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Design global de la recherche et méthodologie qualitative

1. É PISTÉMOLOGIE ET PLAN DE RECHERCHE

1.1. Positionnement épistémologique

L’épistémologie concorde avec une explication de la démarche générale de recherche et avec les conditions de production scientifique. Adopter une épistémologie, c’est adopter des guides pour l’élaboration de la recherche (Wacheux, 1996). Perret et Séville (2003) ajoutent que tout travail sérieux de recherche repose sur une certaine vision du monde et que l’explication des présupposés du chercheur permet de contrôler sa démarche de recherche et d’accroître la validité de la connaissance. Selon ces auteurs, il existe plusieurs paradigmes en sciences de gestion et donc plusieurs épistémologies. Ils en distinguent trois : le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme.

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1.1.1. Paradigmes épistémologiques

Le projet du positivisme est d’expliquer le réel, pour cela, il se fonde sur deux postulats (Thiétart et al. 1999) :

o Les phénomènes sociaux peuvent être considérés comme des choses ; o Il est possible de dégager des lois, des régularités pour expliquer le monde. Dans une démarche positiviste, le chercheur et l’objet de recherche sont indépendants. La valeur de la connaissance produite repose sur des critères de vérifiabilité, de confirmabilité et de réfutabilité (Thiétart et al. 1999). Les recherches sont reproductibles, généralisables et cumulatives.

Le paradigme interprétativiste vise à connaître les pratiques et prend en compte les motivations, les attentes, les raisons des acteurs. L’interprétativisme s’oppose au positivisme car son projet est avant tout de comprendre. Les hypothèses ne sont pas ontologiques mais phénoménologiques. L’essence de l’objet ne peut être atteinte et il existe une dépendance entre le chercheur et son objet. La connaissance est engrangée par la recherche et l’interprétation des motivations des acteurs (Thiétart et al. 1999). Les critères de validité tiennent à l’empathie, révélatrice de l’expérience vécue par les acteurs, et la cohérence de l’interprétation au regard du contexte. Ainsi, à la différence du positivisme, le projet de généralisation des résultats est abandonné : « Les phénomènes étudiés n’étant pas constants,

on préfère penser, plutôt qu’en termes de validité externe des résultats, en termes de « transférabilité », c'est-à-dire considérer la pertinence de leur application pour interpréter des situations comparables dans des milieux différents » (Jodelet, 2003).

Le constructivisme constitue le troisième principal paradigme en sciences de gestion. Bien qu’il existe plusieurs écoles constructivistes, l’une de leurs caractéristiques communes est d’appréhender la réalité comme une construction des acteurs : « Le chercheur produit des

explications qui ne sont pas la réalité mais un construit sur une réalité susceptible de l’expliquer » (Wacheux, 1996). L’épistémologie constructiviste, au contraire du positivisme,

abandonne la croyance en un accès possible au réel, pour le constructivisme radical, le réel n’existe pas. Le chercheur accepte de travailler avec des représentations. Ce postulat de base implique que les éléments sont liés entre eux, les phénomènes ne peuvent donc être étudiés que comme des totalités, irréductibles à des causalités simples (Wacheux, 1996). A la différence de l’interprétativisme, le constructivisme donne un statut privilégié à la construction, la validité de la recherche s’appuie sur la force explicative de la construction.

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1.1.2. Le choix d’un paradigme interprétativiste

Le cadre théorique retenu pour l’étude de la porosité des temps chez les cadres se propose d’aborder le phénomène à travers les multiples temporalités dans lesquelles évoluent les individus, leurs pratiques et les structures temporelles qui les entourent. Pour ce faire, nous cherchons à comprendre les motivations des cadres face au phénomène de la porosité des temps, leur vécu et le sens qu’ils donnent à leurs actions. Un positionnement épistémologique interprétativiste semble donc approprié à cet objectif.

Cette recherche vise à comprendre les pratiques et les structures temporelles qui rythment le travail et les autres temps de la vie, à partir des représentations que s’est font les individus. Le phénomène de la porosité des temps sera étudié au travers des pratiques, des motivations et vécus des cadres.

Nous adhérerons donc aux postulats de l’interprétativisme. En premier lieu, le réel existe, nous nous éloignons sur ce point du constructivisme radical, mais son essence même ne peut être atteinte. Le processus de création de la connaissance passe par la compréhension du sens que les individus donnent à la réalité (Thiétart et al. 1999). En second lieu, l’interprétativisme postule que l’objet de recherche n’est pas indépendant de celui qui l’étudie.

Dans une démarche interprétativiste, les critères de validité sont d’une part le caractère idiographique des recherches et d’autre part les capacités d’empathie que développe le chercheur (Thiétart et al. 1999). Le caractère idiographique de la recherche suppose que les phénomènes soient étudiés en situation. Le contexte (historique, temporel, etc.) est alors partie prenante de la compréhension du phénomène. Thiétart et al. (1999) ajoutent que la valeur de la recherche sera aussi mesurée au regard de sa dimension empathique, sa capacité à mettre à jour les faits et les interprétations qu’en font les acteurs.

Selon Denzin (1984), ces critères de validité doivent être lus au regard des questions suivantes :

Est-ce que l’interprétation du chercheur est révélatrice de l’expérience vécue ? Est-elle enracinée historiquement et temporellement ?

L’interprétation proposée par le chercheur est-elle cohérente ?

L’interprétation produit-elle une compréhension de la réalité sociale étudiée ?

Nous tenterons de répondre à ces critères en portant une attention particulière aux vécus de la porosité des temps, aux pratiques, aux représentations des individus et aux raisons pour

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163 lesquelles ils produisent ou subissent de la porosité des temps. L’interprétation se basera sur l’étude du contexte professionnel et personnel, contextes définis, entre autres, par des structures temporelles.

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