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Design global de la recherche et méthodologie qualitative

2. M ÉTHODOLOGIE QUALITATIVE

2.3. Validité et fiabilité d’une recherche qualitative

Cette dernière section a pour objet la scientificité des méthodes qualitatives. Ces méthodes posent des questions spécifiques, eu égard à la subjectivité du chercheur, l’interaction au terrain et la non-représentativité des situations (Wacheux, 1996). Si ces critiques sont largement acceptées, il existe cependant certaines techniques pour augmenter la validité et la fiabilité des recherches qualitatives.

2.3.1. La validité

Examiner la validité d’une recherche consiste d’une part à s’assurer de la pertinence et de la rigueur des résultats et d’autre part, à évaluer leur niveau de généralisation (Thiétart et al, 1999). Si les méthodes qualitatives soulèvent un certain nombre de questions quant à leur validité, plusieurs techniques permettent une évaluation de celle-ci à différents niveaux : la validité du construit, la validité de l’instrument de mesure, la validité interne, la validité externe.

Validité du construit

Évaluer la validité du construit consiste à évaluer si les variables utilisées pour opérationnaliser les concepts étudiés sont les bonnes et dans quelle mesure la méthodologie employée permet de répondre à la problématique de recherche (Thiétart et al, 1999). Dans notre cas, il s’agit de savoir si le construit de la recherche, la porosité des temps, est opérationnalisé par les bons indicateurs et si les outils de recueil et d’analyse des données permettent de répondre aux questions de recherche.

Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur un cadre conceptuel issu de la littérature : l’environnement de travail des cadres, leur rapport au travail et les interactions entre travail et hors travail. Par ailleurs, nous avons identifiés une série de situations « types » de la porosité des temps à partir de la littérature et d’observations précédentes (Genin 2002 et 2004). Enfin, nous avons fait validé le construit par des chercheurs confirmés (directeur de thèse).

Validité de l’instrument de mesure

La validité de l’instrument de mesure s’intéresse au degré auquel l’outil utilisé, dans notre cas le guide d’entretien, mesure effectivement ce qu’il est supposé mesurer et non pas un autre phénomène. Thiétart et al (1999, p. 265) reprennent la définition de la mesure de

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180 Carmines et Zeller (1990) : « En sciences sociales, la notion de mesure peut se définir comme

le processus qui permet de mettre en relation des concepts abstraits et des indicateurs empiriques ». Pour être valide, un instrument de mesure doit d’une part mesurer ce qu’il est

sensé mesurer et d’autre part donner une bonne mesure de l’objet étudié (Thiétart et al. 1999). Dans notre cas, le guide d’entretien a été amélioré par rapport à une étude précédente (Genin, 2002) et soumis à la validation d’un chercheur confirmé. On peut donc supposer que le degré de validité de l’instrument de mesure est satisfaisant. Toutefois Mucchielli (1988) rappelle l’existence de biais affectifs et idéologiques. Dans beaucoup de circonstances, la personnalité du chercheur intervient dans sa façon même de poser les questions ou dans leur formulation.

Validité interne de la phase qualitative

La validité interne mesure la pertinence et la cohérence des résultats obtenus : « Ce test

cherche à évaluer la véracité des liens établis par le chercheur dans son analyse » (Thiétart et

al. 1999, p.273). Wacheux (1996) souligne qu’il n’existe pas de règle de décision pour les techniques qualitatives, d’algorithme ou même d’heuristique reconnus permettant d’indiquer si les conclusions de la recherche sont valides. La première précaution devant être prise pour augmenter la validité interne d’une recherche qualitative consiste en la prise en considération, par le chercheur des biais pouvant intervenir dans le processus de recueil des données (Thiétart et al., 1999) :

ƒ Le répondant peut ne pas souhaiter répondre. Les motifs peuvent être divers, conscients ou non.

ƒ Le répondant agit en fonction de la désirabilité sociale. La réalité est déformée en fonction de ce que le répondant estime être socialement valorisé. Par exemple, il est possible que certains cadres surévaluent ou sous-évaluent la durée de leur travail, en fonction de ce qu’ils considèrent être normal ou acceptable.

ƒ Les questions, l’attitude ou la personnalité du chercheur influencent le répondant. Ce biais peut être atténué par la prise en considération par le chercheur de ses propres pensées et sentiments à l’égard de son interlocuteur.

ƒ Malgré ses efforts, le chercheur ne communique pas de façon neutre. En prêtant une grande attention à ce qu’il dit, il peut formuler ses interrogations en des termes neutres. Il n’est va pas de même pour la communication para verbale et non verbale. Il est évident

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181 que les interlocuteurs laissent paraître certaines émotions. Mais finalement, même l’approche d’une «neutralité quasi parfaite » influence le répondant. Celle-ci générant une communication très codifiée voire froide, peut induire chez le répondant des réticences à se livrer.

ƒ Un cadre ne se souvient pas précisément de son emploi du temps de la journée, encore moins de la semaine ou du mois. La mémoire est sélective voire «ré interprétative », un phénomène, un comportement peut être amplifié ou déformé.

ƒ Le répondant est susceptible de faire une rationalisation a posteriori, d’éviter les dissonances cognitives. Certains actes sont commis alors que leur sens échappe à leur auteur. Ce n’est qu’a posteriori que ce dernier rationalise ses actes. Il se peut alors qu’au lieu d’essayer de comprendre ce qui l’a motivé, il cherche à se justifier voire à se convaincre lui-même du bien fondé de ses actes. Ce comportement est protecteur pour l’individu puisqu’il lui évite de penser que ses actes puissent être dépourvus de bon sens. ƒ Des réponses spontanées ne sont pas toujours des plus pertinentes ni des plus complètes. ƒ Le chercheur n’est pas asexué, asocial et sans âge. Le répondant non plus. Aussi, ces

paramètres jouent sur l’un comme sur l’autre.

Ne pouvant éviter de façon certaine ces biais, nous avons tenté d’en avoir conscience tout au long des entretiens et des analyses afin de les gérer au mieux.

Par ailleurs, au terme des 31 entretiens, nous ne pouvons prétendre être arrivé à une saturation du terrain. L’information apportée par les nouveaux répondants était parfois redondante ou marginale par rapport aux données déjà recueillies, mais nous restons conscient que des entretiens supplémentaires pourraient faire émerger des variables explicatives supplémentaires. Cependant, dans le cadre d’une phase qualitative préparatoire à une enquête par questionnaire un nombre réduit d’entretiens peut être suffisant (Evrard et al. 2000). Selon Ghiglione et Matalon (1988) : « Si l’on attend des entretiens libres un recensement des

thèmes, une typologie et des indications sur le vocabulaire utilisé en vue de la conception d’une enquête systématique par questionnaire, vingt entretiens suffiront en général largement, les suivants ne faisant que confirmer ce qu’aura apporté l’analyse des premiers. »

Enfin, la mise en perspectives des résultats qualitatifs avec les résultats quantitatifs permet une triangulation susceptible d’améliorer la validité interne globale de la recherche.

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182 Validité externe de la recherche

Mesurer la validité externe d’une recherche, c’est répondre à la question suivante : est-il possible d’étendre les résultats obtenus sur un échantillon à une population plus large. La validité externe s’intéresse aux possibilités et aux conditions de la généralisation des résultats obtenus (Thiétart et al. 1999). Dans le cas d’une recherche qualitative, la validité externe est souvent limitée du fait de la contingence des situations étudiées. La phase de qualitative n’a pas pour objectif la généralisation des résultats. En outre, cette recherche revendique son caractère exploratoire, ainsi nous avons conscience que sa validité externe est faible.

2.3.2. La fiabilité

La fiabilité de la recherche est le critère de scientificité qui s’intéresse à sa reproductibilité. Examiner la fiabilité d’une recherche c’est se poser la question suivante : les opérations de la recherche pourraient-elles être répétées par un autre chercheur à un autre moment avec les mêmes résultats ? Tout comme la validité, la fiabilité s’évalue à différents niveaux : la fiabilité de l’instrument de mesure et la fiabilité des résultats (Thiétart et al. 1999).

Fiabilité de l’instrument de mesure

Mesurer la fiabilité de l’outil (le guide d’entretien) c’est chercher à savoir si plusieurs mesures effectuées avec le même outil donneraient les mêmes résultats : « Pour être fiable, un

instrument de mesure doit permettre à des observateurs différents de faire des mesures concordantes d’un même sujet avec le même instrument » (Thiétart et al. 1999, p. 266). En

recherche qualitative, la fiabilité s’estime à partir de la comparaison des mesures obtenues par plusieurs enquêteurs ou de la comparaison des codages du même corpus de données effectués par différents chercheurs. On peut donc se demander si la catégorisation serait la même entre deux chercheurs. La catégorisation thématique utilisée pour l’analyse des entretiens a été soumise et validée par un chercheur confirmé.

Fiabilité des résultats

L’évaluation de la fiabilité des résultats correspond au critère de reproductibilité de la recherche : la même recherche menée par différents chercheur ou à un autre moment donnera- t-elle les mêmes résultats ? (Thétart et al. 1999). Un tel objectif semble illusoire dans le cas d’une recherche qualitative, d’autant plus que celle-ci est ancrée dans un contexte donné

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183 (Wacheux, 1996). Selon Thiétart et al. (1999) la fiabilité d’une recherche qualitative repose principalement sur l’honnêteté du chercheur dans son processus de travail. Il peut utiliser certains repères tels la description précise du recueil et de l’analyse des données, la retranscription rapide des entretiens pour éviter les oublis ou déformations… Dans l’analyse, nous avons tenté de tenir compte au maximum ces biais possibles.

Les chapitres suivants sont consacrés à la présentation des résultats de la phase qualitative de la recherche, qui ont permis de construire les outils employés dans la phase quantitative.

Chapitre VI. Design global de la recherche et méthodologie qualitative

184 Synthèse du chapitre

En reprenant le schéma proposé par Evrard et ali. (2000), les objectifs de la présente recherche se déclinent de la manière suivante :

Figure 13 : Objectifs de recherche (adapté de Evrard et al, 2000, p.29)

La recherche s’articule donc autour de deux axes. La phase exploratoire utilise une méthodologie qualitative (entretiens semi directifs). La phase de test est davantage hypothético- déductive et se fonde sur une méthodologie quantitative. D’où une recherche hybride, faisant appel à des méthodologies complémentaires (Wacheux, 1996). La cohérence de la recherche est sous-tendue par un positionnement épistémologique unique : le paradigme interprétativiste. Le tableau qui suit résume l’articulation des éléments de la recherche :

Démarche Qualitative Quantitative

Objectif principal Comprendre la porosité des temps par l’interprétation de son contexte

Expliquer la porosité des temps par le test des relations avec les variables proposées

Collecte des données Entretiens exploratoires Enquête par questionnaire Analyse des données Analyse de contenu : recherche du

sens

Analyse statistique : recherche de fréquences et de corrélations Figure 14 : Articulation des éléments de la recherche

Explorer

Revue de littérature Analyse de documents Entretiens semi directifs

Décrire Les différents types de porosité des temps

Analyse des entretiens Questionnaire :

Analyse en composante principale

Analyse factorielle

Expliquer la porosité des temps

Questionnaire : Analyse de régression

CHAPITRE VII. Description des types de porosité des temps et des contextes d’entreprise

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Chapitre VII :

Description des contextes d’entreprises et des types de porosité

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