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Le système agraire traditionnel, la mobilité saisonnière des troupeaux et des hommes

systèmes étudiés (redondance titre ?)

TITRE 1. ANALYSE DESCRIPTIVE DES TERRAINS TERRAINS

1.2. Le système agraire traditionnel, la mobilité saisonnière des troupeaux et des hommes

Je présenterai ici les traits essentiels de l’agriculture traditionnelle en Corse, marqué par la prédominance d’un système agropastoral, où l’élevage a occupé une place essentielle. Entrant en complémentarité avec d’autres activités agraires, la conduite des animaux est associée à des mobilités spatiales qui sont venues organiser le fonctionnement des communautés villageoises (i). Ces mobilités sont cadrées notamment par la variabilité saisonnière de la disponibilité des ressources qui implique de faire transiter les troupeaux d’un espace à un autre (ii). Ces mouvements d’hommes et d’animaux ne sont pas étrangers au fonctionnement de la cellule familiale dans sa relation au travail (iii).

1.2.1. Agro-pastoralisme: la place de l’espace dans le fonctionnement des communautés humaines

Si la plaine est aujourd’hui devenue un symbole de la cohabitation entre élevage et cultures, cela n’a pas toujours été le cas. Jusqu’il y a peu inhospitalière, avant qu’ait été entreprise une vague de démoustication associée à l’aménagement du littoral, les populations en Corse habitaient à l’intérieur de l’île et les cultures étagées se situaient à proximité des villages de moyenne montagne, généralement entre 300 et 800 mètres, tant que le relief géologique ne s’y montre trop hostile. Cette occupation spatiale de l’étage moyen par les cultures au XVIII et

XIXème siècle n’en fait qu’un espace temporaire d’hébergement des troupeaux qui ne transitent par les villages de moyenne montagne que bi-annuellement, lors de l’Ammuntagna et l’Impiaghja32. Contrairement à une idée largement répandue, la Corse n’est pas et n’a pas été que pastorale et la place de l’élevage y a été indissociable de l’agriculture, René Dumont qualifiant la Corse de « civilisation horto-pastorale » (Dumont, 1952). Ainsi au XVIIIème siècle, si l’élevage ovin et caprin est attesté dans plus de 87% des communautés rurales, seules 1 à 2% d’entre elles sont exclusivement pastorales (Pernet et Lenclud, 1977). Le couple élevage-céréaliculture y est omniprésent puis sera marqué par une diversification des cultures, potagères, arboricoles, textiles, horticoles, marquant peu à peu le début de la fin de l’ « impérialisme du berger ». La complémentarité entre ces deux types de productions ne permet pas de différencier le berger de l’agriculteur, qu’il convient plus de différencier selon un critère propriétaire terrien et usagers (Ravis-Giordani, 1975). Malgré ces différences, il n’est pas pour autant possible de hiérarchiser ces classes sociales, mais plutôt de qualifier une relation d’« attachement », les bergers s’incorporant autour d’une logique clientéliste dans une société marquée par la prédominance d’un système clanique (Lenclud, 1993). Spatialement différenciés, les usages s’agrègent autour d’une économie de subsistance, organisée matériellement à l’échelle de la communauté et de la famille.

1.2.2. L’élevage traditionnel associé à l’utilisation de l’étagement altitudinal

Le pastoralisme corse, à l’image d’autres pastoralismes méditerranéens, occupe une emprise spatiale importante. Longtemps, l’autonomie alimentaire des troupeaux y a valorisé des ressources spontanées non cultivées issues du sous-bois forestiers, des landes et parcours et du maquis. Les races locales ovines et caprines y représentent souvent la seule forme de valorisation économique des zones marginales autrement laissées à l’abandon (Boyazoglu et Flamant, 1990). Cette occupation spatiale est amplifiée par la nature géomorphologique de la Corse, marquée par de fortes amplitudes altitudinales et donc climatiques. C’est avant tout une corse montagnarde où souvent le relief montagneux plonge directement vers la mer, entrecoupée aussi par des espaces de coteaux et quelques plaines sur la frange orientale, en Balagne et vers Ajaccio. Les plaines, longtemps inhospitalières, sont demeurées des endroits de passage temporaire pour l’élevage et sans possibilité de sédentarisation. L’étagement est ainsi le fait essentiel de la géographie humaine de l’île : « Etagement du relief : Des plaines littorales qui s’incrustent au fond des golfes et s’élèvent par des pentes moyennes vers la barrière élevée des crêtes montagneuses. Etagement de la végétation : au maquis des parties

32 Transhumance ascendante, vers la montagne, au mois de mai, et descendante, au mois de septembre, vers les plages.

basses, fort dévastées, fait suite la zone du châtaignier, suivie elle-même, sur les hauteurs, par les forêts et les pelouses. Etagement des activités : les villages sont situés dans la zone moyenne, mais des établissements temporaires les prolongent sur les pâtures montagnardes et dans la zone basse des plages » (Le Lannou, 1946). Les variabilités climatiques fortes liées à l’enneigement en hiver, à la sécheresse en été conduisent à pratiquer des mouvements de troupeaux qui ont imprégné les techniques pastorales ainsi que l’organisation de la cellule familiale (carte 2).

Carte 2: Zones traditionnelles de transhumance (Delfosse, 1998)

1.2.3. Semi-nomadisme et division intra-familiale du travail

Un élevage semi-nomade a occupé ces différentes catégories spatiales en fonction des saisons et du calendrier de repousse de l’herbe, définissant une pratique de double transhumance (Pernet et Lenclud, 1978). Ce nomadisme s’articule au sein d’une division intra-familiale du travail. Ces mouvements sont à la fois ascendants et descendants. A partir de la fin septembre, la vie prend forme dans les zones basses, les bergers redescendent des estives accompagnés de leurs troupeaux pour rejoindre les pâturages de plaine, la piaghja, où ils sont alors parfois accompagnés de toute leur famille (figure 2). Les mouvements sont fondés sur un jumelage

entre commune-mère et commune-fille au sein d’un même pieve33 qui assure aux familles une continuité de leur habitat selon la saison (Caisson et al., 1977). Les activités principales sont ici la conduite des troupeaux, la fabrication et la vente des fromages. Elle se double d’un travail de labour et de semaille. De mai à septembre, au moment de l’Ammuntagna, les familles remontent vers les villages de montagne où l’on cultive le jardin et on récolte le seigle. Les troupeaux pâturent sur les terres et forêts communales aux alentours des villages puis sont conduits durant tout l’été par le berger jusqu’au mois de septembre vers les estives. Pendant ce temps une partie de la famille redescend vers les plaines pour la moisson avant de remonter en octobre vers les villages de montagne pour la récolte et le travail de la châtaigne (Ravis-Giorgani, 1988).

Figure 2: Bergers émigrants (Vuillier, 1893)

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