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P REMIERE P ARTIE

EXPLIQUE PAR DES CONTEXTES JURIDIQUE , FINANCIER , ECONOMIQUE ET TECHNOLOGIQUE EN EVOLUTION

2.1 Un renforcement des mécanismes d’appropriation des connaissances Les années 1980 vont marquer un tournant dans le sens d’un renforcement des

2.1.1 Appropriation des connaissances versus diffusion

Etant donnée la nature particulière de la connaissance en tant que bien économique (bien non rival et difficilement contrôlable), la création privée de savoirs présuppose l’existence de dispositifs permettant à l’agent qui les produit de pouvoir envisager un retour sur investissement suffisant, son objectif étant de maximiser son profit à partir de la connaissance qu’il a produite. Ces dispositifs, se présentant de manière formelle ou informelle et permettant ainsi au producteur d’empêcher l’appropriation de cette connaissance par des imitateurs, se présentent sous des formes assez variées. Il peut s’agir (Moroz, 2004, p. 2 ;

23 Plus précisément, il s’agit de la Loi sur l’innovation et la recherche (n°99-587) du 12 juillet 1999, parue au journal officiel du 13 juillet 1999.

Trommetter, 2001, p. 7) : (1) du maintien d’une avance technologique ; (2) de l’existence d’une position avantageuse sur la courbe d’apprentissage qui induit ainsi un délai d’imitation ; (3) du secret, qui est un instrument souvent utilisé dans l’industrie ; (4) du brevet, autrement dit, se voir reconnaître des droits de propriété intellectuelle sur la connaissance produite. C’est sur ce dernier point que nous allons nous focaliser.

Ainsi, pour ce qui a trait plus précisément aux DPI, dont le brevet, ils consistent en des règles accordant le droit de dégager des revenus d’une activité innovante. Ils répondent par ailleurs à un double objectif, à savoir premièrement, celui d’inciter les agents à investir dans la production de nouvelles connaissances – en leur assurant le contrôle de la commercialisation des connaissances produites – et deuxièmement, de faire en sorte que ces dernières soient diffusées le plus largement possible, en octroyant des brevets en échange de la révélation de ces connaissances. Autrement dit, ils répondent à la recherche d’un équilibre entre la protection du producteur de nouvelles connaissances (afin d’en stimuler la création) et la diffusion de ces dernières (afin d’en permettre une exploitation optimale). Concrètement, ils permettent à l’inventeur d’exercer un pouvoir temporaire de monopole sur son invention en contrepartie de la publication de ses détails techniques. D’autres entreprises ou inventeurs pourront alors fonder leurs recherches sur ces connaissances dévoilées. A noter tout de même que ceci présente quelques limites dans la mesure où certes, la connaissance est dévoilée, mais pas le savoir-faire qu’il a été nécessaire de déployer afin d’aboutir à ce résultat. Ces mesures ont ainsi comme objectif d’inciter les entreprises à innover en leur garantissant la possibilité de s’approprier les résultats de leurs recherches pendant un certain temps. Ce droit de monopole est en effet limité d’une part dans le temps, mais aussi géographiquement déterminant la portée du brevet, et d’autre part dans son objet, on parle alors de l’étendue ou de la largeur du brevet. La durée d’un brevet est en général fixée à 20 ans, mais elle peut atteindre 25 ans pour certains produits qui, comme les médicaments, sont soumis à des procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM) plus longues. L’étendue du brevet exprime et délimite quant à elle les résultats effectivement obtenus par l’inventeur. Egalement, le domaine d’application des brevets va être limité, outre par la portée et l’étendue du brevet, par certains principes. Ces derniers, selon que l’on se situe dans le cadre du droit américain ou celui du droit français (et plus généralement du droit européen) ne revêtiront pas exactement les mêmes formes.

Ainsi, dans un premier temps, pour ce qui a trait au régime juridique à l’œuvre aux Etats-Unis, il est important de savoir que la tradition est celle de la « common Law » impliquant que « les décisions de jurisprudence peuvent conduire – en l’absence de lois

explicites – à des changements majeurs de la pratique des cours. Ce type de régime juridique donne ainsi une possibilité d’évolution rapide et marquée, sans qu’il soit pour autant nécessaire de recourir au législateur » (Orsi, 2002, p. 71). Concernant les brevets

d’invention, la frontière entre ce qui est brevetable et non brevetable repose sur le principe suivant lequel les produits issus de la nature, et non de l’action de l’homme, ne peuvent êtres sujets à des brevets. La deuxième condition de brevetabilité repose sur la notion « d’utilité », d’où le fait, comme Orsi (ibid.) le précise, que « la loi américaine comme tout système

juridique de common law définit des « brevets d’utilité » (Utility Patent) et non des « brevets d’invention » comme c’est le cas dans le droit européen ». Une autre différence entre ces deux

régimes de propriété intellectuelle réside dans le fait que le droit américain ne fait pas la distinction entre « invention » et « découverte », les deux signifiant la même chose (ibid.). En effet, le droit de la propriété intellectuelle européen donne trois conditions à la brevetabilité d’une invention : la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle. Il en résulte que, pour pouvoir déposer un brevet sur une innovation, il faut que celle-ci soit nouvelle, et donc ne doit pas n’être qu’une simple reproduction, d’une technologie déjà connue par exemple. Par contre, il ne doit pas s’agir d’une découverte mais bien d’une invention. Elle doit donc présenter une « étape inventive ». L’innovation doit aussi avoir une utilité pratique (Henry, 2005). C’est à ce niveau que la différence entre découverte et invention prend tout son sens. Une découverte appartient à tous et ne peut donc être protégée, à la différence de l’invention dont la revendication doit concerner une application. L’invention est ainsi innovante dans la mesure où elle ne peut être déduite de l’existant. Pour illustrer cette idée, on peut prendre le cas d’un brevet concernant un médicament. Ce dernier concerne alors, à la fois le procédé de fabrication de la molécule, son identité et un domaine d’application. Il n’est donc pas possible de déposer un brevet sur une molécule seule. Le fait que le régime américain des droits de propriété intellectuelle ne marque pas de distinction entre invention et découverte souligne l’importance qui est donnée à « l’utilité pour le progrès de la société » dans les brevets, par rapport à son « caractère inventif » (Orsi, 2002, p. 72).

Si on se place dans le cadre de la recherche académique, le financement public des activités scientifiques allant de pair avec la divulgation des résultats de la recherche (science ouverte) qui constitue le fondement même de l’organisation publique de la production de connaissances, les chercheurs publics n’ont, en principe, pas la possibilité d’une appropriation privée. Ceci repose sur l’idée que la connaissance, en tant que bien public, devrait être librement accessible. On peut alors citer Newton, « si j’ai vu plus loin que les autres c’est

parce que je me suis juché sur les épaules de géants24 », pour exprimer l’idée que la diffusion des connaissances liées aux innovations passées doit être aussi large que possible afin de permettre et de faciliter les découvertes et innovations futures. La législation touchant les universités, qui a donc pour but de préserver la nature publique des connaissances nouvelles créées par le biais de financements publics, a notamment pour conséquence de constituer un frein à l’incitation à développer de la recherche fondamentale jusqu’à des applications commerciales et, par là même, de gêner le développement de partenariats entre universités et entreprises. Ces dernières ne sont en effet pas certaines de pouvoir tirer partie des résultats des recherches alors mises en oeuvre. Certes, cette différence entre les deux sphères, publique et privée, n’est pas aussi catégorique dans la réalité puisqu’en effet, de tout temps, d’un côté, des chercheurs réalisant leurs travaux au sein d’entreprises ont publié leurs résultats et d’un autre côté, des brevets ont été déposés par des chercheurs émanant d’institutions publiques. Toutefois, de manière générale, ces deux milieux résolvent de manière très différente ce dilemme entre exclusivité (et donc appropriation) et diffusion. Dans le cadre de la recherche publique, l’accent est mis sur la diffusion, la priorité étant d’accroître le fonds de connaissances disponible, alors que, dans le cadre de la recherche privée, dans la mesure où il s’agit davantage de valoriser les connaissances existantes, c’est l’exclusivité qui est privilégiée. Cependant, les deux systèmes se présentent de manière complémentaire. En effet, le secteur privé, pour ses activités de R&D, a besoin de mobiliser les connaissances produites dans la sphère académique dans la mesure où il n’aurait pas pu prendre en charge la production de ces connaissances. Et réciproquement, une grande partie de la recherche publique n’aurait pas de sens sans la perspective, à terme, d’une exploitation commerciale. (Commissariat général du Plan, 2002).

Chaque milieu procédant selon ses modes et mécanismes de fonctionnement, une sorte d’équilibre s’est installée entre diffusion des connaissances scientifiques nouvelles, au regard de leur fonction de bien public et dans le but de les préserver, et, au contraire, appropriation des connaissances à travers la législation en matière de propriété intellectuelle dont le but est de favoriser l’innovation. Mais dès les années 1980, cet équilibre va se voir bouleversé par la mise en place de nouveaux dispositifs législatifs dont le but est de favoriser les transferts de connaissances entre ces deux milieux. La stratégie suivie étant alors de permettre une

24 Extrait de la lettre de Sir Isaac Newton à Robert Hooke (5 février 1675/76), « If I have seen further (than you

appropriation des connaissances scientifiques publiques, le monde industrialisé, et en tout premier lieu les Etats-Unis, va assister à un phénomène de privatisation croissante des savoirs.

2.1.2 Le Bayh-Dole Act et l’évolution du système des droits de propriété intellectuelle

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