Titre I. LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE DE L’ACTIVITÉ D’ENTREPRISES DES ÉTATS TIERS TOUCHANT AU MARCHÉ EUROPÉEN
Chapitre 1. L’application du droit européen de la concurrence aux entreprises des États tiers. La réglementation
29. Cette section est consacrée aux institutions européennes et nationales appliquant
On peut comparer un cartel ou un abus de position dominante à une goutte d’eau qui tombe sur la surface d’un lac. Cette goutte génère l’apparition des plusieurs cercles sur l’eau, et ces derniers peuvent faire bouger les feuilles ou les fleurs, qui sont tombées sur le lac ou qui vivent dans cet environnement aquatique, en étant tout à fait loin du point où est tombée cette goutte. Ainsi, un cartel ou un abus peuvent générer les effets négatifs sur les marchés qui sont loin des marchés d’origine des entreprises participant à un cartel ou abusant de leur position dominante.
Ainsi, après avoir conclu que le droit européen de la concurrence est applicable aux entreprises des Etats tiers on passe à l’analyse des institutions qui appliquent telles normes aux telles entreprises. Section 3. Les institutions appliquant le droit européen de la concurrence. 29. Cette section est consacrée aux institutions européennes et nationales appliquant
le droit européen de la concurrence, telles que la Commission européenne et la Cour de Justice (et le Tribunal). Ainsi, la section est divisée respectivement en deux paragraphes : le rôle des institutions européennes et le rôle des institutions nationales.
§1. Les institutions européennes. Comme les institutions appliquant le droit européen de la concurrence aux entreprises des Etats tiers sont les mêmes que celles qui appliquent le droit européen de la concurrence aux entreprises européennes, on se satisfera de la simple présentation de ces organes dans le seul but de les connaître. I. La Commission – DG Concurrence.
29.1. L’article 20 du règlement n° 1/2003 prévoit que la Commission dispose de
pouvoirs importants en matière d’inspections, afin de garantir l’efficacité de la procédure de recherche des infractions aux règles de la concurrence. Lorsque l’évolution des échanges entre États membres, la rigidité des prix ou d’autres circonstances font présumer que la concurrence est restreinte ou faussée à l’intérieur du marché européen, la Commission peut mener une enquête sur un secteur économique ou sur un type particulier d’accords dans différents secteur. Dans le cadre de cette enquête, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises, auxquelles celles‐ci doivent soumettre.167
Les agents mandatés par la Commission exercent leurs pouvoirs sur production d’un mandat écrit indiquant l’objet et le but de l’inspection, ainsi que les sanctions possibles. La Commission informe en temps utile l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit avoir lieu.168
La Commission a les pouvoirs suivants :
‐ la Commission peut demander de renseignements pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le Règlement 1/2003 (article 18);
‐ pouvoir de recueillir des déclarations : la Commission peut interroger toute personne physique ou morale qui accepte d’être interrogée aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête (article 19) ;
‐ les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoir suivants :
167 Jasmin BATTISTA, Christian ROQUES, Les inspections communautaires en matière de concurrence, Revue Lamy de la Concurrence, Janvier/Mars N°14, p.136.
a) accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ; b) contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’un soit le support ; c) prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ce livres ou documents ;
d) apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle‐ci ;
e) demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses (article 20).169 La Commission peut imposer les sanctions suivantes : ‐ amendes (article 23) ; ‐ astreintes (article 24).
Figure 1. La structure de la Direction Générale – Concurrence de la Commission européenne Source : http://ec.europa.eu/dgs/competition/directory/organi_fr.pdf , 07.11.2011. 169 Voir Jasmin BATTISTA, Christian ROQUES, Les inspections communautaires en matière de concurrence, op.cit., pp.136‐145.
II. La Cour de Justice et le Tribunal.
29.2. En matière de contrôle de légalité, le juge de première instance de l’UE exerce
un contrôle entier couvrant la légalité externe et la légalité interne de la décision concernée.170 Concernant la légalité externe, la Cour a posé, dans son arrêt Schneider II, une obligation de motivation permettant “aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle”171. En ce qui concerne la légalité interne, le juge exerce un contrôle entier sur une part importante de la décision.
Lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une décision prise sur le fondement des articles 101 ou 102 TFUE, il effectue un contrôle de l’erreur de droit et de l’erreur de fait. Le Tribunal a aussi, par exemple, réaffirmé le principe in dubio pro reo dans son arrêt E.ON Energie AG172. Ainsi, le contrôle entier qu’est amené à exercer le Tribunal, lui permet de réformer les décisions non seulement lorsqu’elles sont illégales, mais également lorsqu’elles sont erronées. Le juge peut notamment réformer l’amende173.
Ce n’est qu’exceptionnellement que le juge opère un contrôle restreint. Pour une appréciation économique et technique complexe, le juge contrôle la qualification juridique des faits ou encore l’absence d’erreur d’appréciation sans aller jusqu’à substituer son appréciation à celle de l’autorité ayant adopté la décision. Cette évolution est peut‐être également due au débordement des juridictions de l’UE. La raison d’être de ce contrôle restreint repose sur l’idée sous‐jacente de l’équilibre institutionnel. Dès lors que l’organe de régulation reste dans le cadre défini par la norme, il dispose d’une marge de manœuvre. Si la norme met en œuvre de multiples facteurs à pondérer et à mettre en balance, de sorte que plusieurs décisions sont acceptables, le Tribunal ne sanctionnera pas le choix adopté par la Commission. Cependant, le contrôle restreint exercé sur les appréciations économiques complexes n’a pas empêché le Tribunal d’annuler certaines décisions soumises à son 170 Voir Les dernières évolutions du droit européen de la concurrence, Délégation française auprès du CCBE et Délégation des barreaux de France : Colloque du 17 mars 2011, Colloque – Concurrence N° 2‐2011, pp.4‐5. 171 CJCE, 16.07.2009, Commission / Schneider Electric, Aff. C‐440/07. 172 TPI, 15.12.2010, E.ON Energie / Commission, Aff. T‐141/08. 173 TPI, 8.09.2010, Deltafina / Commission, Aff. T‐29/05.
contrôle174. Pour des opérations de concentrations où l’analyse économique est complexe, on observe un contrôle restreint. Pour les cartels où la notion d’analyse économique joue un rôle moindre, le contrôle du juge est entier. Ce qui devrait être exactement l’inverse selon certains auteurs.175 Cependant, la jurisprudence recourt de plus en plus au concept de l’infraction unique et continue. Ainsi, dans l’affaire Lafarge176, cette fiction juridique a permis au juge de faire remonter le début de l’entente six mois auparavant alors que l’entreprise concernée n’avait encore participé à aucune réunion. De son côté, l’analyse économique d’un comportement consacre une approche principalement fondée sur les effets. Selon le contexte, un même type de pratique peut avoir des effets positifs ou négatifs sur le consommateur et la concurrence.177
§ 2. Les institutions nationales.