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Rémunération du produit et répartition de la valeur ajoutée

économie et patrimoine

3.3. Rémunération du produit et répartition de la valeur ajoutée

L’ampleur du bassin de production, conjointement à la stratégie d’agrégation de l’offre précisée plus haut, converge vers une banalisation du produit. L’agneau de lait sarde est ainsi d’un point de vue marchand, non inscrit dans une logique de différentiation de la qualité. Je soulignerai

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dans un premier temps une situation de dévalorisation tarifaire qui en fait un agneau « low-cost » tout en soulignant l’ambigüité de ce statut compte tenu des efforts de différenciation menés autour de ce produit (i). Je resituerai ensuite les modalités par lesquelles s’est construite cette dévalorisation en précisant le régime d’organisation des acteurs, leur rapports de force, et les politiques aujourd’hui menées afin de renforcer le pouvoir de l’amont de la filière de manière à mieux réguler les prix (ii).

3.3.1. Un agneau « low-cost » dévalorisé

La Sardaigne, à la différence des autres bassins de production méditerranéens, jouit de l’avantage d’avoir des agneaux dont les naissances sont saisonnées vis-à-vis de l’enjeu de commercialisation à Noël et à Pâques.

« C’est une chance pour le commerce des agneaux que d’avoir des naissances compatibles avec les périodes de fêtes, c’est le seul marché rémunérateur » (Abattoir, Macomer) ».

Le prix des agneaux est très fluctuant et seul le marché des fêtes permet une bonne rémunération. On constate un différentiel de prix significatif puisque les agneaux durant les fêtes sont généralement payés 5 euros/net alors qu’en janvier le prix tombe à 2 euros. Même durant la pleine saison, il arrive souvent que les prix soient abaissés compte tenu de la taille de la production lorsque certains cherchent à écouler les stocks. Certains opérateurs utilisent l’agneau comme un produit d’appel et n’hésitent pas à brader les prix en vendant un agneau « low-cost » (Nuova Sardegna, 2012) (figure 22). Le prix de vente des peaux peut agir de manière significative sur les prix des agneaux et, à ce titre, la filière a vocation à se structurer vers ce marché afin de valoriser l’ensemble des produits dérivés.

Figure 22 : Agneau "low-cost" (Nuova Sardegna, 2012)

Les distributeurs utilisent souvent l'agneau de lait comme un produit d'appel. Par ailleurs la grande disponibilité des

produits sur des périodes courtes fait diminuer les prix, ici vendu à 7,90 euro/kg.

Le prix moyen des agneaux auprès des détaillants oscille entre 10 et 12 euros le kilo mais certains détaillants spécialisés, notamment dans les grandes villes où l’on retrouve un fort pouvoir d’achat, parviennent à vendre l’agneau jusqu'à 25 euros/kilo. Si les agneaux représentent encore une part moindre du revenu des bergers vis-à-vis de la valorisation laitière, ils représentent tout de même environ 20 à 30 % de leurs revenus et jouent un rôle important en termes de trésorerie, la vente d’agneaux étant associée à une forme de capital. On retrouve en Sardaigne une optimisation du rendement viande puisque certains plats typiques comme les « pieddi », la « cordula » permettent de valoriser toutes les pièces l’agneau (figure 23).

« En Sardaigne on mange tout, rien ne se perd sur un agneau, c’est comme le cochon. Regardez les livres de cuisine, vous verrez la diversité qu’il peut y avoir dans les plats » (Boucherie, Alghero, 2012).

La cordula, issue de l’intestin des agneaux, est récupérée dans les abattoirs, qui bénéficient de lignes de traitement spécifique dédiées à la valorisation des abats. Elle est souvent destinée aux bouchers qui élaborent des tresses ensuite utilisées pour des préparations spécifiques de la cuisine sarde, accompagnés de petits pois en ragout ou cuits au feu de bois.

Figure 23 : Cordula tressée (Lacombe, Boucherie, Alghero)

La Cordula est un plat traditionnel élaboré à partir des intestins d’agneaux tressés. Elle permet de valoriser le cinquième quartier et se prépare avec des petits pois et

oignons, ou en Coratella, enroulé autour d’une brochette d’abats.

3.3.2. L’organisation de la filière, un remède pour éviter la guerre des prix

Le prix des agneaux est actuellement assez bas et résulte d’une guerre des prix qui se situe dans la relation entre abatteurs et distributeurs. Elle se fait souvent au détriment de l’éleveur qui n’a que peu de marge de manœuvre. Il convient de souligner que la production est peu organisée, ne permettant pas de conférer aux éleveurs un véritable pouvoir de négociation des prix. Dans le régime de l’IGP, le CONTAS encourage à ce titre les éleveurs à se regrouper dans des coopératives afin de mieux peser dans les relations commerciales. Cet encouragement passe notamment par l’abaissement du coût d’adhésion lorsque les producteurs sont regroupés en association. Le regroupement de l’offre est censé permettre une optimisation de la gestion des lots, agrégée entre plusieurs éleveurs, et permettant d’assurer un meilleur regard sur les débouchés qui, pour l’instant, sont peu contrôlés. Dans la mesure où les éleveurs attendent de l’IG un accroissement de la valeur ajoutée du produit, l’accroissement du nombre d’adhérents résultera d’un meilleur contrôle des prix et le bénéfice qu’en retirera l’éleveur. Pour l’instant l’agneau IGP ne permet que dans une faible mesure de garantir un prix raisonnable, ce à quoi s’ajoutent les coûts liés à l’adhésion ou encore l’existence d’une logique administrative associée au contrôle perçue comme contraignante. Les institutions représentatives de l’IG regrettent la faible implication des éleveurs dans la vie associative, envisageant la structure comme un simple prestataire de services. Des initiatives commencent à émerger et semblent témoigner de résultats positifs. Dans la province de Sulpis un projet intitulé « Patti di Filiera », vise à satisfaire un besoin d’intégration de la filière à l’échelle locale notamment par le biais de la contractualisation de l’offre auprès de différents détaillants et garantissant un débouché de proximité.

Les agneaux de lait sont tiraillés par un statut ambigu. Ils sont à la fois délaissés des professions laitières, principalement centrés vers la valorisation fromagère, approprié par un secteur des viandes qui ne leur fournit que peu d’attention en termes de qualité, et vecteurs d’appropriations sociétales du fait des attachements culturels qu’il véhicule. Leur statut de patrimoine est ainsi incertain puisqu’ils sont à la fois marginalisés de cultures économiques et professionnelles et, malgré ce, font l’objet d’attachements sociaux et identitaires. Cette ambigüité peut être associée à la question de la saisonnalité, puisque si l’on se situe du point de vue de la production, elle est déterminée par une logique laitière qui définit une concentration des naissances. Du point de vue de la consommation cette saisonnalité agit aussi sur la périodicité de la mise en marché, favorisant son ancrage vers les traditions culturelles. Tiraillé ainsi entre une logique de concentration saisonnière de la production et une faible différentiation sociale du produit, celui-ci parvient difficelui-cilement à s’inscrire dans une logique de segmentation marchande. Cette logique est ainsi défavorable à une bonne rémunération du produit et à ce titre l’organisation de la filière représente une clé pour permettre la valorisation des agneaux, adossée au SIQO, de manière à mieux différencier les marchés selon une logique de qualité.

4. La marchandisation des agneaux : entre agrégation d’une

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