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La formulation de questions de recherche autour d'une dialectique « interdépendance-différenciation »

questionnement scientifique: quel territoire pour les coproduits?

1.2. La formulation de questions de recherche autour d'une dialectique « interdépendance-différenciation »

Les questionnements scientifiques énoncés ci-dessous convergent vers un enjeu de production de connaissances autour de la question de l'ancrage territorial des productions agricoles. L’ancrage territorial n'obéit pas à une définition spécifique, il est envisagé plus avant tout dans ses différentes modalités de déploiement et à travers les fonctions qu'il peut jouer au sein des territoires. Il désigne de manière générale une forme de lien au lieu, d'attachement, proche d'autres notions telles que l'encastrement, la territorialisation ou encore la spécification des

21 Voir à ce sujet les travaux du groupe de travail « frontière » ( http://www.espacestemps.net/auteurs/groupe-frontiere/).

ressources, recoupant ici différents courants de recherche et disciplines. Appliqué aux produits agro-alimentaires, l’ancrage désigne habituellement le lien qui se tisse entre une qualité et un territoire et cette relation s’envisage en termes de construction sociale, donnant ainsi une place essentielle à l’acteur.

À la différence de travaux qui s'inscrivent dans cette perspective, cette recherche ne s'attache pas à un seul produit mais à plusieurs, et consiste à envisager les liens qui se tissent entre activités plurielles inscrites au sein d'un même territoire. Il s'agit alors de considérer l'ancrage dans la diversité de ses formes (double attachement au lieu) ainsi que leurs articulations. L'un des enjeux centraux est d'envisager l'incidence des modalités de qualification de l'un des produits sur son coproduit, compte tenu des relations d'interdépendance et de coévolution qu'ils entretiennent au sein des systèmes productifs.

Si cette recherche converge vers cette finalité, il est toutefois possible d'amorcer trois types de questionnements selon la nature des connaissances en jeu. Un premier questionnement est relatif à la question conjointe des interdépendances entre activités et de l’existence de logiques de différentiation. Il s’agit de comprendre les processus par lesquels s'opère le passage de relations de couplage à des relations de découplage, pour envisager enfin les modalités par lesquelles peut s'opérer un recouplage (1). Le second questionnement concerne les modalités de production des connaissances dans le champ de la géographie qui s’intéresse aux relations entre qualité et territoire. Dans un contexte scientifique où, bien souvent, le territoire trouve du sens au regard du produit, il s’agit de témoigner de réalités autres afin de considérer un ancrage au pluriel (2). Enfin le troisième questionnement est spécifique aux dispositifs de qualification des ressources que sont les IG. Ceux-ci, en ne s’attachant qu’à un seul produit, peuvent être soumis à la question de l’exclusion (des coproduits), et être interrogés sur leur capacité à prendre en compte des enjeux de multifonctionnalité (3).

- Question 1 : « Quels sont les processus de couplage, de découplage et de recouplage des relations entre coproduits et leurs incidences sur le fonctionnement des systèmes productifs » ?

Ce questionnement vise à identifier l’évolution des formes de cohabitation entre coproduits au fil du temps, et l’enjeu est de produire un modèle fondé sur les temporalités (cf. Titre 3). La dialectique de départ est centrée sur l’analyse des processus d’inclusion ou d’exclusion qui touchent les coproduits. Dans une perspective systémique, il peut être envisagé comme un processus de construction de frontières entre des objets interdépendants issus des systèmes productifs. L’objectif de ce travail étant d’envisager les modalités par lesquelles peuvent

s’opérer des dynamiques de ré-encastrement entre ces coproduits qui ont été préalablement dissociés, l’exclusion ne pouvant être estimée comme une issue. Nous envisageons dès lors trois types de processus associés à des états de couplage, de découplage et de recouplage entre coproduits. Il y a ici une proximité conceptuelle entre la théorie de l’encastrement et celle du couplage en sociologie économique et qui trouve aujourd’hui des terrains d’application élargis. L’idéal-type sectoriel, propre aux sociétés modernes, est l’espace de référence dans le domaine spécifique des productions agricoles. Ces processus de sectorisation ne sont-ils pas venus encourager des dynamiques de dissociation où chaque produit est inscrit dans des activités distinctes selon une logique de filière qui peut à ce titre se révéler a-territoriale ? Dans ces conditions, l'absence de régulations entre coproduits, compte tenu de la différenciation des échelles d’action, peut favoriser des dynamiques de fragmentation dans l’usage des ressources associées à des activités plurielles. La spécialisation des activités agricoles qui s’est opérée tout au long du XXème siècle n’a-t-elle pas produit des marges territoriales, et les dynamiques de relance aujourd’hui en cours témoigneraient-elles de processus de recouplage ? Cette première forme de questionnement s’apparente au développement de relations centre-périphérie, à la question de l’autonomie et de la dépendance.

- Question 2 : « Les modalités de production des connaissances associées aux recherches sur l'ancrage territorial des productions conduisent-elles à écarter la prise en compte de territoires multi-situés » ?

Ce questionnement autour des coproduits est innovant dans la mesure où il propose un renouvellement des modalités de production des connaissances scientifiques. Jusqu'à présent, les travaux articulant productions agro-alimentaires et constructions territoriales ont privilégié la figure du produit comme espace de production des questionnements scientifiques, conditionnant alors la nature des résultats. Les coproduits ont ainsi été mis à l’écart de la délimitation des objets de recherche, opérant alors un mimétisme vis-à-vis du monde réel, une reproduction des logiques d’action polarisées autour du fonctionnement des filières. Est ainsi plus regardé ce que les acteurs font au titre de leurs mobilisations collectives que ce qu’ils défont. Cette imprégnation de l’acteur dans les cultures scientifiques fait référence à un tournant « actioniste » que l’on retrouve dans les usages scientifiques autour des termes de spécification, d’activation des ressources, ou encore de territorialisation des productions. Dans le champ des produits de qualité, leur qualification liée à l’origine représente l’établissement d’un lien au lieu par la stabilisation de ses caractéristiques et comme étant la résultante d’une combinaison de savoirs et de pratiques territorialisées associées au milieu. Or, l’on se situe ici face à un territoire mono-spécifique écartant la prise en compte de territorialités multiples, associant les

coproduits, au risque d’une autojustification de la question territoriale. Cette démarche scientifique peut être de nature à non seulement en écarter la prise en considération, mais aussi rendre invisible les dynamiques d’exclusion et de tensions entre territorialités imbriquées. L’ancrage territorial n’est-il pas un processus d’appropriation qui serait de nature exclusive du fait des frontières sociales, techniques qui régissent son régime d’existence ? L’enjeu de ce questionnement est d’encourager l’évitement d’une segmentation des modes de production des connaissances en redéfinissant les composantes et les contours des systèmes observés. Plutôt que d’appréhender les modes de construction des ressources dans une dialectique

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