Titre I. LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE DE L’ACTIVITÉ D’ENTREPRISES DES ÉTATS TIERS TOUCHANT AU MARCHÉ EUROPÉEN
Chapitre 1. L’application du droit européen de la concurrence aux entreprises des États tiers. La réglementation
14. Une société néerlandaise, dont le nom n’a pas été rendu public, a récemment
14. Une société néerlandaise, dont le nom n’a pas été rendu public, a récemment
demandé à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Cour EDH) d’examiner la présomption de “détention intégrale”, au motif que celle‐ci violerait certaines dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’homme sur la présomption d’innocence.91 Bien que le sort de cette demande soit encore inconnu, il faut noter que les cas antérieurs de 83 TPI, 14.05.1998, Stora Kopparbergs Bergslags c/ Commission, Aff. T‐354/94, Rec. 1998 p. II‐02111, points 78‐ 84. 84 TPI, 20.04.1999, LVM e.a. c/ Commission (PVC II), Aff. jointes T‐305/94, T‐306/94, T‐307/94, T‐313/94 to T‐ 316/94, T‐318/94,T‐325/94, T‐328/94, T‐329/94 et T‐335/94, Rec. 1999 p. II‐00931, points 961, 984 et 985. 85TPI, 30.09.2003, Michelin c/ Commission (Michelin II), Aff. T‐203/01, Rec. 2003 p. II‐04071, point 290. 86TPI, 15.06.2005,Tokai Carbon Co. c/ Commission (Tokai II – Specialty Graphites), Aff. jointes T‐71/03, T‐74/03, T‐87/03 et T‐91/03, Rec. 2005 p. II‐00010, points 58‐60. 87 TPI, Jungbunzlauer v Commission, Aff. T‐43/02, point 125; TPI, Avebe v Commission, Aff.T‐314/01, point 136; Akzo Nobel NV c/ Commission, op.cit., point 83. 88 TPI, 15.09.2005, Daimler Chrysler AG c/ Commission, Aff. T‐325/01, point 221. 89 Erik H. PIJNACKER HORDIJK, Simone J. H. EVANS, The Akzo Case…, op.cit., p.127. (Les italiques sont à moi).
90 L’affaire Akzo concernait une entente entre les principaux producteurs européens de chlorure de choline (vitamine B4). Les participants européens à l’entente ont conclu un accord sur les prix et les augmentations de tarifs pour certains marchés nationaux et pour les consommateurs individuels, se sont mutuellement accordé des parts de marché, et se sont convenus de contrôler les distributeurs et les convertisseurs du produit, afin d’éviter toute concurrence extérieure. Le 9 décembre 2004 la Commission dans sa décision a énoncé que l’entente constituait une grave infraction à l’article 101 TFUE et a imposé des amendes aux membres européens du cartel. Pour fixer le montant de l’amende la Commission a pris en considération le poids économique de l’entreprise prise dans son ensemble plutôt que de se contenter de celui des quatre filiales directement impliquées dans l’entente.
Concernant la possibilité de réfuter la présomption voir Richard BURNLEY, Group Liability for Antitrust
Infringements: Responsibility and Accountability, World Competition Journal, Vol. 33, Issue 4, 12. 2010.
présomption de culpabilité n’ont pas été automatiquement condamnés par la Cour, sa position étant néanmoins que “L’article 6 par. 2 (art. 6‐2) ne se désintéresse donc pas des présomptions de fait ou de droit qui se rencontrent dans les lois répressives. Il commande aux États de les enserrer dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense”.92 V. Filiales partiellement détenues.
15. La situation des filiales détenues dans une proportion nettement inférieure à
100% demeure incertaine. La jurisprudence récente n’a fourni qu’un éclairage incomplet sur l’étendue de la présomption lorsque la détention est inférieure à 100 %. Le Tribunal a expressément étendu l’application de la présomption au cas d’une détention à 98 %, confirmant ainsi l’application par la Commission de la présomption de “détention intégrale” dans l’affaire MCAA. Selon le juge : “la totalité ou la quasi‐totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère et que, par conséquent, cette dernière est en mesure d’exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale, il incombe à la société mère de renverser la présomption”93. Cette position est dans la lignée du jugement plus ancien du Tribunal dans Michelin c. Commission94, au cours duquel le Tribunal a confirmé l’application de la présomption à une société‐mère détenant plus de 99 % mais moins de 100 % de sa filiale. Dans le passé, la Commission a appliqué la présomption à une détention majoritaire de seulement 96 % (Flat Glass95 et Peroxyde d’Hydrogène et Perborate96).
Dans sa décision sur le cas d’Arkema, le Tribunal a statue que “société mère qui détient la quasi‐totalité du capital de sa filiale se trouve, en principe, dans une situation analogue à celle d’un propriétaire exclusif, en ce qui concerne son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui l’unissent avec ladite filiale. Par conséquent, la Commission est en droit d’appliquer à cette situation le même régime probatoire, à savoir recourir à la présomption que ladite société mère fait usage effectif de son pouvoir d’exercer une
92 ECHR, 07.10.1988, Salabiaku v. France, 10519/83, point 28. Pour plus d’information sur les relation entre le droit de la concurrence et Droit de l’Homme voir Linda ARCELIN, L’alliance raisonnable entre droit de la
concurrence et CEDH, Revue Lamy de la Concurrence, Avril/Juin 2007 N° 11 pp. 100‐110.
93 TPI, 30.09.2009, Arkema v Commission, Aff. T‐168/05, Rec. 2009 p. II‐00180, point 70.
94 Michelin II, op.cit., point 290.
95 Décision de la Commission, Flat Glass, 89/93/EEC, JO 1989 L 33, p. 44, point 451.
influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Certes, il n’est pas exclu que, dans certains cas, les associés minoritaires puissent disposer, à l’égard de la filiale, de droits permettant de remettre en cause l’analogie susvisée” (point 53)97.
Par conséquent, on peut se demander jusqu’où le pourcentage de détention peut descendre avant que la Cour ne décide que la présomption n’est plus applicable, dans la mesure où la décision ne fournit aucun critère, numérique ou autre, quant au calcul d’un tel plafond.
Récemment, la CJUE a confirmé la position du Tribunal en prodiguant un nouvel éclairage sur la question de la responsabilité parentale à l’occasion de son jugement en appel quant à l’ancienne société‐mère d’Arkema, Elf Aquitaine. Bien que la CJUE affirme que la levée de la présomption n’est pas en elle‐même une “probatio diabolica”, elle casse la décision du Tribunal contre Elf Aquitaine dans la mesure où le Tribunal n’a pas assez motivé son refus d’exclure la présomption face aux arguments présentés par Elf Aquitaine. Il est remarquable que la décision s’appuie sur la notion de droits de la défense.98Ainsi, après les décisions rendues à l’endroit d’Arkema et des sociétés ressortant de son groupe, la question de la délimitation du domaine d’application de la présomption de “détention intégrale” reste ouverte, mais reste dépendante des choix politiques de la Commission Européenne, laquelle s’est montrée pour l’instant réticente à appliquer la présomption pour les cas où la participation était proche de 100 %.99
Quand la conduite illégale a été mise en œuvre par une coentreprise, la Commission examine tous les faits afin de déterminer si une ou plusieurs sociétés‐mères ont exercé une influence décisive sur la coentreprise à l’époque pertinente. Jusqu’ici, dans des cas similaires, la Commission n’a pas appliqué la présomption mais a démontré l’influence décisive des sociétés‐mères. 97 TPI, 7.06.2011, Arkema France, Altuglas International SA, Altumax Europe SAS c/ Commission, Aff. T‐217/06, Rec. 2011 p. 00000. 98 CJCE, 29.09.2011, Elf Aquitane SA v Commission, Aff. C‐521/09 P, Rec. 2011 p. 00000. Voir aussi, Conclusions de l’Avocat Général M. Paolo Mengozzi Aff. C‐520/09 P Elf Aquitane SA c/ Commission européenne, point 13, où il mentionne que le requérant ne discute pas l’application de la présomption par la Commission dans les cas où la société mère détient 98% du capital de la filiale.
99 Concernant la (non)applicabilité de la présomption voir Richard BURNLEY, Group Liability for Antitrust