• Aucun résultat trouvé

Pour Bourdieu (1980), l’habitus est une structure ou un système de schèmes de perception, d’appréciation et d’action propre à un groupe ou un agent, qui engendre ses pensées et ses actions : « système acquis de schèmes générateurs, l’habitus rend possible la production libre de toutes les pensées, toutes les perceptions et toutes les actions, dans les limites inhérentes aux conditions particulières de sa production, et de celles-là seulement » (p. 92). Le même auteur définit aussi l’habitus comme un « système de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations » (p. 88).

Si l’on peut comprendre d’une manière générale que l’habitus est une structure ou un système, ou un système structuré et structurant des pratiques, Bourdieu ne fait a priori guère la différence entre la notion de « schème » et de « disposition ». Clarifions ceci dès maintenant.

3.1.1 Les schèmes : particules invariantes de la pratique

La sociologie de l’action emprunte le concept de schème à la psychologie du développement.

Pour Piaget, en particulier, la connaissance humaine n’est pas le fruit d’une simple imprégnation, mais celui de conduites actives qui se régulent et se rationalisent au gré des expériences et du contrôle que chaque sujet prend progressivement sur elles.

C’est dès les formes plus élémentaires de la connaissance que sa nature active [celle de sa connaissance] se manifeste. Les actions [...] ne se succèdent pas au hasard, mais se répètent et s’appliquent de façon semblable aux situations comparables. Plus précisément, elles se reproduisent telles quelles si, aux mêmes intérêts correspondent des situations analogues, mais se différencient ou se combinent de façon nouvelle si les besoins ou les situations changent. Nous appellerons schèmes d’actions ce qui, dans une action, est ainsi transposable, généralisable ou différenciable d’une situation à la suivante, autrement dit ce qu’il y a de commun aux diverses répétitions ou applications de la même action. (Piaget, 1967a, p. 23).

À la suite de Piaget, Vergnaud (1996), considère que l’intelligence et les comportements humains sont organisés en invariants sensoriels, moteurs et cognitifs qui se forment et se perfectionnent au gré des expériences du sujet et de leur élaboration. Ces invariants sont appelés schèmes parce qu’ils se présentent comme des schémas prêts à l’emploi, disponibles pour penser et agir de manière compétente dans certaines classes de situations. Le concept est ainsi fécond pour comprendre comment un enfant accède peu à peu à des conduites raisonnées, mais aussi comment un expert, un sportif ou un travailleur ordinaire mobilise ses pensées et ses gestes pour faire face aux situations qu’il rencontre dans son domaine d’activité.

La compétence d’un individu peut être définie schématiquement : (1) soit le fait d’être capable de faire face à une certaine classe de situations ; (2) soit celui de disposer d’une procédure ou d’une méthode qui lui permet de faire mieux qu’un autre ; (3) soit le fait de disposer d’un répertoire de procédures ou de méthodes alternatives qui permet de s’adapter de manière plus fine aux différents cas de figure qui peuvent se présenter, en fonction de la valeur prise par les différentes variables de situations. La compétence critique, celle qui fait la différence entre un individu et un autre [...] relève en général de l’un ou l’autre des trois critères ci-dessus, parfois des trois à la fois.

La compétence renvoie ainsi inéluctablement à l’analyse de l’activité (pp. 282-283).

Vergnaud revient aux premières recherches de Piaget, celles qui avaient développé le concept de schème pour rendre compte de l’action des bébés dans leur totalité, et particulièrement de la dialectique entre leurs actions sensori-motrices et la construction de leurs représentations.

À partir de là, Vergnaud définit le schème comme une sorte de particule élémentaire des conduites humaines, à la fois stable et fonctionnelle, s’appliquant à l’action toute entière, des gestes aux opérations intellectuelles.

(1) Le schème est une « totalité dynamique fonctionnelle. Cela signifie en clair que le schème est une unité identifiable de l’activité du sujet, qui correspond à un but identifiable, qui se déroule selon un certain décours temporel (et donc une dynamique), et dont la fonctionnalité repose sur un ensemble d’éléments peu dissociables les uns des autres ; (2) Le schème est une organisation invariante de la conduite pour une classe donnée de situations. Cette unité-totalité qu’est le schème s’adresse à une classe de situations, laquelle peut être identifiée comme telle et caractérisée, au moins partiellement. Ce qui est invariant, c’est l’organisation de la conduite, et non la conduite elle-même [...] ; (3) Le schème est formé de plusieurs catégories d’éléments, tous indispensables : des buts et anticipations, des règles d’action, des possibilités d’inférence en situation, et des invariants opératoires (pp. 283-285).

Il est intéressant de retenir ici que le schème est une unité identifiable de l’activité dans sa totalité (pensées et actions), et qu’il organise la conduite sans être la conduite elle-même. Ce dernier aspect nous permet de mieux conceptualiser ce qui pourrait gouverner des pratiques

que nous les avons formalisées dans le chapitre précédent. En effet, le schème semble être au principe des pratiques, sans être ces pratiques. Il organise les conduites, il les structure, il les étaye, mais il ne produit pas à lui seul les occurrences observées. C’est tout l’écart que Bourdieu signale entre le modus operandi (la manière de faire, la compétence) et l’opus operatum (le fait singulier, la performance). Il y a par exemple une différence entre les schèmes qui gouvernent la façon dont un enseignant prépare généralement une évaluation, et chacun des moments isolés où ces schèmes sont mobilisés pour aboutir à une évaluation plus ou moins semblable à celles qui suivront ou qui l’ont précédée. Les processus peuvent différer aux marges, et le produit final s’en trouver plus ou moins affecté.

Pour Piaget, le schème est « ce qui, dans une action, est [...] généralisable ou différenciable » (1967a, p. 23). Chez Bourdieu (1980), il s’organise en système plus ou moins invariant pour former l’habitus et générer des actions : « ces schèmes de perception, d’appréciation et d’action qui sont acquis par la pratique et mis en œuvre à l’état pratique sans accéder à la représentation explicite fonctionnent comme des opérateurs pratiques à travers lesquels les structures objectives dont ils sont le produit tendent à se reproduire dans les pratiques » (p. 159). Pour Perrenoud (1996a), le schème est « un invariant, une structure de l’action » (p.

138) dont les enseignants font ordinairement et régulièrement usage pour conduire leur action sans devoir sans cesse en réinterroger les raisons.

On peut donc considérer le schème comme une particule élémentaire et plus ou moins invariante de la pratique, celle-ci regroupant à la fois les pensées et les actions d’un sujet. Si l’habitus est un système de schèmes de perception, d’appréciation et d’action, on peut en effet considérer ces composantes comme des particules de sa pratique. Les schèmes sont plus ou moins invariants, parce qu’ils sont non seulement le résultat de l’histoire de leur élaboration par le sujet dans les situations de vie qu’il rencontre, mais également de l’histoire humaine en général, les manières de penser et d’agir « sur le champ » étant transmises de générations en générations. Cet aspect renvoie à l’idée développée à la fin de notre précédent chapitre : l’habitus est un système de schèmes plus ou moins inconscient, un « sens pratique » qui produit des conduites selon une rationalité limitée, à la fois créative et réglée.

La cohérence sans intention apparente et l’unité sans principe unificateur immédiatement visible de toutes les réalités culturelles qui sont habitées par une logique quasi naturelle [...] sont le produit de l’application millénaire des mêmes schèmes de perception et d’action qui, n’étant jamais constitués en principes explicites, ne peuvent produire qu’une nécessité non voulue, donc nécessairement imparfaite, mais aussi un peu miraculeuse, et très proche en cela de celle de l’œuvre d’art. [...] Ce sens pratique n’a rien de plus ni de moins mystérieux, quand on y songe, que celui qui confère leur unité de style à tous les choix qu’une même personne, c’est-à-dire un même goût, peut opérer dans les domaines les plus différents de la pratique, ou celui qui permet d’appliquer un schème d’appréciation tel que l’opposition entre fade et savoureux ou plat et relevé, insipide et piquant, douceâtre et salé, à un plat, une couleur, une personne, et aussi à des propos, des plaisanteries, un style, une pièce de théâtre ou un tableau (Bourdieu, 1980, p. 28).

On voit ici que les manières de percevoir, d’apprécier et d’agir d’un sujet caractérisent son sens pratique en situation : ses perceptions, appréciations et actions, à la fois personnelles et construites socialement, font ses goûts et ses choix.

Selon Perrenoud (op.cit.), un schème se différencie d’un savoir ou d’une connaissance déclarative, mais aussi de ce que l’on nomme une connaissance procédurale. « Les premiers (savoirs ou connaissances déclaratives) décrivent ou expliquent des phénomènes naturels ou psychosociaux du point de vue d’un observateur non engagé, qui veut seulement répondre à la question Comment ça marche ? Les connaissances procédurales répondent à une autre interrogation : Comment faire pour ? et proposent donc une marche à suivre à un acteur

poursuivant un but » (p. 136). Ainsi, les connaissances ou savoirs, qu’ils soient formels, écrits ou oraux, incorporés par les sujets ou simplement présents dans des textes, ne sont-ils pas des schèmes, parce qu’ils sont plutôt des représentations, des propositions, des énoncés potentiellement mobilisables hors du champ de pratiques et en marge de l’action : ils ne sont pas l’action, ni même la pensée en cours d’action, mais leur ressaisie dans des conditions permettant précisément (et assez rarement) la suspension de l’activité ordinaire. Après Piaget et Vergnaud, Perrenoud (op.cit.) définit donc le schème comme « la structure de l’action, mentale ou matérielle, l’invariant, le canevas qui se conserve d’une situation singulière à une autre, et s’investit, avec plus ou moins d’ajustements, dans des situations analogues » (p. 138). Cet invariant s’observe lorsque des conduites se répètent dans un contexte donné, et il n’est observable que parce que des tendances se sont progressivement et plus ou moins discrètement incorporées.

Il peut sembler étrange d’entrer par les schèmes pour étudier le rapport au savoir des enseignants, mais nous verrons plus loin qu’il ne faut pas confondre ce qu’ils pensent connaître et ce qu’ils font de la connaissance en agissant.

3.1.2 L’habitus incorporé : à l’interface de l’intra- et de l’intersubjectivité

Le système de schèmes de perception, de pensée et d’action qui constitue l’habitus est de nature à la fois collectif et individuel. Plus précisément, l’habitus d’un groupe est le dénominateur commun des habitus de ses membres, et le produit d’une histoire qui transcende leurs différences. Par exemple, l’habitude qu’ont les élèves de se tenir droit sur leur chaise est le produit de l’histoire et des valeurs collectives relatives au contrôle des corps et des esprits à l’école, mais aussi une sorte de « loi » interne et individuellement assumée par chaque sujet scolarisé (Foucault, 1975 ; Vigarello, 2004 ; Vincent, 2002, 2012a).

Produit de l’histoire, l’habitus produit des pratiques, individuelles et collectives, donc de l’histoire, conformément aux schèmes engendrés par l’histoire ; il assure la présence active des expériences passées qui, déposées en chaque organisme sous la forme de schèmes de perception, de pensée et d’action, tendent plus sûrement que toutes les règles formelles et toutes les normes explicites, à garantir la conformité des pratiques et leur constance à travers le temps (Bourdieu, 1980, p. 91).

On retrouve ici la complexité, voire les paradoxes, de ce que le concept d’habitus cherche à théoriser : les pratiques sont apparemment le produit de l’histoire et en même temps sa négation, puisqu’elles se reproduisent de manière « conforme » et « constante à travers le temps ». Cette boucle peut paraître surprenante, mais elle l’est moins si l’on prend le soin de distinguer deux moments : celui où l’histoire génère les habitus, et celui où les habitus génèrent les pratiques, en composant entre le social hérité et le social au temps t. Ces habitus – a priori inconscients chez le sujet et invisibles pour le chercheur – peuvent en fait et d’abord se manifester dans le rapport entre les conditions sociales construites par l’expérience passée des sujets étudiés, c’est-à-dire leur intrasubjectivité (pensées, sentiments, etc.), et la situation sociale et présente dans laquelle ils évoluent et qui est, quant à elle, fondamentalement intersubjective (faite d’interactions entre le sujet et le contexte). À ce titre, l’habitus est donc au carrefour du passé et du présent du sujet, de la somme de ses expériences passées, de ses habitudes et de ce qu’il réalise dans les situations qu’il rencontre.

Bourdieu (1980) affirme que l’on ne peut rendre compte des pratiques et de ce qui les

structurées et les conditions présentes des situations dans lesquelles elles sont mises en œuvre.

Les pratiques ne se laissent déduire ni des conditions présentes qui peuvent paraître les avoir suscitées ni des conditions passées qui ont produit l’habitus, principe durable de leur production.

On ne peut en rendre raison qu’à condition de mettre en rapport les conditions sociales dans lesquelles s’est constitué l’habitus qui les a engendrées et les conditions sociales dans lesquelles il est mis en œuvre, c’est-à-dire à condition d’opérer par le travail scientifique la mise en relation de ces deux états du monde social que l’habitus effectue, en l’occultant, dans et par la pratique (p.

94).

Pour Bourdieu (ibid.), les postures corporelles apprises dans la socialisation primaire (se tenir droit et immobile sur sa chaise, par exemple), reflètent les dispositions intrasubjectives des sujets. L’habitus se manifeste corporellement autant qu’intellectuellement. Autrement dit, c’est dans les postures corporelles, les gestes, mais aussi les paroles et les pensées que peuvent se lire à la fois les systèmes individuels et groupaux de dispositions des sujets.

On en finirait jamais d’énumérer les valeurs faites corps, par la transsubstantiation qu’opère la persuasion clandestine d’une pédagogie implicite, capable d’inculquer toute une cosmologie, une éthique, une métaphysique, une politique, à travers des injonctions aussi insignifiantes que « tiens-toi droit » [...] et d’inscrire dans les détails en apparence les plus insignifiants de la tenue, du maintien ou des manières corporelles et verbales les principes fondamentaux de l’arbitraire culturel, ainsi placés hors des prises de la conscience et de l’explicitation. L’hexis coporelle est la mythologie politique réalisée, incorporée, devenue disposition permanente, manière durable de se tenir, de parler, de marcher, et, par là, de sentir et de penser (p. 117).

Le corps socialisé est en somme l’habitus incorporé. Il incarne les normes qu’une personne humaine s’est appropriées, en relation avec un monde (des objets, des sujets, des pratiques, des idées) qui précédait sa naissance. Du fait que l’homme naît inachevé et se constitue comme sujet tout au long de son développement, la construction de l’habitus ne peut s’opérer qu’à travers l’éducation, ce processus typiquement humain où d’autres sujets conduisent le nouveau venu à se produire lui-même (Charlot, 1997).

Dire que toute connaissance suppose une assimilation et qu’elle consiste à conférer des significations revient donc en fin de compte à affirmer que connaître un objet implique son incorporation en des schèmes d’action, et cela est vrai des conduites sensori-motrices élémentaires jusqu’aux opérations logico-mathématiques supérieures (Piaget, 1967, p.24).

En thématisant et en analysant « l’habitus du boxeur », Wacquant (2010) montre par exemple à quel point, chez un sportif en l’occurrence, la compétence relève d’abord et avant tout d’un apprentissage par corps, qui permet au combattant d’agir et de réagir plus économiquement et plus intelligemment durant le combat, sans devoir (re)penser et (re)mettre en question toute son expérience et ses savoirs en cours d’action. Les enseignants sont certes engagés dans une pratique a priori moins physique, dont les critères de réussite sont davantage symboliques, mais la manière dont ils disent eux-mêmes « résister » à l’ignorance, « lutter » pour l’instruction ou « se battre » contre l’échec scolaire montre combien leur travail et les épreuves qu’il entraîne peuvent les solliciter et les fatiguer intégralement (Lantheaume &

Hélou, 2008 ; Blanchard-Laville, 2013a).

Sans doute est-ce le moment de rappeler que l’étymologie des mots habitus et habitude les rattache tous les deux à la famille du mot « habit » : du latin « habitus » signifiant « maintien, manière d’être, attitude, aspect extérieur » (Petit Robert, 2015). Le corps est l’habit humain par excellence : son apparence, son maintien, ses expressions et ses mouvements traduisent et trahissent à la fois l’habitus d’un sujet. On pourrait presque dire que le corps enferme et

exprime à la fois l’habitus, parce qu’il met en scène – par des postures, des gestes, des expressions et des paroles habituelles (Goffman, 1973) – à la fois ce qui est inconscient et plus ou moins invariant chez le sujet. Il est ainsi le lieu et le vecteur le plus sincère de la manifestation du rapport au monde du sujet.

Le corps en tant que forme perceptible « produisant, comme on dit, une impression » [...] est, de toutes les manifestations de la ‘personne’, celle qui se laisse le moins et le moins facilement modifier, provisoirement et surtout définitivement et, du même coup, celle qui est socialement tenue pour signifier les plus adéquatement, parce qu’en dehors de toutes intention signifiante,

‘l’être profond’, la ‘nature’ de la personne [...]. Les différences de pure conformation sont redoublées par les différences d’hexis, de maintien, différences dans la manière de porter le corps, de se porter, de se comporter, où s’exprime tout le rapport au monde social (Bourdieu, 1977, p. 51).

Le « rapport au monde social » s’exprime à travers les manières visibles et habituelles de maintenir son corps, de se comporter. Il « s’exprime », il n’est donc pas que ces manières visibles, il vient aussi de l’intérieur du sujet. Le corps est aussi le véhicule de « l’être profond », de la « nature de la personne ». Ses manifestations – et en particulier la manifestation d’émotions on ne peut plus régulières et habituelles (comme la gêne ou l’assurance, par exemple) – se voient donc à l’extérieur, mais sont du ressort de dispositions internes. L’habitus se donne à voir hors du sujet, mais il s’élabore en son for intérieur.

Si l’on considère que le corps humain est à la fois (par le biais de l’habitus) l’instance d’une appropriation (du monde par le sujet) et celle d’une extériorisation (du sujet face au monde), on peut considérer que chacun des schèmes dont l’habitus est composé a deux faces :

- La première est intrasubjective, interne au corps du sujet, opaque, presque intime.

Nous nommerons cette face disposition. Elle ne peut s’étudier qu’en interrogeant d’une manière ou d’une autre le sujet, en accédant à ce qu’il ne montre pas dans l’intersubjectivité, sciemment ou « à son corps défendant » : ses habitudes plus ou moins spontanées de pensée et d’action.

- L’autre face est intersubjective. Elle se manifeste dans les prises de position du sujet en situation. Les dispositions sont incarnées dans les pratiques, et elles se réalisent dans les prises de position (discours, gestes, postures corporelles, par exemple). Elles s’exposent plus concrètement à l’observateur, qui peut tenir compte de leurs régularités pour inférer des « règles de conduite » d’autant plus puissantes qu’elles sont insoupçonnées (Maulini, 2016b)

Cette double face des schèmes implique l’influence d’une face sur l’autre et vice versa. C’est la conséquence du côté vivant et évolutif de l’habitus. Attardons-nous tour à tour sur les deux plans.

3.1.3 Un système de dispositions : la face intrasubjective de l’habitus

Pour Muller (2014), et en écho au travail d’Emmanuel Bourdieu (1998), une disposition est

« [la] tendance [d’un sujet] à agir d’une certaine manière, [qui] se manifeste avec une certaine régularité, [...] dans certaines circonstances » (p. 114). Cette vision des conduites humaines confirme qu’une disposition n’est pas l’action, la perception, ni l’évaluation, mais bien une