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Les interactions entre travail et hors travail

3. L ES DÉTERMINANTS DES INTERACTIONS ENTRE TRAVAIL ET HORS TRAVAIL

3.1. Les déterminants du conflit emploi / famille

3.1.5. La perspective du genre

Bien que de nombreuses études montrent que les hommes et les femmes vivent le conflit emploi / famille de façon différente, (Carlson, Kacmar, Williams, 2000 ; Hammer, Allen et Grigsby, 1997), peu d’études ont placé le genre au centre de l’analyse du conflit emploi / famille. Gutek, Searle et Klepa (1991) proposent une perspective différente en comparant d’une part, un modèle explicatif du conflit emploi / famille fondé sur une vision « rationnelle » ou neutre, et d’autre part, un modèle explicatif axé sur le genre.

Selon Gutek, Searle et Klepa (1991), dans une vision « rationnelle » ou neutre du conflit emploi / famille, les charges horaires représentées par le travail et par la famille sont les sources essentielles de ce conflit. Pour ces auteurs, la faiblesse de cette analyse tient à l’absence de prise en considération des différences de genre dans la problématique. A l’inverse, une perspective axée sur le genre prend comme point de départ la perception fondamentalement différente des hommes et des femmes de leur rôle au travail et de leur rôle dans la famille.

CHAPITRE II. Les interactions entre travail et hors travail

71 Dans une perspective rationnelle, plus un individu (homme ou femme) consacre de temps à son travail, plus le conflit emploi / famille sera intense. Réciproquement, plus il consacrera de temps à sa famille, plus il souffrira du conflit famille / emploi. Dans la mesure où les hommes passent en moyenne plus d’heures au travail que les femmes, ils devraient ressentir plus fortement le conflit emploi / famille. De la même façon, les femmes, consacrant plus de temps que les hommes à leur famille, devraient être davantage en proie au conflit famille / emploi. Or les résultats de Gutek, Searle et Klepa (1991) tendent à montrer que les femmes ressentent plus fortement le conflit emploi / famille que les hommes. Ces auteurs proposent donc un modèle alternatif qui prend comme point de départ les rôles traditionnellement tenus par les hommes et les femmes.

Perspective rationnelle Perspective du genre

− Plus un individu (homme ou femme) passe de temps au travail, plus le conflit emploi / famille sera fort.

− Comme les hommes passent plus d’heures au travail que les femmes, ils ressentent davantage le conflit emploi / famille

− Plus un individu (homme ou femme) consacre de temps à ses activités familiales, plus le conflit famille / emploi sera fort

− Comme les femmes passent plus d’heures à s’occuper de leur famille, elles ressentent davantage le conflit famille/ emploi

− A un nombre d’heures équivalent passé au travail, les femmes ressentent davantage le conflit emploi / famille que les hommes − A un nombre d’heures équivalent passé à s’occuper de leur famille, les hommes ressentent davantage le conflit famille/ emploi que les femmes

− Pour les hommes, le nombre d’heures passées au travail n’a pas de lien avec le conflit emploi / famille, mais le nombre d’heures passées à s’occuper de sa famille a un impact sur le conflit famille / emploi. − Pour les femmes, le nombre d’heures passées à s’occuper de sa famille n’a pas de lien avec le conflit famille / emploi, mais le nombre d’heures passées au travail a un impact sur le conflit emploi / famille.

Figure 6 : Vision "rationnelle" du conflit emploi / famille versus une perspective axée sur le genre, selon Gutek et al. (1991)

Gutek et al. (1991) font l’hypothèse que le rôle traditionnellement assigné aux femmes dans la famille les conduit à se sentir responsables de l’ensemble des affaires familiales. Le travail sera donc davantage ressenti comme une gêne dans l’exercice du rôle familial, en conséquence, les femmes devraient ressentir le conflit emploi / famille de façon plus intense que les hommes. Réciproquement, le rôle traditionnellement associé aux hommes les enjoint d’assurer la stabilité financière du foyer. Les obligations familiales perturbant leur travail devraient donc engendrer un degré de conflit famille / emploi supérieur à celui des femmes.

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72 La figure 6 résume les principales hypothèses des perspectives « rationnelle » et axée sur le genre.

Les résultats de Gutek et al. (1991) suggèrent que, conformément au modèle axé sur le genre, les femmes ressentent davantage de conflit emploi / famille que les hommes, bien que celles-ci consacrent en moyenne moins d’heures au travail rémunéré. Hammer, Allen et Grigsby (1997) aboutissent au même résultat : les femmes sont davantage sujettes au conflit emploi / famille que les hommes. En revanche, le modèle axé sur le genre de Gutek et al. (1991) ne s’applique pas au conflit famille / emploi : les hommes et les femmes témoignent d’un degré similaire de conflit.

Finalement, Gutek et al. (1991) en concluent que la combinaison des deux variables, genre et temps consacré à chacun des rôles, explique de la façon la plus satisfaisante les conflits emploi / famille et famille / emploi. En effet, Ces auteurs constatent qu’au sein d’une population de managers, le modèle « rationnel » est pertinent : le degré de conflit emploi / famille ressenti par les hommes, comme par les femmes, est directement lié au temps passé au travail. Ainsi, l’impact de la variable genre tend à s’estomper au-delà d’un certain nombre d’heures consacrées au travail. L’analyse peut également être conduite en termes de type d’emploi car celui-ci est fortement corrélé au temps consacré au travail.

Les résultats de Hammer et al. (1997) et Carlson et al. (2000) confirment ceux de Gutek et al. (1991), en concluant à des différences significatives dans la perception du conflit emploi / famille chez les hommes et chez les femmes. A l’inverse, Eagle, Miles et Icenogle (1997) ne constatent pas de différence statistiquement significative en fonction du genre. Selon Carlson, et al. (2000) cette incohérence s’explique par le fait que Eagle et al. (1997) ne mesurent pas les six types de conflits inter-rôle définis par Gutek et al. (E→F et F→E basé sur le temps, E→F et F→E basé sur les tensions, E→F et F→E basé les comportements, voir sections précédentes) ; ainsi, les différences entre les hommes et les femmes sont plus ou moins importantes suivant les types de conflit. Lewis et Cooper (1987) montrent que chez les couples bi-actifs, c’est avant tout la présence d’enfants qui déclenche une asymétrie entre les niveaux de conflit emploi / famille des hommes et des femmes : les mères ressentent plus lourdement ce conflit que les pères.

Une décennie plus tard, Parauraman et Simmers (2001) aboutissent à la conclusion opposée : le conflit emploi / famille est plus intense chez les hommes que chez les femmes. Pour expliquer ce résultat surprenant, ces auteurs font l’hypothèse que les femmes ressentent

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73 moins fortement ce conflit car elles retirent davantage de satisfaction de leur vie familiale que les hommes : leurs horaires de travail sont en moyenne plus faibles, leur permettant ainsi de dédier davantage de temps à leur famille.

En conclusion, la variable genre semble pertinente dans l’étude du conflit emploi / famille. Cette variable n’a pas de valeur explicative à elle seule mais prend tout son sens lorsqu’elle est combinée à d’autres variables telles le temps consacré aux différents rôles ou le type d’emploi.

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