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Du latin sapere, savoir signifie à l’origine « avoir du goût, du parfum [...] avoir du discernement et être sage, [enfin] comprendre et savoir » (Rey-Debove & Rey, 2009, p. 2319). Selon son origine étymologique, le savoir serait une affaire de goût, voire d’art de sentir pour comprendre et connaître. Avoir du goût dans un domaine (bien au-delà du domaine culinaire), c’est avoir la capacité de discerner, donc de choisir, de décider et d’agir en fonction d’un ensemble de savoirs qui prétendent avoir cette autorité. Le savoir permet donc de trancher. « Qui peut être juge ? Celui qui sait distinguer au moins deux saveurs et les hiérarchiser » (Le Pestipon, 2008, p. 2).

Mais quelles sont les logiques qui président à ce « savoir trancher » ? Comment le savoir est-il mobest-ilisé pour décider correctement, dans le vif et sur le champ ? Voyons d’abord comment les choses se présentent hors de l’école, puis à l’intérieur de l’institution.

5.5.1 La forme discursive et opératoire de la connaissance

Comme nous avons commencé à l’envisager, la connaissance peut prendre au moins deux formes, servir deux manières humaines de maîtriser le monde : l’une discursive, l’autre opératoire.

D’une part, il existe une forme prédicative, ou discursive, de la connaissance, qui s’exprime en énoncés et donne naissance à des savoirs et qui correspond à un registre épistémique de conceptualisation : on énonce, dans un domaine, les objets, les propriétés et les relations qui le caractérisent. D’autre part, il existe une forme opératoire de la connaissance, qui correspond à un registre pragmatique de conceptualisation, et qui a pour objectif d’orienter et de guider l’action.

C’est cette forme opératoire de la connaissance qui est à l’œuvre quand il s’agit de faire un diagnostic de situation pour savoir comment agir. Il y a de la conceptualisation dans les deux cas : dans le registre épistémique, bien entendu ; mais aussi dans le registre pragmatique, ce qui est moins évident. Car il faut bien retenir d’une situation quelques éléments conceptuels, objets, propriétés ou relations, qui vont servir à guider l’action (Pastré, 2006, p. 4).

Si la forme discursive propose une caractérisation, une description d’un domaine et « donne naissance à des savoirs » (registre épistémique), et si la forme opératoire est la mobilisation d’un savoir pour agir dans une situation (registre pragmatique), insistons sur le fait qu’il y aurait de la conceptualisation – donc quelque chose comme du savoir – dans les deux situations. Nous risquons donc de retomber dans la confusion, l’idée de « conceptualisation » pouvant potentiellement renvoyer à l’idée du savoir au sens élargi que nous voulions justement éviter plus haut.

En vérité, le terme « connaissance » employé par Pastré pourrait renvoyer au concept générique de cognition, dont nous avons distingué trois déclinaisons auparavant : connaissance, croyance et savoir. Le problème devient néanmoins le suivant : si le terme générique devient connaissance, que devient le terme désignant la forme opératoire de la cognition, que nous nommions précédement « connaissance » ? Nous proposons que cette forme opératoire de la cognition se range désormais sous le terme de « compétence ». En voici l’explicitation conceptuelle sous la forme d’un tableau (Maulini & Vincent, 2016a).

Tableau 5a : Une théorie pragmatique de la cognition La connaissance est une prétention raisonnée à la validité objective.

Elle découle de la relation de co-naissance (de coexistence) entre un sujet ou une communauté humaine d’un côté, et leur environnement de l’autre.

Cette relation peut être directe ou médiatisée par des signes, qui ont pour fonction de découper le monde en unités de signification (en sèmes).

Elle peut ainsi prendre deux formes : on dit volontiers qu’il est savant. Dans le cas

contraire, il est ignorant.

Ces deux formes de connaissance s’opposent à la croyance, qui est une prétention autonome et donc irraisonnée à la validité objective, et qui peut s’observer dans l’inter- ou

l’intra-subjectivité semble bien y avoir deux boucles différentes dans le processus de connaissance :

1. Le savoir est la face discursive de la connaissance : il a peut-être bien comme origine anthropologique un rapport opératoire et pragmatique au monde, mais il est une assertion sur le monde. Il se formule verbalement (oralement ou par écrit) dans l’intersubjectivité, sous la forme syntaxique d’un sujet (« Les fruits du houx… ») suivi d’un prédicat (« …sont toxiques »).

2. La compétence désigne la face opératoire de la connaissance, l’utilisation (appropriée) du savoir en situation. Plus précisément, pour Vygotski (1997) par exemple, la compétence peut se passer de la forme discursive : le sujet est alors dans un rapport direct et évident avec le monde et ce qu’il en sait ; on est proche de son habitus ; Maulini (2016d) résume à sa manière ces deux boucles :

Si le savoir doit résister aux objections, c’est qu’il est de facto disputable quand on lui oppose de bonnes raisons. Et s’il est souvent disputé, c’est qu’il donne du pouvoir sur le monde, et de deux façons. Premièrement, [...] pour un philosophe pragmatiste, savoir servirait moins à dire ce qui est vrai qu’à obtenir le succès. De ce premier point de vue, le savoir humain est mis à l’épreuve et validé dans un registre pragmatique (il aide à faire…), opératoire (il aide à réaliser), instrumental (à manipuler les choses avec efficacité) : il sert à dominer les éléments, à agir avec succès, à vivre mieux et à durer [...]. Par convention, on dit souvent que la connaissance est la face subjective du savoir : celle qui permet d’agir lucidement en situation, à l’aide de schèmes plus ou moins conscients et automatisés d’entendement. Au sens strict, le mot savoir ne désigne alors plus que la face objectivée de la connaissance : celle qui l’énonce, la met en texte, l’écrit dans des livres, l’accumule dans des bibliothèques, éventuellement numérisées. Le savoir ainsi explicité n’est ni plus ni moins valable que la connaissance mobilisée : il se présente juste autrement. Sa mise à l’épreuve et sa validation s’opèrent maintenant dans le registre discursif (il se dit…), prédicatif (il est affirmé…), théorique (il est formellement disputable…) (p. 3).

Pour maîtriser pleinement le monde, nous mobilisons les deux boucles de la connaissance, et souvent de manière différée dans le temps. Soit nous découvrons, expérimentons et/ou utilisons des vérités en situation (forme opératoire, pragmatique, instrumentale : compétence incorporée dans l’intrasubjectivité), soit nous les formulons (forme discursive, prédicative, épistémique : savoir objectivé dans l’intersubjectivité). L’être humain use en somme de la connaissance par l’expérimentation (usage opératoire) et/ou par la réflexion sur une proposition (usage discursif).

Cet aspect nous permet de clarifier un point théorique. Reprenons l’exemple du savoir suivant : « Les fruits du houx sont toxiques ». Un sujet faisant un usage discursif de ce savoir peut le formuler dans l’intersubjectivité, le discuter, l’affirmer, l’imposer, et même le refuser, ne pas en comprendre la portée, l’ignorer sciemment. On peut dire que ce savoir est exprimé, oralement ou par écrit, sous la forme d’un sujet (un thème) et d’un prédicat (verbe et complément), qui donne une information sur le sujet : « Les fruits du houx… » (sujet)

« …sont toxiques » (prédicat). Mobiliser ou user d’un savoir dans sa forme discursive, c’est formuler, dans l’intersubjectivité, des descriptions des objets du monde, de leurs propriétés et de leur fonctionnement, indépendamment de situations particulières. Mais un savoir comme

« les fruits du houx sont toxiques » n’est guère valable, utile, s’il ne peut être mobilisé de manière pragmatique dans les situations où un promeneur risque par exemple, par ignorance, de s’empoisonner. C’est toute la différence entre le savoir textualisé (valide partout, mais pas toujours valable) et la compétence située (valable sur le champ, mais discutable en dehors).

Un enseignant qui se promène dans la nature avec ses élèves pourrait construire la connaissance sur la toxicité du houx de deux manières : discursive ou pragmatique.

Imaginons-le à l’œuvre :

1. Dans la première option, il voit des fruits du houx et dit à ses élèves « les fruits du houx sont toxiques ». Mieux, il leur explique ce que sont vraiment les fruits du houx, au-delà de la grappe singulière qu’il pointe sur le moment (et qui pourrait se confondre plus tard avec d’autres baies). En conséquence, la classe évite ces fruits.

celle des élèves (« Fruit toxique… ») en passant par le savoir que le premier a formulé et que les second sont censés comprendre. Cette première boucle (discursive) a l’inconvénient d’être longue, mais l’avantage de servir au-delà de la situation.

2. Deuxième option, plus courte mais plus réduite dans son impact : le maître aperçoit les fruits du houx, il se dit que ces fruits sont toxiques, mais il n’en dit rien et emmène sa classe un peu plus loin. Si un élève cueille quand même un fruit, il lui dit « N’en mange pas : c’est toxique ! ». Par essais-erreurs, la classe peut bien sûr apprendre ce qui se mange ou non, mais la méthode est risquée (en temps réel, le maître ne peut pas tout contrôler) et elle aura peu de vertus hors de la situation (qu’arrivera-t-il aux élèves qui n’auront pas compris quels fruits sont nocifs exactement ?). Cette boucle opératoire a donc bien des limites, puisque le sujet « fruit du houx » n’est pas explicitement identifié. Mais si cette pratique est si fréquente dans la vie ordinaire et même à l’école (chaque fois qu’un adulte empêche des enfants d’avaler quelque chose de dangereux, d’emprunter un chemin escarpé, de lire un livre scabreux, de commettre une erreur de calcul, etc.), c’est parce qu’elle permet aux détenteurs du savoir de parer tout de suite aux urgences, sans perdre un temps précieux à se justifier.

Pour Pastré (2006), l’action experte (par exemple celle des professionnels) demande la construction de deux modèles mentaux à la fois complémentaires et successifs, qui renvoient aux deux formes de la connaissance explicitées plus haut : un modèle cognitif (en amont de l’action) et un modèle opératif (ancré dans la pratique).

Quand on analyse un apprentissage professionnel, comme l’apprentissage de la conduite de centrales nucléaires, on constate qu’il y a bien deux temps dans l’apprentissage. Dans un premier temps, les futurs opérateurs se construisent un modèle cognitif de l’installation : il s’agit d’identifier l’ensemble des relations de déterminations existant entre les variables qui caractérisent l’objet « centrale nucléaire » [...]. Dans un deuxième temps, ils se construisent par la pratique un modèle opératif autour de quelques concepts organisateurs [...] qui vont permettre de faire un diagnostic de situation, condition indispensable pour que l’action soit bien ajustée. [...] Le modèle cognitif permet de comprendre comment ‘ça fonctionne’ ; le modèle opératif permet de comprendre comment ‘ça se conduit’ (p. 5).

En réalité, le modèle opératoire peut rétroagir sur le modèle cognitif. Dans notre exemple des fruits du houx, un élève dûment informé par le maître peut ainsi se retrouver à ingérer tout de même un fruit défendu durant la promenade. Cette ingestion fautive peut relever de plusieurs hypothèses : (1) Il voit des fruits du houx, il les trouve attirants, il n’a pas écouté la leçon sur leur toxicité, ce savoir lui est donc demeuré extérieur : il goûte et s’intoxique. S’il n’en meurt pas, il aura appris par l’expérience, c’est-à-dire sur un mode d’abord opératoire, sans passage initial par la boucle discursive (« les fruits du houx sont toxiques »). (2) L’élève a bien écouté la leçon, mais il ne l’a pas comprise ; c’est-à-dire qu’il n’a pas ou pas suffisamment construit sa connaissance du fruit du houx et peut-être encore moins celle de la toxicité en général. Ses représentations ne sont pas opératoires ; il reste susceptible de s’intoxiquer. (3) On l’a bien informé, il a compris le message, mais il cherche à essayer quand-même, donc à tester le savoir parce qu’il fait moins confiance aux adultes que l’enfant virtuel de Wittgenstein. Dans cette troisième hypothèse, on peut supposer que l’élève est dans le registre de l’expérience empirique, dans une démarche de falsification. On comprend alors que, d’une manière générale, la construction de la connaissance dépend de sa mise à l’épreuve et de sa validation, que celle-ci s’opère sur le mode discursif (argumentation) ou opératoire (expérience en situation). Croire l’expert dispense de répéter soi-même l’ensemble de ses expériences. Tester ce que dit un savoir évite de se soumettre à sa science aveuglément.

Pour Piaget (1967a), la forme opératoire et pragmatique aurait dominé aux débuts de l’humanité. Elle domine encore pour l’homme d’aujourd’hui, particulièrement chez les bébés qui expérimentent toujours le monde de cette manière avant de parler. En fait, forme discursive et opératoire désignent les deux faces de la construction de la connaissance humaine : elles articulent le souci d’Homo Sapiens de vivre mieux (pratique) et celui de démontrer qu’il a raison (théorie). Entre expérience (face opératoire) et langage (face discursive), la connaissance est une question anthropologique par excellence. D’un côté, il a bien fallu que des hommes fassent l’expérience de la toxicité du fruit du houx pour en faire un savoir. D’un autre, il a bien fallu qu’ils formulent cette toxicité dans un discours codifié pour qu’il se diffuse, qu’il serve à d’autres, qu’il soit éventuellement complété ou remis en question.

Pour Piaget, le savoir et l’intelligence sont une forme avancée (et humaine) d’adaptation aux contraintes du milieu dans lequel nous sommes plongés. Pour son collègue russe Vygotski, ce sont les signes et les mots – inventions collectives – qui ont permis la formulation du savoir, puis son incorporation sous la forme d’un langage intérieur, d’une pensée réflexive indépendante des situations vécues et même capable de les transformer. La psychologie de l’apprentissage articule aujourd’hui ces deux théories. Elle parle à la fois de ce que la connaissance nous permet de faire (Piaget) et de ce qui permet de la faire (Vygotski) (Maulini, 2016d, p. 3).

Pour conclure provisoirement, il semble que la double face opératoire et discursive de la cognition humaine désigne la manière dont le savoir s’est construit et transmis depuis ses origines, au croisement des actions humaines qui le rendent subjectivement valable et des significations qui permettent de le valider socialement. L’école ne peut qu’être aux prises avec cette double filiation. Mais pour notre étude sur le rapport au savoir des enseignants, nous nous concentrerons sur leur rapport à la forme discursive de la connaissance, donc au(x) savoir(s) textualisés, énoncés et prétendant à la véracité objective.

5.5.2 L’usage scolaire du savoir

À l’école, ce lieu d’un rapport au monde ordinairement savant, les deux formes de la connaissance (opératoire et discursive) structurent les pratiques pédagogiques. En effet, les apprentissages peuvent se réaliser selon deux logiques plus ou moins complémentaires, parfois antagonistes, souvent opposées dans les grands débats entre pédagogie active et directive. Selon Maulini (2016d) par exemple, les élèves peuvent tour à tour apprendre selon une logique de « continuité » qui va des problèmes aux savoirs, et/ou selon une logique de

« rupture » qui va des savoirs aux problèmes.

Pour comprendre que « dix fois dix font cent », par exemple, un enfant ne doit pas réciter la phrase correctement. Il ne doit pas non plus mettre en doute l’enseignant qui lui assure que le système décimal est une norme à endosser collectivement. Il est à la fois contraint de se soumettre à des conventions sociales (la base 10, les chiffres de 1 à 9, le rôle singulier du zéro, etc.) et de les manipuler personnellement pour réaliser entre autres que le 3 de 30 vaut dix fois plus que le 3 de 13 du seul fait de sa position. Sans le guidage didactique de l’adulte, l’enfant serait condamné à réinventer la totalité des mathématiques. Et sans l’activité psychique de l’enfant, ces mathématiques seraient un code reproductible à l’infini, mais inutile parce qu’indéchiffré (ibid., p. 4).

Penser par soi-même à travers les problèmes (continuité) et penser contre soi-même à travers les savoirs (rupture) : deux logiques d’apprentissage du monde qui se complètent, mais qui

signification que si elles sont rapportées à des signes conventionnels extérieurs aux situations.

De par ses fonctions de simulation, de décomposition et de secondarisation des savoirs (Maulini, Meyer & Mugnier, 2014a), la forme scolaire contraint les pratiques pédagogiques à endosser cette double logique de rupture et de continuité, même et surtout si les reproches qu’on lui fait alternent entre abus de formalisation (verbalisme) et excès de finalisation (activisme).

C’est ce qu’avance d’une certaine manière Audigier (1995), dans une étude critique de l’évolution des formes et des finalités des savoirs scolaires en histoire et géographie.

Adossées depuis le 19ème siècle à un modèle républicain de société – du moins en France – les disciplines de l’histoire et de la géographie (tant scientifiques que scolaires) ont évolué tant dans leurs finalités que dans leurs contenus et leurs méthodes, en particulier du point de vue des deux logiques d’apprentissage qui nous intéressent.

Sous la Troisième République par exemple, le savoir vrai est celui de la science et ensuite, par un enchaînement logique et plus ou moins politique, celui de l’école. « L’École est au-dessus des croyances singulières, elle n’enseigne que le vrai. La science fournira le discours vrai qu’il faudra simplement adapter aux exigences de l’enseignement » (ibid., p. 66). Selon l’auteur, dans les finalités du projet républicain, les savoirs scolaires d’histoire et de géographie sont : (1) des faits et des résultats constitués sous la forme d’un récit continu destiné à former une représentation commune : les savoirs servent à construire l’identité collective nationale ; (2) des savoirs vrais et raisonnés, éprouvés par la science, auxquels il s’agit de faire adhérer l’élève, notamment en lui faisant éprouver quelques méthodes scientifiques : les savoirs servent à former l’esprit et à compléter les finalités de mémoire, habituellement attribuées à l’histoire et la géographie ; (3) des savoirs pratiques : ils doivent servir à quelque chose dans la vie civique, sociale et professionnelle.

Second ensemble de composantes de l’histoire et de la géographie scolaire, les contenus enseignés sont en cohérence avec les finalités. [...] Les compétences prises en charge par nos disciplines sont avant tout un ensemble de connaissances sur le monde et son histoire. Même si elles s’efforcent de faire parfois place à des apprentissages qui s’approchent de la résolution de problèmes ou de l’idée de faire de l’histoire ou de la géographie, ce sont d’abord des connaissances, consignées dans des livres, que l’on transmet (ibid., p. 68).

Au niveau des méthodes, l’auteur souligne que l’idée est de rendre l’élève actif, en lui faisant expérimenter le plus possible la réalité. Mais comme cette volonté est difficilement réalisable en histoire et en géographie, elle est remplacée par une utilisation en classe d’un grand nombre de documents et d’objets : cartes, globes, objets historiques, récits, descriptions, textes, etc. Par ailleurs, l’enseignement est structuré en fonction de l’évaluation, qui elle-même attend des élèves qu’ils maîtrisent certaines méthodes scientifiques de référence de la géographie et de l’histoire. Ainsi, la dissertation – comme avatar de l’écriture savante des historiens – est souvent un savoir-faire implicitement attendu des élèves. Cette attente implicite peut mettre en difficulté ceux d’entre eux qui ne construisent pas cette compétence en marge de l’école.

Audigier délimite quatre caractères sur lesquels fonctionne le modèle républicain pour l’enseignement de la géographie et de l’histoire : (1) « on enseigne pour l’essentiel des résultats, c’est-à-dire ce que l’on sait de tel ou tel objet, ce que l’on tient aujourd’hui pour vrai » (ibid., p. 71) ; (2) les savoirs sont vidés de leurs dimensions épistémologiques, c’est-à-dire des controverses et des questions des sciences de référence mais aussi celles que la société se pose : on enseigne des consensus ; (3) les enjeux politiques et citoyens des savoirs

géographiques et historiques sont écartés ; (4) les savoirs scolaires formulent la réalité sur le monde, directement accessible et peu discutable.

L’auteur identifie des évolutions et des constantes par rapport à l’époque républicaine. D’un côté, les rapports à la mémoire et au territoire ont évolué et l’enseignement des deux disciplines n’a plus la même légitimité. De plus, les savoirs scientifiques se sont plutôt multipliés qu’unifiés en une seule et même vérité. Par ailleurs, les publics se sont diversifiés

L’auteur identifie des évolutions et des constantes par rapport à l’époque républicaine. D’un côté, les rapports à la mémoire et au territoire ont évolué et l’enseignement des deux disciplines n’a plus la même légitimité. De plus, les savoirs scientifiques se sont plutôt multipliés qu’unifiés en une seule et même vérité. Par ailleurs, les publics se sont diversifiés