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Caractéristiques des systèmes d’élevage

Conclusion de chapitre 6

3. L’élevage dans la forêt, assurer l’alimentation pastorale et la régénération de l’arganier

3.2. Caractéristiques des systèmes d’élevage

Je préciserai ici la nature et le fonctionnement de l’élevage caprin. Il s’agira de fournir une représentation régionale de l’effectif caprin propre à cette zone (i), et d’associer cet élevage à ses modes de conduite indissociables de la forêt (ii). Afin de rendre compte de la production de chevreau, je préciserai aussi des dimensions zootechniques relatives à la gestion du renouvellement (iii), permettant alors d’envisager la destination bouchère des animaux (iv).

3.2.1. La population caprine : une concentration régionale des troupeaux de petit effectif

L’effectif caprin national est estimé à environ 5,7 millions de têtes. La population caprine présente dans l’arganeraie représente 23% de l’effectif national. Elle est répartie entre les provinces d’Essaouira, de Taroudant, d’Agadir, Guelmin et Tiznit. Les provinces de Taroudant et d’Essaouira représentent 70% des effectifs présents dans l’arganeraie. L’élevage caprin comporte environ 389 000 têtes dans la province d’Essaouira, composé de deux zones géographiques que sont les régions Haha et Chiadma. Il cohabite avec l’élevage ovin, représentant 510 900 têtes, et les bovins qui comptabilisent 60 900 têtes. Ces deux zones se différencient notamment au regard de la prédominance des caprins chez les premiers (296 143), et des ovins chez les seconds (92 997) (MAPM, DSS, 2011).

Dans la région étudiée, aux alentours de Smimou (en zone Haha), on constate une prédominance des effectifs caprins. Elle constitue un bassin historique de production de chevreaux. Toutefois, dans de nombreux troupeaux visités, il s’agit souvent d’élevages mixtes : Les chèvres sont

caprins est très variable et largement associée à la disponibilité foncière. Les troupeaux à petits effectifs, inférieurs à 25 animaux, et ceux de moins de 100 têtes sont prédominants. Dans le groupement associé au projet de labellisation du chevreau, il y a toutefois une prédominance d’éleveurs dotés de troupeaux de grande taille qui parfois peuvent dépasser les 250 têtes. La faible taille des troupeaux s’explique par une réorganisation spatiale des activités, marquée par une sédentarisation des populations. Elle succède à un système transhumant où les troupeaux pouvaient auparavant comporter plus de 400 animaux. La réduction de la taille des troupeaux est également associée à un morcellement du foncier lié à la dispersion des droits d’usage dans un contexte marqué par l’accroissement démographique.

3.2.2. Caractéristiques et comportements des animaux : la race comme faire valoir du milieu

On recense quatre types de populations qui constituent la diversité génétique des troupeaux. La chèvre noire, composée de deux populations, l’Atlas et la Barcha, réputée pour sa rusticité en milieu montagneux. La troisième population, la Draâ est quant à elle réputée pour sa prolificité et enfin la chèvre du Nord, qui résulte de croisements de races espagnoles et assure une bonne productivité laitière. Si de nombreux éleveurs souhaitent conserver cette diversité compte tenu des aptitudes que les croisements ont permis de mobiliser, aujourd’hui, dans le cadre du plan de sélection phénotypique mis en place par l’ANOC, seule la Noire de l’Atlas a vocation à assurer le renouvellement des troupeaux (figure 31). Ce choix est motivé par une priorisation du mode de sélection sur la base des patrons colorés et l’amélioration du rendement boucher.

Figure 31 : Noire de l’Atlas chez un éleveur sélectionneur (Lacombe, 2011)

Les caractéristiques des chèvres issues des différentes populations tiennent à leur aptitude au pâturage dans un milieu difficile, marqué par la prédominance du parcours, une disponibilité des ressources limitée associée à des conditions climatiques contraignantes. Les éleveurs

intègrent ces contraintes dans leurs modalités de sélection des animaux. Si c’est souvent leur aptitude à la grimpe des arbres qui est mise en avant et fait l’objet d’une folklorisation touristique, le pâturage aérien est une pratique qu’il convient de relativiser. On peut distinguer trois formes de pâturage de l’arganier variables selon la saisonnalité et les caractéristiques des animaux : Le pâturage du couvert herbacé au sol est pratiqué dès les premières repousses d’herbe à l’automne et au printemps, permet la valorisation de ressources spontanées diverses ainsi que le prélèvement des fruits et feuilles tombées au sol. Les animaux privilégient en hiver et en été le pâturage de l’arganier, soit par la pratique de la bipédie pour les animaux adultes (figure 32), ou le pâturage aérien chez les animaux les plus légers (figure 33), évitant les risques de chute et la dégradation des troncs de l’arganier.

Figure 32 : Pratique de la bipédie (Lacombe, 2012)

Animal adulte stationné sur ses deux pattes arrière durant le pâturage. Cela souligne que la grimpe aux arbres n’est pas distribuée au sein de l’ensemble des individus du troupeau, limitant alors les risques associés au pâturage aérien.

Figure 33 : Pâturage aérien (Lacombe, 2012)

L’animal pratique ici un pâturage suspendu. Il s’agit d’un chevreau jeune, léger, et au typage génétique issu de plusieurs souches locales et exogènes, considéré comme favorable au développement de cette aptitude.

Le statut de chèvre grimpeuse est ici aussi une construction sociale que l’éleveur gère à plusieurs niveaux (El Aich et al., 2005). L’aptitude à la grimpe obéit à des critères de sélection lors du renouvellement du troupeau. Le premier critère est celui de l’ascendance : l’éleveur va sélectionner ses chèvres selon leur filiation au sein du troupeau. Il va dans un second temps, lors de l’accompagnement des chèvres sur parcours, réaliser un travail d’observation sur le comportement des individus. Enfin, on retrouve une diversité significative dans la population d’un troupeau et c’est dans le maintien de cette diversité que l’éleveur trouve un équilibre. D’autres critères peuvent aussi intervenir comme par exemple le format de l’animal ou encore la forme des sabots. Par ailleurs l’aptitude à la grimpe est associée à l’âge de l’animal et à son poids, ce sont généralement les animaux les plus jeunes qui pratiquent la grimpe alors que les plus vieux pratiquent plutôt la bipédie. Le pourcentage d’animaux grimpeurs dans un troupeau est ainsi variable et se situe entre 20 et 70%. L’éleveur veille dans cette répartition du troupeau à ce que des branches ne soient pas cassées lorsque les animaux sont trop lourds.

3.2.3. La reproduction : une lutte naturelle associée à la saisonnalité des mises-bas

L’âge moyen des chèvres se situe généralement entre 5 et 7 ans pour un poids moyen de 27 kg. L’âge de mise à la reproduction des chevrettes se situe entre 5 et 12 mois, on constate toutefois que ces paramètres sont parfois difficiles à gérer et que des gestations trop précoces non maîtrisées entraînent souvent des mortalités et des avortements. Les boucs ne sont pas séparés du troupeau et même si la fécondité est pilotée par des cycles naturels, il y a un étalement des périodes de reproduction. La saison de la lutte, entièrement naturelle, se déroule de juin à

décembre avec une forte concentration durant les mois d’été. Le cycle de reproduction est composé de deux pics de naissances dont l’un à l’automne qui est prédominant et le second au printemps. Des naissances ont toutefois lieu de manière étalée du fait notamment que les mâles ne sont pas séparés des femelles. Cet étalement des naissances ne représente pas véritablement une contrainte puisque les éleveurs bénéficient d’un marché étalé leur permettant d’avoir une continuité dans la trésorerie. Si généralement on retrouve une seule mise-bas annuelle il peut arriver que certaines chèvres aient un double chevrottage.

3.2.4. Le ratio renouvellement-boucherie : prioriser un troupeau jeune

Si la fertilité des troupeaux est bonne (90%) le niveau de mortalité est élevé chez les jeunes (environ 25%). Si l’on retient un troupeau d’environ 100 femelles mises à la reproduction auprès de 5 boucs, après déduction de la non prolificité, du taux d’avortement, de cas d’infertilité et de mortalité chez les jeunes nouveaux nés, 80 jeunes nouveaux nés assureront à la fois le renouvellement du troupeau et seront destinés à la boucherie. L’effectif de chevreaux destinés à la boucherie est faible, il représente 37 animaux mâles alors que 16 chevrettes sont conservées pour le renouvellement et 23 commercialisées auprès d’autres bergers (El Ali, 2012). Ces sont essentiellement les chevreaux mâles qui sont destinés à la boucherie.

Le faible effectif des animaux disponibles à la commercialisation s’explique par un taux de renouvellement important (figure 34). Sur la totalité des naissances, les éleveurs conservent généralement 40% de chevrettes. Les contraintes associées au parcours dans des milieux difficiles incitent les éleveurs à conserver des animaux assez jeunes. La taille annuelle du troupeau est ainsi variable tout au long de l’année et connaît une baisse progressive entre le printemps et l’été lorsque les chevreaux et adultes de réforme sont commercialisés, ce qui permet par ailleurs de limiter la charge pastorale en période de sécheresse.

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