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agencements systémiques

Les différents terrains de cette recherche ont dû faire l’objet de rapprochements en vue de réaliser des investigations selon une trame générale et tirer profit des résultats afin de trouver des ordres communs d’explications. L’enjeu était notamment, à l’issue de l’analyse, de pouvoir offrir une généricité à cette problématique en considérant la diversité et la variabilité des terrains. Les relations entre coproduits ne sont jamais homogènes et peuvent témoigner de situations d’équilibres, de tensions, d’exclusions, au mieux de complémentarités. L’approche temporelle a ainsi été au cœur de l’analyse comparative puisque chaque terrain offre des situations d’agencements variées. Je préciserai ainsi l’enjeu d’une approche historique qui m’a permis d’identifier des tenseurs, des éléments communs distribués entre les différents terrains afin d’identifier des moments de couplage, de découplage et de recouplage (i). J’expliquerai ensuite les choix de comparaison que j’ai retenus et les fonctions auxquelles répondent ces choix dans l’analyse (ii).

2.1. Types et objectifs des comparaisons: qualifier l'intensité des formes

d'encastrement

La construction de ces comparaisons s’est faite selon l’identification de tenseurs, qui définissent des espaces communs de qualification des relations entre coproduits dans des contextes pluriels (i). Des variabilités interviennent dans ces agencements et pour cela je me référerai à la notion d’encastrement (ii)

2.1.1. L'identification de "tenseurs"25 : le social et la technique

25 L'usage de la notion de tenseur a été introduit lors du premier comité de pilotage de thèse en 2012. Elle consiste à identifier des variants et des invariants entre terrains permettant de traiter les comparaisons en repérant les facteurs de couplage ou de découplage entre coproduits.

Chacun des terrains étudiés nous offre des fragments d'histoire qui nous proposent différentes formes d'articulation des relations entre coproduits au cours du temps. Constat qui m’a permis d’envisager des relations de couplage, de découplage et de recouplage dans le fonctionnement des systèmes productifs. Chacun de ces états se caractérise par des modes d'organisation sociale des activités conjointement au fonctionnement des cultures techniques. J’ai en effet préalablement précisé que ces relations n'obéissaient pas à un ordre statique mais bel et bien évolutif. Les comparaisons visent à enrichir les singularités propres à chaque terrain et à renforcer la production de connaissances génériques par l'établissement de rapprochements entre terrains. Il est important de noter que la Corse joue un rôle de pivot et que le choix a été fait de situer cette région dans nos trois comparaisons. Il convient toutefois de faire jouer des rôles distincts à ce terrain dans chaque comparaison.

Dans cette perspective la première comparaison concerne les agneaux corses et sardes. Si l'on associe la situation corse au passage d’une relation de couplage vers une relation de découplage, parallèlement la situation sarde permet d'établir le passage de situations de découplage vers des situations de recouplage. La spécialisation laitière a ici fait ses marques, et aujourd'hui les agneaux de lait ré-émergent au sein des actions locales, ouvrant une perspective à la situation corse.

Dans la deuxième comparaison, l’on retrouve des formes de proximité entre les élevages caprins en Corse et dans l'Arganeraie. Dans ces situations, l’on assiste au passage d'une agriculture familiale et associée à l'homme filière, vers une agriculture sectorielle. S'opère dans ces conditions, une réorganisation des relations entre coproduits compte tenu du renouvellement des échelles d'action. J’envisagerai leur incidence sur le fonctionnement des systèmes productifs, les conditions de passage et de résistance qui peuvent être associés à ces changements.

Enfin, la troisième comparaison est intra-corse entre les élevages ovins et caprins. Elle témoigne d'un niveau important de différences quant aux agencements des relations entre coproduits. Alors que, dans le premier cas, associé à un modèle sectoriel, c'est une relation de découplage qui prévaut, dans le second cas, lié à l'homme-filière, il semble que se maintienne un couplage entre coproduits.

Si ces trois types de configurations sont intéressantes en tant que telles, l’enjeu est surtout d’envisager les moments de passage, de transition, et pour cela, un opérateur de changement d’échelle est essentiel. Je me réfèrerai à la notion d’encastrement.

2.1.2. Dépendance et autonomie: des concepts clés pour comprendre l'encastrement des activités

Afin de traiter les apports des comparaisons, je proposerai de mobiliser deux types d'ancrages théoriques complémentaires. La première perspective est d'interroger les changements d'échelles associés à l'organisation des activités. Je ferai référence aux apports de la sociologie économique, et en particulier aux travaux ayant popularisés la notion d'embeddedness. Si celle-ci est ancrée dans la théorie économique, se référant à l'encastrement socelle-cial des marchés, elle a trouvé une extension de ses champs d'application. En 1992, Harrison White en explicitait des contours génériques dont Grossetti et Bès nous offrent une lecture:« Le découplage, réciproque de l'encastrement, est un processus d'abstraction des interactions dans des institutions et dans des modes de régulation » (Grossetti et Bès, 2001, p. 18). Dans ces travaux, sont distinguées des phases où chacun des coproduits est associé à des sphères d'action différenciées (encastrement vertical), ce qui peut être interprété comme un processus d'abstraction de leurs interactions et des régulations qui permettent pourtant d'envisager leurs complémentarités (encastrement horizontal). L'encastrement se définit comme « l'immersion ou la dissolution partielle d'un cadre d'interaction dans un autre cadre, le découplage désignant à l'inverse l'autonomisation d'un cadre d'interaction par rapport à d'autres » (Grossetti et Bès, 2001, p. 3). Les coproduits peuvent selon leurs échelles de délimitation être situés dans des situations de dépendances réciproques, puis d'autonomisation, dissociant alors leurs relations au sein de cadres d'actions différenciés.

J’envisagerai conjointement à la mobilisation de ce cadre théorique les apports du courant des transitions sociotechniques (Geels et Schot, 2007). La théorie de l'encastrement est relativement neutre vis-à-vis des questions de domination, d'exclusion. Les relations entre coproduits étant matérialisées par des concurrences, il convient de pouvoir établir les principes qui pilotent la concrétisation de hiérarchisations dans les relations entre coproduis. La théorie des transitions vise à comprendre les processus qui fragilisent l'adoption d'innovations dans des contextes marqués par l'existence d'un régime dominant, ainsi que les modalités de dépassement de ces verrouillages (Baret et al., 2013). Il est possible de reproduire cette logique sur nos terrain où bien souvent un produit dominant est venu situer son coproduit en situation de dépendance. Mais ce coproduit s’engage aujourd’hui dans la voie de son autonomisation alors contrainte par des verrouillages sociotechniques. Cette approche permet de réhabiliter la place du conflit dans la construction des interactions entre coproduits tout autant que les régulations qui peuvent y être associées.

2.2. Les choix de comparaisons: temporalités et échelles de gestion des

coproduits

Trois comparaisons ont été réalisées, chacune d'entre elles faisant intervenir la Corse comme espace de référence, occupant un rôle pivot vis-à-vis des deux autres régions. Si c'est une différence par espèce qui semble privilégiée, cet objet n'est pas en tant que tel au cœur même des comparaisons, principalement tournées vers le fonctionnement des cultures techniques en lien avec l'organisation des activités.

- Ovin -Ovin (Corse-Sardaigne)

Les élevages ovins corses et sardes ont entrepris des trajectoires de développement semblables associées à l'industrialisation de la production laitière. L'enjeu de cette comparaison visera à comprendre quelles sont les modalités de cohabitation entre coproduits, où chacun d'entre eux est inscrit dans un secteur différencié. Il s'agit notamment de comprendre quelle a été l'incidence de cette différenciation sur la place qui a été donnée aux agneaux, et d'envisager comment dans un contexte de relance, les intentions nouvelles associées à la qualification de ces viandes réinterrogent leur interdépendances. Je proposerai notamment de caractériser les différentes innovations associées aux coproduits pour voir dans quelle mesure celles-ci se révèlent ou non antagoniques vis-à-vis de l'organisation laitière.

- Caprin-Caprin (Corse-Arganeraie)

Les élevages caprins en Corse et dans l'Arganeraie sont sensiblement différents mais trouvent des caractéristiques communes du point de vue des échelles de consolidation des interactions entre coproduits. Je confronterai le modèle de l' « homme-filière » à celui de l'agriculture familiale, c'est à dire des activités qui ne sont se sont pas engagées vers la voie de la sectorisation. Toutefois ce mouvement n’a été que récemment engagé si l'on envisage la certification des productions comme facteur de délimitation d'une agriculture sectorielle. J’interrogerai alors l'incidence qu'elle a sur l'organisation sociale des activités, les agencements qu’elles supposent ainsi que les formes de conflits, de résistance et d'adaptation auxquelles elles peuvent donner lieu.

- Ovin-caprin (Corse)

Je caractériserai enfin les trajectoires de différenciation qu'ont entrepris les élevages ovins et caprins en Corse à partir des années 1900. Alors que l'on a assisté à l'industrialisation de la production ovine sous l'effet de l'implantation des laiteries de Roquefort, les chevriers sont restés à l'écart de ce modèle où prévaut encore aujourd'hui une activité fermière. On voit ici

s'opérer une différence quant aux modalités d'organisation des activités dont je tenterai d'envisager l'incidence sur les relations entre coproduits. Cette comparaison permet de confronter l'existence d'un modèle sectoriel à celui de l' « homme-filière », où les échelles d’action, d'ajustement des relations au sein de systèmes productifs montrent des natures distinctes.

3. Les objets d’analyse et les échelles de représentation des

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