appel des décisions de première instances rendues en matière de concurrence par les juridictions judiciaires) et les juridictions pénales. Il faut souligner à ce sujet qu’aujourd’hui, aucune incrimination des
275Voir aussi Guy Canivet, La décentralisation du droit communautaire de la concurrence : le rôle du juge
national, op.cit., pp.480‐481, 485.
276Voir, par exemple, Gordon BLANKE, Philip LANDOLT, EU and US Antitrust Arbitration: A Handbook for
pratiques visées par le droit européen n’est prévue en droit national, ainsi, l’application directe et exclusive du droit européen de la concurrence par le juge pénal n’est pas possible. 277
Les juridictions administratives sont amenées à apprécier la légalité des actes administratifs au regard du droit européen de la concurrence. La jurisprudence en fournit différents exemples, qu’il s’agisse de contrats de concession278, de décrets279 et d’arrêtés d’extension d’accords interprofessionnels280.
Bien évidemment, la complexité de l’ordre juridictionnel interne d’un État membre peut être beaucoup plus difficile à comprendre pour une entreprise en dehors de l’UE que pour les entreprises européennes. Entre autres, les entreprises non‐européennes doivent prendre en compte non seulement l’ordre juridictionnel de l’UE et de ces États membres, mais les ordres juridictionnels partout dans le monde où il a les activités économiques (ou même les ordres juridictionnels dans les pays où l’on peut ressentir les effets de ses activités, si de tels pays appliquent aussi la théorie de l’effet). § 2. Les conséquences de non‐coopération des entreprises des États tiers avec les institutions nationales des États membres.