• Aucun résultat trouvé

Techniques, organisations et marchés comme nœuds structurants

systèmes étudiés (redondance titre ?)

3.1. Techniques, organisations et marchés comme nœuds structurants

Afin d’expliciter la démarche scientifique retenue, je vais préciser les éléments méthodologiques relatifs à la construction de mes grilles d’entretien. Si les relations entre coproduits sont principalement gérées à l’échelle d’une exploitation, selon des interdépendances techniques, les pratiques d’élevage sont largement déterminées par l’encastrement social de ces activités. Ce travail sur les coproduits suppose ainsi d’opérer des changements d’échelle. Les échelles d’analyse incluent principalement trois grandes composantes que sont la technique en élevage au sein de l’exploitation (i), les modalités d’organisation des activités (ii) ainsi que la relation des produits vis-à-vis du marché (iii). On y retrouve différents types de catégories d’acteurs investis autour de chacune des productions et qui véhiculent un ensemble de normes, de référentiels qui agissent sur les relations entre coproduits (schéma 5).

Schéma 5: Échelles et objets d'analyse

La délimitation de ce système et des objets d’analyse en jeu vise à saisir chacune des filières, pour ensuite, au travers de l’analyse, reconstruire une représentation des complémentarités ou concurrences entre coproduits.

3.1.1. Approche par les cultures techniques

La mobilisation d’une analyse zootechnique a été essentielle dans le déroulement de cette recherche. Etudier les coproduits suppose d’envisager les interdépendances techniques qui peuvent se caractériser par des formes de complémentarités ou d’exclusions, exprimer des logiques associatives ou dissociatives. La démarche a ainsi consisté à situer le produit comme un output du système de production régi préalablement par des systèmes biologiques dans lesquels il convient de lire les relations entre coproduits.

Les coproduits sont issus de l’usage d’une ressource commune qui permet de délimiter plusieurs types d’activité. Ainsi, dans les élevages ovins et caprins laitiers, c’est la matière première laitière qui permet d’envisager conjointement la production de fromages et de viandes. Dans le cas de l’Arganeraie, c’est l’arganier qui donne lieu à une production d’une part oléicole au travers d’un usage de collecte, et d’autre part de viande de chevreau au travers d’un usage pastoral. Ces ressources partagées ont été resituées vis-à-vis des itinéraires techniques qui définissent les modalités de leur appropriation. C’est donc une étude des modalités d’usage du foncier, de l’organisation spatiale du pâturage, des pratiques de gestion des animaux sur

parcours, de la temporalité des usages de l’arganier ainsi que de la distribution du travail à l’échelle familiale qui a été privilégiée. En Corse et en Sardaigne, c’est autour du fonctionnement du troupeau, des différentes catégories d’animaux, de la périodicité des agnelages ou encore des races et de l’organisation saisonnée du pâturage que j’ai pu envisager les pratiques qui permettent d’agencer la relation entre lait et viande.

J’ai réalisé des enquêtes approfondies auprès de différents élevages afin de rendre compte de ces pratiques puis d’en identifier les points de convergence et de divergence dans les relations entre coproduits. À ce titre, l’échelle retenue a été principalement celle de l’exploitation. Les entretiens ont été réalisés auprès des éleveurs dans une triple perspective. D’une part, envisager ce qui, dans l’histoire de chaque bassin, a permis ou non de réguler les relations entre coproduits, et identifier les moments de rupture ou de continuité dans le fonctionnement des systèmes d’élevage. Il s’agissait d’autre part de comprendre l’état actuel des itinéraires techniques afin de les mettre en relation avec les modalités de valorisation de chacun des produits. Enfin, l’enjeu était de resituer ces pratiques au regard des dynamiques de relance des viandes pour mieux comprendre leur possible articulation au fonctionnement d’un régime dominant (laitier, oléicole). Conjointement ces enquêtes avaient aussi vocation à évaluer l’incidence de la requalification des productions de viande sur les élevages laitiers ou sur les trajectoires de spécialisation autour de l’huile d’argan.

3.1.2. Approche par les cultures organisationnelles

Cette démarche d’analyse a également permis d’inscrire les objets techniques dans des cultures sociales, et ainsi resituer chacun des coproduits à l’échelle d’une filière. Cette trajectoire scientifique suppose de ne pas limiter le périmètre de l’enquête à l’éleveur, son exploitation, mais à approcher ses pratiques sous l’effet d’influences qui tiennent aux modalités d’organisation des activités. Conformément à l’analyse des systèmes d’élevage, je me suis attardé sur les facteurs institutionnels, relationnels, qui agissent sur les modalités de prise de décision.

L’échantillonnage a ainsi permis d’intégrer l’ensemble des acteurs qui convergent vers une profession, un secteur d’activité associé à un produit. Les coproduits n’ayant pas d’existence propre, j’ai mobilisé une approche de type filière afin de resituer les modes d’existence de chacune des productions. J’ai pu alors différencier plusieurs modes d’organisation des activités, de type familial, sectoriel ou propre à la Corse avec le cas de l’ « homme-filière ». Il s’agissait d’envisager les déterminants sociaux des pratiques agricoles. J’ai ainsi pu distinguer un apporteur laitier d’un producteur fermier chez qui les niveaux de dépendance dans la

délimitation du fonctionnement des activités ne sont pas les mêmes. C’est aussi le cas de l’Arganeraie où l’agriculture familiale n’a pas le même sens que l’agriculture sectorielle qui se diffuse peu à peu et renouvelle les modalités d’appropriation des ressources. Cette démarche m’a conduit à questionner le maillage institutionnel de chaque bassin afin de rendre compte de l’identité des réseaux, considérant que ceux-ci agissent sur la nature des relations entre productions hétérogènes.

J’ai accordé de l’attention à l’identité de ces différents assemblages sociaux ainsi qu’aux normes véhiculées par chacun des opérateurs de valorisation du produit. C’est à ce titre que j’ai inclus par exemple les dispositifs d’IG comme révélateur de prescriptions qui peuvent agir sur le fonctionnement des cultures techniques ; mais aussi les calendriers d’approvisionnement des laiteries, les choix de sélection animale ou encore, le lien à l’alimentation, les pratiques de gestion de la reproduction diffusées au titre de l’appui technique. J’ai pu alors analyser les facteurs qui influencent les logiques s’appropriation d’une ressource distribuée entre des acteurs hétérogènes qui leur attribuent plusieurs types de fonctions. J’ai ainsi envisagé les conflits d’usage relatifs à l’appropriation de ressources communes ainsi que les facteurs de régulation qui permettent de gérer la cohabitation entre coproduits. La caractérisation de ces cultures organisationnelles visait aussi à mieux comprendre les verrouillages qui peuvent survenir lors des processus de relance.

3.1.3. Approche par les cultures marchandes

Un troisième niveau d’analyse visait à envisager les qualifications marchandes associées à chacun des coproduits. L’objectif était de considérer le marché comme vecteur de prescriptions qui participent à la caractérisation d’un produit et qui a une incidence sur le fonctionnement des cultures techniques. Ce travail a été principalement réalisé auprès des opérateurs qui agissent sur la construction sociale de la qualité d’un produit.

Cette étape de l’investigation m’a permis de caractériser l’identité des productions selon leurs inscriptions marchandes, leurs caractéristiques (poids, âge, typicité, etc.) en lien avec l’incidence qu’elles ont sur les pratiques d’élevage. Cette mise en lien des cultures techniques avec les modalités de qualification d’un produit est très présente dans les dynamiques de différenciation territoriale des productions. Ces dynamiques renforcent l’effet de polarisation des acteurs vers le produit comme figure essentielle de coordination autour notamment de la qualité agro-alimentaire. J’ai ainsi identifié ces modes d’appropriation des ressources à partir de l’étude des attributs et codifications associées à ces productions. La construction d’attributs diététiques, l’attachement aux productions de montagne, la stabilisation de l’usage cosmétique

d’un produit, le lien à la tradition sont autant de normes qui vont préciser les conditions d’élevage. Au-delà de cet aspect qualiticien, je me suis attardé aussi sur la saisonnalité marchande qui agit sur la périodicité des systèmes de production, notamment en Corse et en Sardaigne.

Cette analyse a principalement été conduite auprès d’opérateurs de qualification marchande tels que la grande distribution, les restaurateurs, la vente directe, les souks. J’ai intégré, dans cet échantillonnage, les intermédiaires marchands qui peuvent être des coopératives, les services vétérinaires associés au fonctionnement des abattoirs, le négoce spécialisé ou encore les organismes de défense et de gestion (ODG) des produits sous appellation. Cela m’a permis de stabiliser des traductions marchandes, en approchant la distribution de la qualité entre des divers opérateurs. Par ailleurs, il convient de différencier dans ce travail ce qui relève de la caractérisation des interdépendances et les résultats propres aux viandes, prises isolément. Au-delà du marché, j’ai pu envisager d’autres modalités de qualification territoriale des productions, pouvant être relatives au tourisme, à la diaspora, aux articulations urbain-rural ou encore à l’influence des démarches de type parc sur la relation entretenue au produit.

3.2. La construction de l’échantillonnage et les différentes catégories

Outline

Documents relatifs