Titre II. LES PROBLÈMES ISSUES DE L’APPLICATION DU DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE AUX ENTREPRISES DES ÉTATS TIERS
65. Cette partie de la recherche est consacrée aux conflits possibles entre le droit de
Titre II. LES PROBLÈMES ISSUES DE L’APPLICATION DU DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE AUX ENTREPRISES DES ÉTATS TIERS. 65. Cette partie de la recherche est consacrée aux conflits possibles entre le droit de la concurrence et les autres domaines du droit, particulièrement, le conflit bien connu entre le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle et le conflit possible entre le droit européen de la concurrence et le droit international privé, ainsi qu’à la significations de ces conflits pour les entreprises des États tiers présentées sur le marché européen. Certains auteurs analysent aussi, par exemple, l’interaction entre le droit européen de la concurrence et le droit des obligations, d’une part, et entre le droit européen de la concurrence et le droit de la responsabilité civile d’autre part337.
En prenant en considération l’attention particulière portée aux problèmes des entreprises des États tiers sur le marché européen, on limite la présente recherche aux questions spécifiques à ce domaine, à savoir le conflit entre le droit de la propriété intellectuelle (lequel est protégé et réglementé sur le plan international, particulièrement, par l’accord ADPIC au sein de l’OMC) et le droit de la concurrence (auquel aucun accord international n’a encore été consacré), le possible conflit entre le droit international privé et le droit européen de la concurrence338 et aux relations entre le droit de l’OMC et le droit européen de la concurrence.
Néanmoins, avant de commencer l’analyse des différents domaines de droit, on doit se demander si, dans le domaine du droit de la concurrence, les conflits entre les lois concurrentielles de niveau différent (national, européen, étranger) sont possibles. S’il n’y a pas de conflit direct, peut‐on appliquer simultanément ou successivement le droit de la concurrence de ces trois niveaux à la même entreprise d’un État tiers ayant une activité économique sur le marché européen pour la même infraction ? Le fameux principe « non bis in idem » sera‐t‐il applicable dans une telle situation ? Ainsi, avant de commencer l’examen
337 Voir Philippe LOGELAIN, Competition Law: Self‐assessment of Contracts. Interaction of EU Competition Law
with Contract Law and Tort Law, Larcier, 2011, 165p.
338Voir, par exemple, les matériaux de la conférence “International Antitrust Litigation. Conflict of Laws and
Coordination”, organisée par Jürgen BASEDOW, Stéphanie FRANQ, Laurence IDOT, Brussels, 26.03.2010. Voir
aussi le livre publié suite à la conference conférence “International Antitrust Litigation. Conflict of Laws and
Coordination”, edited by Jürgen BASEDOW, Stéphanie FRANQ, Laurence IDOT, Hart Publishing, Oxford, 2012,
des relations entre différents domaines du droit, il est nécessaire d’analyser l’application simultanée et/ou successive des lois concurrentielles de trois niveaux différents : national des États membres, européen, et national des États tiers.
En ce qui concerne le chapitre sur les interactions entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence, intuitivement il est clair que ces deux domaines du droit doivent être analysés ensemble dès qu’on fait une recherche sur les conflits des lois, comme ces domaines du droit ont des buts opposés. Le droit de la propriété intellectuelle vise à protéger le titulaire de tels droits en lui garantissant ainsi une avantage considérable par rapport à ces concurrents, tandis que le droit de la concurrence chercher à protéger la concurrence sur le marché, ainsi il chercher à établir l’égalité entre les concurrents, et par ricochet protéger les consommateurs en leurs offrant les meilleurs produits et services par les meilleurs prix. Ce conflit est connu et était déjà analysée plusieurs fois dans les études consacrées à cette question.339 Pourquoi est‐il important d’analyser le conflit entre ces deux domaines du droit dans le cadre de la présente recherche ?
La réponse est évidente si on regarde la substance du droit de la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle est une propriété incorporelle, l’objet sans le corps physique n’est nulle part, mais en même temps il peut être partout. En réalité, il y a trois degrés de propriété intellectuelle par (dé)localisation géographique. Le premier degré, c’est la marque, qui existe seulement sur le territoire donné (généralement le territoire où elle est déposée) et ce droit de marque ne peut être exploité qu’à l’intérieur de ce territoire. Ainsi, la marque est définie par le territoire positivement et négativement. Le deuxième degré est représenté par le droit de brevet, qui peut être exploité seulement sur le territoire donné, mais les tiers, quelle que soit leur localisation, n’ont pas le droit d’exploiter l’invention sans la permission du propriétaire du brevet. Conséquemment, il est défini positivement par le territoire, mais négativement il est universel. Le troisième degré de l’échelle glissante du droit de la propriété intellectuelle est constitué des droits d’auteurs. Le droit d’auteur n’a pas de locus, il n’est pas restreint ni positivement, ni négativement par le territoire. Par
339 Voir, par exemple, Camille MARÉCHAL, Concurrence et propriété intellectuelle, Litec, 2009, 475p.; The
Interaction between Intellectual Property Rights and Competition Policy, edited by Steven D. ANDERMAN,
IPacademy Singapore, Cambridge University Press, 2007, 572p.; Josef DREXL, Research Handbook on
Intellectual Property and Competition Law, Edward Elgar Publishing Ltd., 2008, 490p.; Gustavo CHIDINI, Intellectual Property and Competition Law: The Innovation Nexus, Edward Elgar Publishing Ltd., 2006, 164p.;
Mariateresa MAGGIOLINO, Intellectual Property and Antitrust: A Comparative Economic Analysis of US and EU
Law, Edward Elgar Publishing Ltd., 2011, 263p.; ICC: International Review of Intellectual Property and Competition Law, Vol. 35, Max‐Planck‐Institut, 2004.
exemple, Microsoft avec son droit d’auteur aux Etats‐Unis a effet partout dans le monde, en même temps il est possible de vendre le droit d’auteur aussi partout. C’est exactement comme un exemple avec une goutte d’eau qui tombe sur un lac et crée des vagues qui vont dans toutes les directions et touchent les objets loin de l’endroit où originellement a tombé cette goutte (voir paragraphe 23). Il est possible de faire le même raisonnement concernent le droit international privé lequel aussi règle les situations qui se sont passées sur un territoire, mais qui ont créé les effets en dehors de ce territoire. Ainsi, il est évident que le droit de la concurrence en tant que droit extraterritorial peut entrer en conflit avec les autres droit extraterritoriaux tels quels sont le droit de la propriété intellectuel et le droit international privé, et l’entreprise multinationale peut se retrouver au milieu d’un tel conflit. Le présent Titre sera terminé par l’analyse de la place des accords GATT‐OMC dans l’ordre juridique européen, le conflit possible entre les normes du droit de l’OMC et le droit européen de la concurrence, et surtout la question de l’invocation des normes issues de tels accords par les entreprises des États tiers devant les juridictions européennes dans le but de se protéger contre l’application du droit européen de la concurrence (dans la mesure où il existe des différences entre les deux).
Finalement, telle étude montrera le nombre important des problèmes issus de l’application extraterritoriale du droit européen de la concurrence : la possibilité de l’application simultanée des lois sur la concurrence de tous niveaux (national de pays d’origine, national des États membres de l’UE, européen, et certains normes du droit de l’OMC) à une entreprise étrangère pour les même faits ; le conflit extraterritorial entre le droit de la propriété intellectuel et le droit de la concurrence ; les relations compliquées entre le droit international privé et le droit européen de la concurrence ; et les interactions difficiles entre le droit de l’OMC et le droit européen de la concurrence. Tous ces problèmes méritent d’être réglés au sein d’un accord international, le modèle du quel est présenté dans le cadre du dernier Titre de la présente thèse (voir paragraphes 150 et s.).
Chapitre 1. L’application simultanée des lois concurrentielles de plusieurs États et le