• Aucun résultat trouvé

Entre déclin de l’agriculture traditionnelle et sursaut industriel

systèmes étudiés (redondance titre ?)

TITRE 1. ANALYSE DESCRIPTIVE DES TERRAINS TERRAINS

1.3. Entre déclin de l’agriculture traditionnelle et sursaut industriel

Le destin français de la Corse a eu une incidence essentielle sur le fonctionnement de son agriculture. Je préciserai dans un premier l’évolution du contexte social et démographique de la Corse en m’attardant sur son implication en termes d’organisation des agricultures (i). Dans un deuxième temps je m’attacherai à montrer les effets de la désertification rurale sur la concentration littorale des populations (ii). Enfin, je montrerai comment les industries laitières du continent ont su tirer profit des efforts d’aménagement pour y renforcer le développement d’un élevage de plaine (iii).

33 Circonscription territoriale et religieuse dirigée par une église rurale avec un baptistère, constituant la plus ancienne délimitation administrative de la Corse.

1.3.1. L’exode rural et la désagrégation de l’agriculture de l’intérieur

Le désenclavement économique de la Corse va avoir des incidences significatives sur l’organisation des sociétés traditionnelles. La modernisation du transport va favoriser un exode privant l’intérieur de l’île de sa main d’œuvre habituelle, alors que le fonctionnement des communautés villageoises est largement associé à des complémentarités humaines. Très vite aussi, la concurrence des produits importés se fait ressentir et affaiblit progressivement le poids des cultures vivrières et fragilise l’économie des pieve. La première guerre mondiale apportera par la suite une véritable saignée à la Corse puisque 20% de la population masculine est mobilisée (Pernet et Lenclud, 1977). Le déclin démographique sera renforcé ensuite du fait de l’attachement de la Corse à l’économie nationale. Rapidement l’opportunité de pouvoir se détacher de la dépendance vis-à-vis de l’agriculture favorise de nouvelles vagues de migration associées au renouvellement des catégories socioprofessionnelles, le fonctionnariat notamment. L’affaiblissement de l’économie traditionnelle va accroitre la dépendance insulaire vis-à-vis de l’extérieur et favorisera par la suite une spécialisation pastorale. Le déclin des communautés et de leur organisation sociale sera parachevé enfin par le dépeuplement de l’intérieur au profit des zones côtières, avec la consolidation d’agglomérations comme Bastia et Ajaccio.

1.3.2. L’aménagement des plaines littorales

René Dumont, au début des années 50, considérait les plaines orientales comme les plus belles friches de France et encourageait les jeunes à s’y installer (Dumont, 1952). L’aménagement était toutefois inévitable afin d’assainir une plaine hostile, inhospitalière et qui n’accueillait seulement que les bergers transhumants en hiver, évitant les épidémies de malaria propices à la saison d’été. Après la démoustication des années 50, des efforts ont été entrepris par la SOMIVAC à partir des années 60 afin d’y développer une modernisation de l’agriculture associée à l’irrigation, sur une étendue disponible d’environ 90 000 hectares. La vocation de ces aménagements, où les terres étaient destinées à être allouées aux rapatriés d’Afrique du Nord, a concerné les secteurs de l’agrumiculture et de la viticulture ainsi que l’élevage avec le développement des prairies irriguées et cultures fourragères. Ces aménagements seront indissociables de l’implantation des industries laitières, pour qui le système pastoral traditionnel se révèle peu performant vis-à-vis du modèle véhiculé. « En corse le lait de brebis, disposant à Roquefort d’un débouché durable, apporte les profits les plus élevés. Des essais de croisement ont aussi montré que l’on pouvait envisager la production d’agneaux de boucherie, dont la vente est facile » (Renucci, 1964). Si ce choix ne sera pas poursuivi, on constate que la perpétuation de la production d’agneau de lait est interrogée. Cette lecture témoigne d’un destin

croisé entre le développement de l’élevage ovin et l’aménagement des plaines, ayant encouragé un changement profond associé à la sédentarisation des élevages, réorganisant profondément le fonctionnement de la société villageoise et la dimension pastorale des activités.

1.3.3. L’industrialisation de la production fromagère

L’implantation des laiteries de Roquefort au début des années 1900 va offrir un renouveau à l’élevage ovin. Ces changements sont souvent associés à juste titre à l’affaiblissement de la culture fromagère, tant il est vrai que l’uniformisation laitière associée à la production de tommes blanches destinées à l’affinage dans les caves de Roquefort, a opéré un détournement patrimonial sans précédent (Delfosse et Prost, 1998). Toutefois, compte tenu des menaces qui pesaient sur le pastoralisme traditionnel, associé au délitement des structures sociales de l’intérieur déjà bien avancé, l’arrivée de Roquefort a permis d’offrir un renouveau à l’élevage ovin même s’il a entrainé une transformation des genres de vie indigènes (Espinasse,1931). L’histoire de l’élevage corse est ainsi indissociable de celle du bassin aveyronnais. L’aire de collecte du lait devient dès les années 1900 trop restreinte pour satisfaire le besoin d’approvisionnement des différents opérateurs. L’élargissement progressif des besoins du marché du Roquefort va rendre nécessaire la collecte en dehors de son aire traditionnelle. Pyrénées-Atlantiques et Corse représenteront alors deux bassins extraterritoriaux où le patrimoine ovin régional sera associé au destin de Roquefort. Les premiers essais en Corse où des techniciens du bassin Roquefortais sont mobilisés témoigneront de l’intérêt que représente la production Corse. Malgré la faible productivité de la brebis de race corse, son lait fournit une richesse caséique importante ainsi qu’un taux de matière grasse significatif (Faucher, 1923). D’autre part la brebis Corse a un potentiel de production de septembre à mai, ce qui permet d’avoir un lait de contre-saison, en complémentarité avec l’offre des autres bassins. En 1904, ce sont ainsi déjà 16 laiteries récemment implantées qui collectent du lait et l’on en dénombre en 1920 158, réparties sur tout le bassin avec une forte implantation en Balagne et en Plaine orientale, qui constituent les principales régions de dépaissance, représentant alors 18 000 quintaux d’exportation (carte 3). En 1970, les industries prélevaient alors 90% de la production de lait de brebis (Renucci, 1970). Elles ont connu ensuite une importante concentration qui s’est accélérée après le départ de presque tous les industriels de Roquefort. Lorsque le fromage du rayon roquefortais révisera en 2001 l’appellation d’origine contrôlée dont il avait bénéficié en 1925, l’importation de lait exogène à son aire et de fromages pour l’affinage ne sera plus possible. Le resserrement anticipé des industriels vers leur bassin d’origine laissera la place à

une nouvelle génération de laiteries qui aujourd’hui se sont retournées vers la valorisation de fromages corses de différents types.

Carte 3 : Implantation des laiteries et aires de dépaissance (Delfosse et Prost, 1998)

L’essor de l’industrie laitière aura des effets significatifs sur la relation entretenue aux espèces ovines et caprines, les secondes en ayant été largement marginalisées dans un contexte où la chèvre se révélait être un animal difficilement associable au modèle véhiculé par Roquefort.

1.4. Différenciation sociale et spatiale des élevages ovins et caprins :

Outline

Documents relatifs