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Question et méthode de recherche En quête de l’influence supposée

7.3 Stratégie initiale : quinze entretiens exploratoires

Conceptuellement, les approches de Beillerot (2000), pour qui les actes du sujet traduisent (ou trahissent) ses intentions, son savoir (et son ignorance), ont constitué le point de départ de nos investigations. Par ailleurs, en nous basant sur les travaux de Bourdieu relatifs à l’illusio (1994), nous pensions que le rapport ordinaire au monde (et donc au savoir) pouvait se traduire dans l’intérêt (donc l’importance) que les enseignants accordaient à des savoirs et aux manières de les enseigner.

Méthodologiquement, rechercher ce que les actes et les propos des enseignants traduisent de leur rapport au monde, et plus précisément de leur rapport au savoir, nous a naturellement amenée à réaliser des entretiens. S’agissant à l’époque d’élaborer une première exploration de l’objet, nous avons adopté la méthode de l’entretien compréhensif (Kaufmann, 1996). Ce moyen est largement utilisé en sciences humaines et en sciences de l’éducation, en particulier pour saisir les pratiques pédagogiques et ce qui se trouve à leur principe (Beillerot, Blanchard-Laville & Mosconi, 1996 ; Marcel, Olry, Rothier-Bautzer & Sonntag, 2002 ; Mosconi, Beillerot & Blanchard-Laville, 2000). À la suite de Kaufmann et, avant lui, de Glaser et Strauss (1967/2010), nous désirions construire de la théorie à partir de données, et élaborer pour commencer de premières hypothèses.

La méthode de l’entretien paraissait a priori régler la question de l’accès au for intérieur des enseignants : nous pouvions par exemple les interroger plus ou moins frontalement sur leur rapport au savoir, à la manière des « bilans de savoir » que Charlot, Bautier et Rochex (1992) ou Charlot (1999) avait créés pour leurs recherches sur le rapport au savoir des élèves dans les banlieues françaises. Par des entretiens « semi-directifs approfondis » (Charlot, 1999, p. 11) ou des questionnaires, l’équipe ESCOL demandait principalement aux jeunes quel était leur bilan de savoir : qu’ai-je appris, où, par qui ? Qu’est-ce qui est important pour moi dans tout ça ? Qu’est-ce que j’attends maintenant ? Cependant, si les bilans de savoir étaient susceptibles de nous renseigner sur le rapport au savoir des enseignants, ils pouvaient plus difficilement questionner son influence sur leurs pratiques pédagogiques. Autrement dit, les entretiens de notre phase d’exploration devaient également interroger ces pratiques. Mais comment s’y prendre en dehors de la situation d’enseignement ? Et comment interroger un tant soit peu l’influence du rapport au savoir sur les pratiques pédagogiques ?

7.3.1 En quête des ressorts des pratiques pédagogiques

En 2008, une première enquête exploratoire a été menée auprès d’une quinzaine d’enseignants primaires genevois (degrés et âges confondus), sous la forme d’entretiens compréhensifs (Kaufmann, 1996 ; Vincent, 2008b ; annexe 1). Nous avons voulu comprendre leur rapport au savoir en général, ou à certaines des connaissances, domaines ou disciplines qu’ils avaient abordés avec leurs élèves. À partir d’une activité menée en classe sur une thématique choisie, définie et présentée par l’enseignant, il s’est agi (1) de comprendre l’intérêt et les goûts ressentis par chaque praticien pour certains savoirs et certaines manières d’enseigner ; (2) de remonter à l’origine de ces ressorts dans son expérience personnelle, familiale, scolaire, culturelle, sociale et professionnelle. La formalisation des réponses obtenues a permis de construire une première typologie de rapports au savoir susceptibles d’influencer les pratiques pédagogiques rapportées par les enseignants. Autrement dit, d’identifier un lien direct entre les usages déclarés du savoir par les enseignants (Maulini, 2016d) et leur rapport au savoir.

Nous commencions par poser d’emblée une double question – « juste pour voir » – sur les liens entre le savoir des interviewés et leur enseignement (pour les détails de nos questions, voir annexe 2) : (a) « Pensez-vous qu’il existe un lien entre votre savoir et les savoirs à enseigner aux élèves ? » ; (b) « Pensez-vous qu’il existe un lien entre votre savoir et l’enseignement (geste d’enseigner) ? ». Puis nous leur demandions de décrire une séance d’enseignement récente de leur choix. Interroger les pratiques pédagogiques signifiait que nous allions en tout cas questionner les enseignants sur deux moments de leur pratique :

- D’abord l’« avant » : la planification explicite et implicite du cadre de la séance, en termes d’organisation de l’espace, du temps, du matériel, du dispositif, des consignes ; - Ensuite, le « pendant » : l’activité réelle, les changements par rapport à ce qui était prévu, les manières de mieux faire comprendre et de formuler les savoirs dans les interactions, la position des corps, l’utilisation d’objets, de symboles ou d’images, de manière répétitive, inattendue ou exceptionnelle.

Tout au long de cette première partie d’entretien, les enseignants insistaient sur des actions, des manières de faire, des intentions pédagogiques et des savoirs importants à transmettre selon eux. Nous les notions et y revenions ensuite, dans une seconde partie d’entretien destinée à questionner leurs rapports au monde et au savoir.

Pour cette deuxième partie, nous sommes partie de l’idée qu’interroger les raisons des répétitions de schémas pratiques pour enseigner tel ou tel savoir, ainsi que l’insistance sur tel ou tel savoir, allait nous renseigner sur le rapport au monde et au savoir de l’enseignant rencontré. Parce que le rapport au savoir est intrinsèquement lié à la valeur que le sujet attribue au savoir, à l’utilité qu’il lui trouve et aux réponses qu’il pense ainsi obtenir aux questions du vrai et du faux ou du bien et du mal (Beillerot, 2000 ), nous formulions l’hypothèse que les insistances repérées révéleraient l’importance que les enseignants assignent à leurs actions et à leurs pensées vis-à-vis du savoir. En questionnant ces insistances, et parfois leur origine dans l’histoire de vie du sujet, nous pensions remonter pas à pas en direction de l’illusio, donc de l’engagement subjectif caractéristique du rapport ordinaire au monde et au savoir. Ainsi demandions-nous par exemple, pour chaque réitération : (a) en quoi cette pratique, posture, discours, thème répété était important pour l’enseignant dans sa manière d’enseigner et/ou pour le contenu de l’activité ; (b) la provenance, l’origine de cette importance, de cette insistance (avec une question du type

« d’où vous vient cette préoccupation ? ») ; (c) à quelle expérience biographique (familiale, professionnelle, etc.) renvoyait cette provenance ; (d) l’influence de l’expérience relatée sur le savoir enseigné et/ou sur les gestes d’enseignement chargés de le transmettre.

À propos d’une leçon sur la division au 6e degré primaire (élèves de 9-10 ans), nous avons par exemple constaté qu’un enseignant (Y1) ne faisait pas que s’inspirer des supports pédagogiques existant sur la notion de division (Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, 1999). Ses choix et ses actes étaient foncièrement influencés par l’analogie du gâteau qui se divise, mais aussi et surtout par le goût et finalement la valeur qu’il accordait à des contenus universitaires de didactique des mathématiques concernant les origines anthropologiques de la division (champs agricoles à diviser), contenus qu’il avait eu l’occasion d’étudier durant sa formation (Conne, 1996).

Dans un autre registre, faire en sorte que ses élèves écrivent eux-mêmes des contes était une manière d’enseigner le texte narratif pour l’enseignante S1. Cette manière de faire avait de la valeur pour elle, parce qu’elle était non seulement susceptible d’initier les enfants aux règles textuelles du genre narratif, mais aussi et surtout de les entraîner « à faire comme les grands, comme les vrais et que ça puisse être communiqué ». Selon l’enseignante, cette mise en situation mobilisait les élèves de telle manière qu’ils avaient alors besoin des savoirs régissant l’écriture du texte narratif pour affronter la situation. Au final, c’est de pédagogie de projet dont il était question (Meirieu, 2008) : l’enjeu pour l’enseignante était de finaliser le savoir scolaire par la création, chez ses élèves, du besoin de savoir et de co-construire le savoir. La maîtresse utilisait d’ailleurs la métaphore de la brique (des murs d’une maison) pour illustrer cette idée. Elle expliquait ensuite cette insistance, son goût pour cette image et pour ce genre de pédagogie, par le fait d’être issue d’une famille catholique pratiquante qui lui avait toujours « demandé d’accepter les choses sans explication » et dans laquelle elle n’avait pas compris pourquoi elle avait dû faire sa première communion ou apprendre par cœur des prières aux contenus abstraits.

Les représentations que chacun avait de son rôle d’enseignant, particulièrement celui de

« sujet sachant » ou non (Lacan, 1966, cité par Laot, 2009, p.167), nous ont également renseignée sur son rapport au savoir. À nouveau, le rapport que l’enseignante entretenait avec son rôle sous-entendait des valeurs profondes, à ses yeux déterminantes pour sa mission et pour sa façon de transposer le savoir. Par exemple, l’enseignante S1 concevait son rôle en référence à l’allégorie du maçon plaçant les briques et conduisant le chantier pour mener les élèves au bout du projet. À l’opposé du « sujet sachant », l’histoire familiale de cette enseignante, en particulier son rapport conflictuel avec la religion, l’ont plutôt amenée à imposer elle-même le moins possible des savoirs et à adopter plutôt une pédagogie dévolutive.

Dès 2008, nous avons cherché à comprendre l’habitus de ces enseignants : nous étions intriguée par leurs modes d’actions répétitifs, mais également par les conduites qui différaient de l’un à l’autre. Dans les limites de cette phase exploratoire, nous avons ensuite tenté de relier leurs actions (attendues ou au contraire originales) à leur rapport au savoir. En considérant l’illusio à la racine des pratiques pédagogiques ordinaires, nous cherchions les ressorts ordinaires incitant chaque enseignant à s’engager dans certains « jeux » avec le savoir, ses raisons d’agir, ses dispositions au principe de ses prises de position. Sans l’avoir formalisé vraiment à l’époque, nous étions déjà en quête du sens pratique des professionnels, de leur rationalité limitée, des moteurs plus ou moins inconscients de la répétition et/ou de la

7.3.2 Premières dimensions exploratoires du rapport au savoir des enseignants

Au cours de cette exploration, le rapport au savoir des enseignants a été analysé suivant les modèles théoriques développés par Charlot (1999) pour rendre compte du rapport au savoir des élèves (enfants ou adolescents), mais que nous avions repris à notre compte pour des sujets adultes : « un ensemble d’images, d’attentes, de jugements qui portent à la fois sur le sens et la fonction sociale du savoir et de l’école, sur la discipline enseignée, sur la situation d’apprentissage et sur soi-même » (p. 23). Par ailleurs, et en ce qui concerne le concept de savoir stricto sensu, nous avons à l’époque suivi le modèle d’Hatchuel (2005/2007).

Le savoir n’existe que par l’action qu’il permet ; se [présente] sous la forme d’un discours, il s’inscrit dans une réalité sociale et culturelle, et devient donc lui-même source de pratiques sociales ; réflexif, il implique la conscience de savoir ; enfin il ne s’exerce que dans l’interaction, voire collectivement ». (p. 19)

Ces prises de position conceptuelles différaient de celles adoptées aujourd’hui dans la partie théorique de notre travail, où nous concevons le rapport au savoir comme un rapport à une définition resserrée du savoir, en tant que prétention à la véracité objective. Actuellement, pour nous, le rapport au savoir n’est pas rapport à l’école ou à soi-même, même si effectivement le rapport à ces dimensions peut apparaître dans les données et nous renseigner sur le rapport ordinaire et global au monde d’un enseignant. Par contre, la définition du savoir d’Hatchuel pourrait toujours en partie nous convenir, dans le sens où l’auteure prend en compte les deux faces, opératoire et discursive, du savoir.

Pour notre analyse exploratoire, nous avons effectué un travail de comparaison entre les enseignants. Pour cela, nous n’avons pas retranscrit les entretiens, mais les avons tous réécoutés en prenant des notes et en établissant les régularités et les variations de pratiques (ou plutôt de propos sur la pratique) pour un même enseignant et entre les enseignants. En nous inspirant, d’une part des figures mythiques du rapport au savoir développées par Beillerot (2000), et d’autre part de la définition du rapport au savoir selon Charlot (1997) (comme rapport épistémique, identitaire et social à cet objet), nous avons établi une liste de variables possibles de rapport au savoir de l’enseignant.

Beillerot (op.cit.) propose de chercher les figures autour de quatre grands thèmes :

« l’appropriation des savoirs, la fonction, les intérêts et les tâches, sans pouvoir composer les figures entre elles » (p. 53). En adoptant une posture de théorisation ancrée (Glaser & Strauss, 1967/2010), notre première liste a enrichi les propositions de l’auteur, tout en lui empruntant en partie cette répartition thématique : par exemple, nous avons maintenu le thème

« appropriation des savoirs » dans notre onglet « manières de savoir » et avons ciblé des variables comme « apprendre et/ou savoir… par l’intellect vs par le corps » ou « par la réussite vs par l’échec ». Nous n’avons par contre pas retrouvé la variable majeure de Beillerot : apprendre et/ou savoir « par imitation vs par transgression ». Nous avons conservé l’entrée « fonction du savoir », où le savoir pouvait « amener la maîtrise du monde vs une distance, un laisser-aller vis-à-vis du monde » ou alors « rassurer vs déstabiliser » ou encore

« susciter l’action vs l’arrêter ».

Nous n’avons pas retenu les entrées « intérêts » et « tâches » de Beillerot, préférant des entrées nouvelles, fruits du traitement des réponses des enseignants et de lectures diverses à propos du rapport au savoir et des pratiques pédagogiques, mais aussi d’autres concepts connexes, comme le sens du travail scolaire (Perrenoud, 2001d, 2005). Nous avons ainsi

privilégié des entrées qu’on pouvait rassembler sous l’égide du jugement sur le savoir que portent les enseignants (Bourdieu, 1980, 1994 ; Charlot, 1997 ; Hatchuel, 2005/2007), comme par exemple : « la disposition personnelle vis-à-vis du savoir : active vs passive, ou généreuse vs égoiste » ; « le statut du savoir : discutable vs indiscutable, obligatoire vs facultatif » ; « les sentiments qui concernent ce savoir : agréable vs désagréable, peur vs sécurité » ou enfin, « la valeur du savoir : signifiant pour la vie vs insignifiant ». Ces dernières entrées concernaient des dimensions plus affectives du rapport à l’objet, aspects qui nous semblaient déterminants dans les liens que nous faisions entre illusio et rapport ordinaire au monde et au savoir.

Les premiers résultats de cette exploration complètent les modèles du rapport au savoir développés par Beillerot (2000) et Charlot (1997) et ont été communiqués dans un colloque scientifique (Vincent, 2008b, voir annexe 1). Premièrement, le rapport au savoir d’un enseignant peut effectivement être constitué d’un ensemble d’images, d’attentes, de jugements sur le savoir en général : le rapport au savoir renvoie alors au sens que le sujet donne au savoir et à sa fonction sociale, mais aussi à la possibilité qu’il ressent de le discuter et à l’autorité qu’il lui attribue. Deuxièmement, le rapport au savoir renvoie également à l’usage des savoirs à transmettre durant une séance d’enseignement : la maîtrise, l’expérience que l’enseignant possède ou non de ces contenus, et la manière dont il les formule dans son esprit. Troisièmement, le rapport au savoir d’un enseignant renvoie à certaines dimensions se référant plutôt à la profession et la pratique pédagogique en général (domaines que nous considérions à l’époque comme faisant partie du contexte).

Selon nous, le rapport au savoir renvoyait alors, non seulement à l’ensemble des jugements, des images et des attentes portant sur l’école en général, la situation d’apprentissage, soi-même et les autres, mais aussi au rôle plus ou moins assumé de « sujet sachant » (Lacan, 1966, cité par Laot, 2009, p. 167) : pourvoyeur de savoir vs créateur du besoin de savoir (voir notre enseignante S1 plus haut) ; revendiquant une part faible vs forte de recherche et de questionnement dans la séance d’enseignement relatée ; évoquant des compétences de type pédagogique, didactique, psychologique ou encore philosophique pour enseigner efficacement les notions.

Au final, les détours par la subjectivité de chacun des enseignants interrogés ont permis d’entrevoir l’habitus structurant chaque pratique, sa singularité et, ainsi, les différences entre enseignants (Bourdieu, 1972 ; Perrenoud, 1996e). La question qui invitait à poursuivre la recherche était finalement : « quelles dimensions du rapport au savoir d’un enseignant peut expliquer la singularité de sa pratique ? »

Toutefois, la liste des dimensions du rapport au savoir à partir de laquelle nous avions produits ces premiers résultats (73 variables identifiées et difficiles à condenser) ne faisait encore aucun lien heuristique avec les pratiques observables des quinze enseignants interrogés. Nous avons donc proposé, avec Perrenoud (2009), un recoupement des variables en fonction de leur influence éventuelle sur l’action pédagogique, ce qui les a ramenées à un nombre de 13. « Chaque savoir spécifique pouvait prendre une valeur selon chaque dimension, se situant donc en un point d’un espace à n dimensions. Cependant, cela ne signifiait pas que ces caractéristiques avaient toutes une influence sur l’action pédagogique conçue et mise en œuvre pour enseigner le savoir spécifique considéré » (p. 1). Certaines valeurs de ces variables pouvaient en effet concerner certains problèmes didactiques et pédagogiques plus que d’autres. Perrenoud nous permettait ainsi de considérer deux nouveaux aspects dans la problématique : (a) la question du savoir spécifique et (b) si, et en

Tableau 7a - Types de rapports au savoir pouvant influencer la pratique, première liste Rapport …/… au savoir Influence sur la pratique pédagogique

Assuré/Discutable Si le savoir est discutable, faut-il l’enseigner ? Et si oui, faire état des incertitudes ou des controverses, au risque de

déstabiliser certains élèves ?

Intéressant/Sans intérêt Si le savoir n’intéresse pas l’enseignant, y intéresser les élèves sera plus difficile, à moins de s’en débarrasser rapidement.

Utile/Inutile Si nul ne peut dire à quoi sert ce savoir, il sera plus difficile de convaincre les élèves d’y prêter attention.

Important/Pas important Idem s’il apparaît peu important.

Amusant/Ennuyeux Si le savoir est ennuyeux, maintenir les élèves sur la tâche sera plus difficile.

Sympathique/Antipathique S’il est antipathique, il faudra combattre des réactions de rejet.

Rassurant/Angoissant Idem s’il est angoissant.

Satisfaisant/Frustrant S’il est frustrant (parce qu’inachevé, incertain, peu cohérent), le savoir peut déclencher des réactions négatives, mais parallèlement attirer les élèves qui cherchent des défis.

Mobilisateur/Démobilisateur Si le savoir donne envie d’agir ou de débattre, il sera plus facile à faire passer.

Facile/Difficile Un savoir difficile (par exemple : très abstrait) sera un défi pour les élèves en facilité, un obstacle pour les autres.

Vérifiable/Non vérifiable Si le savoir n’est pas vérifiable, il faut faire confiance à une autorité, aux experts.

Ouvert/Fermé Un savoir fermé est plus facile à gérer, mais moins créateur de nouvelles questions et d’une dynamique de recherche.

Beau/Laid La séduction de la forme et/ou du fond facilite l’entrée dans un savoir.

La stratégie a ensuite consisté à croiser cette liste avec une autre, constituée de composantes de la transposition didactique de l’enseignant comme la chronogenèse, la topogenèse, la schématisation, l’évaluation des acquis, l’institutionnalisation du savoir ou des mises éventuelles en débat (Perrenoud, ibid.). Cependant, la possibilité de récolter des résultats précis sur l’influence du rapport à un savoir particulier sur une composante spécifique de la transposition didactique nous a parue faible, et nous avons choisi de nous intéresser plutôt aux effets des dimensions du rapport au savoir sur un schéma pédagogique plus global. Les composantes de la transposition didactique demeuraient toutefois pertinentes et intéressantes à analyser, dans la mesure où elles étaient susceptibles d’illustrer de tels schémas.

Ainsi cette première exploration nous a-t-elle permis de fixer deux axes de recherche déterminants : (1) d’une part, il existerait de multiples dimensions du rapport au savoir (savoir peu à peu entendu comme énoncé formulé dans l’intersubjectivité et prétendant à la véracité objective), ce rapport étant lui-même lié au rapport ordinaire au monde du sujet,

c’est-à-dire à son habitus ; (2) d’autre part, en tant que système combiné de dispositions internes et de prises de position externes, on comprend que le rapport au savoir ne serait pas nécessairement un déterminant, mais une composante de la pratique susceptible de l’orienter, mais également de s’y exprimer (Beillerot, 2000 ; Bourdieu, 1972 ; Maulini, 2001 ; Perrenoud, 1996c, 1996e ;). Autrement dit, ces rapports au savoir d’enseignants sont susceptibles de conditionner en amont leurs schémas pratiques, mais aussi de se donner à voir en situation par le biais de leurs conduites. Ce constat a été déterminant pour notre seconde phase méthodologique : il nous fallait aller observer les pratiques réelles des enseignants,

c’est-à-dire à son habitus ; (2) d’autre part, en tant que système combiné de dispositions internes et de prises de position externes, on comprend que le rapport au savoir ne serait pas nécessairement un déterminant, mais une composante de la pratique susceptible de l’orienter, mais également de s’y exprimer (Beillerot, 2000 ; Bourdieu, 1972 ; Maulini, 2001 ; Perrenoud, 1996c, 1996e ;). Autrement dit, ces rapports au savoir d’enseignants sont susceptibles de conditionner en amont leurs schémas pratiques, mais aussi de se donner à voir en situation par le biais de leurs conduites. Ce constat a été déterminant pour notre seconde phase méthodologique : il nous fallait aller observer les pratiques réelles des enseignants,