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Du vif à la carcasse dans la relation au consommateur

concurrences et synergies entre coproduits

3.3. Du vif à la carcasse dans la relation au consommateur

Agneaux et cabris n'entretiennent pas le même rapport à la valorisation du produit. Les modalités de qualification se singularisent dans la relation entretenue à la carcasse. Ainsi, si les premiers se tournent vers la découpe dans le cadre de circuits longs (i), la vente d'un animal entier est prédominante pour les seconds, associée à la vente directe (ii).

3.3.1. Le lien à la carcasse dans la sphère industrielle : la découpe

Si la qualification des agneaux semble aujourd’hui s’écarter de la caractérisation des systèmes de production et de son incidence sur la qualité, le lien au vif, c’est autour de la qualification des carcasses que le produit s’identifie. L’ancrage de la valorisation vers le marché sarde a longtemps écarté cette question puisque les animaux étaient essentiellement valorisés en vif et abattus en Sardaigne, laissant ainsi la qualification des carcasses à des opérateurs exogènes. Aujourd’hui, la volonté d’émancipation vis-à-vis de ce marché réintroduit la question des caractéristiques de l’animal à faire valoir post-abattage. Si le petit format des agneaux en fait un produit difficile à travailler en termes d’aptitude bouchère, le renouvellement des comportements des consommateurs rend de plus en plus difficile la vente de carcasses entières (figure 7). Dans le circuit informel lié à la vente à la ferme, ce format est encore prédominant, mais l’inscription marchande du produit au dehors de ce circuit privilégie aujourd’hui la découpe en 1/2, 1/4 ou 1/6 de carcasse. L’individualisation de portions différenciées est une nécessité marchande, toutefois contrainte par le type de carcasse de l’animal, de petit format.

« En restauration on peut vendre des carcasses entières ce n’est pas un problème, ils savent travailler et façonner le produit, par contre sur les marchés de gros comme la GMS, il faut proposer au consommateur des portions avec des formats différents, on a un effort à faire sur la présentation du produit » (Elu, Groupement Roquefort).

Figure 7 : Découpe d'agneau (Lacombe, 2012, Corte)

L’agneau découpé se décompose entre les gigots, épaules, côtelettes, fressure ainsi que la tête, chaque morceau faisant l’objet de recettes spécifiques.

On comprend ici toute l’importance de l’abattage et des actes de découpe dans la qualification des agneaux. L’une des principales contraintes à la valorisation des agneaux de lait tient au professionnalisme des personnels d’abattoir en Corse, à l’inadaptation des chaînes de traitement des animaux. Les abattoirs ne sont pas équipés de salle de découpe et travaillent sur des chaînes multi-espèces avec un personnel peu qualifié. La qualité des animaux restitués fait l’objet de critiques importantes tant de la part des éleveurs que des distributeurs (Lacombe et al., 2012).

« Les abattoirs travaillent mal, on a perdu les savoirs, les personnels ne sont pas formés. L’agneau est un animal fragile, il faut le traiter comme tel. On a de grosses pertes, il y a certains animaux récupérés, je n’ose même pas les vendre, il me laisse l’œsophage, les carcasses sont marquées. Pour la découpe je la fais faire chez un boucher qui a un atelier à Corte » (Elu, Groupement de Roquefort).

3.3.2. Le lien à la carcasse dans la sphère domestique : l’animal entier

La valorisation des cabris est associée à d’autres modes de commercialisation, principalement la vente directe. Il est surtout vendu à la ferme sous la forme de carcasses entières auprès d’une

clientèle de particuliers qui réalisent le travail de découpe et de préparation de l’animal à l’échelle du foyer (figure 8). Le produit fait l’objet d’une codification associée à la tradition :

« On replie les pattes avant croisées derrière la tête, on laisse la peau des oreilles et le ponpon au niveau de la queue, et on le présente avec la fressure apposée sur le ventre » (Eleveur caprin fermier, Pietralba).

Figure 8 : Différentes catégories de carcasses de cabris (Lacombe, 2012, Pietralba)

L’éleveur propose différents formats de carcasse selon les attentes du consommateur. Cette variabilité lui permet une flexibilité au regard de l’enjeu de sorties des cabris à Noël selon la période de naissance de chaque animal.

Si la question des modes d’abattage et de découpe est ici écartée, les façons de qualifier l’animal semblent aujourd’hui faire l’objet de changements. La perpétuation de la vente directe est menacée, les savoirs de travail des carcasses chez les particuliers tendent à disparaître, ce qui interroge le statut actuel des carcasses au regard des évolutions du marché.

« J’ai des particuliers qui me demandent de faire de la découpe, mais je ne suis pas équipé, au mieux je fends l’animal en deux » (Eleveur caprin fermier, Pietralba).

A l’heure actuelle, c’est plus la qualification de l’animal vis-à-vis des conditions de production qui fait l’objet d’une caractérisation que celle des carcasses au regard de son adaptabilité au marché.

Les viandes de lait, des traits communs pour des modalités de qualification plurielles Les viandes de lait représentent des productions singulières en France, se référant plus à l'espace méditerranéen tant du point de vue de la production que de la valorisation. Ce caractère unique

en fait ainsi des produits rares qu'il est possible de valoriser vers des marchés différenciés sur la base de la qualité. Si la catégorie est assez semblable, agneaux et cabris se révèlent différents à plusieurs titres et l'enjeu était ici d'en préciser les caractéristiques afin de mieux envisager les perspectives de valorisation. Deux traits de différentiation se dessinent, dans la relation à l'animal vif d'une part, et à la carcasse d'autre part. Les projets de certification se différencient quant à leur nature qui témoigne d'une relation différente au lieu et aux pratiques. Ainsi si l'agneau est associé à une qualification relativement générique, le cabri est marqué par un ancrage territorial plus fort. Par ailleurs, en ce qui concerne le lien à la carcasse, on constate une variabilité entre des modes de commercialisation, de type découpe, ou associés à un animal entier. Ces différentes formes de qualification ne sont pas étrangères aux cultures techniques et me permettront par la suite d'envisager leurs implications sur le système laitier et les innovations mobilisées.

4. L’inscription des viandes au sein des systèmes d’élevage

Je m'attacherai dans cette partie à préciser la place des agneaux et cabris dans le fonctionnement des systèmes d'élevage. C'est l'un des aspects essentiels puisque l'enjeu de ce sujet est de traiter des interdépendances entre coproduits, qui se situent notamment au niveau des cultures techniques. Mais la question porte aussi sur les possibilités d'innovation dans le monde des viandes puisque les changements impliqués par sa requalification peuvent avoir un retentissement sur le fonctionnement des élevages laitiers. Dans un premier temps je préciserai les fondements zootechniques d'une exploitation laitière dans sa relation aux viandes, en m'attardant notamment sur la question de la saisonnalité (i). Je proposerai ensuite une exemplification de la différenciation des types de fonctionnement et leur influence sur la production et la valorisation des viandes (ii).

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